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ORGANISMES DE BIENFAISANCE

Action des Chrétiens pour l'abolition de la Torture c. Canada

A-805-00

2002 CAF 499, juge Décary, J.C.A.

16-12-02

32 p.

Appel portant sur la révocation de l'enregistrement de l'Action des Chrétiens pour l'abolition de la Torture (l'ACAT) à titre d'organisme de bienfaisance au sens de l'art. 149.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR)--L'ACAT a été constituée en corporation en vertu de lettres patentes délivrées par l'Inspecteur des institutions financières du Québec-- L'objet de la constitution de l'ACAT est l'abolition de la torture partout dans le monde--Le ministre reconnaît l'ACAT comme un organisme de bienfaisance enregistré depuis le 16 septembre 1986--Le 21 novembre 2000, suite à de nombreux échanges et rencontres avec des représentants de l'ACAT, le ministre transmet à l'ACAT un avis d'intention de révoquer son enregistrement parce que le libellé des objets de l'ACAT pourrait lui permettre de poursuivre des fins de nature politiques--L'ACAT invite la Cour à décider que la noblesse et la reconnaissance nationale et internationale d'une cause défendue par un organisme de bienfaisance justifie l'emploi de moyens de pression qui, dans le contexte d'une cause socialement ou politiquement controversée, ne seraient pas acceptés parce qu'ils seraient assimilés à des activités politiques--La démarche que doit suivre le ministre lorsqu'il est appelé à enregistrer un organisme de bienfaisance, ou à révoquer l'enregistrement, a été expliquée dans Vancouver Society of Immigration and Visible Minority Women c. M.R.N., [1999] 1 R.C.S. 10--L'examen porte non seulement sur les activités de l'organisme, mais aussi sur les fins qu'il poursuit--En principe, l'organisme doit être constitué exclusivement à des fins de bienfaisance; il ne sera cependant pad disqualifié du seul fait qu'une des fins poursuivies n'en est pas une de bienfaisance; cette fin, en réalité, n'est qu'un moyen de réaliser les fins de bienfaisance; cette fin, autrement dit, ne constitue pas une fin en elle-même, mais serait une fin accessoire aux fins de bienfaisance plûtot qu'une fin parallèle--Il faut prendre en compte les activités exercées au moment de l'examen afin de voir si l'organisme n'a pas, depuis sa constitution, adopté d'autres fins qui ne seraient pas des fins de bienfaisance--L'organisme peut exercer des activités politiques dans la mesure où elles sont accessoires aux fin de bienfaisance et où elles ne représentent pas plus qu'un pourcentage, estimé à quelques 10% par le ministre, des activités globales de l'organisme--Les conclusions du ministre à l'effet que certaines des activités de l'ACAT constituaient des moyens de pressions politiques à l'égard d'autorités politiques sont essentiellement des conclusions de fait--La Cour siégeant en appel de la décision du ministre ne saurait intervenir à l'égard de ces conclusions que s'il y avait erreur manifeste--Aucune erreur n'a été démontrée-- Cependant, la qualification de ces moyens de pression en tant qu'activités politiques au sens de la jurisprudence et de la loi est une conclusion de droit qui appelle la norme de la décision correcte--En l'espèce, il s'agit de qualifier les activités de l'ACAT et de déterminer si le ministre à commis une erreur en faisant la qualification des activités--Exemples du genre d'activités contre lequel l'ACAT avait été mise en garde avant son enregistrement et qu'elle s'est résolument employée à exercer sitôt l'enregistrement obtenu--Le ministre a fondé sa décision de révoquer l'enregistrement sur le fait que ces autres activités étaient de nature politique--En droit, de la bienfaisance les meilleures intentions du monde ne suffisent pas et ensuite, bienfaisance et politique ne font pas bon ménage--C'est par souci de réalisme politique que les tribunaux et le Parlement ont développé ces concepts de fins politiques accessoires et d'activités politiques accessoires sans lesquels bon nombre des organismes de bienfaisance ne sauraient opérer--La jurisprudence s'est surtout préoccupée de fins politiques dans des cas où la fin recherchée était socialement ou politiquement controversée et exigeait à toutes fins utiles des changements de nature législative à l'égard desquels cela les tribunaux ne voulaient pas intervenir parce que cela les forcerait à prendre position et à ainsi compromet-tre leur impartialité--Au regard de la jurisprudence, l'exercice de pression morale sur des gouvernements est une fin ou une activité politique--Le Parlement du Canada a pris le soin d'ajouter à la LIR une disposition codifiant le droit commun jurisprudentiel permettant de résoudre de manière beaucoup plus certaine--L'art. 149.1(6.2) LIR a pour objectif d'une part de s'assurer que les organismes de bienfaisance ne pourraient d'aucune manière s'adonner à quelque activité partisane que ce soit, directement ou indirectement, et d'autre part de permettre aux organismes de bienfaisance de s'adonner, dans une proportion (établie en pratique à quelques 10%) à des activités accessoires non partisanes de leur choix--Les mots «activités politiques» visent toute tentative d'influencer un gouvernement ou un membre du gouvernement ou, là où il y a une démocratie, un membre du parlement dans des domaines où ces organismes ou personnes sont politiquement en mesure de donner suite aux pressions qu'ils subissent--L'exercice de pressions sur des gouvernements ou des membres du gouvernement par l'envoi de lettres et des cartes postales relativement à des questions d'actualité constitue une activité politique au sens large où l'entend l'art. 149(6.2)--Cette activité sera interdite à un organisme de bienfaisance si elle est partisane--Elle sera permise si elle n'est pas partisane à condition qu'elle ne soit pas devenue une fin en elle-même et pourvu qu'elle soit accessoire aux fins de bienfaisances poursuivies et qu'elle réponde à l'exigence de tolérance 10%--En l'espèce, les activités de l'ACAT sont des activités politiques, non partisanes, mais politiques --Les conclusions du ministre sont inattaquables et l'avis de révocation de l'enregistrement de l'ACAT à titre d'organisme de bienfai-sance est valide--Appel rejeté--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 149.1(1) «organisme de bienfaisance», 149.1(6.2).

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