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Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd.

A-208-94

juge McDonald, J.C.A.

18-8-94

20 p.

Appel de l'ordonnance déclarant le cabinet Burke-Robertson inhabile en qualité de procureurs de la demanderesse-Almecon allègue la contrefaçon de brevet dans deux actions distinctes intentées contre Nutron et Anchortek-Marcus Gallie, qui a déjà représenté la société Anchortek, travaille maintenant pour le cabinet Burke-Robertson et représente Almecon-Les deux parties défenderesses font valoir des moyens de défense similaires en invoquant la nullité du brevet-Les avocats de Nutron et d'Anchortek ont convenu de collaborer pour la préparation de leurs défenses respectives-Différentes discussions ont eu lieu entre les avocats de chaque défenderesse ainsi qu'entre le dirigeant d'Anchortek et l'avocat spécialisé en matière de brevets dont les services ont été retenus par le cabinet de Nutron- Nutron demande une déclaration d'inhabilité-Le juge de première instance a adopté le critère énoncé dans Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235 pour déterminer s'il existait un conflit d'intérêts de nature à rendre l'avocat inhabile à agir, savoir si le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée, serait convaincu qu'il ne sera fait aucun usage des renseignements confidentiels-Il a conclu: (1) Me Gallie a obtenu des renseignements confidentiels, grâce à des rapports d'avocat à client, qui concernent l'action intentée contre Nutron; (2) ces renseignements risquent d'être utilisés au détriment du client-Conclusion portant que les normes de conduite professionnelle sont compatibles avec le fait de reconnaître l'existence d'un rapport confidentiel visant les renseignements qui ont été échangés entre les procureurs des défendeurs-La présomption voulant que des renseignements confidentiels aient été transmis n'a pas été réfutée-Il s'agit de savoir si les principes énoncés dans l'affaire Martin, plus particulièrement l'inférence que des renseignements confidentiels ont été transmis à Me Gallie, s'appliquent en l'espèce, la défenderesse Nutron qui soulève la question de l'inhabilité n'étant pas une cliente de Me Gallie-Appel rejeté-Examen des causes limitant la portée des principes énoncés dans Martin aux situations dans lesquelles il existe des rapports directs entre l'avocat et le client-Plutôt que d'adopter une vision étroite des rapports d'avocat à client, il faut tenir compte de la nature confidentielle des rapports particuliers en cause-Les rapports professionnels entre les avocats de Nutron et d'Anchortek étaient fondés sur la présupposition que tous les renseignements communiqués demeureraient confidentiels et qu'ils ne pourraient être utilisés par les avocats sans l'autorisation des clientes-Situation différente de celle oú des renseignements confidentiels sont obtenus par voie d'entente entre des avocats représentant des intérêts opposés-Plusieurs décisions ont reconnu l'existence d'un lien juridique fondé sur une attente de respect du secret professionnel qui équivaudrait au lien existant entre l'avocat et son client-L'échange de communications entre les avocats d'Anchortek et de Nutron reposait sur leur confiance que ces renseignements ne seraient pas divulgués-Cet élément du secret professionnel était essentiel au maintien des rapports entre les parties qui, bien qu'ayant un intérêt commun, étaient représentées par des avocats différents-Bien qu'il n'ait pas existé de véritable rapport d'avocat à client, le concept des communications protégées formulé dans l'affaire Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821 s'applique-Le lien qui unissait les avocats de Nutron et ceux d'Anchortek était tel que la société Nutron pouvait être décrite comme une «cliente au sens large» des procureurs d'Anchortek-Les rapports existants autorisaient Nutron à s'attendre que tout renseignement fourni serait protégé par le secret professionnel de l'avocat-Dans les circonstances, il convenait d'inclure les «personnes qui s'étaient associées avec le client» dans la définition du terme «client»-Quant au risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client, il faut examiner les mesures prises par le cabinet pour prévenir toute divulgation-Le cabinet Burke-Robertson n'a fait aucun effort pour tenir Me Gallie à l'écart du dossier Almecon-Me Gallie a même aidé à la préparation de l'instruction-Il fallait bel et bien répondre à la deuxième question formulée dans l'affaire Martin par l'affirmative-L'arrêt Martin met également l'accent sur le souci d'éviter toute apparence d'irrégularité-Cet objectif vise à protéger à la fois les intérêts de la partie au litige et la confiance du public dans l'administration de la justice-Compte tenu des directives énoncées dans les codes de déontologie pertinents qui interdisent à un avocat d'agir contre un ancien client ou contre une personne qui était associée à ce client dans la même affaire ou dans une affaire connexe, il y a apparence d'irrégularité en ce qui a trait à la fois à la situation de Nutron et à l'obligation de Me Gallie envers son ancienne cliente-Le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée, ne serait pas convaincu qu'il ne sera fait aucun usage des renseignements confidentiels-Le droit de retenir les services de l'avocat de son choix doit être tempéré par le droit d'une partie opposée, qu'il s'agisse d'un ancien client ou d'une personne qui a mis sa confiance en l'avocat, de compter que l'avocat ne représentera pas une autre partie contre elle dans un litige connexe-Comme le souligne l'arrêt Manville Canada Inc. v. Ladner Downs (1993), 76 B.C.L.R. (2d) 273 (C.A.), la Cour suprême du Canada a imposé une norme très stricte aux avocats lorsqu'il y a un risque que des renseignements confidentiels confiés à un avocat ou à son cabinet puissent venir à la connaissance d'une personne ayant des intérêts opposés-La portée du critère formulé dans Martin ne se limite pas aux personnes entre lesquelles il existe des rapports d'avocat à client-Dans les cas oú un lien antérieur a une connexité très nette avec le mandat de l'avocat, il est possible que le critère énoncé dans l'affaire Martin s'applique-La question d'un conflit d'intérêts de nature à rendre un avocat inhabile soulève une question de principe prépondérante en ce qui a trait au caractère confidentiel des renseignements transmis à l'avocat-La société Nutron était en droit de s'attendre que les communications échangées entre ses avocats et ceux de la société Anchortek seraient protégées par le secret professionnel des avocats entre Nutron et Me Gallie, l'ancien procureur d'Anchortek-- Malgré l'absence d'un rapport direct d'avocat à client entre Nutron et Me Gallie, la nature des liens professionnels entre les deux cabinets était déterminante-Le juge de première instance a eu raison d'appliquer la présomption voulant que des renseignements confidentiels aient été transmis et de conclure que cette inférence n'avait pas été réfutée.

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