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Canada ( Procureur général ) c. Grover

T-1945-93 / T-775-94

juge Cullen

4-7-94

24 p.

Demande d'annulation de décisions d'un tribunal des droits de la personne, de jugement déclaratoire portant que le Tribunal est functus officio -- L'intimé Grover est un scientifique né en Inde -- Il est professeur agrégé, spécialisé en optique, au CNR -- Il jouit de la considération de ses pairs au niveau international -- Il a déposé une plainte concernant des actes discriminatoires visés à l'art. 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et fondés sur sa race, sa couleur et son origine nationale -- Dit qu'il a été privé de la possibilité d'obtenir un poste de direction et de l'avancement, et privé de responsabilités en tant que chercheur -- Le Tribunal a conclu que la plainte de Grover était fondée et rendu une ordonnance réparatrice -- Selon cette ordonnance, le CNR devait entre autres le nommer à un poste approprié -- La question principale dont la Cour est saisie découle de l'exécution de la partie de l'ordonnance susmentionnée -- Le Tribunal a rendu une ordonnance portant que, pour le cas oú le CNR opposerait une résistance, il réservait sa compétence afin d'entendre d'autres témoins -- Le CNR a nommé Grover au poste de chef de groupe, mais ce dernier s'est dit insatisfait -- Le CNR a soutenu que la nomination était conforme à l'ordonnance et qu'en conséquence, le Tribunal n'était pas compétent pour réexaminer la question -- Le Tribunal a rencontré chaque partie en privé sans les avocats dans le but de régler les différends restés sans solution -- Puis, il a rencontré les parties en présence des avocats -- Ces efforts pour trouver une solution ont été vains -- Le Tribunal a délivré un avis de reprise d'audience -- Le CNR a élevé un déclinatoire, faisant valoir que le Tribunal était functus officio -- Requête rejetée -- Le Tribunal a estimé qu'une fin de non-recevoir est opposable au CNR ou qu'il doit être considéré comme étant de mauvaise foi car ni lui ni les autres parties n'ont laissé entendre auparavant que, si le résultat du processus informel ne les satisfaisait pas, ils soutiendraient que le Tribunal était functus officio -- Le Tribunal a examiné à fond les arguments du CNR sur la question de savoir s'il était functus officio et sur la compétence -- Le Tribunal a invoqué les pouvoirs généraux en matière de réparation attribués à la Commission par la LCDP -- Il a conclu que Grover n'a pas été nommé à un poste approprié -- Il a précisé ce qu'il entendait par un poste approprié -- Le procureur général a soutenu que le Tribunal était functus officio, qu'il n'a pas observé un principe de justice naturelle en agissant en qualité de juge des faits et de témoin, et que la décision selon laquelle Grover n'a pas été nommé à un poste approprié est nulle car elle est fondée sur une erreur de droit et de fait -- Il a affirmé que seul un conciliateur pouvait rencontrer les parties en privé et recueillir des renseignements ex parte, et qu'une telle conduite est incompatible avec les fonctions quasi judiciaires du Tribunal -- Il a affirmé que la question de savoir si les parties ont consenti à cette démarche n'était pas pertinente par rapport à la question de la compétence -- Il a affirmé que le président du Tribunal s'était vexé quand la question du principe functus officio a été soulevée et qu'il avait fait des remarques désobligeantes à l'avocat du CNR -- La crainte raisonnable de partialité a anéanti toute possibilité d'enquête équitable -- Il a soutenu que le Tribunal n'est pas habilité à réserver sa compétence après avoir rendu son ordonnance, l'exécution de celle-ci relevant de la Cour fédérale -- Le Tribunal a affirmé ne pas avoir rendu de décision définitive en rendant son ordonnance initiale car le CNR faisait alors l'objet d'une restructuration -- Les intimés ont soutenu qu'il fallait que le Tribunal ait le pouvoir de clarifier ses propres ordonnances réparatrices s'il doit être en mesure de remplir son mandat qui consiste à indemniser intégralement les victimes de discrimination -- Ils ont soutenu que le président n'avait pas joué le rôle de témoin à l'audience, que l'audience n'a pas eu un caractère inéquitable -- Aucune disposition expresse de la Loi n'autorise la réouverture de l'enquête, mais l'art. 53(2) investit le Tribunal de larges pouvoirs en matière de réparation -- Il faut interpréter la législation sur les droits de la personne d'une manière large: arrêt Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84 -- L'indemnité pécuniaire n'est que l'une des réparations possibles -- La réintégration d'un employé est une réparation qui est intrinsèquement difficile à mettre en application -- Nécessité d'une surveillance -- Il est souhaitable que le Tribunal donne des directives -- Comme la Loi prescrit que la réparation accordée soit efficace, il faut que le tribunal soit habilité à voir à ce que ses ordonnances soient vraiment exécutées -- L'art. 53(2) doit être interprété comme incluant le pouvoir de réserver la compétence car refuser ce pouvoir irait à l'encontre du but de la législation qui est réparatrice -- Ce serait contrecarrer cet objectif que d'obliger le plaignant à demander l'exécution d'une ordonnance devant la Cour fédérale -- Selon l'arrêt Murphy c. Canada (Arbitre désigné en vertu du Code du travail), [1994] 1 C.F. 710 (C.A.), un arbitre désigné en application du Code canadien du travail a le pouvoir de réserver sa compétence quant aux questions de réparation -- Le seul critère d'application du principe functus officio est celui de savoir si l'on peut dire que l'arbitre a tranché la plainte de façon définitive -- En l'espèce, le Tribunal n'a pas statué de façon définitive sur la plainte car il a prévu que le CNR pourrait opposer une résistance à l'exécution de l'ordonnance -- L'ordonnance est imprécise, bien que les compétences de Grover aient trait à un domaine hautement technique, ce qui semble indiquer que le Tribunal voulait que les parties arrêtent entre elles les détails du poste -- Même si le Tribunal a commis une erreur en affirmant que les parties avaient donné leur consentement, ce n'était que l'un des facteurs dont il a tenu compte dans son analyse du droit concernant l'application du principe functus officio -- Bien que la procédure suivie par le Tribunal, la rencontre des parties en privé, soit exceptionnelle et risquerait de légitimer des accusations de partialité, les efforts faits en l'espèce pour concilier les parties ne justifient pas l'annulation de sa décision -- Le Tribunal est assujetti à une norme de procédure moins stricte qu'un tribunal judiciaire -- En cherchant à concilier les parties, le Tribunal n'a pas compromis l'équité de l'instance -- Il n'a pas commis d'erreur de droit en concluant que le principe functus officio ne s'appliquait pas -- Les remarques du président au sujet de la conduite de l'avocat n'ont pas entraîné de privation du droit à une audition impartiale -- Demandes rejetées -- Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 7, 53(2) -- Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2.

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