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Huet c. Canada

T-834-90

juge Noël

30-6-94

18 p.

Appel par voie de procès de novo des cotisations portant sur les années d'imposition 1981, 1982, 1983, 1984 et 1985 du demandeur-Le contribuable est un pêcheur de la Gaspésie qui a vendu son bateau de pêche en janvier 1981 et décidé de placer l'argent provenant de cette vente dans des dépôts à terme-Il a acheté de la compagnie d'assurance-vie La Sauvegarde un contrat de rentes à versements invariables mais a décidé d'attendre au début de 1982 pour passer l'entente définitive-Le 12 novembre 1981, le ministre des Finances a annoncé à la Chambre des communes qu'il supprimait les reports d'impôts permis par les rentes à versements invariables et les réserves de gains en capital-Un mois plus tard, il a déclaré qu'il permettrait la déduction des contrats pour lesquels des dispositions écrites avaient été prises avant le 12 novembre 1981-Malgré l'annonce budgétaire, le demandeur a acquis une rente au début de 1982, et en déduisit le coût d'achat pour son année d'imposition 1981-Le ministre du Revenu national a refusé la déduction du coût d'achat de ladite rente pour l'année d'imposition 1981 et a réajusté en conséquence le revenu déclaré par le demandeur pour ses années d'imposition 1982, 1983, 1984 et 1985-Le pouvoir qu'a le Parlement canadien d'imposer des mesures fiscales à caractère rétroactif ne semble faire aucun doute-Depuis l'arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271, les tribunaux canadiens ont à plusieurs reprises réitéré la légalité de telles mesures-Dans l'arrêt Air Canada c. Colombie-Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161, la Cour suprême du Canada a reconnu que le législateur pouvait rendre valide rétroactivement une loi fiscale qui était ultra vires-Les tribunaux ont fidèlement suivi les enseignements de la Cour suprême qui découlent des arrêts Gustavson et Air Canada, et ce, malgré la mise en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés-Depuis l'arrêt Le Procureur général du Québec c. Irwin Toy Limited, [1989] 1 R.C.S. 927, il est clairement établi que l'art. 7 de la Charte ne protège pas les droits économiques généralement couverts par la notion de propriété, qui sont en jeu en matière fiscale-L'argument fondé sur l'art. 1a) de la Déclaration canadienne des droits doit aussi être rejeté-Une loi fiscale rétroactive ne donne pas lieu à une application non régulière de la loi comme l'entend a contrario l'art. 1a) de la Déclaration-L'argument du demandeur fondé sur la primauté du droit implique que ce sont les lois qui sont garantes des droits et libertés et qui doivent en tout temps déterminer les droits et obligations de chacun-C'est le processus budgétaire qui crée de l'incertitude quant au droit applicable-Ce processus a comme effet pratique de créer un vide juridique et est susceptible de porter une atteinte sérieuse au principe de la primauté du droit surtout lorsqu'il est accompagné d'un longue période d'attente-Il est cependant douteux que la Charte permette aux tribunaux de s'ingérer dans le processus budgétaire-Le processus budgétaire et son déroulement devant le Parlement s'inscrivent dans le cadre des privilèges parlementaires-Ces privilèges ne possèdent un fondement constitutionnel que dans la mesure oú ils sont nécessaires à la bonne marche des activités parlementaires-Le demandeur soutient que le délai de seize mois entre l'énoncé budgétaire et la sanction des lois devant y donner effet est excessif et va bien au-delà de celui qui était nécessaire à la Chambre pour assurer son bon fonctionnement-Même s'il y a un accroc sérieux au principe de la primauté du droit, cela ne peut autoriser les tribunaux à s'immiscer dans le processus parlementaire-Ce qui est en cause ici, c'est l'exercise particulier dans le temps d'un privilège valide qui ne saurait faire l'objet d'un contrôle judiciaire-Appel rejeté-Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7-Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III, art. 1a).

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