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Hsu ( Re )

T-2297-93

juge Joyal

2-9-94

14 p.

Appel de la décision rejetant une demande de citoyenneté au motif que le demandeur n'avait pas satisfait à l'art. 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté qui exige que le demandeur ait été résident du Canada pendant trois des quatre années précédant sa demande de citoyenneté-L'appelant avait déposé une demande de visa canadien au titre de la catégorie des entrepreneurs, se voyant accorder en 1989 le statut d'immigrant reçu au Canada-Il fonde un cabinet de consultants-Son entreprise exigeait de fréquents déplacements à l'étranger-L'appel est rejeté-In re Papadogiorgakis et in re la Loi sur la citoyenneté, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), décision selon laquelle la règle de la résidence n'est pas, pour les immigrants reçus, la voie royale de la citoyenneté canadienne leur permettant d'obtenir la citoyenneté malgré la brièveté de leurs séjours au Canada-La citoyenneté est souvent refusée à des requérants dans les cas oú ce que l'on peut appeler les indices de résidence ont paru plus près de la lettre de la Loi que de son esprit, ou si bien combinés qu'ils donnent l'apparence d'un habile montage-Un examen critique de la jurisprudence porte à croire que la règle posée dans l'affaire Papadogiorgakis a été étendue au point de dépasser aussi bien le sens que l'objectif du texte de Loi-Le juge Muldoon dans l'affaire Hui, Re (1994), 75 F.T.R. 81, a passé en revue toute la gamme des interprétations jurisprudentielles de la règle de la résidence, relevant le besoin de voir la Cour affirmer à nouveau sur ce point une approche plus textuelle dans l'interprétation des dispositions de la Loi-Il s'en tient vigoureusement à l'idée que c'est, pour un juge, usurper un rôle qui n'est pas le sien que d'interpréter la Loi sur la citoyenneté d'une manière manifestement non conforme à l'intention du législateur, qui a voulu qu'un candidat à la citoyenneté ait résidé au Canada au moins trois ans au cours des quatre dernières années-Le juge Muldoon estime qu'en adoptant ces règles auxquelles est soumis l'octroi de la citoyenneté, telle la règle de la résidence, l'exigence d'une connaissance satisfaisante de l'une des langues officielles du Canada et une certaine connaissance du gouvernement et des institutions politiques du Canada, le législateur a voulu que la reconnaissance de la citoyenneté canadienne ne soit pas une simple formalité-Il se livre à une interprétation stricte des textes, ce qui lui semble être une interprétation justifiable et correcte de la volonté du législateur-Cela dit, la formule retenue dans l'affaire Papadogiorgakis se justifiait aussi puisqu'elle est conforme à la jurisprudence constante de la Cour pendant seize années-Une fois décidé qu'il était possible de donner à la notion de résidence un sens plus large, on a beaucoup individualisé l'analyse des séjours hors du Canada, ce qui a imposé aux tribunaux de peser l'ensemble des circonstances propres à une affaire et de trancher en fonction de leur appréciation des faits-L'interprétation stricte de la règle de la résidence permet donc de résoudre bon nombre de problèmes (la résidence devenant ainsi fonction d'une sorte d'arithmétique), mais cette méthode de l'interprétation stricte inspire certaines réserves-La Cour a interprété la règle avec bienveillance en essayant de l'adapter aux besoins des requérants qui, pour diverses raisons, étaient obligés de s'absenter du Canada pour des périodes assez longues, cela étant le cas, par exemple, des étudiants qui effectuent leurs études à l'étranger ou des entrepreneurs qui doivent consacrer du temps à la liquidation des entreprises montées dans leur pays d'origine, ou encore des techniciens engagés par contrat à servir dans les champs pétrolifères du Moyen-Orient ou de l'Indonésie, ainsi que des spécialistes de l'aide internationale travaillant pour SUCO-On a pu, en interprétant avec souplesse la règle de la résidence, corriger un peu les exigences très strictes en matière de présence effective au Canada-Cela a également permis aux intéressés d'atténuer certaines pertes économiques, d'assurer leur survie financière et d'améliorer leurs perspectives professionnelles, autant d'aspects de l'existence et des aspirations humaines, éléments d'ailleurs parfaitement conformes aux valeurs canadiennes reconnues par la Loi sur la citoyenneté qui leur consacre son art. 5-Toute démarche tenant plus étroitement compte des circonstances particulières de chacun entraînera un certain nombre de contradictions, mais le correctif à appliquer n'est pas celui de l'interprétation stricte-Beaucoup d'immigrants apportent avec eux des capitaux, ainsi que l'expérience, le savoir, l'expertise et la connaissance du monde qu'ils véhiculent, et la reconnaissance de la citoyenneté revêt pour ces gens-là une importance égale à celle qu'elle a pour les personnes à qui leur occupation ou leur formation ne permet pas aussi facilement de se déplacer à l'étranger-Le pouvoir discrétionnaire du ministre de passer outre, pour des motifs d'ordre humanitaire, aux exigences de résidence fixées par la Loi, ne résout pas entièrement le problème-L'appelant a investi des sommes considérables dans une entreprise constituée au Canada, dont le bureau chef est installé à Montréal; il a des fonds considérables déposés auprès de banques canadiennes, et il possède un luxueux appartement à Vancouver en plus de l'appartement qu'il loue à Montréal-Le gros de ses activités commerciales s'exercent à Taïwan et à Hong Kong-La société de l'appelant a payé au Canada des impôts sur son chiffre d'affaires-L'appelant a acquitté des impôts sur des sommes considérables provenant de ses activités et de ses investissements-Tout cela est conforme aux principes qui sous-tendent la catégorie des entrepreneurs au titre duquel il a obtenu le droit d'établissement au Canada, parfaitement en accord aussi avec la politique déclarée du Canada qui est d'attirer les personnes capables d'apporter aussi bien des capitaux que des connaissances-Il faut, pour juger de l'importance de son attachement au Canada, aller au-delà des critères habituels que sont le lieu de domicile, le permis de conduire, l'appartenance à telle ou telle organisation-Dès son arrivée, l'appelant a établi une résidence à Montréal-Entre 1989 et 1992, il a passé plus de temps à l'étranger qu'au Canada-Les principaux éléments favorables à sa thèse sont le fait qu'il a obtenu le droit de s'établir au Canada à titre de membre de la catégorie des entrepreneurs, qu'il a apporté au Canada d'importantes sommes d'argent, qu'il a acheté une propriété au Canada, qu'il y a créé une compagnie canadienne et que lui et sa compagnie produisent des revenus dont les impôts servent à alimenter les caisses de la nation-Mais le fait qu'il ait transféré de l'argent au Canada et le fait que dans le cadre de sa compagnie il ait organisé une activité commerciale, constituent des éléments plus pertinents à l'octroi du droit d'établissement qu'à celui de la citoyenneté canadienne-De nombreux non-résidents ont placé de l'argent au Canada et le revenu de ces placements est soumis à la fiscalité canadienne-On ne relève pratiquement aucun lien entre le Canada et l'entreprise de l'appelant-On est porté à conclure qu'eu égard aux circonstances, sa résidence était en partie une question de «commodité»-Aucun indice de ces activités personnelles, sociales, communautaires, ou institutionnelles, susceptible de faire pencher la balance-Le poids de ce côté de l'équation ne parvient pas à compenser la durée et le nombre des absences de l'appelant au cours de la période d'attente, ni le fait qu'il ait très peu participé, que ce soit de manière directe ou indirecte, à la vie canadienne-Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 5.

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