Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Poste c. Canada ( Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration )

IMM-4601-96

juge Cullen

22-12-97

25 p.

Demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agent des visas a refusé la demande de résidence permanente au Canada du requérant au motif que la famille de celui-ci risquait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux au Canada parce que son fils tombait dans la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'art. 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration-Le fils du requérant (maintenant âgé de 20 ans) est atteint de déficience mentale-Il est admissible à une pension d'invalidité du gouvernement australien, même s'il réside à l'extérieur de l'Australie-Le requérant a soumis les résultats d'examens médicaux-À la demande des autorités canadiennes, le requérant a fourni des renseignements supplémentaires, dont deux rapports d'évaluation du Dr Rickard concernant les aptitudes générales de son fils-Le requérant a également obtenu le rapport d'un orthophoniste et le rapport d'un neurophysiothérapeute-Ces deux rapports indiquent que les capacités d'expression du fils du requérant sont raisonnablement bien développées et correspondent à celles d'un enfant âgé de 8 à 12 ans, ce qui contraste avec le rapport du Dr Rickard, qui indique que les capacités de celui-ci correspondent à celles d'un enfant âgé de 5 à 7 ans et demi-Ces rapports indiquent également que le fils du requérant semble posséder un certain nombre de compétences liées aux activités quotidiennes et qu'il serait vraisemblablement en mesure de vivre en hébergement supervisé au sein de la communauté-Sur la foi du rapport du Dr Rickard, sans renvoyer au rapport de l'orthophoniste ni à celui du neurophysiothérapeute, le médecin agréé a donné un avis médical selon lequel le fils du requérant était atteint de déficience mentale légère et qu'il aurait besoin de nombreux services sociaux coûteux et limités-L'avis médical concluait que ce dernier ne satisfaisait pas aux exigences médicales d'admission au Canada-1) L'avis du médecin agréé était-il raisonnable dans les circonstances?; 2) L'agent des visas était-il tenu d'évaluer le caractère raisonnable de l'avis médical et, dans l'affirmative, la preuve qui lui a été soumise justifiait-elle son évaluation?-L'art. 19(1)a) empêche l'admission des personnes qui souffrent d'une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut que leur admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé-Demande accueillie-L'agent des visas est tenu d'examiner le caractère raisonnable de l'évaluation des médecins non pas pour des raisons d'ordre médical, mais à cause d'une irrégularité apparente au dossier-La question était de savoir si, d'après le dossier qui lui était soumis, l'agent des visas avait des motifs de mettre en doute le caractère raisonnable de l'avis médical-Rien dans la preuve n'indique que les médecins agréés se sont informés des types de services sociaux qui seraient réellement nécessaires concernant précisément la situation du fils du requérant-Il est difficile de voir comment les médecins agréés ont pu conclure à un «fardeau excessif pour les services sociaux» vu la preuve qui leur avait été soumise sur la possibilité de recours aux services sociaux, les services sociaux particuliers susceptibles d'être requis, le cas échéant, les dépenses liées à ces services étant donné la compensation de la pension d'invalidité australienne du fils du requérant, et la qualité du soutien familial dont jouit celui-ci-Aucune preuve n'établit que les médecins agréés se sont interrogés sur la question du fardeau excessif en ce qui a trait spécifiquement au fils du requérant-Au contraire, la preuve semble indiquer que les médecins agréés n'ont envisagé que le fardeau imposé aux services sociaux par les handicapés mentaux en général-Les médecins agréés sont tenus d'évaluer la situation de chaque personne qui se présente devant eux en fonction de son caractère unique-Ils sont maintenant tenus de par la loi de donner une opinion sur le fardeau susceptible d'être imposé aux services sociaux-Il ne suffit pas qu'un médecin agréé donne une opinion sur ce fardeau en général-L'opinion doit être ancrée fermement sur la situation personnelle de la personne en cause et l'ensemble des circonstances de l'espèce, dont le degré de soutien de la famille et son engagement envers la personne, ainsi que les ressources particulières de la collectivité-Autrement, il est fait abstraction d'une preuve convaincante, et les opinions concernant le fardeau imposé aux services sociaux ne sont plus fondées et ne peuvent être confirmées par la Cour-Bien qu'il n'appartienne pas à la Cour de substituer son opinion à celle d'experts médicaux, elle doit s'assurer qu'il est satisfait aux exigences prévues par la loi-En l'espèce, il n'a pas été satisfait à l'exigence prévue dans la loi selon laquelle une évaluation individuelle doit être tenue-L'opinion des médecins agréés n'était pas valide aux termes de l'art. 19(1)a)(ii)-Il s'agit là d'une erreur de droit qui justifie une intervention judiciaire-L'agent des visas disposait d'assez d'éléments de preuve pour mettre en doute le caractère raisonnable de l'avis des médecins agréés sur la qualité et la quantité des services sociaux requis, relativement à la question du fardeau excessif-Vu que les médecins agréés ont fait abstraction d'une preuve concluante et tiré une conclusion non fondée dans leur avis, l'agent des visas a commis une erreur en appliquant cet avis invalide-Immigration Canada a demandé au requérant de lui fournir trois rapports d'experts sur son fils-La décision concernant la non-admissibilité du fils du requérant pour des raisons d'ordre médical a été rendue uniquement sur la foi d'un des rapports soumis, soit le moins favorable-Il y a une possibilité que les fonctionnaires d'Immigration Canada aient refusé de tenir compte des deux autres rapports demandés au requérant, soit les plus favorables-Lorsqu'un organisme gouvernemental tel qu'Immigration Canada demande des renseignements à une personne, il est tenu de les examiner lorsqu'il les reçoit-Cela est particulièrement vrai dans le cas oú les renseignements demandés consistent en une opinion d'expert, qui demande beaucoup de temps et qui coûte cher-Si une décision contraire aux renseignements demandés est rendue, son auteur doit au moins mentionner les renseignements contraires et motiver son rejet-Rien n'indique qu'un examen sérieux des documents favorables a été fait-Il n'y a pas apparence de justice-Pour ce qui est du requérant, les décideurs ont manqué à leurs devoirs élémentaires d'équité procédurale et de justice naturelle-La conclusion selon laquelle une personne appartient à la catégorie la plus élevée de nonadmissibilité pour raisons d'ordre médical est très grave et la preuve doit l'étayer-L'agent des visas ne doit pas simplement accepter une décision de non-admissibilité pour raisons d'ordre médical de la part d'un médecin agréé comme justification du rejet d'une demande de résidence permanente d'un requérant-Une telle pratique donne en fait aux médecins agréés carte blanche pour décider qui peut immigrer au Canada-La décision finale revient à l'agent des visas, qui a le devoir d'évaluer l'ensemble des circonstances de l'espèce-Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1)a).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.