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[2016] 1 R.C.F. F-1

Peuples autochtones

Terres

Appel et appel incident interjetés à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2012 CF 1474) qui a conclu que le Canada ne s’est pas acquitté de son obligation de consulter relativement à la vente du casernement Kapyong à une société d’État non mandataire — Le casernement est situé sur une terre que les intimées ont prétendu avoir le droit d’acheter en priorité par rapport à d’autres acheteurs — La Cour fédérale a conclu que le Canada avait l’obligation de consulter quatre des intimées et qu’il avait fait défaut de s’acquitter de cette obligation — La Cour fédérale a jugé qu’il n’existait pas d’obligation de consulter à l’égard de deux des intimées, soit la Première nation Sagkeeng (Sagkeeng) et la Première nation Ojibway de Sandy Bay (Sandy Bay) — Ces intimées ont interjeté un appel incident à l’encontre de cet aspect du jugement — Selon le Traité nº 1, signé en 1871, certaines Premières nations du Manitoba avaient droit à 160 acres de terre par famille de cinq — Le Canada a fait défaut de respecter cette disposition — Le Canada n’a pas pris de mesures concrètes en vue de rectifier son manquement à la disposition du Traité nº 1 avant les années 1990 — Le Canada a conclu des ententes sur les droits fonciers issus des traités (EDFIT) avec le Manitoba et quatre des intimées — Le Canada n’a pas reconnu la revendication territoriale de Sagkeeng, car celle-ci n’est toujours pas réglée — Le Canada a également rejeté la revendication de Sandy Bay au motif qu’elle a déjà été réglée — Les EDFIT conclues avec deux des intimées, la Première nation de Long Plain et la Première nation de Swan Lake, prévoient qu’une certaine somme d’argent sera versée aux intimées pour l’achat de terres — Les EDFIT conclues avec deux autres intimées sont plus précises — Dans le cas de la Première nation Anishinabe de Roseau River, l’entente prévoit que celle-ci peut acheter à leur juste valeur marchande des terres administrées et contrôlées par le Canada qu’il est disposé à rendre disponibles — Dans le cas de la EDFIT de la Première nation de Peguis, cette dernière peut sélectionner une superficie donnée de terres de la Couronne provinciale, y compris des terres fédérales excédentaires — En avril 2001, le ministère de la Défense nationale a annoncé la fermeture de la base militaire du casernement Kapyong — La Première nation de Long Plain a exprimé son intérêt à l’égard du casernement — Cependant, le casernement a été classé comme étant « stratégique » en vertu d’une politique du Conseil du Trésor (Politique du CT), ce qui signifiait que le casernement n’était plus offert en priorité aux quatre intimées — À titre de bien « stratégique », le casernement devait être évalué et transféré à la Société immobilière du Canada (SIC), une société d’État non mandataire, en vue de l’aliéner à des tiers — Le Conseil du Trésor a approuvé la vente du casernement à la SIC — La Politique du CT a par la suite été modifiée en vue d’y inclure une nouvelle exigence, soit celle que l’aliénation de biens « stratégique » soit assujettie à « une évaluation exhaustive des intérêts du gouvernement fédéral et des autres intervenants » — Il s’agissait de savoir si la décision de la Cour fédérale devrait être maintenue — La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant que le Canada n’avait pas d’obligation de consulter envers la Première nation Sagkeeng et la Première nation Ojibway de Sandy Bay — Quant au contenu et la portée de l’obligation du Canada de consulter les quatre intimées, les EDFIT, vues dans leur contexte historique, révèlent un désir, une intention et un engagement authentiques et de bonne foi de la part du Canada de participer au processus visant à rectifier la promesse non respectée du Traité nº 1 au fil du temps — Le Canada devait par conséquent faire connaître ses intentions concernant son bien aux parties qui, à sa connaissance, avaient un intérêt à acquérir ledit bien, leur fournir des renseignements pertinents, leur donner l’occasion de faire connaître leurs intentions et tenir compte soigneusement de leurs propositions — Compte tenu du contexte plus large qui sous-tend les EDFIT (en particulier, leur objectif d’honorer la promesse non tenue du Canada en vertu du Traité nº 1) et étant donné les obligations plus étendues d’agir honorablement, de traiter équitablement et de consulter les Premières Nations, le silence sur la question de la consultation dans les ententes ne devrait pas être considéré comme une déclaration positive que la consultation en l’espèce avec les quatre intimées était limitée — Dans ces circonstances, l’obligation du Canada n’était pas limitée à informer les intimées de la vente du casernement — La Cour fédérale a donc eu raison de dire que l’obligation du Canada allait au-delà du seuil minimal de consultation — Afin de déterminer s’il convient de vendre les terres et à qui, le Canada doit établir une communication étroite et cohérente avec les quatre intimées, leur donner les renseignements pertinents en temps opportun, répondre aux questions pertinentes, examiner attentivement leurs préoccupations, déclarations et propositions bien éclairées, respecter les dispositions pertinentes dans les EDFIT et les informer des mesures finales qu’il entend adopter et les raisons de telles mesures — En pareilles circonstances, tant et aussi longtemps que la consultation demeure valable, le Canada n’a aucune obligation de parvenir à une entente avec les quatre intimées — En l’espèce, le Canada ne s’est pas acquitté de son obligation de consulter définie ci-dessus pour de nombreuses raisons — Entre autres, le traitement réservé par le Canada aux préoccupations soulevées par les intimées n’est pas à la hauteur de l’étendue de l’obligation de consulter — Toutefois, contrairement à ce qu’en a pensé la Cour fédérale, cette attitude ne doit pas être considérée comme « flagrante » — La Cour fédérale a interdit au Canada l’aliénation du casernement à la SIC ou à quelqu’un d’autre jusqu’à ce qu’il puisse respecter son obligation de consulter — Aucun fondement de principe ni rien dans les faits en l’espèce ne justifiait la Cour fédérale de rendre une ordonnance interdisant l’aliénation du casernement et une ordonnance de surveillance — En ce qui concerne l’ordonnance interdisant l’aliénation du casernement, nul ne peut prétendre que le Canada n’obéira pas à la lettre et à l’esprit de la décision de la Cour — Quant à l’ordonnance de surveillance, de telles ordonnances constituent « des mesures de dernier recours, qui doivent être utilisées contre les gouvernements qui refusent d’assumer [...] leurs responsabilités » — Il serait difficile d’affirmer que le Canada a refusé d’assumer ses responsabilités en l’espèce — De plus, les intimées n’ont pas demandé spécifiquement d’ordonnance de surveillance, et la Cour fédérale n’a pas informé les parties qu’elle envisageait de rendre une telle ordonnance — L’ordonnance interdisant l’aliénation du casernement et l’ordonnance de surveillance sont cassées — Appel accueilli en partie; appel incident rejeté.

Canada c. Première nation de Long Plain (A-34-13, 2015 CAF 177, juge Stratas, J.C.A., jugement en date du 14 août 2015, 53 p.)

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