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[2016] 4 R.C.F. F-5

Brevets

Pratique

Contrôle judiciaire d’une décision du commissaire aux brevets qui a conclu que le demandeur n’avait pas répondu à temps à une réquisition parce qu’il avait envoyé de la correspondance par XpresspostMC, et non par le service de courrier recommandé de Postes Canada — Par conséquent, la demande de brevet du demandeur a été exclue de l’instance en conflit des priorités; les revendications en conflit ont été considérées comme ayant fait l’objet d’un désistement et ne seront pas prises en considération lorsque les brevets seront accordés pour ces revendications — La Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 (la Loi) a été modifiée de façon importante en 1989 — Le système canadien d’attribution des brevets a remplacé le principe du « premier inventeur » par celui du « premier déposant » — L’ancienne Loi sur les brevets (l’ancienne loi) (antérieure au 1er octobre 1989) s’appliquait au brevet qui faisait l’objet de la présente demande — Le demandeur a envoyé par XpresspostMC, le jour même de la date d’échéance, de la correspondance qui contenait des preuves par affidavit qui devaient être envoyées dans le cadre d’une instance en conflit en vertu de l’ancienne loi — Le commissaire a jugé que la livraison par XpresspostMC ne constituait pas une livraison par courrier recommandé et que le courrier n’était donc pas reçu tant et aussi longtemps qu’il n’était pas arrivé physiquement au bureau, soit quatre jours après la date d’échéance — Le service de courrier recommandé de Postes Canada constitue l’établissement désigné par le commissaire aux brevets pour recevoir la correspondance comme si elle avait été livrée physiquement au commissaire — En 1979, la demanderesse a déposé la demande de brevet canadien no XXX497 (la demande ‘497), mais aucun brevet n’avait encore été délivré — Le demandeur a été informé en vertu de l’art. 43(2) de l’ancienne loi qu’il y avait un conflit entre la demande ‘497 et 12 demandes en instance — Le délai pour déposer la preuve a été établi dans la procédure; l’échéance a été prorogée à deux reprises — La dernière échéance pour le dépôt de la preuve en vertu de l’art. 43(5) de l’ancienne loi a été prorogée jusqu’au 24 juillet 2014 — L’agent des brevets du demandeur a apporté la preuve au bureau de Postes Canada le jour où prenait fin l’échéance prorogée (le 24 juillet 2014) afin de l’envoyer par courrier recommandé au commissaire conformément au paragraphe 5(4) des Règles sur les brevets, DORS/96-423 (les Règles) — Comme le poids du paquet dépassait la limite de poids pour le courrier recommandé, l’agent de brevets a envoyé la preuve en utilisant le service XpresspostMC de Postes Canada — La preuve a été physiquement reçue par le commissaire au bureau de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) le 28 juillet 2014 — Après avoir conclu que le demandeur n’avait pas répondu à la demande dans les limites de temps prescrites, le commissaire a retiré les revendications du demandeur de l’instance en conflit, puisque le demandeur avait été réputé avoir abandonné lesdites revendications — Le commissaire a par la suite refusé de réexaminer la décision antérieure, refusant la demande de rétablissement dans l’instance en conflit — Il s’agissait de savoir quelle était la norme de contrôle applicable en l’espèce; si la Cour a été saisie à bon droit de la demande conformément à l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7; en cas de retard de la livraison de la preuve, si le commissaire a le pouvoir d’accorder une prorogation du délai; dans l’affirmative, si ce pouvoir discrétionnaire a été exercé correctement; quelles sont les conséquences qui découlent de l’omission par une partie de déposer des preuves dans une instance en conflit — Lorsque le décideur interprète sa loi constitutive, on présume que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable — Il n’y avait aucune preuve en l’espèce pour réfuter cette présomption; par conséquent, l’interprétation par le commissaire du paragraphe 5(4) des Règles au moment où il a désigné l’établissement était susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable — Les questions résultantes concernant la prorogation de délai, l’abandon réputé et le rétablissement dans l’instance en conflit constituent également des questions d’interprétation législative découlant de la loi constitutive du commissaire; par conséquent, ces questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable — Le commissaire a conclu que les éléments de preuve du demandeur n’ont pas été délivrés conformément au paragraphe 5(4) des Règles; par conséquent, la preuve était tardive, car bien que la date apposée sur la boîte ait été le 24 juillet 2014, le service XpresspostMC de Postes Canada était considéré comme un établissement distinct du service de courrier recommandé de Postes Canada; il n’était donc pas considéré comme un établissement désigné — Bien qu’une signature ait été obtenue à l’OPIC pour confirmer que la livraison était jugée raisonnable, celle-ci n’était pas obligatoire en vertu du paragraphe 5(4) des Règles — La désignation par le commissaire ne peut pas modifier la législation pour ajouter l’obligation de signature lors de la livraison à l’OPIC pour tenir lieu de la réception présumée par l’OPIC énoncée au paragraphe 5(4) des Règles — Les membres du personnel de l’OPIC qui reçoivent des documents sont simplement tenus de confirmer la date apposée par Postes Canada sur les documents; puis, ils doivent appliquer le paragraphe 5(4) des Règles pour déterminer si la date à laquelle Postes Canada a reçu les documents et y a apposé le timbre dateur était également une date à laquelle les bureaux de l’OPIC étaient ouverts — Dans ce cas, la date estampillée par Postes Canada constitue la date de réception par l’OPIC — Rien d’autre n’est exigé — La question fondamentale était de savoir si le commissaire a interprété de façon raisonnable le pouvoir qui lui a été conféré par le règlement DORS/94-30 en 1994 pour désigner les établissements qui pouvaient accepter la livraison de la correspondance envoyée à l’OPIC — D’après la preuve, la création d’un système accessible en vue de déposer de manière opportune des documents auprès de l’OPIC était le principal objectif de l’introduction du changement conférant au commissaire le pouvoir de désigner des établissements — Dans le contexte du paragraphe 5(4) des Règles, la distinction entre le courrier recommandé et le service XpresspostMC est artificielle — Justifier et exacerber la distinction en affirmant qu’aucune prorogation de délai ne pouvait être accordée en particulier parce que toutes les parties au litige étaient assujetties aux mêmes exigences en ce qui a trait à la livraison d’éléments de preuve, etc. ne résiste pas à un examen attentif minimal — La conséquence imposée au demandeur a violé la conception de la Cour de ce qui est juste, bon et raisonnable — Par conséquent, l’interprétation étroite et stricte du service de courrier recommandé de Postes Canada qu’a donnée le commissaire était déraisonnable; cette interprétation a été rejetée en faveur d’une interprétation plausible mise de l’avant par le demandeur qu’en utilisant le service XpresspostMC, la livraison a été effectuée à un établissement désigné conformément au paragraphe 5(4) des Règles — L’interprétation favorisant l’estampillage de la date lors de la réception est conforme aux prescriptions du paragraphe 5(4) — La preuve n’a pas été considérée comme tardive — Par souci d’exhaustivité, les autres conclusions du commissaire ont été examinées — Le commissaire dispose du pouvoir discrétionnaire de proroger le délai pour accepter la réception physique à l’OPIC de la livraison de la preuve du demandeur; le refus de proroger en l’espèce n’était pas raisonnable — En vertu du paragraphe 26(1) des Règles, le commissaire est autorisé à proroger tout délai fixé par lui si, avant l’expiration du délai, la prorogation a été demandée et la taxe prévue a été versée — Le paragraphe 26(1) des Règles ne précise pas que la prorogation doit être demandée avant l’expiration — Le commissaire avait le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai en vertu des Règles, mais comme il a jugé qu’il n’avait pas ce pouvoir, il ne l’a pas exercé, ce qui constituait une entrave déraisonnable à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire — En ce qui concerne les conséquences de l’omission de déposer une preuve, l’ancienne loi ne contient aucune référence ni disposition indiquant que le défaut de déposer un affidavit en vertu de l’art. 43(5) menait à l’exclusion ou la perte de l’instance en conflit — Pour que le commissaire en arrive à la conclusion que la demande doit être exclue de l’instance en conflit, une disposition législative claire était requise, mais celle-ci n’existe pas — Pour ce qui est du rétablissement, le commissaire était lié par la décision Owens-Illinois Inc. c. Koehring Waterous Ltd. (1978), 40 C.P.R. (2d) 72 (C.F. 1ère inst.), qui portait sur une instance en conflit — En ne tenant pas compte de la décision Owens-Illinois, le commissaire a déraisonnablement conclu qu’il n’avait pas le pouvoir de rétablir la demande dans l’instance en conflit d’après sa lecture de l’art. 30 de la Loi (art. 32 de l’ancienne loi), alors que la décision Owens-Illinois statue à l’effet contraire, déclarant que le commissaire a le pouvoir de proroger le délai et de rétablir également des demandes — En conclusion, le recours par le demandeur au service XpresspostMC est considéré comme une livraison à un établissement désigné selon le paragraphe 5(4) des Règles du service de courrier recommandé de Postes Canada; par conséquent, la preuve du demandeur livrée le 24 juillet 2014 a été déposée à temps; il n’y avait aucun motif pour exclure la preuve du demandeur de l’instance en conflit — Demande accueillie.

Biogen Idec Ma Inc. c. Canada (Procureur général) (T-2639-14, 2016 CF 517, juge Elliott, jugement en date du 10 mai 2016, 59 p.)

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