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[2016] 3 R.C.F. F-5

LibÉration conditionnelle

Contrôle judiciaire concernant une décision par laquelle la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) a rejeté la requête du demandeur en vue d’obtenir la suspension de son casier judiciaire (autrefois appelée réhabilitation) en vertu de l’art. 4.1(1) de la Loi sur le casier judiciaire, L.R.C. (1985), ch. C-47 — La demande a été rejetée parce que, aux termes de l’art. 4.1(1)b) de la Loi, l’octroi de cette mesure serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, indépendamment du fait qu’elle apporterait un bénéfice mesurable au demandeur — Le demandeur, un ancien avocat, a été radié du Barreau pour son implication dans des activités qui se sont soldées par ses condamnations au criminel — Il a plaidé coupable à plusieurs chefs de fraude mettant en cause des plaignants institutionnels et particuliers — Après avoir purgé sa peine d’emprisonnement, il a obtenu sa libération conditionnelle — Depuis sa libération, il a versé un montant de restitution ou conclu un règlement avec la plupart des plaignants — Il a obtenu par la suite un succès considérable dans le secteur immobilier — La CNLC en est arrivée à sa conclusion en raison de la nature et de la gravité des infractions ainsi que de la durée de leur perpétration, des circonstances encourant la perpétration des infractions, ainsi que des renseignements concernant les antécédents criminels du demandeur, aux termes de l’art. 4.1(3) de la Loi — La décision n’exposait pas en détail les préoccupations crédibles de la Commission, hormis le fait de faire référence aux facteurs énoncés à l’art. 4.1(3) de la Loi que la CNLC peut prendre en compte au moment de décider si le fait d’ordonner une suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice — Il s’agissait de déterminer quelle norme de contrôle s’applique à la manière dont la CNLC interprète la notion de déconsidération de l’administration de la justice, qui est énoncée à l’art. 4.1 de la Loi — Il s’agissait de déterminer si la CNLC a commis une erreur en omettant de prendre en compte des facteurs atténuants au moment de conclure que l’octroi de la suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice — Il s’agissait de déterminer si la décision de la CNLC de ne pas accorder la suspension du casier était par ailleurs raisonnable — Selon la jurisprudence, quand une décision d’un tribunal administratif spécialisé, qui interprète et applique sa loi habilitante, est soumise à un contrôle judiciaire, il est présumé que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable — L’existence d’une clause privative à l’égard des tribunaux administratifs dénote fortement aussi que c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui devrait s’appliquer aux questions d’interprétation qui se rapportent à la loi habilitante de ces tribunaux — Cependant, la jurisprudence reconnaît aussi qu’il est possible de réfuter la présomption de déférence lorsque, par exemple, l’interprétation met en jeu une question qui revêt une importance capitale pour le système juridique et qui ne relève pas du domaine de compétence spécialisé du tribunal administratif spécialisé — En l’espèce, la considération dont jouit l’administration de la justice est un concept propre au contexte dans lequel elle s’inscrit — La nature contextuelle de ce concept est illustrée par le choix du législateur d’énumérer, à l’art. 4.1(3), les facteurs que la CNLC peut prendre en compte au moment de se prononcer sur la question de la considération dont jouit l’administration de la justice — Ces facteurs, tant dans la Loi que dans le Règlement, traitent tous d’aspects liés à l’infraction commise ainsi qu’aux conséquences de cette dernière pour lesquelles la suspension du casier est demandée et il s’agit là de questions qui relèvent manifestement de la compétence de la CNLC — Ce qui constitue une affaire susceptible de déconsidérer l’administration de la justice dans le contexte de la décision d’accorder ou non la suspension du casier est une question difficile et nuancée à laquelle le législateur demande à la CNLC de répondre, et non aux tribunaux — Par conséquent, la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à la manière dont la CNLC interprète l’art. 4.1 de la Loi et au contrôle de la décision de la CNLC de ne pas accorder la suspension du casier — Pour examiner la considération dont jouit l’administration de la justice en l’espèce, la CNLC interprète cette notion dans le contexte d’une demande de suspension du casier — La Loi exige que l’on tienne compte de la considération dont jouit l’administration de la justice, et la Loi précise ensuite les facteurs précis que la CNLC peut prendre en compte au moment de trancher la question de cette considération — La CNLC était au fait des aspects positifs de la demande du demandeur et elle savait qu’il fallait les mettre en balance avec les préoccupations qu’elle avait à propos de la considération dont jouit l’administration de la justice — L’octroi de la suspension du casier est une décision hautement discrétionnaire qui est confiée à la CNLC en vertu de l’art. 4.1(1) de la Loi — La CNLC n’a pas commis une erreur susceptible de contrôle dans la façon dont elle a mentionné les facteurs pertinents à l’égard de son analyse de la question de savoir si l’octroi de la suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice — Par contre, la décision de la CNLC manquait de transparence et d’intelligibilité lorsqu’elle a conclut que l’octroi au demandeur de la suspension de son casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice — Les préoccupations crédibles de la CNLC n’étaient pas indiquées, mais elles constituaient le fondement même de la décision de rejeter la demande de suspension du casier — Leur absence rendait donc la décision déraisonnable — Demande accueillie.

Spring c. Canada (Procureur général) (T-1944-14, 2016 CF 87, juge Gleeson, jugement en date du 25 janvier 2016, 21 p.)

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