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826239 Ontario Inc. c. Sony Kabushiki Kaisha

T-2138-95

juge McKeown

15-12-95

30 p.

Demande d'injonction interlocutoire contre les défenderesses qui projettent de lancer dans le monde entier un disque compact amélioré, combinant les caractéristiques du disque compact audio et de la technologie du CD-ROM, qui s'appellerait «CD Plus»-La demanderesse vend des disques compacts sous la raison sociale «CD Plus» depuis 1988- Elle a été constituée en société par actions en 1989-Elle a demandé l'enregistrement de la marque de commerce en 1989; la demande a été accordée en 1995-La demande d'enregistrement de la marque proposée «CD Plus» présentée par les défenderesses a été rejetée avant l'enregistrement de la marque de commerce de la demanderesse-La défenderesse a tenté d'améliorer ses chances d'avoir gain de cause en faisant l'acquisition du nom commercial «CD Plus» d'Ovid Technologies Inc., société américaine, en 1995- Ovid aurait employé le nom «CD Plus» depuis 1989 en liaison avec une base de données médicales sur CD-ROM- Sony a été un important fournisseur de disques compacts de la demanderesse-Sony a l'intention de concéder des licences à toute l'industrie de l'enregistrement pour l'utilisation de la marque de commerce «CD Plus» relativement à tout disque produit au moyen de la technique qu'elle a conçue-Elle entend utiliser le nom commercial «CD Plus» dans son sens générique pour désigner le produit lui-même-L'utilisation du nom «CD Plus» par Sony au Canada fera perdre à la demanderesse le contrôle de sa marque de commerce car le marché sera inondé de publicité, d'activités de promotion et de produits utilisant tous le nom «CD Plus»-La marque de commerce serait entre les mains d'un groupe beaucoup plus important et puissant, qui dirigerait tous ses efforts vers la même clientèle, savoir les acheteurs de disques compacts-Pour étendre son activité en franchisant d'autres magasins de détail sous le nom «CD Plus», la demanderesse doit nécessairement avoir une marque de commerce distinctive-La preuve établit que de la confusion a déjà été créée sur le marché-Demande accueillie-(1) Il y a une question sérieuse à trancher-Aux termes de l'art. 19 de la Loi sur les marques de commerce, une marque de commerce déposée est présumée valide-La présomption de validité est renforcée en l'espèce parce qu'avant la délivrance de la marque de commerce, les défenderesses ont demandé l'enregistrement de la même marque de commerce et leur demande a été rejetée-Les défenderesses n'ont pas formé appel de la décision du Bureau des marques de commerce-Selon l'art. 4, l'emploi d'une marque à l'égard de services constitue un «emploi» au sens de la Loi-La demanderesse a employé «CD Plus» avant qu'Ovid ne l'ait employée-Les défenderesses n'ont pas employé la marque avant 1995-La demanderesse a satisfait aux exigences de l'art. 19-L'objet principal de l'enregistrement d'une marque de commerce est de distinguer les services ou marchandises du propriétaire-Du fait de l'appropriation de la marque de commerce de la demanderesse par Sony, qui l'emploie en son sens générique pour désigner son nouveau disque compact de musique préenregistrée destiné à tourner sur un lecteur de disques compacts ordinaire, la marque de commerce «CD Plus» ne peut plus distinguer le commerce de la demanderesse de celui de ses concurrents-La présentation des deux marques de commerce est pratiquement identique-L'art. 22 interdit à quiconque d'employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage de la marque de commerce déposée-Si l'on regarde l'emballage des deux produits, il n'est presque pas possible de remarquer de différence-Il n'est pas nécessaire de prouver qu'une marque crée de la confusion pour établir qu'elle diminue la valeur d'une marque de commerce-Anéantir le caractère distinctif d'une marque de commerce diminue nécessairement la valeur de l'achalandage attaché à celle-ci-(2) La demanderesse a satisfait au critère du préjudice irréparable énoncé dans l'arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311-Dans l'affaire Centre Ice Ltd. c. Ligue nationale de hockey (1994), 53 C.P.R. (3d) 34 (C.A.F.), il a été dit que la demanderesse devait démontrer de façon très claire un préjudice irréparable qui ne pourrait être réparé adéquatement par des dommages-intérêts-Une exception a été reconnue dans le cas de l'injonction quia timet: aucune preuve de préjudice réel n'est exigée dans une telle affaire, parce que les défendeurs n'ont pas encore mis leur produit sur le marché-La demanderesse a satisfait à cette exigence-Si Sony a du succès avec «CD Plus», il est probable que le nom ne sera plus distinctif-Le titulaire de la marque de commerce a un droit de propriété sur celle-ci; cela signifie qu'il a le droit d'en interdire l'emploi à d'autres-S'il était nécessaire de radier la marque de commerce «CD Plus» parce qu'elle est devenue un terme générique, les dommages-intérêts ne pourraient pas être mesurés-(3) Dans un cas de violation raisonnablement manifeste d'une marque de commerce déposée, la prépondérance des inconvénients penche en faveur du droit de la demanderesse à l'emploi exclusif de sa marque de commerce tel que reconnu à l'art. 19-Sony connaissait officiellement la demanderesse «CD Plus» depuis 1995, voire avant cela, puisqu'elle a été un fournisseur de la demanderesse-Elle n'a pas encore fixé de date de mise sur le marché de ses disques compacts au Canada; elle n'a pas encore affecté de ressources budgétaires ou financières à ce lancement-Il y a lieu d'accorder une injonction interlocutoire pour maintenir le statu quo-Il ne convient pas de tenir compte des inconvénients qui résulteraient pour la défenderesse du changement de sa marque de commerce si la contrefaçon dont elle s'est rendue coupable a commencé après qu'elle eut été informée du droit de la demanderesse-Si l'injonction n'était pas accordée, il est possible que le produit soit associé à un mot générique et l'entreprise de la demanderesse ne pourrait plus être distinguée par sa marque de commerce-Aux termes de l'art. 22, la valeur de l'achalandage attaché à une marque de commerce ne doit pas être diminuée-L'engagement à verser des dommages-intérêts qu'a pris la demanderesse satisfait aux exigences énoncées dans la jurisprudence-Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 2, 4, 6, 16, 19, 20, 22.

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