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Jordan c. Towns Marine Electronics Ltd.

T-1577-95

protonotaire Hargrave

22-3-96

17 p.

Requête visant à obtenir une description suffisante des documents à l'égard desquels la défenderesse revendique un privilège et la production des documents en question-L'affidavit qualifie de «divers rapports de l'expert en sinistres» les documents à l'égard desquels un privilège est revendiqué-Action en dommages-intérêts introduite en juillet 1995-Les demandeurs affirment que le dispositif de commande à distance du yacht fourni par la défenderesse Towns s'est déréglé, causant ainsi des dommages à d'autres navires et des lésions corporelles-L'expert en sinistres a rédigé quatre rapports-Les trois premiers, qui sont datés du 27 juin et des 18 et 25 juillet, étaient adressés à l'assureur; le quatrième, daté du 11 septembre, était adressé conjointement à l'assureur et au cabinet des avocats des demandeurs-Une défense modifiée a été déposée en septembre 1995-L'affidavit des demandeurs a été souscrit par l'expert en sinistres qui a fait enquête-L'art. 448(2) des Règles de la Cour fédérale prévoit que l'affidavit doit comprendre une description suffisamment détaillée de tous les documents, ainsi qu'une déclaration exposant le fondement de chaque revendication de privilège-Il est de jurisprudence constante que la partie qui revendique un privilège à l'égard d'un document doit identifier ce document avec suffisamment de précision pour que le tribunal puisse en exiger effectivement la production-La façon dont la Towns a décrit ses documents ne satisfait ni à l'art. 448 des Règles, ni à la jurisprudence-(1) Conséquences découlant d'une description insuffisante de documents privilégiés-Dans le jugement Puddister Trading Co. et al. c. Canada et al. (1995), 95 F.T.R. 92 (C.F. 1re inst.), la Cour a statué que, comme les documents ne pouvaient pas être identifiés parce qu'ils étaient tellement mal décrits, l'attestation ne renfermait aucune revendication de privilège et que, par conséquent, les documents devaient être produits intégralement-Il convient d'établir une distinction entre la présente espèce et l'affaire Puddister Trading, étant donné que, au moment oú la requête a été débattue, la date des rapports et l'identité de la personne à qui ils étaient adressés étaient connus-(2) L'art. 448 des Règles est respecté si chaque document peut être identifié par son titre, sa date, son expéditeur, son destinataire ou par tout autre renseignement qui permet d'identifier clairement le document et si cette identification est suivie d'un exposé du fondement de la revendication de privilège invoquée à l'égard de chaque document-Une autre façon acceptable de procéder consiste à utiliser le libellé usuel que l'on trouve dans les formules de l'annexe des Règles, à décrire les documents et à attribuer à ceux-ci des lettres codées renvoyant aux huit catégories de privilèges clairement définis-(3) Pour déterminer si un document est privilégié, la Cour a adopté le principe de l'objectif principal qui a été posé dans l'arrêt Waugh v. British Railways Board, [1980] A.C. 521 (H.L.)-Il incombe à la partie qui invoque le privilège de prouver que l'objectif principal de la rédaction du rapport était de fournir celui-ci à l'avocat pour qu'il l'utilise dans le cadre d'un procès déjà en cours ou d'un procès qui était raisonnablement envisagé-La personne qui revendique le privilège doit également établir que l'objectif principal de la création du document était de le communiquer à l'avocat pour obtenir des conseils juridiques ou pour faciliter le déroulement du procès-Si le rapport est commandé par l'assureur, l'intention de celui-ci est pertinente-Le moment oú il convient d'apprécier l'objectif principal est i) celui oú le document est créé; (ii) celui oú le rapport est commandé, uniquement si le rapport est créé peu de temps après ou (iii) le moment oú l'objectif principal change-L'utilisation ou les intentions ultérieures de l'auteur ne sont pas pertinentes-L'affidavit de l'expert en sinistres établit l'éventualité raisonnable d'un procès, probablement avant la date du premier rapport, mais ne réussit pas à démontrer que l'objectif principal était de donner des instructions à l'avocat, du moins en ce qui concerne les trois premiers rapports-L'examen des rapports eux-mêmes n'établit pas qu'ils ont été rédigés avec l'objectif principal d'être fournis à l'avocat-La Cour ordonne la production des trois premiers rapports, étant donné qu'ils ne sont pas privilégiés-Le quatrième rapport est privilégié-En ce qui concerne les documents pertinents, il est nécessaire d'en produire des passages et la mention du montant de la garantie d'assurance peut en être supprimée-La Cour ordonne à la Towns de produire un affidavit modifié qui décrit mieux les documents privilégiés restants-Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, art. 448 (mod. par DORS/90-846, art. 15).

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