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Trusthouse Forte California, Inc. c. Gateway Soap & Chemical Co.

T-213-94

protonotaire Hargrave

17-12-98

9 p.

Le fait de retarder indûment les procédures et d'accaparer inutilement les ressources de la Cour peut donner lieu à un rejet de l'action-On aboutit sans cela à des procédures altérées par le passage du temps, et non seulement cela déconsidère-t-il la Cour et son mode de gestion des instances mais cela peut aussi défavoriser les autres plaideurs qui voudraient que leurs affaires soient promptement tranchées-L'action a été engagée en février 1994-Rien ne s'est produit dans l'action depuis l'automne 1995-Les demanderesses voient dans l'action non pas le moyen d'obtenir par injonction un redressement rapide, mais plutôt un moyen de pression leur permettant de prévenir toute autre violation présumée de leur marque de commerce-User de la justice comme d'un levier afin de conserver le statu quo, sans véritable intention de voir trancher l'affaire, c'est abuser de l'adversaire autant que des tribunaux-Dans Grovit v. Doctor, [1997] 1 W.L.R. 640 (H.L.), le demandeur avait saisi la justice sans véritable intention de voir trancher l'affaire-La Chambre des lords a décidé qu'en raison de l'abus de procédure que constituaient les retards et le défaut d'intention véritable de procéder en l'affaire, le juge des requêtes et la Cour d'appel pouvaient rejeter l'action-Selon la démarche retenue dans Grovit v. Doctor, le plaideur qui ne tient absolument aucun compte des délais prévus dans les Règles de la Cour sera jugé non seulement à la lumière du préjudice qu'il a causé en cela à tel ou tel plaideur, mais aussi du préjudice causé à la justice-Cet abus des tribunaux et de la justice constitue un motif à rejet tout à fait indépendamment de la règle posée dans Birkett v. James, [1978] A.C. 297 (H.L.); cela ayant été confirmé par la Cour d'appel dans Arbuthnot Latham Bank Ltd. v. Trafalgar Holdings Ltd., [1998] 1 W.L.R. 1426 (C.A.)-Dans l'arrêt Arbuthnot Latham Bank, on retrace l'évolution du concept de défaut de poursuivre, depuis Birkett v. James jusqu'à Grovit v. Doctor, évoquant ensuite un avenir oú la procédure civile serait encadrée par un régime de gestion des instances dirigé par la Cour-Évoquant le fait que cela accapare inutilement le temps de la Cour en donnant lieu à des questions annexes concernant le respect des délais prévus par les règles, lord Woolf écrivit: [traduction] «Le passage progressif à une procédure administrée [. . .] impose de nouvelles contraintes aux tribunaux, non seulement au niveau de la formation mais aussi au niveau de la mise en place de toute l'infrastructure technologique rendue nécessaire; [d]ans l'intérêt de l'ensemble des plaideurs, il faut donc éviter d'accaparer inutilement le temps de la Cour en lui imposant l'examen de questions annexes soulevées par le non-respect des délais prévus par les règles»-En 1978, lorsqu'on a statué sur l'affaire Birkett v. James, les conséquences qu'induit l'accaparement du temps des tribunaux n'avaient pas été prises en compte-Mais les circonstances ont changé-Lord Woolf évoque que, dans Birkett v. James, [traduction] «il n'y avait pas lieu de s'interroger sur les conséquences d'un retard excessif pour les autres plaideurs et pour les tribunaux, [mais que] [c]e facteur va dorénavant prendre de plus en plus d'importance»-«[L]'évolution culturelle que l'on constate déjà permettra à l'avenir aux tribunaux d'admettre, plus facilement qu'auparavant, qu'une méconnaissance complète des règles constitue un abus de procédure»-Lord Woolf fait alors remarquer que la mise en veilleuse d'une procédure en attendant le bon plaisir de l'intéressé aboutit à des procédures qui ont perdu beaucoup de leur clarté et jette le discrédit à la fois sur la Cour et sur sa manière de gérer les instances-Au fur et à mesure qu'on adopte un régime de procédure de gestion des instances, les tribunaux s'intéresseront de plus en plus aux raisons pour lesquelles une action donnée n'avance pas-Le simple fait d'avoir à rechercher les motifs du manque d'avancement des procédures accapare sans besoin l'attention de la Cour-Si un plaideur n'a aucunement l'intention de poursuivre son action dans le respect des règles, l'action n'aurait jamais dû être introduite-Le fait de recourir aux tribunaux, et de les utiliser unilatéralement et sans autorisation pour maintenir des dossiers inactifs, soit pour les activer au bon gré du demandeur soit simplement pour faire pression sur un défendeur, dans les cas oú le demandeur n'a aucune intention de procéder, ne doit pas être toléré-Cela est constitutif d'un abus de procédure entraînant radiation-L'action est rejetée, sans préjudice du droit des demanderesses d'introduire une autre action si elles constatent une nouvelle atteinte à des marques dont elles sont propriétaires.

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