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Matchee c. Canada ( Procureur général )

T-1489-87

juge Wetston

5-1-99

32 p.

Contrôle judiciaire d'une décision du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) refusant à M. Matchee le droit à une pension-Alors qu'il était affecté en Somalie en tant que membre des Forces armées canadiennes, Matchee a été arrêté dans le cadre de l'enquête sur la torture et le meurtre d'un adolescent somalien-Dans les 24 heures suivant son arrestation, Matchee a été retrouvé pendu au moyen de lacets de bottes de combat par la poutre de toiture du bunker oú il était confiné-Les gardes l'ont délié, lui sauvant ainsi la vie-Matchee a subi une encéphalopathie anoxique et des lésions au cerveau-En février 1995, la Commission canadienne des pensions a rejeté la demande qui visait l'obtention du droit à une pension en raison de l'invalidité de Matchee au motif que l'invalidité résultait d'une mauvaise conduite-La décision a été confirmée par un comité de révision et par un comité d'appel-L'art. 3(1) de la Loi sur les pensions définit la «mauvaise conduite» comme étant la désobéissance préméditée aux ordres, le fait de se blesser délibérément soi-même et la conduite malveillante ou criminelle-L'art. 22(1) interdit l'octroi d'une pension lorsque l'invalidité est due à la mauvaise conduite-L'art. 39 exige du comité d'appel qu'il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur-Dans le cadre de l'examen de la preuve, le comité d'appel doit aussi trancher toute incertitude en faveur du demandeur-Le comité n'a pas accordé beaucoup de poids à l'opinion psychiatrique, qui était sous forme de questions hypothétiques et de réponses, et qui était fondée sur un bref exposé des faits et sur ce que tout le monde savait des événements, mais pas sur un examen médical-Il n'existait aucune preuve médicale directe de l'état de santé mentale de Matchee avant l'événement-Le comité a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que le demandeur était incapable de former l'intention de s'infliger des blessures ou, même, qu'il était incapable de penser de façon rationnelle-Le comité n'a commis aucune erreur en concluant que la tentative de suicide était délibérée-Relativement à l'intention de se blesser, la demanderesse a invoqué la décision rendue par le tribunal dans Billard (VAB/VE-10966) au soutien de l'argument selon lequel le fait de se blesser délibérément soi-même comporte non seulement l'intention de le faire, mais aussi le désir du résultat obtenu-Elle a prétendu que Matchee n'a pas atteint le résultat visé-Y a-t-il une différence entre le fait d'avoir l'intention de se suicider et celui d'avoir l'intention de s'infliger des blessures au sens de l'art. 3?-Le fait de tenter de se suicider par pendaison comporte nécessairement celui de s'infliger des blessures susceptibles de causer la mort-Par ses actes, le demandeur visait manifestement à s'infliger des blessures suffisantes pour provoquer la mort-Il est probable qu'il y aurait eu décès n'eût été l'intervention des gardes-Mais les faits ne justifient pas une conclusion de mauvaise conduite-1) La façon appropriée d'interpréter la Loi est de le faire selon le sens ordinaire des mots-L'art. 2 exige une interprétation large en vue de fournir des prestations aux anciens combattants invalides et à leur famille-2) Les modifications de 1980 visant à retrancher le terme «décès» de l'art. 22(1) de la Loi, qui porte sur la mauvaise conduite, indiquent que le législateur n'avait pas l'intention de pénaliser les personnes à charge de ceux qui avaient commis un suicide ou qui s'étaient volontairement infligés des blessures causant la mort-Le décès et l'invalidité ne signifient pas la même chose-Bien qu'aucun décès n'ait été causé en l'espèce, la Cour n'est pas convaincue que la tentative de suicide à l'origine des lésions au cerveau constituait une mauvaise conduite, vu l'absence de preuve de trucage ou d'artifice-3) En ce qui a trait aux blessures infligées volontairement à soi-même, l'art. 22(1) est conçu en partie pour décourager les réclamations d'invalidité fallacieuses-La preuve n'indique pas que le demandeur a simulé sa tentative de suicide afin d'obtenir une pension pour lui ou pour sa famille-Le comité a commis une erreur de droit en interprétant la loi de façon erronée et en l'appliquant de façon erronée aux faits-L'existence d'une crainte raisonnable de partialité n'a pas été démontrée-La constitution d'un comité élargi peu de temps avant l'audience n'a pas donné naissance à une crainte raisonnable de partialité uniquement parce que ce type de comité était inhabituel, que des avocats n'y ont pas été nommés et que les deux nouveaux membres faisaient partie de la majorité-Rien n'indique qu'il y avait du parti pris ou que les questions étaient décidées d'avance-Bien qu'aucune audition sur une question d'interprétation n'ait eu lieu, la demanderesse a eu l'entière possibilité de faire des observations sur la question de l'interprétation de la loi avant que le comité d'appel ne rende sa décision-Le délai écoulé avant que la décision n'ait été rendue et communiquée ne justifiait pas une crainte raisonnable de partialité-Le délai tenait plus de l'indécision que de l'intervention dans le processus ou de l'étude partiale des questions-Il n'y avait rien d'inapproprié dans le délai-Matchee n'a pas été traité d'une manière tellement différente qu'une personne relativement bien informée, qui étudierait la question de façon pratique et réaliste, croirait à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité-Relativement à l'omission de suivre les décisions précédentes du comité; bien que la constance soit souhaitable car elle favorise l'égalité devant la loi et réduit la possibilité de décisions arbitraires, le Tribunal doit demeurer souple pour pouvoir rendre une décision fondée sur les principes de droit qu'il considère pertinents aux fins de l'affaire dont il est saisi-Demande accueillie-Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, art. 2, 3(1) «mauvaise conduite», 22(1), 39 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 28, art. 28; L.C. 1995, ch. 18, art. 57).

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