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Suresh c. Canada ( Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration )

IMM-117-98

juge McKeown

11-6-99

46 p.

Contrôle judiciaire d'une décision rendue par la ministre conformément à l'art. 53(1)b) de la Loi sur l'Immigration selon laquelle le demandeur constitue un danger pour la sécurité du Canada-Le demandeur est un Tamoul du Sri Lanka-Il a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention en 1991-En 1995, il a fait l'objet d'une attestation de sécurité délivrée pour le motif qu'il faisait partie d'une catégorie non admissible au Canada conformément à l'art. 19(1)e) et f)-Le juge Teitelbaum a confirmé le caractère raisonnable de l'attestation de sécurité, en concluant que le World Tamil Movement (WTM), dont le demandeur avait été un coordonnateur, faisait partie des Tigres de libération de l'Eelam Tamoul (TLET), organisme dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'il a commis des «actes terroristes»-Une mesure d'expulsion a été prononcée contre le demandeur-En 1997, le demandeur a été informé que la ministre envisageait d'émettre un avis prévu à l'art. 53(1)b), selon lequel le demandeur constituait un danger pour la sécurité du Canada-Le demandeur a présenté des observations-La ministre a rendu sa décision en janvier 1998-1) L'arrêt Gwala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 3 C.F. 404 (C.A.) a conclu que la Cour fédérale a le pouvoir de se prononcer, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, sur la constitutionnalité des art. 53(1)b), 19(1)e), f)-2) La norme de révision d'une décision discrétionnaire de la ministre-L'art. 53(1)b) emploie un langage subjectif, prévoyant une exception à l'interdiction de refouler des réfugiés lorsque le ministre est d'avis que la personne constitue un danger pour la sécurité du Canada-Comme il est mentionné dans l'arrêt Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.), une telle décision subjective ne peut faire l'objet d'une révision que si l'on prouve que l'instance décisionnelle a agi de mauvaise foi, a commis une erreur de droit ou s'est prononcée en se fondant sur des considérations non pertinentes-La décision selon laquelle le demandeur constitue un danger pour la sécurité du Canada est une question de fait à l'égard de laquelle les tribunaux devraient hésiter grandement à s'engager dans un nouvel examen des conclusions du ministre-La décision rendue par la ministre conformément à l'art. 53(1)b) était manifestement discrétionnaire et on devrait donc faire preuve de beaucoup de retenue à son égard-Compte tenu à la fois du caractère sérieux possible de la décision pour le demandeur et de la nature discrétionnaire de l'avis du gouvernement, notamment en ce qui concerne les questions relatives à la sécurité nationale, la norme appropriée de révision est le caractère raisonnable de la décision-3) L'équité en matière de procédure-(i) Même si les répercussions de la décision visée à l'art. 53(1)b) exigent une norme plus élevée d'équité en matière de procédure que celle prévue à l'art. 70(5), la procédure suivie était correcte-Il n'y avait rien, dans la note de service adressée par un fonctionnaire à la ministre, dont le demandeur n'était pas déjà au courant-Le demandeur a soutenu que, lors de la délivrance d'un avis adéquat, la ministre était tenue de l'informer des motifs qui la portaient à croire qu'il ne courait pas suffisamment de risques pour l'emporter sur le danger qu'il représentait pour la sécurité du Canada-Il irait à l'encontre de l'obligation de la ministre que de tirer quelque conclusion sur le risque que court le demandeur tant que celui-ci n'a pas la possibilité de dire quels seraient les risques pour lui, à son avis-Comme le demandeur était un réfugié au sens de la Convention, la question du risque avait été portée à la connaissance de la ministre-La ministre savait que le demandeur, qui était un réfugié au sens de la Convention, avait une crainte raisonnable d'être persécuté-Seul le demandeur peut informer la ministre du risque qu'il court à présent-La ministre a divulgué l'ensemble des documents sur lesquels se fonderait sa décision-Le demandeur était au courant des documents, qui étaient à sa disposition publiquement-Les exigences de l'équité en matière de procédure ont été respectées-On ne s'est pas fié aux nouveaux renseignements déposés par le demandeur-(ii) Bien que les éléments de preuve portés à la connaissance de la ministre étaient contradictoires, celle-ci pouvait raisonnablement conclure que le danger que le demandeur constituait pour la sécurité des citoyens canadiens l'emportait sur le risque que représentait pour lui le fait d'être renvoyé au Sri Lanka-La ministre pouvait conclure que la publicité aiderait à protéger le demandeur-La décision de la ministre n'avait besoin que d'être raisonnable, non pas correcte-La justice fondamentale n'exige pas la tenue d'une audience orale par un arbitre indépendant-Des observations écrites étaient suffisantes-La Loi n'exige pas une instance décisionnelle indépendante et impartiale-Un arbitre judiciaire indépendant, en la personne du juge Teitelbaum, a confirmé le caractère raisonnable de l'attestation de sécurité rédigée en vertu de l'art. 40.1-Un avis subjectif respecte encore les principes de justice fondamentale-4) Y a-t-il eu violation des art. 2 et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?-L'art. 7 prévoit qu'il ne peut être porté atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale-Selon la décision Said c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 592 (1re inst.), les principes de justice fondamentale exigent que l'on trouve un juste équilibre entre l'intérêt de la personne qui prétend que sa liberté est atteinte et la protection de la société, tant sur le fond qu'en matière de procédure-Le raisonnement derrière la pondération entreprise conformément à l'art. 53 vise à réaliser un équilibre des considérations humanitaires entre la personne qui craint la persécution et l'intérêt légitime des États pour la répression de la criminalité-La pondération entreprise en vertu de l'art. 53(1)b) satisfaisait aux exigences de justice fondamentale-Le demandeur a soutenu que l'approche de la pondération en vertu de l'art. 53 ne s'applique pas lorsque le réfugié au sens de la Convention peut être soumis à la torture-Il se fondait sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, [1987] R.T. Can. no 36, art. 3, qui interdit l'expulsion d'une personne vers un autre État lorsqu'il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risquerait d'être soumise à la torture-La Convention contre la torture n'a pas été adoptée comme faisant partie du droit national du Canada, mais elle a été ratifiée par le Canada-Bien que la Convention ne soit pas exécutoire en vertu du droit canadien, la loi canadienne devrait être interprétée de façon à éviter un manquement aux obligations internationales du Canada: Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 127 (C.A.)-Quoique la Convention contre la torture n'ait pas force de loi au Canada, elle inspire une interprétation des droits garantis par la Charte-Le demandeur n'a pas satisfait au lourd fardeau de la preuve qui est exigé pour établir qu'il y a eu violation de l'art. 3 de la Convention, c'est-à-dire qu'il n'a pas établi des «motifs sérieux» de croire qu'il serait soumis à la torture-Étant donné le lourd fardeau de la preuve associé à l'art. 3, c'est-à-dire l'obligation de présenter des faits clairs dans le contexte des revendications fondées sur la Charte, le demandeur n'a pas établi qu'il y a eu une telle atteinte à la loi-Le demandeur a soutenu que la publicité engendrée dans le cadre de la procédure prise contre lui par le gouvernement canadien le rend particulièrement vulnérable aux mauvais traitements au Sri Lanka-Mais il est également possible que l'examen qui en résultera au niveau international protégera le demandeur-En l'absence d'une telle atteinte à la loi, la pondération entreprise était conforme aux principes de justice fondamentale et il n'y a pas eu violation de l'art. 7 de la Charte-Le Canada devrait suivre les obligations imposées par la Convention relative au statut des réfugiés, mises en _uvre dans la Loi sur l'immigration, de préférence aux obligations imposées par la Convention contre la torture, qui n'est pas exécutoire en vertu du droit canadien-Comme le demandeur n'a pas satisfait au fardeau de la preuve selon la Convention contre la torture, il ne s'agit pas d'un cas qui choquerait la conscience des Canadiens-Le demandeur a soutenu que ses activités à titre de coordonnateur du WTM sont visées par la «notion classique d'expression» et mériterait donc d'être protégées en vertu de l'art. 2(b)-Il a allégué que les art. 19(1)e), f) et 53(1)b) ont pour effet de porter atteinte à l'exercice des libertés d'expression et d'association; les activités à titre de coordonnateur du WTM faisaient la promotion des droits politiques et des droits de la personne et sont donc au c_ur des valeurs sous-tendant l'art. 2(b)-La décision Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 3 C.F. 616 (1re inst.), conclut que «les terroristes ne peuvent invoquer la liberté d'expression pour justifier leurs actes de violence»-L'attestation de sécurité a été jugée comme étant une preuve raisonnable et concluante que les activités du demandeur relèvent de l'art. 19(1)e)(iv)(C), f)(ii), (iii)(B)-Étant donné la nature concluante de l'attestation prévue à l'art. 40.1(1), la Cour ne peut pas dire qu'il y a un lien insuffisant entre les activités du demandeur au nom du WTM et les actes de violence des TLET contre les civils au Sri Lanka-Il est artificiel de considérer les activités du demandeur comme étant bénignes et donc comme une forme d'expression protégée simplement parce que ces activités ne sont pas violentes en soi et à première vue-Étant donné que la forme d'expression en question, particulièrement la collecte de fonds, est au service d'une activité violente, elle n'est pas liée aux valeurs sous-tendant l'art. 2(b)-Le demandeur n'a pas prouvé qu'il y a eu violation des droits garantis par l'art. 2(b)-Le demandeur a reconnu son association avec les TLET, qui ont été considérés de façon concluante comme une organisation terroriste-Les dispositions contestées sont définies de façon particulièrement suffisante pour éviter toute atteinte aux droits légitimes d'association conformément à l'art. 2(b) de la Charte-Pour obtenir la protection de l'art. 12 de la Charte, le demandeur doit prouver qu'il a été soumis à des traitements ou à des peines par l'État, comme des traitements cruels et inusités-L'expulsion n'est pas une peine-L'expulsion permise par la Loi n'est pas cruelle ni inusitée-Si le demandeur est autorisé à rester ici et à violer les conditions prévues à l'art. 19, cela irait à l'encontre des normes de la décence-Le demandeur a soutenu que l'expression «danger pour la sécurité du Canada» est trop imprécise-Le contexte législatif dans lequel est utilisée l'expression «danger pour la sécurité du Canada» fournit suffisamment d'indications à la ministre-L'art. 53(1)b) renvoie aux dispositions des art. 19(1)e) et f) portant sur l'inadmissibilité liée au terrorisme et met l'accent sur l'analyse tant du ministre que de la Cour-L'arrêt R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606, met en garde contre le recours à la théorie de l'imprécision pour empêcher ou gêner l'action de l'État qui tend à la réalisation d'objectifs sociaux légitimes, en exigeant que la loi atteigne un degré de précision qui ne convient pas à son objet-Le fait que le terrorisme ne soit pas défini à l'art. 19 ne le rend pas inconstitutionnellement imprécis-Étant donné l'arrière-plan de la jurisprudence canadienne, les instruments internationaux visant à empêcher le terrorisme, les rapports comme le Rapport du Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement, le mot terrorisme est suffisamment clair pour indiquer les facteurs à prendre en considération-Le terrorisme est une notion qui évolue et considérée principalement comme comprenant des actes de violence-Il n'y a pas eu de manquement à l'équité ni aux aspects de fond et de procédure de la justice fondamentale-Les art. 53(1)b), 19(1)e)(iv) et f)(ii), (iii) ne sont pas inconstitutionnels-Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19(1)e)(iv) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), f)(ii), (iii) (mod., idem), 53(1)b) (mod., idem, art. 43)-Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, [1987] R.T. Can. no 36, art. 3-Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 2, 7.

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