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Fonction publique

Relations du travail

Contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision (2017 CRTESPF 37) rendue par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la Commission) aux termes de laquelle elle a accueilli le premier grief de la défenderesse contestant sa suspension sans traitement par l’Agence du revenu du Canada (l’Agence), et rejeté son second grief concernant son licenciement — La défenderesse a accédé aux bases de données confidentielles de l’Agence pour obtenir de l’information au sujet de la compagnie propriétaire de l’immeuble qu’elle voulait acquérir— Elle a découvert, entre autres, une structure corporative très complexe qui inclut des sociétés à numéros et que la compagnie était impliqué dans plusieurs causes devant l’Autorité des marchés financiers du Québec — En voulant négocier un prix réduit pour l’immeuble, elle a dévoilé cette information à un représentant de la compagnie propriétaire — La compagnie a porté plainte et l’Agence a amorcé une enquête — Les conclusions de l’enquête sont à l’effet que la défenderesse a utilisé les banques de données de l’Agence pour son bénéfice personnel, et qu’elle s’est servie de son statut d’employée pour obtenir un prix de vente plus favorable pour la maison — L’Agence a suspendu la défenderesse le 10 juillet 2015 sans rémunération jusqu’à la conclusion de l’enquête — La défenderesse a déposé un premier grief — Elle a été avisée qu’un examen justifié de sa cote de sécurité avait été initié par l’Agence — La défenderesse a été licenciée le 27 octobre 2015, licenciement qui prenait effet rétroactivement le 10 juillet 2015 — Elle a été avisée par la suite que sa cote de fiabilité avait été révoquée — La défenderesse a déposé un second grief contestant la décision de l’Agence de la congédier rétroactivement ainsi que la révocation de sa cote de fiabilité — En ce qui a trait au premier grief, la Commission a conclu que la suspension de la défenderesse constituait une mesure disciplinaire déguisée — Se prononçant sur le grief relatif au licenciement, la Commission a conclu que l’inconduite reprochée était avérée et justifiait une mesure disciplinaire — Elle a conclu cependant que l’Agence ne pouvait imposer une mesure disciplinaire de façon rétroactive parce qu’elle n’avait pas expliqué à l’employé la justification invoquée à l’appui de cette mesure — Il s’agissait de déterminer si les décisions de la Commission d’accueillir le grief portant sur la suspension sans rémunération et d’interdire comme date d’effet du licenciement la date à laquelle a débuté la suspension sans rémunération étaient déraisonnables — La Commission a erré en faisant droit au grief portant sur la suspension sans rémunération et en concluant que cette mesure disciplinaire n’était pas justifiée — La Commission avait raison de se pencher sur le caractère administratif ou disciplinaire de la suspension — Elle devait aussi décider si la suspension était imposée pour des motifs valables conformément à l’art. 12(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (LGFP) — La Commission n’a pas examiné si les écarts de conduite de la défenderesse étaient suffisamment graves pour justifier la suspension — La seule préoccupation de la Commission tenait au caractère arbitrable du grief — La Commission ne pouvait pas limiter son examen aux explications fournies par l’Agence pour démontrer que la suspension était une mesure purement administrative, ni s’en remettre à la section de la Politique sur la discipline de l’Agence portant sur la suspension administrative — À partir du moment où la Commission a décidé que la suspension était une mesure disciplinaire, il lui fallait aller plus loin et déterminer si celle-ci était proportionnelle à la gravité des comportements reprochés — Elle devait s’attarder aux motifs ayant amené l’Agence à prendre cette mesure disciplinaire — Même en faisant une lecture généreuse de ses motifs, il était clair que la Commission n’a pas fait cet exercice — La Commission a erré en ne tenant pas compte, dans son évaluation du caractère justifiable de la suspension, de la gravité des inconduites reprochées à la défenderesse — La conclusion même de la Commission apparaissait déraisonnable — Le choix de traiter simultanément de la nature et du bien-fondé de la suspension sans rémunération et de ne pas considérer que cette dernière reposait sur les mêmes constats que le licenciement n’était pas conforme à l’esprit de la LGFP ni au texte de son art. 12(3) — La Commission ne pouvait s’appuyer sur l’art. 12(3) pour conclure que le licenciement de la défenderesse n’était motivé qu’à compter du 27 octobre 2015 — La jurisprudence arbitrale dominante est à l’effet qu’un employeur peut utiliser la date du début de la suspension comme date d’effet du licenciement — Un décideur administratif peut déroger à un courant arbitral à la condition de s’en expliquer de façon convaincante — La Commission a tenté de justifier sa décision de ne pas suivre le consensus arbitral en la matière — Son explication paraissait déficiente — Elle n’a pas tenu compte de l’explication beaucoup plus étoffée fournie par la Commission dans Basra c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 28 quant au pouvoir d’un employeur d’imposer une date de licenciement rétroactive — Ce pouvoir ne peut être écarté que par une loi ou un contrat, incluant une convention collective — La seule raison fournie par la Commission pour conclure que le licenciement ne pouvait être rétroactif reposait sur la décision McManus c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), [1980] CRTFPC no 14 — L’erreur commise par la Commission dans la présente affaire consistait à ne pas avoir considéré que la suspension sans rémunération et le congédiement constituaient deux mesures disciplinaires distinctes mais s’appuyant sur la même justification — La Commission a semblé interpréter l’exigence dans l’art. 12(3) de la LGFP, selon laquelle une mesure disciplinaire, un licenciement ou une rétrogradation soit motivé, comme une obligation pour l’employeur d’expliquer à l’employée la justification invoquée à l’appui de la mesure disciplinaire — Il est discutable de soutenir, sur la base de l’art. 12(3) de la LGFP, qu’une mesure disciplinaire doive être expliquée à l’employé avant de pouvoir être imposée — Cette interprétation de l’art. 12(3) est déraisonnable — Le but premier de l’art. 12(3) était d’écarter le principe de common law voulant que l’employeur puisse licencier un employé comme bon lui semble, à la seule condition de lui donner un préavis, et d’introduire l’exigence d’une justification pour toute mesure disciplinaire dans le cadre de l’appareil gouvernemental — Si le législateur avait eu l’intention que la justification du licenciement soit communiquée à l’employé, il se serait exprimé en ce sens beaucoup plus clairement — Toute ambiguïté pouvant découler de l’emploi du titre « motifs nécessaires » à l’art. 12(3) et du terme « motivés » dans le corps du texte est résolue par l’utilisation unique de l’expression « for cause » dans la version anglaise — Cette expression consacrée réfère indéniablement à la norme technique du « motif valable » et reflète l’intention expresse d’écarter la possibilité de congédier un employé sans justification — Les motifs pour lesquels l’employeur a décidé de licencier la défenderesse existaient et étaient identifiables dès le 10 juillet 2015, dans la mesure où l’enquête était complétée — Le grief contestant la suspension sans solde a été rejeté et l’ordonnance de remboursement de salaire et des avantages sociaux pendant la période de suspension a été annulée — Demande accueillie.

Canada (Procureur général) c. Bétournay (A-346-17, 2018 CAF 230, juge de Montigny, J.C.A., motifs du jugement en date du 18 décembre 2018, 30 p.)

 

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