Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Citoyenneté et Immigration

Statut au Canada

Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger — Contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) portant rejet des demandes d’asile des demandeurs — La question déterminante, pour la SPR comme pour la SAR, était celle de la protection de l’État — Les demandeurs sont des citoyens géorgiens appartenant à la minorité ossète — Leurs demandes d’asile étaient fondées sur la crainte d’être persécutés par des acteurs non étatiques du fait de leur origine ethnique minoritaire, ainsi que sur la persécution cumulative — La SPR a conclu à la crédibilité des demandeurs, mais elle a prononcé le rejet de leurs demandes d’asile au motif qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État —  Les demandeurs ont fait valoir que : a) la SAR a commis une erreur en omettant de prendre en considération non seulement les renseignements objectifs sur les conditions dans le pays aux fins d’examiner les risques auxquels ils seraient exposés en tant que membres d’une minorité ethnique en Géorgie, mais aussi la discrimination cumulative subie, équivalant à de la persécution, et l’incapacité ou le refus des autorités géorgiennes de les protéger; b) la SAR a omis de prendre en considération le fait que le demandeur principal ne souhaitait pas continuer de rechercher la protection de l’État en raison de ses expériences antérieures de discrimination et du défaut de la police de le protéger; et c) la SAR a examiné selon un critère juridique erroné la question de la persécution cumulative — Le demandeur principal et sa famille ont subi une discrimination flagrante du fait de leur ascendance mixte, en raison de tensions ethniques opposant l’ethnie géorgienne majoritaire à la minorité ossète — En 2008, une guerre a éclaté entre la Géorgie et la Russie, et cette guerre a aggravé les tensions ethniques de longue date entre Géorgiens de souche et Ossètes de souche — Le demandeur principal a éprouvé de nombreux problèmes en Géorgie et a été victime notamment d’une violente agression physique, qu’il a signalée à la police — La police n’a pris aucune mesure et lui a plutôt conseillé de ne pas retourner au village où il avait subi l’agression — Les demandeurs d’asile sont venus au Canada en 2015 pour rendre visite à une personne mais, craignant pour leur sécurité s’ils retournaient en Géorgie, ils ont présenté des demandes d’asile — Sur le fondement de l’art. 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, la SAR a confirmé la décision de la SPR portant que les demandeurs n’avaient la qualité ni de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger — Il s’agissait de savoir si la SAR a omis d’examiner valablement la preuve avant de décider que la conclusion de la SPR sur la protection de l’État n’était pas erronée et si la SAR a omis d’appliquer convenablement le critère juridique relatif à la discrimination cumulative équivalant à de la persécution — En ce qui concerne la protection de l’État, la SAR n’a pas commis d’erreur dans sa conclusion sur le degré de démocratie en Géorgie; elle n’a pas alourdi le fardeau de la preuve des demandeurs — La SAR a confirmé la conclusion de la SPR portant que le demandeur principal n’avait pas prouvé que la protection de l’État était globalement insuffisante en Géorgie ni qu’il avait épuisé les recours dont il disposait, par exemple en relançant la police après l’agression survenue en Géorgie — Bien que le critère pour réfuter la présomption de protection de l’État est bien établi en droit, la jurisprudence enseigne que plus les institutions de l'État seront démocratiques, plus le revendicateur devra avoir cherché à épuiser les recours qui s'offrent à lui — Étant donné que la Géorgie a été reconnue comme étant une démocratie parlementaire par la SAR et la SPR, les demandeurs devaient démontrer, pour réfuter la présomption de protection de l’État, qu’ils avaient épuisé les moyens objectivement raisonnables d’obtenir cette protection ou qu’il aurait été objectivement déraisonnable pour eux de le faire — Par conséquent, le fait d’examiner si les demandeurs avaient épuisé les recours qui s’offraient à eux ou s’ils avaient prouvé l’insuffisance de la protection de l’État ne constitue pas une application erronée du critère requis pour réfuter cette présomption de protection de l’État — S’il est vrai que l’appréciation de la preuve par la SAR (et la SPR) ne traduit pas, en soi, une application erronée du critère requis pour réfuter la protection de l’État, l’examen de la preuve qu’elle a effectué dans le cadre de son analyse relative aux conditions dans le pays était déraisonnable — Il n’aurait pas été raisonnable, de la part du demandeur principal, de relancer la police à la suite de l’incident de 2015 — Le fait que la police n’ouvrirait pas d’enquête et n’inculperait pas ses agresseurs ne relevait pas d’une « croyance personnelle » du demandeur principal; la chose ressortait clairement du dossier — La preuve a établi l’absence d’efficacité, sur le terrain, de la protection de l’État — Il était déraisonnable de la part de la SAR, comme de la SPR, de conclure que le demandeur principal aurait dû continuer à solliciter l’aide de la police — En outre, la SPR et la SAR ont omis, dans d’autres parties de leur appréciation des éléments de preuve sur les conditions dans le pays, de tenir compte adéquatement de la preuve dont elles disposaient —  En conséquence, il était déraisonnable de la part de la SAR, comme de la SPR, de conclure que le demandeur principal n’avait pas épuisé les moyens objectivement raisonnables pour lui d’obtenir la protection de l’État; la SAR, dans sa décision, n’a pas valablement examiné la preuve relative aux conditions dans le pays — En outre, la SAR a commis une erreur en n’appliquant pas correctement le critère relatif à la discrimination cumulative équivalant à de la persécution — Bien que la SAR fasse référence au concept de discrimination cumulative équivalant à de la persécution, il ressortait à l’évidence de sa décision qu’elle a mal compris ce critère et ne l’a pas appliqué aux faits dont elle disposait — S’il était raisonnable de la part de la SAR de faire observer que le caractère discriminatoire de certains des incidents en question tenait à des hypothèses de la part du demandeur principal, elle a commis une erreur en négligeant le fait que certains des exemples mentionnés résultaient directement de remarques ou d’actes discriminatoires antérieurs dont il avait été victime, ou y étaient liés — Non seulement la SAR a-t-elle omis d’examiner valablement la preuve relative à la discrimination dont le demandeur principal avait fait l’objet, mais, ayant conclu que les exemples de tels actes discriminatoires étaient à mettre au compte de ses « croyances personnelles », elle n’a pas pris en considération l’aspect cumulatif des expériences de cette nature — Demande accueillie.                                   

Nugzarishvili c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (IMM-1304-19, 2020 CF 459, juge Ahmed, motifs de jugement en date du 31 mars 2020, 20 p.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.