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[2022] 1 R.C.F. F-23

Pratique

Modification des délais

Appels interjetés à l’encontre de trois ordonnances motivées inédites rendues par la Cour fédérale, rejetant les demandes de prorogation de délai présentées par les appelants Kevin Koch et Damien de la Guardia dans le dossier de la Cour fédérale no T-558-21 et par Ireneusz Brudek dans les dossiers de la Cour fédérale nos T‑558‑21 et T‑198‑21 — Les requêtes et les ordonnances qui ont été rendues par la suite ont résulté d’une collision entre deux bateaux sur un lac en Ontario — Un litige a été intenté devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario contre la succession de M. Borgatti — Par la suite, les Kochs et Borgattis ont intenté des poursuites devant la Cour fédérale pour obtenir des déclarations selon lesquelles leur responsabilité serait limitée en vertu de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 — Les ordonnances rendues en juillet 2021 ont établi certains délais pour les diverses étapes des actions en limitation — Le paragraphe 7 des ordonnances du mois de juillet prévoyait notamment que les défendeurs qui ne respecteraient pas les délais de dépôt ne pourraient plus jamais présenter une demande contre les demandeurs — Les appelants n’ont déposé aucune défense ni aucun avis de demande ou affidavit à l’appui dans l’action en limitation de Borgatti avant la date limite — Après avoir découvert que les délais n’avaient pas été respectés, les appelants ont présenté des requêtes en redressement à la Cour fédérale — L’appelant Ireneusz Brudek s’est fondé sur la règle 8 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, qui permet à la Cour de proroger ou d’abréger tout délai prévu par les Règles ou fixé par ordonnance — Les appelants Kevin Koch et Damien de la Guardia se sont fondés sur la règle 399, qui permet à la Cour d’annuler ou de modifier une ordonnance dans certaines circonstances — Lors de l’audition des requêtes par la Cour fédérale, les appelants Koch et de la Guardia ont déclaré qu’ils souhaitaient également se fonder sur la règle 8 — Les défendeurs se sont opposés à l’argument fondé sur la règle 8 et ont affirmé qu’il était trop tard pour invoquer celui‑ci et que le soulever à l’audience causerait un préjudice — La Cour fédérale a rejeté les requêtes et a conclu que les ordonnances rendues au mois de juillet ne pouvaient être modifiées en application de la règle 399 — La Cour fédérale n’était pas convaincue que la doctrine qui permet d’être relevé d’un défaut s’appliquait dans le cas du non‑respect d’un délai fixé par la Cour dans une ordonnance — La Cour fédérale n’a pas souscrit à l’argument de l’appelant Brudek selon lequel le paragraphe 7 des ordonnances du mois de juillet n’était pas péremptoire — Elle a conclu que le critère établi dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hennelly, 1999 CanLII 8190 (C.A.F.) pour la prorogation de délai ne s’appliquait pas — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur 1) en qualifiant le paragraphe 7 de péremptoire; 2) en concluant que la doctrine permettant d’être relevé d’un défaut ne s’appliquait pas dans ces circonstances; 3) en concluant que l’alinéa 399(2)a) ne s’appliquait pas pour permettre que les ordonnances du mois de juillet soient modifiées afin de proroger le délai — La Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le paragraphe 7 des ordonnances du mois de juillet était péremptoire — Rien dans ses ordonnances motivées ne laissait croire que la Cour fédérale a tenu compte des circonstances dans lesquelles les ordonnances du mois de juillet ont été rendues ou du libellé de ces ordonnances dans leur ensemble — L’ordonnance péremptoire est une ordonnance de dernier recours — Elle n’est habituellement rendue qu’après des défauts répétés de respecter les délais établis par la Cour ou par les Règles — Le contexte dans lequel les délais prévus dans les ordonnances du mois de juillet ont été fixés et dans lequel les ordonnances ont été rendues était pertinent — Rien dans les circonstances dans lesquelles les ordonnances du mois de juillet ont été rendues ne laissait entendre que les parties ont compris ou voulu qu’elles soient péremptoires — Personne, y compris la partie défenderesse, n’a donné à entendre que les dates figurant dans les ordonnances du mois de juillet étaient péremptoires — L’absence du mot « péremptoire » dans l’ordonnance indiquait clairement que l’ordonnance n’était pas péremptoire — La Cour fédérale n’a pas appliqué le bon critère pour déterminer si elle devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai — Le facteur déterminant pour la Cour fédérale ne semblait pas avoir été d’assurer la justice entre les parties, mais plutôt d’assurer la stabilité et le caractère définitif des décisions des tribunaux — Bien que le principe soit important, dans le contexte d’une ordonnance établissant un échéancier, il n’était pas péremptoire — Les facteurs de l’arrêt Hennelly et le principe fondamental selon lequel justice doit être rendue entre les parties n’appuient aucune autre conclusion que celle selon laquelle l’appelant Brudek aurait dû obtenir une prorogation de délai — La Cour fédérale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la règle 8 — En l’espèce, il ne faisait aucun doute que les appelants Koch et de la Guardia ont demandé une prorogation de délai — La Cour fédérale aurait dû statuer sur le fond de leur demande — Elle aurait dû se demander si une objection à l’encontre d’un « nouvel argument » fondé sur la règle 8 aurait pu être réglée en donnant à la partie défenderesse la possibilité de présenter des observations après l’audition des requêtes — Elle aurait dû appliquer les facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly et le principe fondamental de justice entre les parties pour déterminer si les appelants Koch et de la Guardia auraient dû obtenir une prorogation de délai — Dans l’intérêt de ne pas prolonger davantage l’affaire, la requête a été tranchée sur le fond et la prorogation du délai demandée par les appelants Koch et de la Guardia a été accordée — Appels accueillis.

Koch c. Borgatti Estate (A-18-22, A-22-22, 2022 CAF 201, juge Monaghan, J.C.A., motifs du jugement en date du 22 novembre 2022, 27 p.)

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