Fiches analytiques

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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales

CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Statut au Canada

Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger

Sujets connexes : Langues officielles, Droit administratif, Juges et Tribunaux

Contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) par laquelle la demande du demandeur au titre des art. 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, a été rejetée — Le demandeur et sa famille ont fui le Rwanda vers la Belgique parce qu’ils craignaient les extrémistes hutus et les autorités rwandaises — Le demandeur a ensuite renoncé à sa demande d’asile en Belgique pour retourner au Rwanda en échange d’un emploi et de la protection contre la persécution — Avant son départ, le demandeur a appris qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt au Rwanda — Le demandeur a ensuite demandé l’asile au Canada — La SPR a conclu que la question déterminante était la crédibilité du demandeur — Elle a conclu que l’absence de documents relatifs à la demande d’asile du demandeur en Belgique minait sa crédibilité globale, car le demandeur n’avait pas soumis de copie de sa demande d’asile en Belgique ou de celle de son épouse — Elle a constaté des contradictions et des invraisemblances concernant le retrait de la demande d’asile en Belgique et les projets de retour au Rwanda — La SPR n’a attribué aucune valeur probante au mandat d’arrêt contre le demandeur en raison d’irrégularités, à savoir que le mandat d’arrêt a été délivré en français et qu’il comportait le mot « public » seul à une ligne — Enfin, elle a déterminé que l’explication du demandeur sur le fait qu’il n’avait pas demandé le statut de résident permanent en Belgique n’était pas raisonnable au regard de sa crainte subjective d’être persécuté au Rwanda et de son désir d’obtenir ce statut en Belgique par le biais du regroupement familial — Le demandeur a reçu un avis de décision en français, langue utilisée lors de l’audience de la SPR, accompagné de motifs en anglais — Il a reçu une traduction en français de ces motifs trois mois plus tard — Il s’agissait de déterminer si la décision de la SPR était raisonnable — La SPR a commis une erreur en n’accordant aucune valeur probante au mandat d’arrêt sur la base du fait que le mandat d’arrêt a été rédigé en français — La déclaration de la SPR selon laquelle seuls l’anglais et le kinyarwanda sont utilisés par les organismes publics à Kigali n’était pas étayée par la preuve — La SPR ne s’est pas engagée de manière significative dans l’examen des éléments de preuve et n’a manifestement pas tenu compte des éléments de preuve contradictoires lorsqu’elle a conclu que le mandat d’arrêt ne pouvait pas avoir été délivré en français — La conclusion de la SPR sur l’utilisation de la langue française par les organismes publics au Rwanda est directement contredite par les éléments de preuve mêmes sur lesquels elle s’est appuyée, et manque donc de justification, de transparence et d’intelligibilité — La représentation typographique (c’est-à-dire le mot « Public » sur une ligne seule, suivi d’une virgule sur la ligne suivante) ne suffit pas pour conclure que le document est frauduleux, erroné ou non fiable — Cette irrégularité relevée par la SPR n’est que mineure, insuffisante pour rejeter raisonnablement le mandat d’arrêt rwandais — Le rejet de ce document par la SPR pour deux motifs déraisonnables a compromis le caractère raisonnable de la décision elle-même — La SPR a également commis une erreur en déclarant que le demandeur aurait dû fournir la déclaration écrite qu’il avait préparée pour sa demande d’asile en Belgique — Le non-respect par la SPR des droits linguistiques du demandeur est un élément supplémentaire important qui a contribué au caractère déraisonnable de la décision — Il était préférable que la SPR fournisse ses motifs en français dès le départ — Le fait que la SPR rende sa décision dans une langue officielle autre que celle choisie par le demandeur, sans traduction simultanée, ne constitue pas une erreur « mineure » — En tant que tribunal fédéral, la SPR est liée par les exigences mises en œuvre par la Loi sur les langues officielles, L.R.C., 1985, c. 31 (Loi), qui stipule que le juge ou l’agent qui entend une procédure en français doit être en mesure de comprendre le français sans l’aide d’un interprète — La question de savoir si un tribunal fédéral comme la SPR est tenu de rendre sa décision dans la langue officielle choisie par le justiciable, lorsque celui-ci ne comprend pas l’autre langue officielle, se posait dans le cas du demandeur — L’article 20 de la Loi ne traite pas de cette situation — Il est étrange d’interpréter la Loi comme protégeant le droit des plaideurs de comprendre ce qui se passe lors des audiences, mais pas le droit de comprendre les décisions résultant de ces audiences — L’émission par la SPR d’une décision dans une langue autre que la langue officielle choisie par le demandeur appelle une intervention de la Cour, car elle contribue à rendre la décision déraisonnable — Les décideurs administratifs doivent se préoccuper de la cohérence générale des décisions administratives — L’émission d’une décision en anglais plutôt qu’en français, sans que la traduction soit disponible simultanément, est contraire à la pratique habituelle de la SPR — Cet écart injustifié par rapport à la pratique antérieure soulève des questions quant à l’arbitraire du processus décisionnel et sape la confiance du public dans les décideurs administratifs et le système judiciaire dans son ensemble — En l’espèce, la SPR a abdiqué sa responsabilité d’expliquer au demandeur, de manière transparente et intelligible, le fondement sur lequel elle est parvenue à sa conclusion — Un recours approprié et efficace pour rectifier le caractère déraisonnable de la décision consiste à renvoyer l’affaire pour un nouvel examen par un nouveau tribunal de la SPR — Demande accueillie.

Nambazisa c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (IMM-6658-22, 2023 CF 617, juge Gascon, motifs du jugement en date du 27 avril 2023, 22 pp.)

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