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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Forces armées

Contrôle judiciaire de deux décisions par lesquelles l’autorité de révision des Forces canadiennes a conclu que les demandeurs n’avaient pas le droit de choisir d’être jugés devant une cour martiale — Les demandeurs ont été accusés d’infractions au titre de l’art. 129 de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5 (la Loi) en raison de commentaires inappropriés adressés à des membres du personnel civil et à des candidats dans le cours d’officier de la salle des opérations — Avant et pendant leurs procès sommaires respectifs, les demandeurs ont demandé à pouvoir choisir d’être jugés devant une cour martiale — Les officiers présidant aux procès sommaires (les présidents) ont rejeté la demande des demandeurs visant à pouvoir choisir d’être jugés devant une cour martiale — Ils ont affirmé, entre autres choses, que les infractions à l’origine des accusations portées au titre de l’art. 129 étaient de nature mineure, qu’elles se rapportaient à la définition du « maintien » et que, par conséquent, elles n’exigeaient pas le choix d’un procès devant une cour martiale — Les demandeurs ont été déclarés coupables à l’issue d’un procès sommaire — L’autorité de révision, affirmant que le maintien était de nature suffisamment mineure pour ne pas justifier des pouvoirs de punition plus grands que ceux prévus par l’art. 108.17 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (les ORFC), a confirmé les décisions des présidents refusant de permettre aux demandeurs de choisir d’être jugés devant une cour martiale — Les questions communes étaient liées à l’interprétation de l’art. 108.17(1)a) des ORFC — L’art. 108.17 a été abrogé après que les décisions faisant l’objet du contrôle eurent été rendues — L’autorité de révision dans le dossier T-1244-22 a affirmé qu’il n’était pas requis de permettre au demandeur de choisir d’être jugé devant une cour martiale parce que l’affaire était liée au « maintien », ce qui donne à penser qu’il a interprété le mot de manière disjonctive, alors que l’autorité de révision dans le dossier T-1953-22 a affirmé la même chose, mais parce que l’affaire se rapportait « à la tenue et au maintien » — L’autorité de révision dans le dossier T-1953-22 semble avoir été d’avis que l’expression « tenue et […] maintien » (non souligné dans l’original) doit être interprétée de manière conjonctive — Les décideurs dans les présentes affaires ne sont pas arrivés à leur interprétation en se fondant sur le principe moderne d’interprétation des lois — Les deux interprétations de l’expression « tenue et […] maintien » employée à l’art. 108.17(1)a) ne tiennent pas compte des mots qui forment l’expression ou du libellé de l’art. 129 de la Loi dans son intégralité — Aucune analyse de l’objectif de l’art. 108.17(1)a) n’a été fournie — Les interprétations manquent d’intelligibilité, de justification et de transparence — Suivant l’art. 129, le droit de choisir un procès devant une cour martiale pour un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline est refusé « seulement lorsque l’infraction se rapporte à la formation militaire, à l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail, ou à la tenue et au maintien » — Lorsqu’une disposition législative comporte une série de facteurs, la règle ejusdem generis veut que ces facteurs soient du même type ou de la même catégorie — En l’espèce, il s’agissait de la nature des circonstances précises du comportement reproché qui étaient visées à l’art. 129 — D’après les restrictions au droit de choisir un procès devant une cour martiale, l’art. 108.17(1)a) lié à l’art. 129 a été adopté en vue des infractions mineures pouvant être jugées efficacement et rapidement par procès sommaire — Ces infractions ne donnent pas lieu à un choix précisément pour cette raison — L’application de la règle ejusdem generis relative aux choses du même ordre milite en faveur de l’interprétation des demandeurs, soit que l’expression « tenue et […] maintien » à l’art. 108.17(1)a) forme un seul et même terme technique et l’une des trois catégories énumérées liées à l’art. 129, par rapport aux deux autres catégories connexes — L’interprétation conjonctive de l’expression « tenue et […] maintien » permet une interprétation correcte de la phrase selon laquelle le « maintien » se rapporte à la « tenue » et comprend par exemple les infractions liées au port de l’uniforme ou à la propreté de l’uniforme et des bottes — Cette interprétation concorde avec les autres infractions mineures qui ne donnent pas lieu à un choix, soit celles qui sont relatives « à la formation militaire » et « à l’entretien de l’équipement personnel, des quartiers ou du lieu de travail » — Si l’expression « tenue et […] maintien » était interprétée de manière disjonctive, il résulterait de la prise en considération du mot « maintien » seul que toute infraction décrite comme étant liée [traduction] « à l’allure, au comportement ou aux manières » serait jugée par procès sommaire uniquement — Cette interprétation n’est pas conforme à l’intention législative, à savoir que les infractions visées soient les infractions mineures — Une lecture de l’art. 108.17(1)a) lié à l’art. 129 permet de constater que l’intention du gouverneur en conseil n’était pas que l’expression « tenue et […] maintien » soit interprétée de manière disjonctive — L’utilisation du mot « et » démontre que le gouverneur en conseil était conscient de l’objectif de l’art. 108.17(1)a) et que son intention était qu’il soit interprété de manière conjonctive — Pour récapituler, l’expression « tenue et […] maintien » doit être interprétée de manière conjonctive, de sorte qu’elle vise le maintien en ce qui a trait à l’uniforme, par exemple le port et la propreté de celui-ci — Cette interprétation concorde avec les autres infractions mineures qui ne donnent pas lieu à un choix ainsi qu’avec les deux libellés et le contexte de l’art. 108.17(1)a) — Demande accueillie.          

Noonan c. Canada (Procureur général) (T-1244-22, T-1953-22, 2023 CF 618, juge Zinn, motifs du jugement en date du 27 avril 2023, 23 p.)

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