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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

 

Pénitenciers

Demande de contrôle judiciaire d’une décision du défendeur (la décision) refusant d’accepter de traiter la demande du demandeur soumise en vertu de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21 — Le demandeur a demandé deux types principaux de réparation en l’espèce : une ordonnance annulant le refus; une ordonnance ordonnant au défendeur d’accepter sa demande de traitement et d’en faire l’examen sans délai — Le demandeur a fait valoir que la décision était déraisonnable, principalement pour trois raisons : la décision était fondée sur une interprétation déraisonnable de la définition de « délinquant canadien » dans la Loi; la décision ne tenait pas compte des observations qu’il a présentées à l’appui de sa demande de transfert de la totalité de sa peine au Canada; le défendeur a mal interprété certains éléments de preuve — Le demandeur est un citoyen canadien résidant dans le sud de l’Ontario, où il a vécu la majeure partie de sa vie — Entre 2004 et 2009, il a partagé son temps entre le Canada et la République dominicaine, où sa famille exploite un centre de villégiature depuis les années 1980 — Le demandeur est devenu président de cette entreprise en 2003 et s’est associé à un individu qui dirigeait une société de services financiers vendant des multipropriétés — Le demandeur ne savait pas que la société de l’individu vendait en fait des produits financiers dans le cadre d’un système de commercialisation à paliers multiples et de vente pyramidale — Le demandeur et l’individu ont tous deux été accusés et reconnus coupables de fraude postale aux États-Unis, en raison de leur participation au stratagème sur une période qui s’est achevée en 2007 — En août 2012, le demandeur a conclu une entente de coopération avec les autorités américaines qui faisaient enquête sur l’individu — Après avoir été inculpé au criminel en septembre 2012, le demandeur a commencé à coopérer avec le FBI et le bureau du procureur des États-Unis — Le demandeur a ultérieurement plaidé coupable à un chef d’accusation de conspiration en vue de commettre une fraude postale — En raison de sa grande coopération, la partie poursuivante a recommandé une peine moins sévère — Malgré cela, le demandeur a finalement été condamné à deux ans d’emprisonnement plus trois ans de liberté sous surveillance — Comme le demandeur n’est pas citoyen américain, il n’avait pas le droit de purger sa peine dans un établissement de sécurité minimale aux États-Unis — Par conséquent, le demandeur devait purger sa peine dans une « prison pour étrangers criminels » (Criminal Alien Requirement, CAR) dans des conditions très dures — Étant donné le statut de non-citoyen du demandeur aux États-Unis, il ne pouvait pas bénéficier d’une libération anticipée de sa peine d’emprisonnement de deux ans — Il serait probablement placé en détention par les services d’immigration pour une durée indéterminée, dans l’attente de son renvoi des États-Unis — Le demandeur a communiqué avec l’Unité des transfèrements internationaux du Service correctionnel du Canada (« SCC ») pour demander son transfèrement et purger sa peine au Canada — La demande officielle a été transmise le 15 janvier 2020 — Le demandeur n’a pas été immédiatement placé en détention; il a plutôt été libéré sous caution et autorisé à retourner au Canada, à condition qu’il se rende aux autorités américaines à une date déterminée — La décision en cause concernait deux lettres envoyées en réponse à la demande du demandeur — La première lettre précisait que le demandeur ne s’inscrivait pas dans la définition de « délinquant canadien », car il n’était ni détenu ni sous la surveillance d’une entité étrangère — La deuxième lettre indiquait en particulier que le demandeur était tenu de se rendre aux autorités afin de purger sa peine, mais qu’il ne l’a pas fait — Il s’agissait de savoir si l’interprétation qu’a faite le défendeur de l’article 2 était déraisonnable; si la décision était déraisonnable au motif qu’elle n’était pas dûment justifiée; si la décision était déraisonnable au motif que le défendeur a mal compris la situation du demandeur; quel était le recours approprié — La définition d’un « délinquant canadien » figure à l’article 2 de la Loi; elle englobe tout citoyen canadien qui a été reconnu coupable d’une infraction et qui est détenu ou assujetti à une autre forme de liberté surveillée dans une entité étrangère — La conclusion du défendeur portant que cette définition du terme « délinquant canadien » ne s’appliquait pas au demandeur n’était pas déraisonnable — La phrase « assujetti à une autre forme de liberté surveillée, dans une entité étrangère » est précise et sans équivoque — Elle signifie que l’individu doit être assujetti à une forme de liberté surveillée dans une entité à l’extérieur du Canada — Le défendeur a fait valoir que le demandeur ne tombait pas dans le champ d’application de cette phrase puisqu’il n’était pas assujetti à une autre forme de liberté surveillée « de » l’entité étrangère et que le demandeur n’était pas assujetti à une autre forme de liberté surveillée « dans » une entité étrangère au sens prévu dans la définition de « délinquant canadien » figurant à l’article 2 de la Loi — Le demandeur a affirmé qu’il était assujetti à une forme de liberté surveillée « de » l’entité étrangère parce qu’il faisait l’objet d’une ordonnance du tribunal américain exigeant qu’il se rende à l’établissement désigné le 13 novembre 2023 — En outre, un rapport d’enquête préalable fournissant d’autres renseignements sur la libération du demandeur n’avait pas été soumis au défendeur au moment où la décision a été rendue — Bien que le demandeur ait été tenu de se rendre à l’établissement désigné à une date précise, la conclusion du défendeur portant que la définition ne s’appliquait pas au demandeur n’était pas déraisonnable — Les mots « dans une entité étrangère » de la définition de « délinquant canadien » ont été examinés, de même que l’objet de la Loi figure à l’article 3 — Le demandeur a fait valoir que lorsque des facteurs contextuels sont examinés, la seule interprétation raisonnable des mots « dans une entité étrangère » est qu’ils signifient « d’une entité étrangère » — Il a affirmé que ces facteurs contextuels comprennent l’objet de la Loi, le libellé du Traité conclu entre le Canada et les États-Unis d’Amérique au sujet des peines purgées dans des pénitenciers, 2 mars 1977, [1978] R.T. Can. no 12 et les conséquences sévères d’une interprétation littérale des mots « dans une entité étrangère », et que le défendeur a employé l’expression « d’une entité étrangère » dans la décision — Le libellé de l’article 3, pris dans son ensemble, est ambigu et peut offrir un certain soutien à la position du demandeur comme à la position du défendeur — Par conséquent, l’objectif déclaré de la Loi ne supplante pas une interprétation franche de la définition de « délinquant canadien » donnée à l’article 2 — Le Traité en cause soutenait les positions des deux parties, mais ne penchait pas beaucoup en faveur du demandeur — Par conséquent, l’interprétation qu’a faite le défendeur de la portée du terme « délinquant canadien » n’était pas déraisonnable; la conclusion du défendeur portant que la décision de « délinquant canadien » de la Loi ne visait pas le demandeur était en outre soutenue par la signification claire du libellé de cette définition, particulièrement des mots « dans une entité étrangère » — Cela dit, les deux lettres qui constituaient la décision ne justifiaient pas dûment la décision et étaient loin d’être à la hauteur de ce qui était requis — La décision aurait dû refléter les dures conséquences pour les intérêts de liberté du demandeur — Elle aurait également dû aborder les questions clés ou les arguments centraux soulevés par le demandeur — Comme la décision était entièrement muette sur ces questions, elle n’était pas dûment justifiée et était donc déraisonnable — Il n’était pas nécessaire de tirer une conclusion définitive sur la question de savoir si le défendeur a mal compris la situation du demandeur, étant donné la conclusion sur la justification de la décision — Cependant, certains termes employés dans la décision ont soulevé de véritables questions quant à savoir si le défendeur avait mal compris la situation dans laquelle le demandeur se trouvait réellement au Canada — En l’espèce, le recours adéquat dans ce cas-ci était d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire au défendeur pour réexamen —Demande accueillie en partie.

Elliott c. Canada (Sécurité publique) (T-889-22, 2023 CF 1053, juge en chef Crampton, motifs du jugement en date du 1er août 2023, 26 p.)

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