Fiches analytiques

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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

PRATIQUE

Sujet connexe : Droit maritime

Il s’agissait d’une requête et d’un appel introduits par la demanderesse à l’encontre d’une ordonnance de la Cour fédérale (2023 CF 1746) que la juge adjointe a rendue et qui accueillait une requête dans laquelle le défendeur sollicitait la radiation de l’action de la demanderesse au motif que celle-ci n’avait invoqué aucun fondement en droit au soutien de la responsabilité alléguée du défendeur — La juge adjointe a radié la déclaration de la demanderesse sans autorisation de la modifier — Dans l’action, la demanderesse demandait au défendeur le remboursement des frais qu’elle a engagés pour réparer les dommages découlant d’un déversement d’hydrocarbures provenant de son propre navire — Dans la requête en radiation sous-jacente, la demanderesse demandait également une autorisation de modifier sa déclaration en tenant compte de la cause d’action qu’elle a énoncée dans la présente instance — La demanderesse est propriétaire et exploitante d’un pavillon ou d’une barge pour amateurs de pêche sportive (le navire) — La Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires (la CIDPHN) et le défendeur sont des créations de la loi établies en vertu de la partie 7 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 (la Loi) et ont le mandat de fournir une indemnisation prévue par la loi pour les frais et les pertes découlant de la pollution par les hydrocarbures causée par les navires — La déclaration de la demanderesse soutenait que le navire s’est détaché de sa bouée d’amarrage et a dérivé jusqu’à un point d’échouage dans la baie de Bearskin, en Colombie-Britannique, où il a rejeté un mélange d’essence et de carburant diesel — Le navire a été le seul impliqué dans l’incident — La demanderesse est entrée en contact avec les autorités pour les informer de l’incident et a fait des efforts pour réparer et réduire au minimum les dommages potentiellement dus à la pollution par les hydrocarbures — La demanderesse a soutenu que l’échouage était survenu parce qu’une ou plusieurs tierces parties avaient trafiqué de manière intentionnelle et délibérée les câbles d’amarrage du navire dans le but de causer des dommages — La demanderesse a ultérieurement déposé une demande auprès de la CIDPHN en vue d’obtenir le remboursement des frais engagés pour réparer ou réduire au minimum les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, y compris les mesures de prévention connexes — La demande a d’abord été déposée en vertu de l’alinéa 101(1)b) de la Loi, mais elle a par la suite été déposée en vertu du paragraphe 103(1) — Le défendeur a rejeté la demande de la demanderesse au motif qu’un propriétaire de navire n’a pas le droit de présenter une demande en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi pour un incident causé uniquement par son propre navire — La demanderesse a interjeté appel à l’égard de la décision du défendeur — La Cour fédérale, par l’entremise de la juge Strickland, a rejeté l’appel (2022 CF 1249) (la décision Strickland) en concluant que le défendeur avait interprété correctement le paragraphe 103(1) de la Loi — La présente action indiquait que la demande était fondée sur le paragraphe 101(1) de la Loi, soit une autre disposition législative — Le défendeur a présenté une requête en radiation de la déclaration de la demanderesse dans la présente instance au motif que la déclaration ne révélait aucune cause d’action valable — L’ordonnance de la juge adjointe qui a radié la déclaration de la demanderesse sans autorisation de la modifier constituait le fondement du présent appel interjeté en vertu de la règle 51 des Règles des Cours fédérales DORS/98-106 — Bien qu’elle ait reconnu que la décision Strickland portait sur la question de savoir si le défendeur avait refusé à bon droit la demande d’indemnisation de la demanderesse fondée sur le paragraphe 103(1) de la Loi, la juge adjointe a conclu que la juge Strickland avait fait un examen détaillé des parties 6 et 7 de cette loi ainsi que de l’objet de l’ensemble de celle-ci — Il s’agissait principalement de savoir si la juge adjointe a commis une erreur en appliquant les remarques incidentes tirées de la décision Strickland; si la juge adjointe a commis une erreur dans son application du critère du caractère évident et manifeste; si la juge adjointe a commis une erreur en appliquant la doctrine de la préclusion; et, si une erreur susceptible de révision dans l’ordonnance a été relevée, comment la requête en radiation du défendeur devrait-elle être tranchée? — La demanderesse a soutenu que la juge adjointe a appliqué incorrectement les principes juridiques de la ratio decidendi et des remarques incidentes en concluant qu’elle était liée par l’analyse du paragraphe 101(1) de la Loi énoncée dans la décision Strickland — Cependant, l’ordonnance ne démontrait pas que la juge adjointe a conclu qu’elle était liée par l’analyse de l’article 101 énoncée dans la décision Strickland du fait que celle-ci faisait jurisprudence — La juge adjointe a plutôt affirmé que la décision Strickland liait les parties à l’instance actuelle et que le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquait — Cette conclusion découle de l’application par la juge adjointe des principes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée — Il existe des similitudes entre une analyse visant à savoir si une question en particulier fait partie de la ratio decidendi d’une décision et une analyse visant à savoir si une question en particulier a été tranchée — C’est fondamental quant à une décision aux fins de l’analyse de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée — Les remarques incidentes n’étayent pas une conclusion de préclusion découlant d’une question déjà tranchée — L’analyse de la ratio decidendi est d’ordre jurisprudentiel, tandis que l’analyse de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée représente l’application d’un type de chose jugée — La partie de l’ordonnance sur laquelle l’argument de la demanderesse s’appuyait, dans laquelle la juge adjointe a indiqué que la décision Strickland liait les parties, correspondait à la deuxième analyse — En ce qui concerne l’application du critère du caractère évident et manifeste, la demanderesse a soutenu que la juge adjointe a appliqué le critère du caractère évident et manifeste en partie en concluant que son acte de procédure était dénué de précisions étayant une demande d’indemnisation contre le défendeur — Toutefois, l’argument était peu fondé puisque la juge adjointe a expliqué qu’il n’était pas nécessaire qu’elle examine la question de savoir si une modification permettrait de remédier au manque de précisions dans la déclaration, car elle a conclu que l’action de la demanderesse était chose jugée — L’analyse de la juge adjointe ne démontrait pas une application incomplète du critère applicable et ne constituait pas une erreur susceptible de contrôle — Également, le critère du caractère évident et manifeste applicable à une requête en radiation n’impose pas un seuil supplémentaire ou supérieur à respecter lors de l’analyse de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée — La juge adjointe a conclu que le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquait — Une telle conclusion était définitive; ainsi, une autre analyse indiquant que la conclusion était aussi évidente et manifeste n’était pas nécessaire — Aucune erreur n’a été commise — En ce qui concerne l’application de la doctrine de la préclusion le défendeur était en accord avec la position de la demanderesse portant que l’analyse de l’article 101 énoncée dans la décision Strickland constituait une remarque incidente ne répondant pas à une question fondamentale à la décision et qu’en conséquence, elle n’était pas susceptible de fonder l’application du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée en l’espèce — La demanderesse a établi qu’il y a eu une erreur manifeste et dominante dans l’application du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée — L’ordonnance démontrait clairement une interprétation erronée de la position du défendeur quant à la question de savoir si le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’appliquait — La juge adjointe a souligné que le défendeur a reconnu que les observations formulées dans la décision Strickland étaient des remarques incidentes (dans la mesure où elles portaient sur l’article 103 de la Loi, alors que l’action dont elle était alors saisie était en apparence fondée sur l’article 101) — Cependant, la juge adjointe a ensuite mentionné que le défendeur a fait valoir que la décision Strickland devait être appliquée et donner lieu au rejet de l’action et a interprété que, par cette observation, le défendeur demandait à la Cour d’appliquer le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée — C’était une erreur — Le défendeur était d’accord avec la demanderesse pour dire que le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne s’appliquait pas en l’espèce; il était d’avis que l’analyse de l’article 101, qui constituait une remarque incidente dans la décision Strickland, était convaincante sur le plan jurisprudentiel et devrait être adoptée et appliquée à la requête en radiation — En outre, l’analyse de l’article 101 énoncée dans la décision Strickland constituait une remarque incidente et ne donnait pas lieu, en l’espèce, à l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée — La décision Strickland a déterminé que les articles 101 et 103 étaient des voies séparées et distinctes pour faire valoir des demandes; ainsi, la défenderesse ne disposait pas d’un moyen de défense fondé sur l’alinéa 101(1)b) comme il était affirmé dans sa demande présentée en vertu du paragraphe 103(1) — L’interprétation de l’article 101 n’était pas la question dont la Cour était saisie dans la décision Strickland — Le rejet de l’appel prévu par la loi découlait en particulier de la conclusion selon laquelle il n’existait aucun mécanisme servant à trancher une demande déposée en vertu du paragraphe 103(1) qui permette de tenir compte du moyen de défense prévu à l’alinéa 101(1)b) — Cependant, ce résultat ne reposait pas sur une analyse ou des conclusions quant à la question de savoir si le propriétaire d’un navire a le droit de présenter une demande d’indemnisation à la CIDPHN en vertu de l’article 101 — Par conséquent, il était impossible de conclure que l’analyse de l’article 101 était fondamentale à cette décision — La juge adjointe a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l’analyse de l’article 101 effectuée par la juge Strickland était fondamentale quant à sa décision et entraînait l’application du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée — Les paragraphes de la décision Strickland que la juge adjointe a adoptés expliquaient de façon générale le contenu des parties 6 et 7 de la Loi — La décision de la juge adjointe d’accueillir la requête s’appuyait sur l’application du principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée — Elle ne s’appuyait pas sur l’adoption du raisonnement de la décision Strickland du fait de son caractère convaincant sur le plan jurisprudentiel — En ce qui concerne la requête en radiation du défendeur, la question d’interprétation législative en cause en l’espèce était manifestement complexe et litigieuse — La décision Strickland a démontré que le défendeur a fait valoir, dans le cadre de l’appel prévu par la loi, que la CIDPHN n’avait pas la capacité d’être poursuivie aux termes de l’article 101 et les conclusions incidentes de la juge Strickland indiquaient que celle-ci a accepté cette position — Cependant, la décision ne permettait pas de dire avec certitude si la juge Strickland a eu l’avantage de recevoir des observations détaillées sur la façon dont les dispositions de la Loi devraient guider une analyse et une décision quant à la question de savoir si la CIDPHN a la capacité d’être poursuivie à titre d’organisation publique — Par conséquent, il n’était pas manifeste et évident que la cause d’action de la demanderesse était vouée à l’échec si la demanderesse aurait eu l’avantage d’apporter des modifications en vue de mieux formuler sa demande fondée sur l’article 101 de la Loi — Par conséquent, en l’espèce, la demanderesse s’est vu accorder l’autorisation de modifier sa déclaration pour formuler une demande fondée sur l’article 101 de la Loi —Requête et appel accueillis.

Haida Tourism Partnership (West Coast Resorts) c. Canada (Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires), T-1374-21, 2024 CF 439, juge Southcott, motifs de l’ordonnance en date du 19 mars 2024, 41 + 20 p.)

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