NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques
Demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 14 la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5 (LPRPDE) relativement à l’étude demandée par l’intimée sur les frais généraux engagés par les médecins en Ontario — L’intimée, l’Ontario Medical Association, a commandé un étude à l’appui des négociations avec la province au sujet de la compensation financière des médecins — Les demandeurs sont des médecins spécialistes exerçant dans la province de l’Ontario; ils sont membres de l’Ontario Specialists Association (OSA), et sont membres de l’Ontario Medical Association — Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada (CPVP) a rejeté la plainte de l’OSA relativement à l’étude proposée et a conclu que l’étude ne constituait pas une « activité commerciale » au sens de la LPRPDE et qu’elle ne s’inscrivait pas dans le champ d’application de la loi — L’intimée est une organisation à but non lucratif reconnue par la loi (Loi de 1991 sur les cotisations de l’Ontario Medical Association, L.O. 1991, ch. 5) — Elle agit à titre de représentant exclusif des médecins de l’Ontario pour défendre auprès du ministre de la Santé et des Soins de longue durée (le ministre) le bien-être professionnel et personnel des médecins — L’intimée est entièrement financée par les cotisations de ses membres et ne reçoit aucun financement de la part d’un gouvernement ni d’entreprises — Les activités de représentation de l’intimée comprennent la négociation de la rémunération et des ententes de facturation avec le ministre, en particulier l’Accord sur les services médicaux (ASM), qui fixe les taux de facturation pour les services de santé dans toute la province — En 2019, l’intimée a annoncé qu’elle souhaitait commander une étude sur les frais généraux engagés par les médecins — Statistique Canada (StatCan) a puisé les renseignements dans les dossiers fiscaux des membres de l’intimée et de leurs ordres professionnels, associations ou partenariats de partage de coûts, détenus par l’Agence du revenu du Canada (ARC) — Les renseignements personnels communiqués par l’intimée à Statistique Canada comprenaient le nom, la date de naissance, le sexe, l’adresse principale et le domaine de spécialité du médecin — Avant le vote, l’intimée a discuté avec le CPVP de l’étude proposée — Le CPVP l’a informée qu’il ne prendrait aucune mesure concernant l’étude parce que les renseignements personnels seraient utilisés à des fins statistiques ou à des fins d’étude ou de recherche érudites, et que ces fins ne peuvent être réalisées sans que le renseignement soit utilisé (LPRPDE, art. 7(2)c)) — Par la suite, l’OSA a déposé une plainte auprès du CPVP, alléguant que l’étude proposée par l’intimée contreviendrait à l’article 6.1 de la LPRPDE et à son principe 4.3, mais le CPVP a déterminé qu’il n’avait pas compétence pour examiner la plainte, car l’intimée, en tant qu’organisation à but non lucratif, n’était pas considérée comme exerçant des activités commerciales — Il s’agissait de déterminer si l’étude proposée par l’intimée constituait une « activité commerciale » aux fins de la LPRPDE — Les demandes soumises au titre du paragraphe 14(1) de la LPRPDE font l’objet d’une décision de novo — Bien que le CPVP se soit déjà prononcé sur ces questions, il n’y avait pas lieu d’y faire preuve de déférence en l’espèce — Au sens du paragraphe 2(1) de la LPRPDE, le terme « renseignements personnels » s’entend de « tout renseignement concernant un individu identifiable » — Ce terme a une portée très large — Les renseignements que l’intimée proposait de divulguer à Statistique Canada à propos de ses membres étaient des « renseignements personnels » au sens de la LPRPDE — Cette divulgation avait pour but de permettre l’identification de ses membres, notamment par leur nom, date de naissance, etc. — L’intimée entendait communiquer à Statistique Canada des renseignements personnels concernant ses membres aux fins de la réalisation de l’étude — Le terme « activité commerciale », au sens du paragraphe 2(1) de la LPRPDE, s’entend de toute transaction, de toute action ou de tout comportement isolés et de toute conduite régulière qui revêtent un caractère commercial, etc. — Les négociations relatives à l’ASM nécessitent l’exercice par le ministre de sa compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils parce qu’il est question de la rémunération des médecins pour les services de santé financés par la province — Seuls les renseignements que l’organisation recueille parce qu’elle en a besoin à des fins commerciales sont visés par la LPRPDE — La nature dominante de l’activité détermine essentiellement son caractère commercial — Le paiement de cotisations à une association, sans plus, ne constitue pas une activité de nature commerciale — La communication par l’OMA des renseignements personnels concernant les médecins à Statistique Canada aux fins de l’étude proposée ne supposerait pas « l’échange, le commerce, l’achat et la vente » de quoi que ce soit, comme le prévoit la définition d’« activité commerciale » — L’étude proposée visait à soutenir les négociations avec le gouvernement qui pourraient finalement aboutir à un cadre établissant la base des paiements futurs des médecins, qui seraient versés directement par le gouvernement à ces derniers — Elle relevait donc d’un cadre très distinct de celui d’une activité commerciale — L’étude proposée ne constituait donc pas une « activité commerciale » au sens de la LPRPDE et par conséquent, cette loi ne s’appliquait pas — Demande rejetée.
Parker c. Ontario Medical Association (T-603-23, 2024 CF 667, juge Fothergill, motifs du jugement en date du 1er mai 2024, 15 p.)