NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
Libération conditionnelle
Sujets connexes : Droit constitutionnel; Pratique
Requête en vertu de la règle 220 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 portant sur une décision préliminaire sur un point de droit dans un recours collectif — L’action de la demanderesse à l’encontre de la défenderesse, en tant que responsable, entre autres, du fonctionnement du Service correctionnel du Canada (SCC) et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC), est présentée au nom d’environ 3 252 anciens détenus qui réclament des dommages-intérêts payables au titre du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés en raison du non-respect de la Charte — La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (LSCMLC), qui est entrée en vigueur en 1992, a introduit une procédure d’examen expéditif (PEE) de la mise en libération conditionnelle pour simplifier le processus d’examen par la CLCC comparativement à l’examen habituel de la mise en libération conditionnelle des délinquants primaires qui sont admissibles au titre des critères établis dans la LSCMLC — La PEE était automatique, les délinquants n’avaient pas besoin d’en faire la demande — Au départ, le régime de la PEE n’était accessible qu’aux délinquants admissibles à la libération conditionnelle totale. Cependant, en juillet 1997, des modifications apportées à la LSCMLC ont élargi le régime pour inclure les délinquants admissibles à la libération conditionnelle de jour et la date d’admissibilité à la libération conditionnelle anticipée a été fixée à un sixième de la peine ou à six mois, selon ce qui est le plus long — L’action sous-jacente concernait l’adoption et la mise en œuvre en 2011 de certaines dispositions de la Loi sur l’abolition de la libération anticipée des criminels, L.C. 2011, ch. 11 (LALAC) qui, rétrospectivement, a supprimé l’admissibilité à la PEE pour les détenus non violents purgeant une première peine dans un établissement fédéral qui étaient, en raison de dispositions de la LALAC, incarcérés au-delà de leur date de libération en vertu de la PEE — La Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20, [2014] 1 R.C.S. 392 a subséquemment déclaré que les dispositions de la LALAC en question étaient inconstitutionnelles au motif que la suppression rétrospective de la PEE représentait une double peine et à une violation de l’alinéa 11h) de la Charte — En 2013, la demanderesse a éventuellement obtenu sa libération conditionnelle de jour, puis sa libération conditionnelle totale –– En avril 2006, la demanderesse avait précédemment été reconnue coupable en vertu du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, pour trafic d’armes, possession d’armes à feu non autorisées, etc. — Elle a été condamnée le 29 septembre 2010 à quatre ans et six mois d’emprisonnement — Elle est devenue admissible le 29 juin 2011 à des permissions de sortir sans escorte (PSSE), date à laquelle la demanderesse serait également admissible à la PEE de la mise en libération conditionnelle de jour, ayant purgé le sixième de sa peine (soit neuf mois) — En avril 2011, la CLCC a avisé la demanderesse que sa demande de PEE de la mise en libération conditionnelle de jour ou totale ne serait pas examinée en raison des nouvelles modifications apportées à la LSCMLC par la LALAC, qui a supprimé rétrospectivement la PEE; ainsi, la demanderesse est devenue admissible à la libération conditionnelle de jour au titre de la procédure d’examen habituelle (et non de la PEE) le 29 septembre 2011 — Après le transfèrement de la demanderesse dans un autre établissement le 11 octobre 2011, la CLCC a rejeté sa demande de libération conditionnelle de jour et de libération conditionnelle totale au titre de la procédure d’examen habituelle (et non de la PEE) — En mai 2011, la demanderesse et deux autres détenus ont contesté la constitutionnalité du paragraphe 10(1) de la LALAC devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique pour le faire déclarer inopérant au motif que la disposition portait atteinte à leur droit garanti par l’alinéa 11h) de la Charte — La Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu que le paragraphe 10(1) de la LALAC ne respectait effectivement pas l’alinéa 11h) de la Charte, laquelle décision a été confirmée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et éventuellement par la Cour suprême du Canada — L’ensemble des membres du recours collectif étaient des délinquants admissibles à la PEE en vertu des articles 125 et 126 de la LSCMLC au titre du paragraphe 119.1 — Il s’agissait de savoir si le paragraphe 28 de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21 (LTID), s’appliquait aux membres des sous-classes C et D de sorte que la CLCC n’était pas tenue d’examiner leurs dossiers avant l’expiration d’un délai de six mois suivant la date de leur transfèrement; et si la succession d’un membre décédé du recours pouvait réclamer des dommages-intérêts en vertu de la Charte pour atteinte au droit garanti par l’alinéa 11h) de la Charte; en cas de réponse est affirmative, alors, si les lois provinciales en matière de succession qui prévoient une date à laquelle une personne est « toujours vivante » interdisent ou limitent la réclamation de ces dommages-intérêts au titre de la Charte — La définition des sous-classes en question a été examinée, — La Cour devait déterminer si la période de six mois prévue à l’article 28 de la LTID, quel que soit le délai d’examen, était applicable au titre de la PEE de la mise en libération conditionnelle de jour pour les personnes transférées en vertu de la LTID — La demanderesse a soutenu que le délai de six mois imposé pour l’examen de la mise en libération conditionnelle au titre de l’article 28 ne s’applique pas aux membres des sous-classes C et D ou à la PEE de façon générale, si l’on examine le libellé de la disposition en lien avec le principe de l’exclusion implicite et que les dispositions de la PEE (paragr. 119.1, 125, 126 et 126.1 de la LSCMLC) ne sont pas mentionnées à l’article 28 — Le contexte et l’objectif de la LTID allaient à l’encontre d’une interprétation trop étroite comme l’avançait la demanderesse — Compte tenu de l’objectif de la LTID, aucun motif d’ordre public convaincant n’a été présenté pour justifier la distinction faite entre l’application de l’article 28 de la LTID aux délinquants admissibles à un examen de la mise en libération conditionnelle habituel et son application aux délinquants qui ont droit à une PEE — L’aspect pratique de l’article 28 ne contrecarre pas l’objectif de la PEE, mais se conforme à l’objectif général de la libération conditionnelle. — L’article 28, en lui-même, n’établit pas une procédure ou un calendrier subsidiaire en ce qui concerne la procédure de libération conditionnelle au titre de la LSCMLC; il ne vise qu’à suspendre les procédures ou les calendriers des procédures de libération conditionnelle qui peuvent s’appliquer aux personnes transférées en vertu de la LTID — Considérant que l’objectif de l’article 28 était de donner à la CLCC un délai tampon de six mois suivant la date du transfèrement d’un détenu au titre de la LTID avant de devoir examiner sa mise en libération conditionnelle; il était important de cibler les articles 122 et 123 pour contourner le déclenchement automatique d’une procédure de libération conditionnelle habituelle par la CLCC — Ce problème n’existe pas avec la PEE puisque la PEE comprend la participation du SCC à la procédure d’examen de la mise en libération conditionnelle et le SCC, avant de procéder à l’examen de mise en libération conditionnelle obligatoire, doit d’abord renvoyer la question à la CLCC — Par conséquent, nonobstant le renvoi aux articles 122 et 123 de la LSCMLC, l’article 28 de la LTID doit être interprété de façon large pour s’appliquer à l’ensemble des procédures d’examen de la mise en libération conditionnelle, pas simplement aux procédures habituelles, afin de mieux refléter l’intention du Parlement et l’objectif de la législation applicable afin de donner au SCC et à la CLCC le temps nécessaire pour se préparer à un examen de la mise en libération conditionnelle efficace — Par conséquent, la première question a reçu une réponse affirmative — En ce qui concerne la deuxième question portant sur la succession d’un membre décédé du recours en l’espèce , l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hislop, 2007 CSC 10, [2007] 1 R.C.S. 429 qui a été examiné — Cet arrêt souligne la règle de common law portant que les droits personnels meurent avec la personne et qu’il existe des exceptions à cette règle — Nul n’a remis en cause que les droits garantis pas la Charte sont des droits personnels; et que toute demande présentée en vertu de l’article 24 est un recours personnel — Il s’agissait de déterminer si la législation, en l’espèce les lois provinciales et territoriales relatives aux personnes survivantes, peut supplanter la règle de common law clairement articulée dans l’arrêt Hislop pour donner qualité pour agir aux successions d’exercer dans un recours des droits autrement personnels qui appartenaient à la personne décédée — L’affaire Hislop n’appuie pas la proposition selon laquelle il est impossible de déroger à une règle de common law par voie législative — L’arrêt Hislop ne répond pas complètement à la troisième question; et n’adhère pas à une règle générale portant que toutes demandes en vertu de la Charte meurent avec la personne — La réponse à la première partie de la troisième question est affirmative à condition que la situation de la succession relève de l’une des exceptions énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt Hislop ou qu’il soit établi qu’une législation provinciale ou territoriale relative aux personnes survivantes et validement adoptée peut supplanter la règle de common law selon laquelle les recours meurent avec la personne — Il n’était pas nécessaire de s’attarder à la deuxième partie de la troisième question; comme la réponse à la première partie était affirmative, alors la réponse à la deuxième partie de la troisième question était également affirmative.
Whaling c. Canada (T-455-16, 2024 CF 712, le juge Pamel, motifs du jugement en date du 9 mai 2024, 64 p. + 35 p.)