NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
ALIMENTS ET DROGUES
Demande de contrôle judiciaire par les demandeurs, un neurologue (Dr. Davenport) et son patient (M. Lance) souffrant de céphalées en grappe débilitantes, du refus de Santé Canada d’autoriser l’accès à la psilocybine dans le cadre du Programme d’accès spécial (PAS) — M. Lance avait trouvé un soulagement en utilisant des doses non hallucinogènes de psilocybine[1] — La demande de PAS était soutenue par le compte rendu du Dr. Davenport sur les antécédents médicaux de M. Lance et de l’expérience de ce dernier avec différents traitements, de la littérature actuelle concernant l’utilisation de la psilocybine à des fins médicales, et d’arguments juridiques concernant les droits de M. Lance en vertu de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés — Le délégué du ministre de la Santé a refusé la demande au motif que les preuves de l’efficacité de la psilocybine dans le traitement des céphalées en grappe n’étaient pas établies, et que les traitements conventionnels alternatifs n’avaient pas été écartés — La décision n’a pas abordé les arguments portant sur la Charte — La question était de savoir si la décision du ministre était raisonnable et, dans le cas contraire, quelle était la mesure de redressement appropriée — Le refus du délégué du ministre d’approuver la demande de PAS ne satisfaisaient pas aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence — Il n’a pas abordé de manière significative les questions clés et les arguments centraux soulevés par les demandeurs — En particulier, la conclusion du délégué du ministre selon laquelle il n’y avait pas suffisamment d’informations concernant l’utilisation, la sécurité et l’efficacité de la psilocybine pour traiter les céphalées en grappe était incompatible avec sa reconnaissance auprès du Dr. Davenport que la sécurité et l’efficacité de la psilocybine pour traiter les céphalées en grappe de M. Lance étaient établies — Il n’a pas non plus abordé la réponse positive du patient à la psilocybine, ni n’a abordé de manière significative l’impraticabilité des essais cliniques ou l’inaccessibilité ou l’inefficacité des traitements alternatifs — Le refus de la demande de PAS était donc déraisonnable — Le délégué du ministre a également totalement ignoré les arguments juridiques concernant le droit de M. Lance en vertu de l’article 7 de la Charte d’avoir accès à la psilocybine — Ces arguments étaient clairement soulevés dans la demande de PAS, et il incombait au décideur de les aborder de manière significative — Son omission de le faire rendait également sa décision déraisonnable — Les demandeurs ont demandé que le délégué du ministre soit ordonné d’accorder la demande de PAS — La Cour ne peut ordonner l’issue d’une décision administrative que dans des circonstances limitées, telles que lorsque renvoyer l’affaire pour réexamen empêcherait une résolution rapide et efficace de l’affaire; et lorsque l’issue particulière est inévitable — Ces circonstances ne s’appliquaient pas ici — L’affaire a été renvoyée à un autre délégué pour réexamen dans les 14 jours — Demande accueillie.
Lance c. Canada (Procureur général) (T-1881-23, 2024 CF 787, juge Fothergill, motifs du jugement en date du 24 mai 2024, 35 pp.)
[1] La psilocybine, un composé présent dans de nombreuses espèces de champignons, est classée comme drogue en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27, et est inscrite à l'annexe III de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19. La possession et la vente de psilocybine sont interdites au Canada.