NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
PARCS NATIONAUX
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Demande de contrôle judiciaire d’une décision du président et directeur général (PDG) de Parcs Canada rejetant la demande de permis d’exploitation du demandeur pour mener des activités de tourisme commercial et de camp de pêche sportive dans la réserve de parc national Thaidene Nëné — Sept ententes bilatérales (ententes de parc) prévoient la gestion partagée du parc Thaidene Nëné — Collectivement, les ententes de parc établissent et habilitent deux conseils de gestion : 1) le conseil de gestion régional et 2) le conseil de gestion opérationnel (Thaidene Nëné Xá Dá Yáłtı ou TDNXDY) — Le domaine Trophy Lodge est situé près de Fort-Reliance, à l’extrémité la plus à l’est du Grand lac des Esclaves, dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) — À la suite de la création du parc Thaidene Nëné et de l’entente de transfert des terres entre le Canada et les T.N.-O., le domaine Trophy Lodge a été soumis à la compétence de Parcs Canada en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32 et du Règlement sur l’exploitation de commerces dans les parcs nationaux du Canada, DORS/98-455 (le Règlement) — Le demandeur a acquis le domaine Trophy Lodge en 2022 — Parcs Canada, étant devenu propriétaire foncier à la suite de l’entente de transfert des terres, a conclu une convention de prise en charge selon laquelle Parcs Canada, l’ancien propriétaire du domaine Trophy Lodge, a cédé le bail commercial actuel de location des terres au demandeur — Parcs Canada a examiné le dossier de la demande d’un nouveau permis d’exploitation du demandeur — Le dossier de la demande a été ultérieurement modifié et présenté de nouveau au TDNXDY pour examen — Une note de breffage de Parcs Canada présentée au TDNXDY indiquait que le TDNXDY devait consulter le Règlement dans l’examen de la demande relative au domaine Trophy Lodge — Plus précisément, la note de breffage expliquait que Parcs Canada et la Première Nation dénée de Łutsël K’é (LKDFN) collaboraient à l’élaboration des conditions compatibles avec les ententes de parc et le Règlement — Le TDNXDY a recommandé que la demande de permis d’exploitation du domaine Trophy Lodge ne soit pas accueillie — Le TDNXDY était d’avis que la délivrance d’un permis d’exploitation du domaine Trophy Lodge serait contraire à l’esprit et à l’objectif de l’entente de gestion partagée entre Parcs Canada et la LKDFN, même si la LKDFN soutenait la demande de permis d’exploitation — Le directeur par intérim de l’unité de gestion de Parcs Canada (directeur) a ensuite écrit au demandeur pour l’aviser que sa demande de permis d’exploitation était rejetée — Le demandeur n’a pas eu l’occasion de présenter au directeur des observations en réponse à la recommandation du TDNXDY de refuser la délivrance de permis — Dans ses motifs, le directeur a accordé plus de poids aux facteurs relevant des sous-alinéas 5(1)a) et d) du Règlement — Le PDG a rejeté la demande de contrôle du demandeur — Il a indiqué que les principes de « mise en confiance mutuelle et de réconciliation après des décennies d’exclusion et de séparation » l’emportaient sur toutes les autres considérations dans la décision à l’égard de la demande de permis — Il s’agissait de savoir si la décision du PDG a manqué aux principes de l’équité procédurale — Il s’agissait également de savoir si la décision du PDG était déraisonnable — Le processus adopté par Parcs Canada a enfreint le droit à l’équité procédurale du demandeur — Le devoir du PDG au titre du paragraphe 10(2) du Règlement est de déterminer si la décision du directeur de rejeter la demande de permis d’exploitation du demandeur était « incorrecte » — Il devait avoir en sa possession les documents sur lesquels le directeur avait fondé sa décision antérieure — Le PDG n’était toutefois pas en possession du dossier de la demande de permis d’exploitation du demandeur — Le demandeur n’a jamais été en mesure de faire valoir sa cause auprès du PDG — Il incombait à Parcs Canada de fournir au PDG l’ensemble du matériel et des renseignements sur lesquels le directeur s’était appuyé pour rendre sa décision — La note de breffage est un élément important du processus de Parcs Canada — Le directeur aurait dû être en possession de la note de breffage afin de pouvoir évaluer adéquatement la recommandation du TDNXDY — Le fait que le PDG n’ait pas été en possession du dossier de la demande de permis d’exploitation du demandeur l’a empêché d’évaluer adéquatement le permis d’exploitation demandé et de déterminer si la décision du directeur de rejeter la demande de permis d’exploitation était « incorrecte » — Même si le TDNXDY a agi de bonne foi, il était évident que le TDNXDY n’a pas fourni une évaluation individuelle et objective du dossier de la demande de permis d’exploitation du demandeur — La recommandation du TDNXDY portant que la délivrance d’un permis d’exploitation aurait un impact sur la réconciliation doit être fondée sur des critères et des éléments de preuve pertinents — Les motifs de la recommandation du TDNXDY n’ont pas établi que la recommandation était fondée sur les questions clés, les éléments de preuve et les arguments centraux du demandeur et le soutien de la LKDFN à la demande de permis d’exploitation — Par conséquent, en l’espèce, le PDG et le directeur ne pouvaient pas s’appuyer sur la recommandation du TDNXDY ni y accorder une valeur probante — Le directeur n’a pas examiné la validité de l’opposition du TDNXDY à la délivrance du permis d’exploitation et n’a pas déterminé s’il pouvait se fier ou non à son opinion en ce qui concerne l’objectif de réconciliation — Il n’a pas tenu compte adéquatement du fait que la demande de permis d’exploitation était appuyée par la LKDFN et son conseil élu — Le soutien de la LKDFN apporté à la demande de permis d’exploitation indiquait que, contrairement à l’opinion du TDNXDY, l’objectif de réconciliation ne serait pas compromis — La décision du directeur comportait des erreurs importantes; le fait que le PDG s’est fié aux mêmes motifs était déraisonnable — Le PDG a le droit d’aborder la demande de permis en fonction de l’objectif de réconciliation — Cependant, en concluant que l’objectif de réconciliation exigeait le rejet de la demande de permis, le PDG n’a fourni aucun motif à l’appui — Le fait que le PDG n’ait pas expliqué pourquoi la recommandation du TDNXDY a été acceptée sans réserve en ce qui concerne l’objectif de réconciliation en dépit d’éléments de preuve contraires constituait un défaut fondamental, une absence de logique interne dans le raisonnement et une insuffisance dans la justification — Le PDG doit fonder sa décision sur des éléments de preuve et les observations des parties en plus de fournir les motifs qui expliquent la nécessité du rejet — Le PDG devait examiner le bien-fondé de la décision du directeur et analyser la décision du TDNXDY sur laquelle la décision du directeur était fondée, tout en équilibrant la recommandation du TDNXDY, et l’objectif de réconciliation avec les autres objectifs de Parcs Canada — La décision du PDG a été annulée — Demande accueillie.
Trophy Lodge Nwt Ltd. c. Canada (Procureur général) (T-1225-23, 2024 CF 618, juge Régimbald, motifs du jugement en date du 24 avril 2024, 74 p.)