NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
CIToyenneté et immigration
Statut au Canada
Résidents permanents
Demande de contrôle judiciaire d’une décision prise par la Section de la protection des réfugiés (SPR) d’annuler le statut de réfugié au sens de la Convention accordé au demandeur — En 2017, la SPR a reconnu au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention en vertu de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) — La SPR a estimé que le demandeur était crédible, et lui a donné une décision positive en acceptant sa demande d’asile — La demande d’asile du demandeur était fondée sur un danger à sa vie provenant du groupe militant Al-Shabaab en Somalie — La demandeur est par la suite devenu résident permanent — En 2020, le demandeur a reçu la demande d’annulation de son statut de réfugié qui était fondée sur la conviction du défendeur que le demandeur est en réalité un citoyen du Kenya, de deux ans son aîné, qui serait entré au Canada avec un visa d'étudiant en 2016 — La décision d'annulation était fondée sur les similitudes perçues par un membre de la SPR entre le demandeur et l’étudiant kenyan supposé être le demandeur après une comparaison visuelle de photographies — Le demandeur a déclaré que la SPR avait manqué à son obligation d'équité procédurale en refusant ses demandes visant à déterminer la méthodologie utilisée pour obtenir et analyser les photographies de comparaison, afin de tester la fiabilité des preuves fournies par le défendeur — Il s’agissait de déterminer si la SPR avait violé l'équité procédurale en limitant la capacité du demandeur à tester les preuves apportées contre lui — Il s’agissait aussi de déterminer si la décision de la SPR était raisonnable — L'obligation d'équité procédurale dans la procédure d'annulation du statut de réfugié est déterminée par l'application des facteurs identifiés par la Cour suprême dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817— Une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale est le seul moyen de contester la décision d'annulation — Il est difficile de trouver une procédure sous la LIPR avec un plus grand déséquilibre entre les conséquences sévères et les recours limités — Dans l'ensemble, compte tenu des facteurs contextuels identifiés dans l'arrêt Baker, les instances d’annulation de la reconnaissance de la qualité de réfugié requièrent un niveau élevé d'équité procédurale — La SPR a violé l'équité procédurale en rejetant la demande du demandeur d'obtenir de plus amples informations sur la source et la méthodologie utilisée par le défendeur pour obtenir et comparer les photographies, bloquant ainsi les tentatives du demandeur de tester la fiabilité des preuves utilisées contre lui — Elle a également violé l'équité procédurale en acceptant sans autre examen les déclarations de l'avocat du défendeur selon lesquelles aucune technologie de reconnaissance faciale n'a été utilisée, et que les photographies ont été découvertes et comparées manuellement — Les règles de preuve dans les procédures de la SPR sont assouplies, et la SPR peut prendre en compte tout élément de preuve qu'elle considère comme digne de confiance et crédible dans les circonstances — Cependant, l'assouplissement des règles de preuve par la SPR ne peut pas être uniforme dans tous les domaines — Les règles de preuve doivent répondre aux exigences d'équité procédurale et refléter la nature des procédures particulières, des questions et des intérêts en jeu — En l'espèce, les règles d'équité procédurale exigeaient davantage que des déclarations générales non assermentées faites par un avocat à un adversaire dans le cadre d'une procédure concernant l'origine des preuves — Le demandeur avait droit à plus qu'une assurance que la technologie de reconnaissance faciale n'a pas été utilisée, étant donné le niveau élevé de protection procédurale requis dans les procédures d'annulation — La divulgation devait être significative, et inclure des informations qui sont uniquement à l'avantage du demandeur — En fin de compte, il était injuste que la SPR considère les preuves photographiques comme suffisamment probantes pour révoquer les statuts du demandeur, tout en permettant que ces preuves ne soient pas examinées du point de vue de leur fiabilité — La SPR a ignoré et rejeté de manière déraisonnable les éléments de preuve pertinents qui lui ont été présentés par le demandeur — Le caractère raisonnable d'une décision est compromis lorsque le décideur ne tient pas compte des éléments de preuve dont il dispose — Le fait que la SPR n'ait pas tenu compte de ces éléments de preuve a rendu sa décision déraisonnable — En résumé, la SPR ne s'est guère fié qu'à son acuité visuelle pour annuler la décision d'un autre tribunal de la SPR qui a accordé le statut de réfugié, ce qui a eu pour effet de révoquer le statut de réfugié du demandeur et de l'exposer à la perte de sa résidence permanente, à l'interdiction de territoire, et à l'expulsion — La décision était déraisonnable et injuste, et a été annulée — L’affaire a été renvoyée pour nouvel examen — Demande accueillie.
Ali c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) (IMM-2746-23, 2024 CF 1085, juge Battista, motifs du jugement en date du 10 juillet 2024, 16 p.)