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Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 169 1948 BETWEEN: June 8 JULIETTE CARROLL et al SUPPLIANTS; 1949 AND Mar. 4 HIS MAJESTY THE KING RESPONDENT. CrownPetition of Right Action by the heirs of a retired judge to recover his retiring annuities withheld while holding the office of Lieutenant-GovernorPrescription of claim raised by defenceRes judicataApplicability of laws of the province of Quebec relating to prescription and limitation of actionsOffice of Lieutenant-Governor a mandate, not a lease of manual, professional or intellectual work Applicability of prescription by thirty yearsPrescription by five years not applicableRenunciation to prescriptionThe Exchequer Court Act, R.S.C. 1927, c. 8.4, s. 32Arts. 1241, 1602, 1666, 2185, 2186, 2188, 2242, 2250, 2260(6), 2267 cc. In an action by which suppliants seek to recover from the respondent a sum of $30,500 the issue of prescription of the claim was raised by the defence. Held: That there is no res judicata insofar as the issue of prescription of the claim is concerned. The sole question to be determined on the question of law set down for hearing before trial was whether the office of Lieutenant-Governor of a province is or is not "a public office under His Majesty in respect of his Government of Canada." It was adjudged it is not. Carroll v. The King (1947) Ex. C.R. 410; (1948) S.C.R. 126. 2. That the laws of the province of Quebec relating to prescription and the limitation of actions do apply since the cause of action arose and the debt was payable in that province. 3. That the office of Lieutenant-Governor of a province is a mandate, not a lease of manual, professional or intellectual work. 4. That the prescription by thirty years is the only one applicable, the action being neither for arrears of rents, of interest, of house-rent or land-rent, of fruits natural or civil, nor for hire of labour, nor the price of manual, professional or intellectual work, which are all prescribed by five years as enacted by Arts. 2250, 2260(6) cc. 5. That if the prescription by five years was applicable there was a renunciation to prescription on the part of the respondent. PETITION OF RIGHT by the heirs of a retired judge to recover his retiring annuities which were withheld while he held the office of Lieutenant-Governor. The action was tried before the Honourable Mr. Justice Angers at Ottawa. Fernand Choquette, K.C. for suppliants. Charles Stein, K.C. for respondent. 32968la
170 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949 1949 The facts and questions of law raised are stated in the CARROLL reasons for judgment. ET AL V. THE KING ANGERS J. now (March 4, 1949) delivered the following Angers J. judgment: Par leur pétition de droit amendée les pétitionnaires, en leur qualité d'héritières légales de feu dame Amazélie Bou-langer, veuve de l'honorable juge 11.-G. Carroll, dont elle était héritière, décédée intestat à Québec le 4 janvier 1943, réclament de Sa Majesté le Roi la somme de $30,500 comme pension ou partie de salaire due audit 11.-G. Carroll lors de son décès, avec intérêt sur $6,000 depuis 1930, sur $6,000 depuis 1931, sur $6,000 depuis 1932, sur $6,000 depuis 1933 et sur $6,000 depuis 1934 et les dépens. Dans leur pétition les pétitionaires allèguent en substance: elles sont les filles et les seules héritières légales de dame Amazélie Boulanger, veuve de l'honorable juge H.-G. Car-roll, décédée à Québec sans testament le 4 janvier 1943; ladite Amazélie Boulanger était légataire universelle dudit II.-G. Carroll, ancien lieutenant-gouverneur de la province de Québec, en vertu d'un testament olographe en date du 5 septembre 1936; ledit 11.-G. Carroll est décédé le 20 août 1939; ladite Amazélie Boulanger avait accepté la succession de son mari et payé les droits de succession exigibles en vertu de la loi; les pétitionnaires ont accepté la succession de leur mère et payé les droits de succession exigibles; le 2 avril 1929 ledit II.-G. Carroll a été nommé lieutenant-gouverneur pour la province de Québec; lors de sa nomination comme lieutenant-gouverneur, ledit II.-G. Carroll avait droit de toucher et touchait une pension du gouvernement de Sa Majesté pour le Canada en sa qua-lité d'ancien juge de la Cour du Banc du Roi de la province de Québec; ledit H.-G. Carroll a occupé la fonction de lieutenant-gouverneur du 2 avril 1929 au 3 mai 1934; durant cette période de cinq ans et un mois le gouver-nement de Sa Majesté pour le Canada aurait verser audit 11.-G. Carroll sadite pension de $6,000 par année, soit un total de $30,500;
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 171 le gouvernement de Sa Majesté pour le Canada, s'ap- 1949 puyant sur l'article 27 du chapitre 105 des Statuts Revisés cARROIL du Canada de 1927, a, durant le terme d'office dudit II.-G. EVAL Carroll comme lieutenant-gouverneur, retenu à celui-ci la THE KING somme de $30,500, soit à même la pension susdite soit à Angers J. même son salaire, à raison de ladite pension; la disposition légale susmentionée ne pouvait justifier la retenue par le gouvernement de Sa Majesté pour le Canada de ladite pension ou partie de salaire au total de $30,500 parce que le lieutenant-gouverneur d'une province n'exerce pas "une charge publique sous Sa Majesté pour son gou- vernement du Canada", mais une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement de la province, en l'espèce la province de Québec; au surplus, aucune restriction ne pouvait justifier la retenue de cette pension ou partie de salaire dans l'arrêté ministériel nommant ledit H.-G. Carroll à la charge de lieutenant-gouverneur; ledit H.-G. Carroll avait soumis de son vivant une récla- mation au ministère de la Justice pour le paiement de ladite pension ou partie de salaire, à laquelle il n'a jamais renoncé; les pétitionnaires, en leur qualité d'héritières légales de leur mère, ladite Amazélie Boulanger, elle-même légataire universelle dudit 11.-G. Carroll, sont justifiables de réclamer ladite somme de $30,500 avec intérêt depuis 1930 sur $6,000, depuis 1931 sur $6,000, depuis 1932 sur $6,000, depuis 1933 sur $6,000 et depuis 1934 sur $6,000. Dans sa défense amendée l'intimé plaide ce qui suit: il admet que l'honorable H.-G. Carroll est décédé le 20 août 1939; il admet que ledit H.-G. Carroll a été nommé lieutenant-gouverneur de la province de Québec le 2 avril 1929, selon un arrêté en conseil et que cette nomination a été faite par lettres patentes en date du 2 avril 1929; par lettres patentes sous le grand sceau du Canada datées le 29 janvier 1904, ledit H: G. Carroll a été nommé juge puîné de la Cour Supérieure de la province de Québec; ledit H.-G. Carroll a continué à exercer cette fonction jusqu'à ce que, par lettres patentes sous le grand sceau du Canada datées le 24 décembre 1908, il ait été nommé juge puîné de la Cour du Banc du Roi de ladite province; 32988-11a
172 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949 1949 ledit 11.-G. Carroll a résigné sa fonction de juge puîné de CARROLL la Cour du Banc du Roi le 18 février 1921; ET AL v. par lettres patentes sous le grand sceau du Canada datées THE KING le 18 février 1921, Sa Majesté a accordé audit 11.-G. Carroll Angers J. une pension de $6,000 par année et proportionnellement pour toute période de moins d'une année, commençant à la date susdite; il admet que ledit 11.-G. Carroll a occupé la charge de lieutenant-gouverneur de la province de Québec du 2 avril 1929 au 3 mai 1934; il dit ne pas admettre ou nie les autres allégations de la pétition de droit; il déclare que le paiement de ladite pension et du salaire autorisé par la loi à être payé audit 11.-G. Carroll comme lieutenant-gouverneur lui a été fait durant la période il a occupé cette position; dans l'alternative, si le paiement de ladite pension a été retenu, des surpayes sur son salaire comme lieutenant-gou-verneur de la province de Québec au montant de $6,000 par année ont été faites audit H.-G. 'Carroll durant toute la période de prétendu non-paiement de ladite pension, le montant total de ces paiements étant égal à la réclamation des pétitionnaires pour pension et ledit 11.-G. Carroll était endetté envers Sa Majesté en rapport avec ces surpayes de salaire; Sa Majesté a droit d'opposer le montant desdites surpayes contre le montant de la réclamation des pétition-naires et celle-ci est compensée par un montant égal réclamé par Sa Majesté des pétitionnaires pour les raisons susdites; si les pétitionnaires ou la succession de feu l'honorable H.-G. Carroll ou celle de sa veuve, dame Amazélie Bou-langer, ou ledit 11.-G. Carroll lui-même ont en aucun temps eu une réclamation valide contre Sa Majesté pour non-paiement de la pension ou du salaire en question, ce qui est nié, telle réclamation est périmée et éteinte en vertu des dispositoins de la loi relative à la prescription, savoir l'article 32 de la Loi de la Cour de l'Échiquier, S.R.C. 1927, chap. 34, et des articles 2250, 2260 (6) et 2267 du Code Civil de la province de Québec. Pour réponse à la défense amendée les pétitionnaires, après avoir demandé acte des admissions y contenues, dé-claré que les documents y mentionnés font foi de leur con-tenu, lié contestation quant aux allégations négatives y incluses et nié les autres allégations, déclarent ce qui suit:
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 173 les dispositions des articles 2250, 2260 (6) et 2267 du 1949 Y Code Civil n'ont aucune application à la présente cause; Caexoi.t. ET AL l'intimé a renoncé à toute prescription par le consen-V. tement qu'il a donné à soumettre le litige sur la question de THE KING droit jugée le 4 juillet 1947 par cette Cour, dont le jugement Angers J. a été confirmé par la Cour Suprême du Canada; cette renonciation appert plus spécialement par la lettre du sous-ministre de la Justice au procureur des pétition-naires en date du 2 mai 1944 et par la réponse de ce dernier en date du 4 mai; les deux jugements rendus par cette Cour et par la Cour Suprême constituent chose jugée sur la question de droit et l'intimé n'est plus admis à invoquer la prescription, moyen qu'il n'a soulevé que par avis d'amendement en date du 11 mai 1948. La défense est mal fondée en fait et en droit. Des admissions et déclarations des parties ont été pro-duites de consentement pour tenir lieu de preuve. Je les résumerai le plus brièvement possible. L'intimé admet que les pétitionnaires sont les filles et seules héritières légales de feu dame Amazélie Boulanger, veuve de feu le juge 11.-G. Carroll, décédée à Québec sans testament le 4 janvier 1943; que ladite Amazélie Boulanger était la légataire universelle de feu le juge 13.-G. Carroll, ancien lieutenant-gouverneur de la province de Québec, en vertu d'un testament olographe en date du 5 septembre 1936; que ladite Amazélie Boulanger avait accepté la succession de son mari et payé les droits de succession exigibles en vertu de la loi; que les pétitionnaires ont elles-mêmes accepté la succession de leur mère, dame Amazélie Bou-langer, et payé les droits de succession; que, le 18 février 1921, l'intimé, pour le compte du Canada, accorda audit 13.-G. Carroll une pension ou annuité de $6,000 par année en vertu de la Loi des juges (S.R.C. 1906, chap. 138) ; que ledit 11.-G. Carroll avait droit au paiement de cette pension ou annuité pour la période allant du 2 avril 1929 au 3 mai 1934; que durant cette période ledit 11.-G. Carroll occupait la charge de lieutenant-gouverneur de la province de Québec et que cette charge comportait un salaire de $10,000 par année; que durant cette période ledit 11.-G. Carroll fut payé par Sa Majesté, à même le fonds consolidé du revenu du Canada, $10,000 par année, à l'égard de ladite pension ou
174 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949 1949 annuité et dudit salaire; que ledit H.-G. Carroll n'a pas CARROLL signé de renonciation à la réclamation que font valoir les ET AL V. pétitionnaires. THE KING Les pétitionnaires, de leur côté, se déclarent satisfaites de Angers J. ces admissions et en conséquence elles n'ont pas de preuve à offrir à l'appui de la pétition de droit, sauf la production de deux lettres invoquées au paragraphe 7 de leur réponse à la défense amendée. Les deux lettres en question sont une lettre du sous-ministre de la Justice au procureur des pétitionnaires datée le 2 mai 1944 et une réponse de ce dernier au sous-ministre de la Justice datée le 4 mai 1944. La première se lit ainsi: In view of your amendments to the petition of right, it will be necessary for me to make consequential amendments in the defence. I propose to amend paragraphs 10 and 15 of the defence to read as in the form annexed hereto. There seems to be merely a question 'of law involved in the case, namely, as to the meaning of section 27 of the Judges Act. I would like to suggest to you that we might set this question down as a point of law to be disposed of before trial pursuant to Rule 149 of the Exchequer Court Rules. We could have the case set down for hearing on this point of law by the President during the last week in May at Ottawa or during the last week in June, whichever you prefer. You might let me hear from you at your convenience. La seconde est ainsi conçue: J'ai l'honneur d'accuser réception de votre lettre du 2 mai, contenant un projet d'amendement des paragraphes 10 et 15 de votre défense. Je vous adresserai ma réponse ces jours-ci. Tel que vous le suggérez, nous pourrions soumettre le litige comme point de droit à la décision du tribunal. Quant à la date de l'audition, j'écris immédiatement à mon conseil, Me Aimé Geoffrion, C.R., pour lui demander laquelle des deux dates suggérées lui conviendrait le mieux. Dès que j'aurai sa réponse, je vous écrirai de nouveau. Dans l'intervalle, auriez-vous l'obligeance de me soumettre un projet de consentement que les deux parties pourraient signer sur le point de droit à décider. La question de droit soumise à la Cour se lisait ainsi: Assuming that the Honourable H. G. Carroll became entitled on February 18th, 1921, to a pension under the "Judges Act" at a rate of $6,000 per annum and was entitled to receive the same during and in respect of the period from April 2nd, 1929, to May 3rd, 1934, and that during the said period he occupied the office of Lieutenant Governor of Quebec to which office there was attached the salary of $10,000.00 per annum and assuming that he received payment out of the Consolidated Revenue Fund of Canada in respect of the said pension and of salary as Lieutenant Governor during the said period at the rate of $10,000.00 per annum, are the suppliants entitled to the relief sought by the petition sf right?
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 175 Par jugement rendu le 4 juillet 1947 il a été répondu à cette 1949 question dans l'affirmative. Ce jugement a été confirmé à CAsaou. l'unanimité par la Cour Suprême le 22 mars 1948. ET AL V. THE SINE Le procureur de l'intimé a plaidé qu'il ne peut y avoir chose jugée en l'espèce, nonobstant le fait que la question Angers J. soumise à la Cour se terminait par les mots "Are the suppliants entitled to the relief sought by the petition of right?", parce que la question de prescription n'a pas été soulevée ni par les avocats, ni par le jugement de cette Cour, ni par celui de la Cour Suprême, et que tout ce qui a été décidé c'est le sens et la portée de l'article 27 de la Loi des juges et, plus précisément, la question de savoir si la charge de lieutenant-gouverneur est fédérale ou pro-vinciale, ou, en d'autres mots, si elle est une charge publique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Canada ou pour son gouvernement de la province. L'avocat a soutenu que tout ce que les jugements ont décidé c'est que, prenant pour acquis que, le 18 février 1921, le juge Carroll est devenu qualifié pour recevoir une pension de $6,000 par année en vertu de la Loi des Juges, qu'il y a eu droit pour la période du 2 avril 1929 au 3 mai 1934, que durant cette période il a occupé la charge de lieutenant-gouverneur de Québec, com-portant un salaire de $10,000 par année, et reçu paiement, à même le fonds consolidé du revenu du Canada, de la somme de $10,000 pour salaire ou pour pension et partie de salaire, les pétitionnaires ont une créance contre Sa Majesté. Il a ajouté que ceci n'affecte en rien la question de savoir si le droit d'action existait lorsque la pétition de droit a été remise au Secrétaire d'État. Relativement à la 'distinction qu'il y a lieu de faire entre la créance et le droit d'action, le procureur de l'intimé s'est appuyé sur certains jugements, qu'il me semble convenable d'analyser brièvement. Il y a d'abord l'arrêt du comité judiciaire du Conseil Privé dans la cause de Regent Taxi & Transport Co. Limited et La Congrégation des Petits Frères de Marie (1) . A la page 301, l'on trouve les observations suivantes de Lord Russell of Killowen: Nor do their Lordships feel any doubt in regard to the question whether the cause of action (if any) vested in the community under art. 1053 had become barred. This point arises for consideration upon the (1) (1932) A.C. 2A5
176 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949 1949 assumption that the community have under art. 1053 a right to recover nxx rn by action the damage caused to them by the fault of the appellants' driver, C o ET AL i.e. by the driver's tortious act in wrongfully inflicting bodily injuries upon v. Brother Henri-Gabriel. THE KING Et plus loin (p. 303) : Angers J. For these reasons their Lordships are of opinion that the community's action should in any event have been dismissed as being "prescribed by one year" under art. 2262 (2). Their Lordships having come to this clear opinion upon this part of the case, feel grave doubts as to the advisability or propriety of expressing any opinion upon the remaining question. The importance of that question admits of no doubt, and its difficulty is apparent in the division of judicial opinion; but, unfortunately, any view which their Lordships have formed (and whether clearly or otherwise) would involve no decision upon the point, for the case is determined in any event by the date on which the proceedings were commenced. In these circumstances would it be advisable or proper that a view, unnecessary to the decision of the case, should be expressed upon so vexed a question? Their Lordships think not. They are of opinion that no opinion should be expressed by their Lordships upon the question until it comes before them upon an appeal in which they can deal with it as the sole factor for consideration, unhampered by any other competing question which would be decisive of the case. Après avoir lu le sommaire du jugement et fait allusion aux commentaires ci-dessus, le procureur de l'intimé a suggéré que la Cour aurait pu soulever d'office le sujet de la prescription et répondre dans la négative à la question., soumise, parce que la réclamation était prescrite. Il a ajouté que l'intimé aurait pu en appeler au Conseil Privé et soulever la question de prescription ou que le Conseil Privé, si la question ne lui était pas soumise, aurait pu la soulever lui-même et rejeter l'action. Il a conclu de qu'à l'enquête et audition au mérite il a le droit de soulever la question de prescription. Au soutien de cette opinion, il a cité la décision de la Cour du Banc du Roi dans la cause de North American Life Insurance Co. v. Hudon (1). Il a signalé particulièrement les remarques de l'honorable juge Galipeault (p. 275) : Notre Code civil à l'article 2267 édicte que dans les cas mentionnés aux articles qu'il énumère et qui traitent de courtes prescriptions, la créance est absolument éteinte et nulle action ne peut être reçue après l'expiration du temps fixé pour la prescription. De son côté, l'article 2188 C.C. décrète que les tribunaux ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription, sauf dans les cas la loi dénie l'action. 11 n'est pas contesté que l'article 2267 C.C. couvre également les prescriptions spéciales, les prescriptions statutaires. (1) (1933) R.J.Q. 55 B.R. 273.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 177 Le texte du par. 3 de l'art 216, ch. 243, S.R.Q. 1925, ne saurait, à mon 1949 avis, prêter à ambiguité, non plus à double interprétation; il dénie bien CARROLL l'action, et ce, en termes formels. ET AL Il nous incombe donc de l'appliquer, bien que le moyen n'ait pas été V. soulevé dans les plaidoiries. Il s'est écoulé entre l'arrivée du fait qui THE KING constituait le risque de l'assurance, à savoir l'incapacité totale du de-Angers J. mandeur survenue en décembre 1930, et l'institution de l'action le 4 jan-vier 1933, plus de deux années, alors que la loi déniait toute action après l'expiration d'une année, délai pouvant s'étendre jusqu'à 18 mois, avec permission d'un juge de la Cour supérieure et sur requête à cet effet. Lors de l'institution de ses procédures, le demandeur n'avait plus d'action. Après avoir fait allusion à une admission ajoutée aux notes sténographiques et conclu qu'elle ne modifie pas la position juridique des parties, le savant juge continue (p. 276) : La défense ne soulève en aucune façon le moyen de la prescription et le défendeur n'était pas tenu de le mettre de l'avant. On ne saurait décréter qu'une partie a renoncé par la bouche de son procureur à une prescription acquise, sans qu'on se soit an moins clairement exprimé. Le procureur était-il autorisé à faire pareille renonciation, sans mandat spécial, sans aucune admission dans ses procédures, je suis porté à croire que non. Le procureur de la défenderesse aurait dit au cours de la plaidoirie: "Si les moyens soulevés par la défénse ne sont pas victorieux, le demandeur est en droit d'obtenir la somme de $220 réclamée par ses conclusions", que les tribunaux ne se seraient pas cru autorisés à voir dans cette décla-ration, une renonciation 'à la prescription acquise, et, à mon avis, l'admission de Me Deguise ne va pas plus loin que la déclaration ci-dessus. Il y a lieu de consulter aussi les notes de l'honorable juge Rivard (pp. 277 et 278). Le procureur de l'intimé a ensuite invoqué le juge-ment de l'honorable juge Stein dans la cause de Morin v. La Corporation du Canton de Montminy (1). A la page 150 l'on trouve les commentaires suivants: Ce jugement sur l'exception à la forme ne dispose donc pas de la question de savoir si le demandeur avait, ou non, le droit de soumettre à ce tribunal son grief contre le règlement; et je conçois qu'il était alors impossible au juge, à cet étage de la procédure, sans avoir entendu la preuve, d'en venir à une décision sur cette importante question, qui est discutée dans chaque cause de ce genre, et dont la solution présente de graves difficultés,—du moins pour ce qui me concerne. Il est vrai que le jugement ne dit pas que cette partie de la motion du demandeur est remise au mérite pour adjudication ultérieure; mais il est évident que ce jugement ne se prononce pas sur ce point. Alors, peut-on dire qu'il y a chose jugée? Je ne le crois pas, car l'art. 1241 C.C. dit que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement. Or, il est évident, ici, que cette question ne fait pas du tout l'objet du jugement interlocutoire du 22 juin. Il me paraît clair que la Cour, (1) (1928) 34 R. de J. 128.
178 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949, 1949 accordant alors l'amendement, s'est contentée de disposer de l'exception à Caaao' la forme en obligeant le demandeur d'en payer les frais, et en lui per- ET AL mettant, comme compensation, de réparer son erreur. Mais cela démontre v. que le juge n'avait alors en vue que cette partie de la motion de la défera THE KING deresse attaquant l'illégalité de la désignation que le demandeur lui Angers J. donnait au bref. Ce jugement ne dispose pas de l'autre moyen soulevé par cette motion (voir Evans vs Wilson, 1 R.P., 186, 1898, C.B.R.). L'article 1241 du Code Civil, mentionné dans le juge-ment, se lit ainsi: L'autorité de la chose jugée est une présomption juris et de jure; elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, et lorsque la demande est fondée sur la même cause, est entre les mêmes parties agis-sant dans les mêmes qualités, et pour la même chose que dans l'instance jugée. Le procureur de l'intimé a suggéré, comme moyen addi-tionnel à l'encontre de la théorie de la chose jugée, que la décision sur la question de droit soumise à la Cour a porté sur les plaidoiries telles qu'elles se lisaient au moment de l'audition, alors que la défense ne plaidait pas la prescription, et que la situation est autre aujourd'hui, depuis l'addition faite à la défense. Le procureur des pétitionnaires, de son côté, a soutenu qu'il y a chose jugée, vu que l'amendement fait à la dé-fense n'ajoute aucune allégation de fait mais uniquement une allégation de droit. D'après lui celle-ci est couverte par le jugement de cette Cour et celui de la Cour Suprême. Il a fait valoir que la question telle que formulée couvrait toutes les objections de droit qui pouvaient être invoquées contre la pétition, y comprises les courtes prescriptions, qui étei-gnent la créance et dénient l'action, qu'il n'est pas néces-saire de plaider et que les tribunaux doivent appliquer d'office, si elles existent. Il a insisté sur le fait que la question soumise à la Cour n'était aucunement limitée à un motif de droit particulier, ajoutant que, si les avocats, dans leurs plaidoiries, se sont contentés de plaider sur un point unique, la question telle que posée permettait la soumission de n'importe quelle objection de droit couverte par la contestation liée ou auto-risée par la loi. A la question de savoir si, à l'audition sur la question de droit, la Cour pouvait appliquer la courte prescription invo-quée dans l'amendement à la défense, même si elle n'était pas plaidée, le procureur des pétitionnaires a soutenu que
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 179 non seulement la Cour pouvait le faire mais qu'elle le 1949 devait; à l'appui de son opinion il a cité l'article 2188 C.C. CARROYA. et Mignault, Droit civil canadien, tome 9, p. 351. E v L'article 2188 C.C. est ainsi conçu: THE KING Les tribunaux ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de Angers J. la prescription, sauf dans les cas la loi dénie l'action. Mignault déclare ceci: Je crois qu'il est maintenant hors de doute que non seulement le tribunal peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription, dans les cas la loi dénie l'action, mais qu'il doit le faire, la seule question discutable étant de savoir ai le texte qu'il s'agit d'appliquer dénie réelle-ment l'action. Il est certain que dans les cas mentionnés par l'article 2267, il y a déni d'action. Le procureur des pétitionnaires a suggéré ensuite que cette Cour et la Cour Suprême n'ont pas appliqué ces courtes prescriptions parce qu'elles ont jugé qu'elles ne s'appliquaient pas. Il a émis l'opinion que, s'il y a eu erreur dans le jugement de cette Cour, confirmé par la Cour Suprême, en n'appliquant pas la courte prescription quand elle devait l'être, le seul remède était un appel au Conseil Privé. Il a insisté que le remède n'est pas devant cette Cour, parce qu'il y a chose jugée, ajoutant qu'une partie ne peut revenir devant le tribunal qui a rendu jugement et lui demander de le modifier, sauf dans les cas prévus par la loi. Il a signalé que la question telle que posée indiquait la date à laquelle remontait la créance des pétitionnaires et que la Cour a jugé que cette créance, ainsi située quant au temps, justifiait les pétitionnaires dans leur réclamation en octobre 1943. Il soumet que l'amendement à la défense n'ajoute rien â la question de droit et que celle-ci contenait déjà la nou-velle allégation de la défense, savoir que la créance était échue depuis 1934. Après avoir lu attentivement les plaidoyers soigneux et complets des avocats, examiné les plaidoiries et les admissions, étudié la loi et la jurisprudence, j'en suis venu à la conclusion qu'il n'y a pas chose jugée dans le cas qui nous occupe. Tout ce qui a été déterminé c'est la signification ou la portée de l'article 27 de la Loi des juges ou, plus exactement, ce qu'il entend par les mots "une charge pu-blique sous Sa Majesté pour son gouvernement du Ca-
180 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949 1949 Y nada" ; tout ce qui a été discuté devant la Cour c'est l'inter- CARROLL prétation de cet article 27 et son application. Il s'agissait ET AL de faire décider si les mots "pour son gouvernement du THEK ING Canada" comprenaient "son gouvernement pour une pro- Angers J. vince". C'est là-dessus qu'a porté la discussion exclusi-vement. Le jugement de cette Cour et celui de la Cour Suprême ont reconnu le droit des pétitionnaires de faire valoir leur réclamation devant les tribunaux; ils ne se sont pas prononcés sur la validité ou l'invalidité de cette récla-mation, particulièrement son extinction par prescription. Lors de l'audition en droit, le défendeur n'avait pas fait sa motion pour ajouter à sa défense le paragraphe 15a plai-dant la prescription; les Cours n'avaient pas le matériel nécessaire pour décider cette question, laquelle est une question mixte, de fait et de droit. Cette modification de la défense n'a été faite que le 27 mai 1948, selon jugement rendu ce jour-là. J'examinerai maintenant la question de prescription. L'intimé, dans le paragraphe 15a de sa défense amendée, prétend que la réclamation est prescrite en vertu de l'article 32 de la Loi de la Cour de l'Échiquier et des articles 2250, 2260 (6) et 2267 du Code Civil. L'article 32 décrète ce qui suit: Les lois relatives à la prescription et à la limitation des actions, en vigueur dans toute province entre particuliers, s'appliquent, subordonné-ment aux dispositions de toute loi du Parlement du Canada, aux procédures instituées contre la Couronne à l'égard de toute cause d'action qui prend naissance dans cette province. Il me semble à propos de déclarer ici que, contrairement à la prétention du procureur des pétitionnaires, je crois que les dispositions du Code Civil relatives à la prescription s'appliquent en l'espèce parce que la cause d'action a pris naissance dans la province et que la dette y était payable. L'article 2242 du Code Civil, relatif à la prescription trentenaire, se lit ainsi: Toutes choses, droits et actions dont la prescription n'est pas autre-ment réglée par la loi, se prescrivent par trente ans, sans que celui qui prescrit soit obligé de rapporter titre et sans qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. Cet article pose la règle générale: les plus courtes prescriptions sont exceptionnelles et ne s'appliquent qu'aux cas spécifiques prévus dans les articles y ayant trait.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 181 L'article 2250 du Code Civil contient, entre autres, les 1949 dispositions suivantes: CARROLL A l'exception de ce qui est da à Sa Majesté, et de l'intérêt sur les ET AL V. jugements, les arrérages de rentes, même viagères, ceux de l'intérêt, ceux THE KING des loyers et fermages, et en général tous arrérages de fruits naturels ou civils se prescrivent par cinq ans. Angers I. Je ne crois pas que cet article s'applique. Il ne s'agit pas en l'espèce d'arrérages de rentes, d'intérêt, de loyers ou fermages ou, en général, de fruits naturels ou civils. Il n'y a rien dans l'article 2250 concernant le salaire ou la pension. Mignault, dans "Le Droit civil canadien", tome 9, à la page 486 (in fine), exprime l'opinion suivante: Ajoutons que sauf les deux exceptions que j'ai mentionnées, la règle de l'article 2250 s'applique à tous les arrérages et intérêts quelconques, à tous loyers ou fermages, et à toutes prestations périodiques, y comprise la rente emphytéotique. Comme l'a signalé le procureur des pétitionnaires, cette opinion de Mignault semble inspirée de la jurisprudence interprétant l'article 2277 du Code Napoléon, qui est ainsi conçu: Les arrérages de rentes perpétuelles et viagères; Ceux des pensions alimentaires; Les loyers des maisons, et le prix de ferme des biens ruraux; Les intérêts des sommes prêtées, et généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts, se prescrivent par cinq ans. Plus loin, Mignault ajoute (p. 487) : L'article 2250, à la différence de l'article 2277 du code Napoléon, ne mentionne pas les pensions alimentaires. Si cette pension constitue une rente viagère, elle se trouve comprise dans l'énumération de l'article 2250. Et même s'il n'était pas possible de dire que cette pension est une rente viagère, la raison de la loi, qui est d'empêcher l'accumulation des arré-rages, me semble couvrir le cas de la pension alimentaire, comme des arrérages de rente viagère. J'avouerai que cette opinion ne me paraît pas justifiée par le texte de l'article 2250. Cet article ne contient pas les mots "Ceux (les arrérages) des pensions alimentaires" ni les mots "généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts", que l'on trouve dans l'article 2277 C.N. L'on a attiré l'attention de la Cour sur un autre passage du même traité relatif à l'article 2250, qui se lit ainsi (p. 487) : Il n'est pas nécessaire de se demander si le salaire ou traitement payé à des fonctionnaires publics tombe sous la prescription établie par l'article
182 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949 1949 2250. De quelque manière qu'on envisage le contrat en vertu duquel ce CaaaoLL salaire est payé, il est certain que le terme de la prescription ne peut ET AL dépasser cinq ans et peut même être plus court. V. THE KINa Ce passage se rapportant au salaire ou traitement payé à Angers J. des fonctionnaires publics se trouve sous l'article 2250, dans lequel il n'en est nullement question. C'est le paragraphe (6) de l'article 2260 qui a trait au louage d'ouvrage et au prix du travail. Il y a une erreur qui paraît provenir de la comparaison de l'article 2250 du Code Civil avec l'article 2277 du Code Napoléon. Il s'agit dans ce dernier, comme nous l'avons vu, de prestations périodiques et l'on s'appuie sur ces mots pour appliquer la prescription au salaire et au traitement. Au surplus, il me semble que, dans ce dernier commentaire, l'auteur entre dans le domaine du législateur. La partie pertinente de l'article 2260 se lit ainsi: L'action se prescrit par cinq ans dans les cas suivants: 6. Pour louage d'ouvrage et prix de travail, soit manuel, profes-sionnel ou intellectuel, et matériaux fournis; sauf les exceptions contenues aux articles qui suivent; La question qui se présente est de savoir si les services que comporte la fonction de lieutenant-gouverneur d'une province, qui est le représentant direct de Sa Majesté le Roi, peuvent être assimilés 'à ceux prévus par la clause 6 de l'article 2260. S'agit-il, dans le cas d'un lieutenant-gouverneur, de louage d'ouvrage ou de prix de travail, manuel, professionnel ou intellectuel Il me semble qu'il ne peut s'agir de louage de service ou d'ouvrage; les officiers publics me paraissent être des mandataires et non des loca-teurs d'ouvrage. Relativement à la fonction d'un mandataire, il y a lieu de consulter Mignault, op. cit., tome 8, pp. 4 et 6. A la page 4, Mignault exprime cette opinion: J'ai dit que l'idée de la représentation domine dans le mandat. Bien que le rôle du mandataire paraisse actif et celui du mandant passif, juri-diquement parlant, c'est tout l'inverse qui a lieu. Le mandataire, en effet, n'agit et ne parle qu'au nom du mandant, et c'est celui-ci qui acquiert des droits et contracte des obligations à l'égard des tiers, et non pas le mandataire. Cela est si vrai, que ce n'est que lorsque le mandataire excède les bornes de son mandat, oh q&il agit en son nom propre,—et alors il répudie pratiquement le mandat,—qu'il s'oblige envers les tiers avec qui il traite. C'est encore pour la même raison, comme nous le verrons, que l'incapacité même absolue du mandataire n'empêche pas que le mandant ne s'oblige par son entremise.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 183 Ce trait essentiel du mandat permet de distinguer ce contrat du 1949 louage d'ouvrage, car celui qui loue son travail ou ses services ne repré-Y CASROLL sente pas celui qui accepte ce louage, tandis qu'il n'y a pas de mandat ET AL sans représentation. V. THE Kum Traitant du contrat de louage dans 'le tome 7 de son Angers J. ouvrage, Mignault expose la différence entre le louage d'ou-vrage et le mandat. Avant d'examiner ses commentaires, il est peut-être avantageux de citer les articles 1602 et 1666 C.C., ce dernier sous la rubrique "Dispositions générales", qui est le premier du chapitre 3 intitulé "Du louage d'ou-vrage": 1602. Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties, appelée locateur, s'engage â faire quelque chose pour l'autre, qui est appelée locataire, moyennant un prix que cette dernière s'oblige de payer. 1666. Les principales espèces d'ouvrages qui peuvent être louées, sont: 1. Le service personnel des ouvriers, domestiques et autres; 2. Le service des voituriers, tant par terre que par eau, lorsqu'ils se chargent du transport des personnes et des choses; 3. Celui dies constructeurs et autres entrepreneurs de travaux suivant devis et marché. Après avoir référé aux observations des codificateurs au sujet de la distinction entre le contrat de louage d'ouvrage et le mandat, Mignault, à la page 239 de son tome 7, dé-clare, entre autres, ceci: La question de savoir quel est au juste le caractère distinctif du louage d'ouvrage et du mandat, surtout lorsque ce dernier est salarié, est assez difficile à résoudre, et aucun système ne peut nous donner sur ce point une satisfaction complète. Ainsi, c'est une question qui peut être con-troversée que celle de savoir quelle est la nature du contrat qui unit le commis au patron qui l'emploie; on se demande s'il constitue un mandat, un louage de services, ou un contrat mixte participant de l'un et de l'autre. La majorité des auteurs, en France, se prononce pour cette dernière opinion, et aucun des systèmes qu'on y a tour à tour soutenus et attaqués, et que je vais maintenant mentionner, n'est suffisant en prin-cipe pour placer le contrat en question, c'est-à-dire celui qui unit le commis au patron, sous la seule dénomination soit du mandat, soit du louage de services. Il peut en être ainsi dans beaucoup d'autres cas. Mignault expose ensuite que dans un système on prétend que le louage d'ouvrage se différencie du mandat par la condition qu'un prix est toujours attaché au travail dans le premier contrat, tandis que le second est gratuit de sa nature et que la rémunération qui peut l'accompagner n'a que le caractère d'honoraire ou de récompense. Il ajoute que dans ce système il n'y a louage d'ouvrage que lorsque l'acte accompli est purement manuel et matériel et qu'au
184 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949 1949 contraire il y a mandat si l'acte est plutôt intellectuel. Il CARRou signale que ce système est soutenu par de grands juriscon-Ev AL suites, mais il ne croit pas qu'il y ait lieu de l'accepter dans THE KING notre droit. L'auteur poursuit ainsi son exposé (p. 240) : Angers J. Dans un autre système, qui me paraît plus exact, pour déterminer si un contrat renferme un louage d'ouvrage ou un mandat, on doit se de-mander si celui qui travaille ou agit pour autrui accomplit ou non un acte juridique, tel qu'une vente, un achat, un emprunt ou une affaire quel-conque. Il y aura louage d'ouvrage toutes les fois que l'acte accompli n'offrira pas ce caractère juridique, et mandat dans les autres cas. Ainsi le médecin, le professeur ou l'artiste que j'emploie ne sont point mes mandataires, car l'acte accompli par eux pour moi n'est pas un acte juri-dique. La convention intervenue entre eux et moi est un véritable louage d'ouvrage. Mignault dit ensuite qu'en faveur de ce système l'on peut faire remarquer: 1° que, selon la loi, le mandataire est celui qui s'est chargé de la gestion d'une affaire pour une autre personne et que par ces mots "la gestion d'une affaire" on entend l'accomplissement d'un acte juridique capable de produire des obligations ou transférer des droits, ou d'en opérer l'extinction, et non pas l'exécution d'un simple ou-vrage, quelque intellectuel qu'il puisse être; 2° que la loi reconnaît le mandat salarié, sans distinguer si le salaire convenu est ou non modique comparativement au service à rendre; 3° que, dans le système opposé, la loi eût été obligée de donner une classification des ouvrages appelés libéraux et que, ne l'ayant pas donnée, elle a par montré qu'elle n'entendait point établir de 'différence entre le travail libéral et celui qui ne l'est pas. L'auteur conclut ses commentaires ainsi (p. 241) : J'admets toutefois qu'en certains cas il sera assez difficile de faire entrer le contrat qui sera intervenu entre les parties sous la seule déno-mination de louage ou de mandat. Ces deux contrats se rapprochent par tant de points, qu'il arrivera souvent qu'ils seront liés ensemble de manière à former un seul contrat, participant à la fois du louage de services et du mandat. C'est ainsi qu'on peut dire que le contrat qui unit le commis au patron est un contrat mixte. On devra alors appliquer les règles du louage ou leè règles du mandat suivant les circonstances, et suivant la nature de l'acte dont il s'agit. Devant pareille indécision il est quelque peu difficile d'opter. J'ai, par acquit de conscience, consulté le Cours de droit civil de Langelier; il ne m'a été d'aucune assistance. J'ai cherché dans les codes annotés et les répertoires de jurisprudence pour vérifier s'il y avait eu des décisions sur le sujet, malheureusement sans succès.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 185 Après avoir pesé avec soin les arguments présentés de part 1949 et d'autre, j'en suis venu 'à la conclusion que nous sommes Cnaxou.. en face d'un mandat et non d'un contrat de louage d'ou-L ;,`. vrage. La prescription quinquennale ne s'applique donc THE KING point; c'est la prescription trentenaire qui régit le cas. Si Angers J. les mots "louage d'ouvrage" ne s'appliquent point, comme je le crois, mais que les mots "prix de travail" se rapportent à un prix déterminé pour un travail convenu, peut-il être question d'évaluer en argent le "travail" d'un lieutenant-gouverneur qui exécute les devoirs de sa charge? Si l'on considère que le lieutenant-gouverneur fait partie de la législature de la province, il me semble qu'il ne peut être question de prix pour ce genre de service. L'article 71 de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord décrète ceci: Il y aura pour Québec une législature composée du lieutenant-gou-verneur et de deux Chambres appelées le Conseil Législatif de Québec et l'Assemblée Législative de Québec. En vertu de cette disposition le lieutenant-gouverneur par-ticipe de l'autorité du souverain; il administre les affaires de la province en vertu d'une commission qui lui est accordée par le gouverneur général en conseil. La loi accorde un traitement au lieutenant-gouverneur, non pas tant pour payer son travail que pour l'indemniser des pertes que lui cause l'exécution de sa fonction. Je crois raisonnable et logique de conclure qu'il ne s'agit pas de prix de travail mais d'un traitement ou d'une indemnité. Ceci me confirme dans l'opinion que le paragraphe 6 de l'article 2260 C.C. n'a aucune relation avec le cas d'un lieutenant-gouverneur. J'ajouterai que les mots "et maté-riaux fournis" dans le paragraphe 6 de l'article 2260 me semblent appuyer cette façon de voir. Il faut être prudent relativement à la doctrine et la jurisprudence en France, vu la différence entre l'article 2260 C.C. et l'article 2277 C.N. Le procureur des pétitionnaires a cité un extrait de Baudry-Lacantinerie, tome 28, De la prescription, N° 776, l'auteur, traitant de la prescription du traitement des fonctionnaires publics, fait les commen-taires suivants: D'après Laurent, les traitements des fonctionnaires publia doivent être assimilés des pensions alimentaires. Au fond, dit cet auteur, ces traitements sont calculés de manière que les fonctionnaires comptent parmi les pauvres dans une société riche; on peut donc hardiment les assimiler à des aliments (Laurent, n. 441). 32968-2a
186 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1949 1949 Laurent assimile donc le traitement du fonctionnaire public Cesaoru à une pension alimentaire et le croit prescriptible par cinq Erv ans, étant donné que l'article 2277 C.N. mentionne les pen- THnKINQ sions alimentaires. Angers J. Baudry-Lacantinerie continue: Il n'est pas besoin de cette assimilation, qui manquerait d'ailleurs de justesse à plus d'un point de vue, pour déclarer applicable ioi la prescription quinquennale; on peut faire rentrer sans le moindre effort les traitements dont il s'agit dans la règle formulée par Particle 2277, alinéa 4: "et généralement tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts". On constate ainsi qu'en France on applique au traitement des fonctionnaires publics la prescription quinquennale, soit qu'on l'assimile à une pension alimentaire ou qu'on l'inclut dans la formule "tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts". Ces deux stipulations de l'article 2277 C.N. ne se trouvent pas dans l'article 2260 C.C. Il n'est pas question dans celui-ci de pension alimen-taire ni de sommes payables par année ou à des termes pé-riodiques plus courts. Par ces motifs, sur lesquels il me semble inutile d'insister, la défense de prescription ne peut être accueillie. Le procureur des pétitionnaires a plaidé, subsidiairement, que, si la prescription de cinq ans était applicable, il y a eu renonciation à la prescription. L'article 2185 du Code civil décrète ce qui suit: La renonciation à la prescription est expresse ou tacite; la renon-ciation tacite résulte d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis. Le procureur de l'intimé, invoquant l'article 2186 C.C., qui déclare que "Celui qui ne peut aliéner ne peut renoncer à la prescription acquise", a plaidé qu'on ne peut engager la Couronne sans certaines formalités et que même le sous-ministre de la Justice ne pouvait faire don de $30,000 aux pétitionnaires sans autorisation du Parlement ou, au moins du gouverneur général en éonseil. Le procureur de l'intimé a représenté que la lettre du sous-ministre de la Justice au procureur des pétitionnaires, en date du 2 mai 1944, ne comporte pas de renonciation de la part de la Couronne à la prescription acquise. I'l a ajouté que, par cette lettre et la réponse du procureur des pétitionnaires, tout ce dont on convenait c'était de demander une audition en droit pour faire interpréter l'article 27 de la Loi des juges. Il est de
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 187 jurisprudence constante qu'un ministre ne peut, de son 1949 propre chef, engager la Couronne; à plus forte raison un CARROLL sous-ministre ne peut-il le faire. Je crois inutile d'insister EVAL sur ce point; je me contenterai de citer les jugements sui- TRE KING vants: Algoma Central Railway Company v. The King (1), Angers J. ce jugement a été infirmé par la Cour Suprême sur un point étranger à la question qui nous occupe (2) ; Black et al. v. The Queen (3) ; Boone v. The King (4) ; British American Fish Corporation Ltd. v. The King (5) ; DeGalindez et al. v. The King (6); La Banque Jacques-Cartier v. La Reine (7); Lefebvre v. The King (8); Le Procureur Général v. A. Fraser et al. (9), ce jugement a été infirmé par la Cour du Banc du Roi sur un autre point, sub nom. Le f aivre ès- qual. v. Attorney General of the Province of Quebec (10), et restauré par la Cour Suprême sub nom. Attorney General of the Province of Quebec and Kenneth Gordon Fraser et al. (11) ; National Dock and Dredging Corporation Limited v. The King (12); The King v. Peat Fuels Limited (13); The King v. Vancouver Lumber Co. (14). Mais en l'espèce il y a plus que la lettre du sous-ministre; il y a le fait que l'intimé a jugé à propos de soumettre à la Cour une question de droit et l'a fait plaider par l'un de ses procureurs, qui n'était autre que le sous-ministre, de la Justice. Si, comme le prétend l'intimé, l'action était pres- crite, il était inutile de faire 'décider cette question de droit. Ceci me paraît disposer de la prétention de l'intimé qu'il ne peut y avoir eu renonciation à la prescription. Par ces motifs j'en suis venu à la conclusion que la péti- tion de droit est bien fondée, jusqu'à concurrence de $30,500. Il y aura donc jugement contre 'l'intimé pour cette somme, avec dépens. Judgment accordingly. (1) (1901) 7 Ex. C.R.. 239, 267; (8) (1923) Ex. C.R. 115. (2) (1902) 32 S.C.R. 277. (9) (1904) R.J.Q. 25 C.S. 104. (3) (1899) 29 S.C.R. 693. (10) (1905) R1,2.Q. 14 B.R. 115. (4) (1933) Ex. C.R. 33. (11) (1906) 37 S.C.R. 577. (5) (1918) 18 Ex. C,R.. 230; (12) (1929) Ex. S.C.R. 40. (1919) 59 S.C.R. 651. (13) (1930) Ex. C.R. 188. (6) (1906) R.J.Q. 15 B.R. 320; (14) (1914) 17 Ex. C.R. 329; (1907) 39 S.C.R. 682. (1920) D.L.R. 6. (7) (1895) 25 S.C.R. 84. 32968-2$a
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