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Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 53 ALFRED LAPERRIERE, labourer, of 1944 the City of Courville, in his quality of Mar. 20, 21 tutor to his minor son Joseph Gaston PETITIONER, 1945 May 10 Guy Laperriere AND HIS MAJESTY THE KING RESPONDENT. CrownPetition of RightInjury to minor child through negligence of army officers in leaving live explosives in a field after manoeuvres Presumption of negligence under Article 1054 C.C. arises only when the damage has been caused by a dangerous article itself and not because of the conduct of the person injuredDoctrine of contributory negligence applicable when cause of action arises in Quebec Province Division of negligenceLiability of Crown. During the evening of October 10, 1942, a detachment of officers and non-commissioned officers of a Canadian regiment, under the authority of the Minister of National Defence, carried on military exercises partly on the course of the old Kent Golf Club and partly on the
54 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1945 1945 neighbouring farm of one Giroux. During these manoeuvres some seventy-five thunderflashes were used. On 'October 31, in the after-ALFRED noon one live thunderflash was found on the Giroux property by two LAPERRIERE V. boys aged about ten years each who had been looking for golf THE KING balls. The boys opened the thunderflash, took out some of its contents and burnt them. They then came home for supper, with the understanding that they would meet after supper on one of the streets of the town. As a matter of fact these two boys with several others, among whom was Gaston Laperrière, gathered on the street in the evening. After taking a small quantity of the powder left in the thunderflash and burning it, the two boys who had found the explosive and Gaston decided to set fire to what remained of the thunder-flash. Gaston with one of the boys, namely, Marcel Dubeau, thinking that the explosive had not been properly lighted went to pick it up; at this moment the explosion occurred with the result that Gaston had the thumb and three first fingers of his right hand torn away. Shortly after the accident he had to have his right hand amputated. The Suppliant in his quality of tutor to his minor son Gaston by his Petition of Right claims from His Majesty the King damages for the injuries suffered by his son. Held: That the injury to Gaston Laperrière resulted from the negligence of the officer in charge of the manoeuvres in leaving in a field used for these manoeuvres a live explosion and in his failure to look for unexploded thunderflashes in the field after the manoeuvres were finished and from the negligence on the part of the quartermaster in not exacting from the officers to whom he had given thunderflashes to account for them and surrender those that had not exploded. 2. That there is no presumption of negligence in the present case, even if Article 1054 C.C. applied, because the presumption of responsibility for the damage caused by a thing under one's care only arises when the damage has been caused by the thing itself, not when it is ascribable to the conduct of the person by whom it is manipulated. 3. That the cause of action having arisen in the Province of Quebec the doctrine of contributory negligence is applicable; that a child of ten years of age, of normal intelligence and development as the injured boy was, should have been more prudent and should have foreseen to a certain degree the probable consequence of his action and he is accordingly liable for contributory negligence, estimated in the present case at one-third. PETITION OF RIGHT by Suppliantclaiming damages 'against the Crown for injuries suffered by the minor son of Suppliant alleged to have been caused by the negligence of an officer or servant of the Crown in the performance of his duties. The action was tried before the Honourable Mr. Justice Angers, at Quebec. C. N. Dorion, K.C. and Frederic Dorion, K.C. for Suppliant. Gerard Lacroix, K.C. for Respondent.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 55 The facts and questions of law raised are stated in the 1945 reasons for judgment. ALFRED LAPERRIERE V. ANGERS J. now (May 10, 1945) delivered the following THE KING judgment: Angers J. Par sa pétition de droit le pétitionnaire, en sa qualité de tuteur, réclame de l'intimé la somme de $15,400. pour dommages résultant d'un accident survenu à son fils mineur Joseph-Gaston-Guy le ou vers le 31 octobre 1942 en la ville de Courville, province de Québec. Le pétitionnaire, dans sa pétition, allègue en substance: le ou vers le 10 octobre 1942 un détachement de mili-taires de la cité de Québec, sous les ordres du ministre de la Défense nationale, s'est rendu sur un terrain appartenant à la compagnie Quebec Power situé dans la ville de Cour-ville et de sur un autre terrain appartenant à Joseph-R. Giroux, cultivateur du même endroit; sur le terrain dudit Giroux ledit détachement a fait des exercices dans le but de se préparer à un raid simulé qui devait avoir lieu à Québec quelques jours plus tard; de fait ledit raid simulé a eu lieu contre la ville de Québec après l'exercice susdit; ledit détachement a laissé sur le terrain dudit Giroux des boîtes et tout ce qui restait de la préparation dudit raid simulé; ledit détachement, a fait partir des explosifs, a produit des écrans de fumée et a laissé sur le terrain dudit Giroux un explosif très violent communément appelé "thunder-flash" ; plusieurs de ces explosifs avaient été employés sur le terrain dudit Giroux et avaient creusé des cavités profondes en explosant; le samedi, 31 octobre 1942, vers six heures et demie du soir, le fils du pétitionnaire, âgé de onze ans, accompagné de plusieurs amis de son âge, était à jouer dans la ville de Courville lorsqu'à un moment donné il fut appelé à parti-ciper, avec le jeune Joseph-Emerilde Dubeau, à la prépa-ration d'un feu d'artifice avec un "thunderflash" dont il ignorait la valeur explosive et que ledit Joseph-Emerilde
56 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1945 1945 Dubeau s'était procuré dans un champ à Courville, appar- R tenant à J.-Raphaël Giroux, sur lequel avaient eu lieu les LAPERRIERE v exercices ci-dessus mentionnés; THE KING au moment ledit Joseph-Gaston-Guy Laperrière s'ap-Angers J. prochait de l'explosif une violente explosion se produisit, lui enlevant partie de la main droite; ceci nécessita l'intervention des médecins qui durent lui amputer la main droite; Joseph-Gaston-Guy Laperrière ne connaissait pas la valeur explosive dudit "thunderflash" ; le pétitionnaire, par jugement rendu le 17 novembre 1942, a été nommé tuteur à son fils mineur, Joseph-Gaston-Guy; à la suite de l'amputation de la main droite, le fils du pétitionnaire souffre des dommages au montant de $15,400., dont $400. pour frais de médecins et d'hôpital et $15,000. pour diminution de capacité permanente; l'accident est à la négligence, l'incurie et la faute dudit détachement, qui, dans les circonstances, agissait sous les ordres de Sa Majesté le Roi, par l'intermédiaire de son ministre de la Défense nationale. L'intimé a fait une inscription en droit totale à l'encontre de la pétition de droit, présentable à l'ouverture de la session de la Cour à Québec et donné avis de cette inscription aux procureurs du pétitionnaire. Au soutien de son inscription en droit l'intimé dit que les faits invoqués par le pétitionnaire ne 'donnent pas ouverture au droit réclamé; qu'il n'appert aucun lien de droit entre le pétitionnaire et l'intimé; que le pétitionnaire n'allègue pas que le "thunderflash" qu'il prétend avoir été la cause de l'accident provenait de l'intimé ou de ses officiers ou préposés; que le pétitionnaire mentionne seulement que le jeune Laperrière a été blessé par un objet en la possession d'un jeune Dubeau et n'allègue nulle part que celui-ci ait été un employé, préposé ou officier de l'intimé; que les faits allégués dans la pétition ne rattachent aucunement l'objet prétendu dommageable à la garde ou au contrôle de l'intimé et n'indiquent aucun lien juridique entre le péti-tionnaire et l'intimé. La règle numéro 149 des règles et ordonnances de la Cour de l'Echiquier déclare que nulle inscription en droit n'est permise comme plaidoirie distincte; elle décrète
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 57 cependant qu'une partie a le droit de soulever tout point 1945 de droit dans sa plaidoirie et qu'un point de droit ainsi A ü soulevé doit être décidé par la Cour ou un juge pendant ou LAPEvRIERE après le procès. THE KING Ladite inscription en droit a été présentée à l'ouverture Angers J. de la Cour et, du consentement des parties, ajournée après l'enquête. A la clôture de l'enquête le procureur de l'intimé a de nouveau présenté ladite inscription en droit. Après avoir eu l'occasion de lire attentivement la pétition de droit ainsi que l'inscription en droit de l'intimé, sans tenir compte de l'irrégularité de celle-ci, j'en suis arrivé à la conclusion que la pétition de droit, quoique pas aussi claire et précise qu'elle aurait pu l'être, était suffisante pour donner ouverture au droit réclamé, en assumant naturelle-ment que les faits y allégués seront prouvés de façon satis-faisante, et j'ai conséquemment rejeté l'inscription en droit, sans frais. Le procureur du pétitionnaire a alors présenté une motion pour amender sa pétition de droit en ajoutant au para-graphe 7 d'icelle les mots suivants: "et que le jeune Joseph E. M. Dubeau s'était procuré dans un champ situé à Courville, et appartenant à M. J. Raphael Giroux, champ sur lequel avait eu lieu les exercices dont il est question dans les six premiers paragraphes de la présente pétition;" Bien que je ne considérais pas cet amendement néces-saire étant donné l'opinion que j'avais formulée de la suffisance de la pétition de droit en rejetant l'inscription en droit de l'intimé, j'ai cru à propos d'accorder la motion du pétitionnaire pour amender afin de prévenir le cas un tribunal d'appel jugerait ladite pétition insuffisante telle qu'originalement libellée. Pour défense à la pétition de droit, le Procureur Général du Canada, au nom de Sa Majesté le Roi, sous réserve de son inscription en droit, plaide en substance ce qui suit: il admet que le ou vers le 10 octobre 1942 des exercices ont eu lieu à Courville pour la préparation à un raid simulé qui devait avoir lieu à Québec; il demande acte de l'admission que ces exercices ont eu lieu sur des terrains privés, celui de la compagnie Quebec Power et celui de Joseph-R. Giroux, cultivateur de Cour-ville ; 32252-2a
58 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1045 1945 il admet qu'au cours desdits exercices on s'est servi d'un ALFRED explosif appelé "thunderflash"; Lnr rF v. il dit que le jugement mentionné au paragraphe 10 de la THE KING pétition fait foi de son contenu; Angers J. il nie les autres allégations de la pétition; et il ajoute: à la fin de septembre des exercices ont eu lieu, au cours desquels toutes les précautions requises ont été prises et il n'y a eu aucune négligence de la part des officiers ou des hommes participant à ces exercices; les instructions données pour ces exercices ont été suivies et chaque homme et officier a fait rapport de l'emploi des objets à lui confiés pour lesdits exercices, qui ont tous été employés pour les fins déterminées; si Joseph-Emerilde Dubeau a eu en sa possession un "thunderflash", provenant des terrains ont eu lieu les exercices, ce qui est nié, il l'a eu dans l'exercice d'un acte illégal pour lequel l'intimé n'est pas responsable; la pétition est mal fondée en fait et en droit et l'intimé ne doit rien au pétitionnaire. En réponse à la défense le pétitionnaire allègue, entre autre, ce qui suit: il demande acte des admissions contenues dans la défense, en nie les autres allégués et dit que l'enfant du pétition-naire avait la permission tacite du propriétaire du terrain d'y aller, comme le faisaient généralement les enfants de la localité. [The learned Judge here reviews the evidence heard at trial and continues.] La preuve révèle que les témoins Bancroft, Brown, Hut-chinson, Malone, Price (Richard), Whyte et Walsh n'ont pas participé aux manoeuvres qui ont eu lieu durant la nuit du 10 au 11 octobre 1942 si, par ailleurs, ils ont peut-être pris part à celles exécutées dans l'après-midi du 27 septem-bre. Il est difficile de concevoir la raison pour laquelle on amène en cour, à titre de témoins, sept officiers ou sous-officiers qui ne connaissent rien des faits dont il s'agit dans l'action. Il semble évident que la cause n'a pas été préparée de la part de l'intimé de façon satisfaisante et que ses représentants sont venus au procès ignorant ce que l'on
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 59 pourrait prouver avec l'aide de ces témoins. L'intimé n'a 1945 certes pas voulu délibérément embrouiller les faits mais le ALFRED nombre considérable de témoins totalement étrangers à Iu1PERRIEHE l'affaire laisse perplexe. Le résultat de cette confusion a THE KING été une perte de temps et une augmentation des frais abso- Angers J. Jument inutiles. La preuve démontre de façon péremptoire que le "thun-derflash" qui a été l'instrument de l'accident a été trouvé sur la terre de François-Xavier Giroux. Les militaires ont-ils fait toutes leurs manoeuvres sur le terrain du club de golf, comme l'ont soutenu certains témoins de l'intimé, ou ont-ils pénétré, inconsciemment ou délibérément, sur la terre de Giroux, comme l'a déclaré son fils Henri, peu importe. Une chose, à mon avis, certaine c'est que Guy Bouchard et Marcel Dubeau ont ramassé l'explosif dans le champ de Giroux. Il est possible que le "thunderflash" en question ait été lancé du terrain du golf sur la propriété de Giroux. Il ressort de la preuve qu'il y avait parmi le groupe d'officiers qui ont participé aux manoeuvres de bons, de médiocres et de mauvais lanceurs; les distances men-tionnées varient en effet de 25 à 100 pieds. Au cas j'admettrais, ce que je ne suis pas disposé à faire, qu'aucun militaire n'est entré sur la propriété de Giroux durant les manoeuvres, je ne verrais pas d'autre conclusion à tirer qu'un "thunderflash" a été jeté sur sa propriété. Je crois que le fait d'avoir laissé dans un champ utilisé pour des manoeuvres militaires un explosif constitue une négligence de la part des officiers qui avaient la direction de ces manoeuvres. Ceux-ci auraient rapporter au quartier-maître les "thunderflashes" qui n'avaient pas été utilisés ou qui n'avaient pas explosé. De son côté, le quartier-maître aurait exiger des officiers à qui il avait confié des explosifs qu'ils rendent compte de l'usage qu'ils en avaient fait et qu'ils remettent ceux qui n'avaient pas été employés. En outre des officiers prudents auraient faire ou faire faire des recherches sur le terrain des manoeuvres pour vérifier s'il y restait des "thunderfiashes" non éclatés. Rien de cela n'a été fait. Ces omissions de la part des officiers et du quartier-maître, tous serviteurs de la Couronne aux termes de l'article 50A de la Loi de la Cour de l'Echiquier, entraînent, à mon avis, la respon- 32252-2ta
60 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1945 1945 sabilité de l'intimé. Voir Savatier, Traité de la Responsa- AL E u bilité Civile, tome I, n°8 45, 173 et 354; J. Charlesworth, LAPEBRIEEE v. Liability for Dangerous Things, pp. 172 et seq.; Salmond, THE KING Law of Torts, 9e éd., pp. 546 et seq.; Sullivan v. Creed (1) ; Angers J. Germain v. Canadian National Railways Company (2) ; Dalloz Périodique, 1905, 3, 48; Jur.-Cl. Civ., Délits et Quasi -Délits, articles 1382, 1383, lère p., 12e cahier, p. 7, n° 1328. Dans les notes du juge Gibson in re Sullivan v. Creed, on trouve, à la page 325 du rapport, les observations sui-vantes qui me semblent au point: Our decision depends on the answer to the question, was the misfortune the direct consequence of a danger which a prudent man ought to have perceived? It is immaterial that the specific mischief was not actually foreseen. The possessor of a dangerous article is bound to exercise diligence for the protection of those likely to be injured by a probable use of such article. Thus, there is actionable liability where the vendor of a dangerous commodity, without warning, sells it to a purchaser presumably unaware of such danger: Clarke v. Army and Navy Co-operative Society, Limited (1903, 1 K.B. 155); where a master entrusts to a young and unfit messenger a gun negligently left loaded which it was his duty to have made safe: Dixon v. Bell (5 M. & S. 198) . . . .; where a railway company omits to guard against the known risk arising from boys being in the habit of trespassing on a particular part of their line: M'Dowall v. Great Western Railway (1902, 1 K.B. 618) ; where a schoolmaster, being in the position of father towards his boys, leaves an explosive in a conservatory to which his pupils have access: Williams' Case (10 Times L.R. 41) ; where a person leaves a dangerous thing in a place where he ought to know it is likely to be set in motion, or used (even without authority) to the injury of anyone: Lynch v. Nurdin (1 Q.B.D. at p. 35); Clark v. Chambers (3 Q.B.D. at p. 339). Ce n'est pas la première fois malheureusement qu'un pareil accident se produit. J'ai eu à juger un cas à peu près semblable dans une cause de Martial St-Jacques v. Sa Majesté le Roi (n° 19985) non rapportée, des officiers avaient laissé sur un champ de manoeuvres cinq "thunder-flashes". L'un de ces explosifs, trouvé par un fermier de 24 ans sur une terre il était à, faire la récolte du foin, laquelle terre avait précédemment servi pour des manoeuvres militaires, et allumé par lui, a produit une explosion plus violente qu'il ne le prévoyait et lui a mutilé la main droite au point de nécessiter l'amputation de l'index au complet et d'une partie du pouce, du majeur et de l'an- (1) [1904] 2 Irish Rep. 317. (2) [1943] C.S. 226.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 61 nulaire. J'ai cru devoir dans ce cas décider qu'il y avait 1945 faute commune et imputer deux-tiers de la responsabilité ALFRED au pétitionnaire et un tiers à l'intimé. LIE ~n E J'ai déjà dit que la preuve révélait clairement que le THE KING "thunderflash" qui a causé l'accident a été ramassé par Guy Angers J. Bouchard et Marcel Dubeau sur la terre de Giroux. La prétention de l'intimé qu'il aurait été trouvé sur le terrain de golf n'est pas appuyée par la preuve et ne me paraît pas soutenable. Le procureur de l'intimé a plaidé qu'il ne peut y avoir de présomption de faute contre la Couronne. J'avouerai que je ne suis pas prêt à adopter cette opinion. Le point cependant ne me paraît avoir aucune importance en l'espèce étant donné qu'aucune présomption de faute n'existe. La présomption ne pourrait être basée que sur les dispositions suivantes de l'article 1054 du Code Civil: Elle (toute personne capable de discerner le bien du mal) est respon-sable non seulement du dommage qu'elle cause par sa propre faute, mais encore de celui causé par la faute de ceux dont elle a le contrôle, et par les choses qu'elle a sous sa garde. La responsabilité ci-dessus a lieu seulement lorsque la personne qui y est assujettie ne peut prouver qu'elle n'a pu empêcher le fait qui a causé le dommage. L'article 1054 vise, quant à ce qui concerne le dommage causé par les choses qu'une personne a sous sa garde, le dommage résultant du fait autonome de la chose, sans intervention de qui que ce soit. Voir dans ce sens: Curley v. Latreille (1). Le juge Anglin, à la page 140 du rapport, expose ainsi la doctrine relative au dom-mage causé par les choses: Responsibility for damage caused by a thing which he has under his care (Art. 1054 C.C. par. 1) arises only when the occurrence is due to the thing itself, not when it is ascribable to the conduct of the person by whom it is put in motion, controlled or directed, D. 1918, 2. 7; D. 1912, 2. 255. See, too, D. 1907, 2. 17. La Compagnie des Tramways de Montréal et Dame Lapointe (2). A la page 375 le juge Lamothe, juge en chef de la Cour du Banc du Roi, exprime la même opinion: Nous croyons que ni l'art. 1054 C. civ., ni le jugement du Conseil privé re Vandry (1920, 26 R.L. n.s., 244; 1920, A.C. 662) ne peuvent s'interpréter dans le sens voulu par la demanderesse-intimée. Il y a des (1) [1919] 60 S.C.R. 131. (2) [1921] R.J.Q. 31 B.R. 374.
62 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1945 1945 distinctions à faire. Lorsqu'une chose inanimée participe à un accident ALFRED par suite du fait qu'elle est entre les mains d'une personne qui s'en sert LAPERRIERE imprudemment, on ne peut dire que cet accident est à la chose V. inanimée; il est à la négligence humaine. La chose inanimée a joué, THE KING pour ainsi dire, le rôle d'un instrument dans les mains de cette personne. Angers J. Si, au contraire, l'accident est à un vice de la chose même, l'art. 1054 s'applique; il s'applique aussi lorsque le dommage est causé par la `chose' elle-même, sans aucune intervention extérieure. Voir aussi les notes du juge Greenshields au bas de la page 378. Dame Collier v. Montreal Tramways Company (1). Montreal Tramways Company and Frontenac Breweries (2). Le juge Martin adopte l'opinion émise par le juge Anglin dans la cause de Curley v. Latreille précitée (p. 161): Responsibility for damage caused by a thing which a person has under his care arises only when the occurrence is due to the thing itself, not when it is ascribable to the conduct of the person by whom it is put in motion, controlled or directed (D. 1907-2-17; D. 1912-2-255; D. 1918-2-7; Anglin, J., 60 Supr. C. Rep. p. 140). The accident here was not caused by the inanimate thing alone but by the fact that such inanimate thing was being manipulated by human agency. This Court has had occasion to consider and pronounce on this point on several occasions recently, notably in the case of Montreal Tramway v. Lapointe and News Pulp & Paper Co. v. McMillan. Fortin v. Montreal Tramways Company (3). Il me semble évident que le "thunderflash" qui a blessé le fils du pétitionnaire n'aurait pas explosé s'il n'eût pas été manié par lui. Il y aura lieu de déterminer si le manie-ment de cet explosif par le fils du pétitionnaire peut être considéré comme ayant constitué une négligence de sa part. Forrester v. Handfield (4). Voir Josserand, Cours de Droit Civil, tome 2, n° 540. Comme je l'ai dit, les omissions susmentionnées de la part des officiers et du quartier-maître qui ont eu à s'oc-cuper des manoeuvres militaires exécutées dans la nuit du 10 au 11 octobre 1942 sur l'ancien terrain du club de golf Kent et une partie de la terre de F.-X. Giroux constituent une négligence de la part d'employés ou ser-viteurs de la Couronne dans l'exercice de leurs fonctions ou (1) [1921] 27 R.L. n.s. 117. (3) [1918] R.J.Q. 54 C.S. 428, 432. (2) [1922] R.J.Q. 33 B.R. 160. (4) [1944] R.L. 260.
Ex. C.R.) EXCHEQUER COURT OF CANADA 63 de leur emploi. Le cas qui nous occupe est régi par le sous- 1945 paragraphe (c) du paragraphe 1 de l'article 19 et par ALFRED l'article 50A de la Loi de la Cour de l'Echiquier. LAPERRIERR v. La partie pertinente de l'article 19 se lit comme suit: THE KING 19. La cour de l'Echiquier a aussi juridiction exclusive en première Angers J. instance pour entendre et juger les matières suivantes: c) Toute réclamation contre la Couronne provenant de la mort de quelqu'un ou de blessures à la personne ou de dommages à la propriété, résultant de la négligence de tout employé ou serviteur de la Couronne pendant qu'il agissait dans l'exercice de ses fonctions ou de son emploi; L'article 50A est ainsi conçu: 50A. Aux fins de déterminer la responsabilité dans toute action ou autre procédure intentée par ou contre Sa Majesté, une personne qui, en tout temps depuis le vingt-quatrième jour de juin mil neuf cent trente-huit, était membre des forces navales, militaires ou aériennes de Sa Majesté pour le compte du Canada, est censée avoir été à cette époque un serviteur de la Couronne. Je suis d'opinion par ailleurs que Gaston Laperrière, le fils du pétitionnaire, a lui-même été partiellement respon-sable de l'accident. C'est un enfant intelligent qui savait que la poudre est une matière inflammable, explosive et dangereuse et qui, désireux, comme il le dit, de faire un feu d'artifice, a, avec son ami Marcel Dubeau, décidé de mettre le feu à ce qui restait du "thunderflash" et de le faire éclater. Le pauvre enfant ne savait pas évidemment qu'il y avait dans le "thunderflash" une quantité de poudre aussi considérable que celle qui s'y trouvait encore et il ne prévoyait pas qu'une explosion si violente se produirait. La responsabilité de l'enfant pour négligence a été dis-cutée, entre autres, par Savatier dans son Traité de la Responsabilité Civile et par H. et L. Mazeaud dans leur Traité Théorique et Pratique de la Responsabilité Civile, Délictuelle et Contractuelle. Savatier, au tome I de l'oeuvre précitée, dit, entre autres, ce qui suit: 199. Critère de la responsabilité ou de l'irresponsabilité.—La minorité n'est pas, en soi, une impossibilité de prévoir et d'éviter l'acte illicite, donc une cause d'irresponsabilité; il en est ainsi même pour l'impubère, dont les tribunaux ont à rechercher s'il avait l'intelligence assez déve-loppée pour comprendre, sinon la malice, au moins l'imprudence de son acte... 200. Conséquences de la responsabilité ou de l'irresponsabilité.— Lorsque l'enfant était hors diétat, à raison du développement insuffisant de ses facultés, de prévoir et d'éviter l'acte illicite, son activité ne peut
64 EXCHEQUER COURT OF 'CANADA [1945 1945 être considérée, à son propre égard, que comme un cas fortuit. Non ' seulement il n'est tenu alors é aucune responsabilité pour le dommage ALFRED LAPERRIE&E crééa p r lui, mais encore, il a le droit de réclamer la réparation du y. dommage subi par 'lui, du fait de la faute d'une autre personne ou d'une THE KING chose dont une autre personne devait répondre. Et cette réparation doit être alors intégrale. Angers J. Quand, au contraire, une faute est retenue à la charge de l'enfant, il doit être condamné et, la réparer, et cette condamnation, exécutoire eux ses biens, peut être prononcée ès-qualité contre son tuteur ou son adminis-trateur légal. Il ne peut lui-même demander réparation, tout au moins intégrale, du dommage que sa faute entraîne pour lui. Souvent d'ailleurs, la faute de l'enfant victime d'un accident se combine avec celle de l'auteur de cet accident, ce qui entraîne une responsabilité partagée. Que l'enfant ait été, ou non, 'conscient de l'acte illicite accompli par lui, une responsabilité peut soit coexister avec la sienne, soit s'y substituer, en la personne de ceux qui avaient la charge de le surveiller. Cette responsabilité peut, selon les cas, être présumée, ou, au contraire, rester à prouver par la victime du dommage subi par l''enfant. Plus 'loin, dans le chapitre IV (titre II, livre II), intitulé "Les moyens de défense et de recours du gardien chargé des risques de la chose", Savatier exprime l'opinion suivante: 393. L'acte d'imprudence d'un enfant.—Il se peut que la victime soit un enfant ayant commis un acte objectivement imprudent, mais que son âge rendait incapable d'avoir conscience de cette imprudence. En ce cas, l'enfant lui-même ne peut encourir aucune responsabilité (V. supra, n° 200) fondée sur une faute. Il n'y a place que pour celle qui dérive du risque de la chose dommageable; l'article 1382 ne peut alors corriger chez la victime l'application de 'l'article 1384. Cependant, une autre faute est susceptible d'exister: celle des parents ou gardiens de l'enfant. Si c'est l'enfant qui est demandeur en responsa-bilité, cette faute doit être considérée comme la faute d'un tiers (V. supra, n° 252). C'est donc dans la section suivante que les conséquences en seront examinées. Mais si, l'enfant 'étant mort, les parents intentent en leur nom l'action en responsabilité, et se présentent ainsi comme victimes du dommage, leur faute doit normalement produire les résultats rationnels de toute faute établie â la charge de la victime: ils ne pourront, croyons-nous, agir contre le gardien de la chose 'dommageable qu'en établissant la faute de ce dernier. La question est exactement celle que nous avons examinée aux numéros précédents. On ne peut dire que la jurisprudence ait, sur ce point particulier, nettement pris parti. Si plusieurs décisions ont exonéré, en cas de pour-suite des parents en faute, l'automobiliste auteur de l'accident, et à la charge duquel aucune faute n'avait pu être prouvée, d'autres ont paru permettre aux parents de le poursuivre, mais dans des termes qui sem-blaient en général impliquer, à la charge de l'automobiliste, une faute établie. Nous ne reviendrons pas ici sur la question de savoir si, et quand, le fait de l'enfant actionnant une chose dommageable, ou se jetant devant une automobile, peut être considéré, indépendamment de toute faute,
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 65 comme un cas de force majeure. Comme il s'agit d'un fait 'extérieur à 'la 1945 chose dommageable, ce point doit s'apprécier de la même manière que `~ pour l'article 1382 (V. supra, n° 189). ALuuai L A PERRIEDR E Voir dans l'oeuvre de H. et L. Mazeaud précité, au THE KING tome 2, le paragraphe 1468 et la note sous 'ce paragraphe, et Angers J. particulièrement, dans cette note, le paragraphe (4). Voir aussi Sourdat, Traité Général de la Responsabilité, tome I, n° 17; Demolombe, Cours de Droit Civil, tome 31, n°8 494 et 495; Baudry-Lacantinerie & Barde, Traité de Droit Civil, tome 15, n° 2864; Planiol et Ripert, Traité Pratique de Droit Civil, tome 6, n° 497. Il me semble à propos de citer un extrait du paragraphe 2864 du traité de Baudry-Lacantinerie & Barde auquel il est ci-dessus référé: 2864. Le mineur qui accomplit sans discernement un acte illicite, n'est pas responsable. Qu'elle provienne de l'âge ou de la démence, l'absence de tout discernement exclut l'imputabilité. Mais 'la minorité n'est pas, par elle-même, une cause d'irresponsabilité: °Il (le mineur) n'est point restituable contre les obligations résultant de son délit ou quasi-délit', dit l'art. 1310. Il faut examiner si, en fait, l'intelligence du mineur 'était suffisamment développée pour qu'il pût comprendre ce qu'il faisait: `On ne peut, disait Pothier, précisément définir l'âge auquel les hommes ont l'usage de la raison, et sont, par conséquent, capables de malignité, les uns l'ayant plus tôt que les autres; cela doit s'estimer par les circonstances...' (Oblig., n. 118, al. 3, édit. Dupin, I, p 63). Le mineur, nonobstant son âge, est pécuniairement responsable s'il a pu se rendre compte de la portée de son. acte (Bordeaux, 31 mars 1852, P., 53. 1. 284, D.P., 54. 5. 656, et Répert. alph., .v° Resp., n. 140; 23 janv. 1905, S., 1905. 2. 188)... Les règles posées dans les art. 66 et 67 C. pén. ne peuvent pas être étendues au droit civil. Aussi, par exemple, un enfant âgé de dix ans seulement, mais ayant agi avec discernement, a-t-il été déclaré pécuniairement responsable 'de la blessure causée à un de ses camarades par un morceau d'ardoise qu'il avait lancé en l'air dans la cour de la pension les élèves se trouvaient réunis (Nancy, 26 mai 1888, joint à Civ. case., 13 janv. 1890, S., 91. 1. 49, D.P., 90. 1. 145). Les tribu-naux doivent donc, suivant les espèces, prononcer ou écarter la respon-sabilité. Nonobstant le silence des 'avocats sur ce point, je crois bon de noter que la question de la responsabilité des enfants, dans le cas de quasi-délit, a fait le sujet de plusieurs arrêts des cours de la province 'de Québec. Il a généralement été reconnu qu'un enfant n'ayant pas atteint l'âge de 'discernement, autrement dit âge de raison, ne peut être tenu responsable 'de ses actes de négligence ou d'imprudence. Passé l'âge de sept ans l'enfant est, dans la
66 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1945 1945 plupart des cas, déclaré responsable de tels actes. Je crois ALFRED opportun de passer brièvement en revue les principales LAPER décisions traitant du sujet. THE KING Dans la cause de Rowland v. La Corporation de la Angers J. paroisse de Rawdon et autres (1), la question en litige offre beaucoup de similitude avec celle qui nous occupe. Les faits dans cette cause étaient les suivants. La corporation défenderesse ayant entrepris la réfection d'un chemin il devint nécessaire d'employer de la dynamite. La corporation confia la charge de cette opération au défendeur King. Celui-ci faisait généralement, à l'aide d'un foret, un trou dans le roc qu'il remplissait de dynamite. Il ins-tallait dans le trou un détonateur qu'il mettait en contact avec la dynamite et recouvrait d'une pierre et de gravier, laissant à découvert un bout de la mèche pour pouvoir l'allumer. Il procédait de cette façon à trois ou quatre endroits simultanément. Pendant cette opération per-sonne n'avertissait le public ni ne l'empêchait de circuler. Après avoir installé tous ses détonateurs il donnait ordre à ses subalternes d'arrêter la circulation, il allumait la mèche d'un détonateur, courait vers le second et l'allumait et ainsi de suite jusqu'au dernier, allant alors se mettre à l'abri et ne revenant sur les lieux qu'après l'explosion de la dernière charge. Le jour de l'accident, King avait préparé trois ou quatre charges. En passant de la première à la seconde il ren-contra le jeune Fred. Allan Rowland et son frère, fils du demandeur, causa avec eux et continua sa route pour préparer sa deuxième charge et les suivantes. Les deux jeunes garçons continuèrent leur route vers la première charge. Quand King fut prêt à allumer ses mèches il donna le signal habituel pour arrêter la circulation. Il alluma la première mèche, courant à la seconde et l'alluma, courut à la troisième mais s'aperçut que le détonateur et la mèche avaient disparu. Il chercha un peu mais alla se mettre à l'abri, vu que deux mèches étaient allumées. Après les deux explosions il revint vers la troisième charge, chercha de nouveau mais ne trouvant pas le détonateur il en installa un autre et rapporta au contremaître qu'un déto-nateur était disparu. (1) [1939] R.J.Q. 77 C.S. 477.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 67 Le rapport révèle qu'interrogé au sujet des personnes 1945 qui venaient de passer à cet endroit King a déclaré qu'outre ALFRED les'deux fils du demandeur deux jeunes filles et un jeune LAPERRIERE V. garçon étaient aussi passés mais qu'il n'avait pas soup-THE KING çonné que les fils du demandeur avaient pris le détonateur, Angers J. vu qu'ils passaient à cet endroit tous les jours et que les travaux de dynamitage étaient en cours depuis deux ou trois mois, admettant cependant qu'il ne pouvait jurer que l'idée ne lui était pas venue que c'était les fils du demandeur qui s'étaient emparé du détonateur. Le rapport fait voir en outre que King ne tenta pas de rejoindre les fils du demandeur qui venaient de passer, que personne n'était chargé de surveiller les détonateurs et que le public pouvait circuler librement. Le jeune Rowland, voyant le bout de la mèche, la prit, la mit dans sa poche, l'en sortit à plusieurs reprises même devant son père, l'apporta chez lui, tenta de l'allumer avec une allumette mais sans succès, alla ensuite derrière la maison et l'alluma avec un feu de papier, croyant que cela ferait l'effet d'une pièce pyrotechnique; l'explosion se pro-duisit et lui causa des blessures aux mains et à l'oeil , les-quelles font la base de l'action. L'honorable juge Archambault, après s'être demandé si en face de ces faits la corporation défenderesse et King devaient être tenus responsables et avoir déclaré qu'il est évident que King, préposé de la corporation défenderesse, aurait savoir qu'il était dangereux de laisser sans surveillance des explosifs à un endroit le public et surtout des enfants circulaient librement, émet l'opinion suivante (p. 479) : La loi impose un devoir de surveillance à ceux qui ont sous leur contrôle des choses qui peuvent devenir une menace et un danger pour le public et l'omission de ce devoir constitue une négligence. Dans l'espèce, non seulement le défendeur King a commis une négligence répréhensible et grossière en ne surveillant pas ces explosifs, en permettant au public de circuler sans l'avertir du danger, mais il en a commis une autre en ne faisant pas une enquête plue approfondie pour retrouver le détonateur et surtout en ne rejoignant pas les deux fils du 'demandeur qu'il soupçonnait. Il est certain que s'il avait fait cette démarche, l'accident n'aurait pas eu lieu; d'autant plus que ces détonateurs sont très dangereux, ils peuvent faire explosion non seulement en allumant la mèche, mais aussi en les heurtant légèrement contre un objet solide (témoignage de Tomkinson). Le défendeur King est responsable en vertu de l'article 1053 C.C. a cause de sa négligence et imprudence, et en vertu de 1054 C.C. parce que
68 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1945 1945 le dommage a été causé par un objet inanimé sous son contrôle. Le seul moyen pour lui de repousser la présomption de faute en vertu de l'art. LA A P L E FR R E B D IERE 1054 aurait 'été de démontrer soit que la cause de l'accident était un cas y. fortuit, ou qu'il lui était absolument impossible de l'empêcher. Il n'a THE KING pas même tenté de faire cette preuve. Angers J. Je dois dire avec déférence que je ne crois pas que la pre- somption créée par l'article 1054 C. C. s'appliquait dans cette cause pas plus qu'elle ne s'applique dans la présente, parce que l'explosion dans l'un et l'autre cas n'est pas due au fait autonome de la chose mais a été provoquée par l'intervention d'un enfant. Dans la cause de Cutnam v. Léveillé (1), à laquelle le juge Archambault fait allusion, il a été décidé par l'honorable juge Belleau (p. 84) : 1. Commet une faute personnelle grave, des conséquences de laquelle il doit répondre, celui qui, ayant la garde d'explosifs, néglige de les tenir hors de l'atteinte de personnes étrangères et irresponsables (art. 1053 C.C.). 2. Le père, gardien desdits explosifs, est responsable du dommage causé 'à un tiers par son fils mineur, au moyen desdits explosifs (art. 1054 C.C.) . En Cour du Banc du Roi le jugement de la Cour Supé-rieure a été confirmé sur la question de responsabilité. Il n'a été modifié que relativement au montant des dommages. La Cour Supérieure avait accords la somme de $300 et la Cour d'Appel a porté ce montant à $1,078. Le juge Archambault, dans la cause de Rowland v. La Corporation de la paroisse de Rawdon et autres, dit (p. 480) qu'un jugement basé sur des circonstances identiques a été rendu le 2 mai 1933 par le juge McDougall dans une cause de Plante v. La Cité de Montréal, portant le numéro 75,238 des dossiers de la Cour Supérieure de Montréal, lequel apparemment n'a pas été rapporté. Le juge Archam-bault déclare qu'il s'agissait d'une réclamation en dom-mages pour blessures causées à un enfant de 14 ans par un détonateur que celui-ci avait ramassé, qu'il .avait allumé et qui avait fait explosion. L'enfant avait trouvé ce détonateur sur le sol à un endroit la cité de Montréal faisait des opérations de minage. Le juge Archambault cite l'un des considérants du jugement du juge McDougall, qui se lit comme suit (p. 481) : The plaintiff has clearly proven the accident to his minor son and has shown that it directly resulted from the explosion of the detonator which he had picked up at the site of the works, formerly carried on by (1) [1931] 37 R.L. n.s. 84.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 69 the defendant. It is evident that the defendant was aware or cannot 1945 be absolved from the knowledge that there was danger in leaving any ALFRED of these explosives where they could be a menace to passersby, par-LAPERRIERE ticularly since it has been shown that the spot where they were found v. is a public place, open to pedestrians and where children are accus- THE KING tomed to play without hindrance. The law imposes a duty of care- An fulness upon those who have the control and management of articles g e rs J. which are or may be dangerous to human life or limb. Omission on the part of the defendant to fulfill such duty must, in law, be regarded as constituting negligence. Le juge Archambault réfère ensuite à une décision de la Cour Suprême dans une cause de Makins v. Piggott & Inglis (1) et déclare que cette cour, en vertu du même principe, a tenu le propriétaire d'un bâton de dynamite responsable d'un accident survenu à un enfant de 15 ans qui l'avait ramassé et fait éclater en le frottant simplement. Il me semble opportun de citer le jugé (p. 188) : Work on the construction of a railway was going on near the unused part of a public cemetery in connection with which were used detonating caps containing fulminate. M , a boy of fifteen years of age, in passing through the cemetery with some companions, found some of these caps lying about on the bank above the works, in front of a tool box used by one of the gangs of workmen, and put them in his pocket. Later on the same day he was scratching the fulminate end of one of them with a stick when it exploded and injured his hand. On the trial of an action against the contractors for damages, there was no direct evidence as to how the caps came to be where they were found, but it was proved that when a blast was about to take place the workmen would hurriedly place any explosives they might have in their possession under their tool box, and then run away. It also was proved that caps of the same kind were kept in the tool box near which those in question were found by M., and were taken out and put back by the workmen as occasion might require. Held, reversing the judgment of the Court of Appeal, that in the absence of evidence of circumstances leading to a different conclusion, the act of placing the caps where they were found could fairly be attributed to the workmen, who alone were shown to have had the right to handle them; that it was incumbent on defendants to exercise a high degree of caution to prevent them falling into the hands of strangers; that the act of M. in exploding the cap as he did not necessarily import want of due caution, and if his negligence contributed to the accident the jury should have so found; and that whether or not M. was a trespasser, was also a question for the jury, who did not pass upon it. Dans la cause de Rowland v. La Corporation de la paroisse de Rawdon et autres, le juge Archambault a tenu les défendeurs conjointement et solidairement responsables de l'accident survenu au jeune Rowland dans la proportion de 75 pour cent. (1) [1898] 29 R.C.S. 1
70 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1945 1945 Dans une cause de Lambert v. Canadian Pacific Railway ALFRED Company (1), il s'agissait d'un accident survenu à un LAPERRIERE v. enfant de 8 ans, 'l'honorable juge Fortier a condamné la THE KING défenderesse à payer au demandeur en sa qualité de tuteur Angers J. à son fils mineur, victime de l'accident, les deux-tiers du montant des dommages, mettant l'autre tiers à la charge du demandeur vu la négligence de son enfant mineur. Le jugé dans cette cause est ainsi conçu: Les compagnies de Chemin de Fer, en vertu d'une ordonnance passée par la Commission des Chemins de Fer, en 1909, ont le droit, pendant l'hiver, d'enlever le madrier ou la planche voisine de chaque rail, à l'intérieur du rail, s'il s'agit d'une traverse de chemin public, et toutes les planches ou madriers lorsqu'il s'agit d'une traverse de ferme. Et la compagnie de Chemin de Fer sera responsable d'un accident arrivé à cause du fait qu'elle aura enlevé toutes les planches ou madriers à l'endroit d'une traverse de chemin public. Mais le fait pour un enfant de 8 ans de glisser dans une rue aboutissant à une traverse de chemin de fer, dans un tel état défectueux, à la connaissance de ses parents, sans être un acte illégal en soi, ni une contravention é, un règlement de l'autorité ou une défense expresse de la Compagnie de Chemin de Fer, est un amusement périlleux pour un enfant de cet âge, constitue une faute commune, laquelle n'étant pas seule à causer l'accident, sans dégager la responsa-bilité de la Commission des Chemins de Fer, contribue cependant au partage de cette responsabilité. Dans une cause de Morin v. Lacasse (2), il a été jugé par l'honorable juge Albert de Lorimier ce qui suit: Lorsqu'un enfant de sept ans traverse une rue ailleurs qu'à l'endroit de passage pour les piétons, ce fait constitue une faute aux termes d'un règlement de la Cité de Montréal. Un automobiliste poursuivi pour avoir blessé l'enfant dans ces circonstances peut bénéficier de la règle de la faute commune et faire supporter une partie du dommage éprouvé par le père de l'enfant pour n'avoir pas exercé une surveillance convenable sur cet enfant. Dans une cause de Burke v. Provencher (3), concernant une réclamation pour dommages-intérêts réclamés par le père d'un enfant âgé de huit ans à la suite d'un accident survenu à celui-ci, l'honorable juge Boyer a trouvé faute commune de la part du défendeur et de celle de l'enfant du demandeur, mais n'en a pas fixé la proportion. Peut-être y a-t-il lieu de reproduire le jugé: Commet une faute le conducteur d'un automobile qui, non seulement excède la vitesse permise, mais néglige d'arrêter lorsqu'il le pouvait encore, alors qu'un enfant de huit ans apparaît devant lui. (1) [1932] 38 R. de J. 196. (3) [1929] R.J.Q. 67 C.S. 500. (2) [1931] R.J.Q. 69 C.S. 280.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 71 L'enfant victime de l'accident est aussi en faute lorsqu'il traverse 1945 une rue en faisant irruption derrière un tramway sans s'assurer qu'il peut le faire sans danger, mais vu son âge la faute doit peser plus légèrement ALFRED LAPERRTERF sur lui. V. THE KING Dans une cause de Desroches v. St-Jean (1), la Cour du Banc du Roi a jugé que le fait qu'un enfant se précipite Angers J. pour traverser une rue, en débouchant derrière une voiture qui obstruait la vue d'un automobiliste, ne constitue pas un cas fortuit et que la preuve de ce fait ne libère pas le conducteur de l'automobile de la présomption de faute créée par la Loi des Véhicules-Moteurs, surtout s'il conduisait à une vitesse illégale. La cour a en outre décidé que quoi-qu'on ne puisse attendre d'un enfant de 9 ans le discerne-ment et la prudence d'un adulte, au cas de faute de sa part, il sera responsable de l'accident dont il est victime mais dans une proportion moindre que celle d'un adulte. La Cour du Banc du Roi a jugé à propos de lui imputer un quart de la responsabilité et réduit en conséquence le montant accordé par la Cour Supérieure. Dans une cause de Normand ès-quai. v. The Hull Electric Company (2), il s'agissait d'un accident survenu au fils du demandeur, âgé de dix ans et demi, résultant du fait qu'il avait voulu monter sur un tramway en mouvement, la Cour de Revision, modifiant le jugement de la Cour Supérieure quant au montant des dommages, vu son opinion qu'il y avait eu négligence de la part de l'enfant du demandeur, a décidé ce qui suit: Held:—A boy of eleven years of age and of sufficient intelligence, in the estimation of the Court, to understand the probable consequence of his actions, is liable for contributory negligence in the case of an accident, while attempting to board a tramway car as a trespasser and in disobedience to orders of the school-masters in charge of him. Dans une cause de Figiel v. Hoolahan et al. (3), relative à un accident dans lequel le fils du demandeur, âgé de 10 ans, avait été blessé par une automobile en traversant une ruelle à l'arrière de la résidence de ses parents, le jugé dit, entre autres: A person driving an automobile through a lane in a residential district beside which is a vacant lot where children are accustomed to play and at an hour when children are out must be on his guard against children suddenly crossing the lane and should have his automobile (1) [1928] R.J.Q. 44 B.R. 562. (2) 51909] R.J.Q. 35 C.S. 329. (3) [51039] R.J.Q. 78 C.S. 179.
72 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1945 1945 under sufficient control to be able to stop almost instantly if a child runs out. The sudden appearance of the victim in front of the auto-ALFRED LAPERRIERE mobile was something which should have been expected. V. There was fault on the part of the victim of the accident in that THE KING he stepped from the vacant lot into a paved lane practically in front Angers J. of the automobile without looking to his left to see whether any traffic was coming and as he was ten years old he had attained a sufficient degree of intelligence so that he could have some appreciation of the danger to which he was exposing himself. L'honorable juge Mackinnon a condamné les défendeurs conjointement et solidairement à payer au demandeur en sa qualité de tuteur à son enfant mineur les trois-quarts du montant des dommages établi par la preuve. Dans une cause de Marquis v. Prévost et al. (1), l'honorable juge Rhéaume a décidé qu'un enfant de 9 ans qui s'engage à la course dans l'intersection de deux ruelles, sans se soucier de la circulation, commet une faute contribuant dans une large mesure à l'accident dont il est victime; le juge a imputé 40 pour cent de la responsabilité à l'enfant et 60 pour cent aux défendeurs. Dans une cause de Légaré ès-quai. v. Quebec Power Company (2), il s'agissait d'une réclamation pour dom-mages-intérêts par le père d'un enfant de 13 ans blessé par un courant électrique provenant de fils appartenant à la défenderesse, rompus et tombés sur la voie publique, que l'enfant a touchés, bien qu'il eût été conseillé de ne pas le faire, l'honorable juge Marchand a décidé qu'il y avait faute commune et imputé à l'enfant 75 pour cent de la respon-sabilité. Dans une cause de Lauzon v. Lehouiller (3), l'honorable juge Bond a décidé que, pour déterminer la proportion dans laquelle un enfant victime d'un accident doit en supporter les conséquences, il y 'a lieu de tenir compte de l'âge de l'enfant et de faire supporter à un enfant de huit ans une part de responsabilité moindre que celle qui 'devrait être imputée à un enfant plus âgé. Il s'agissait en cette cause d'une réclamation pour dom-mages-intérêts par le père d'un enfant de huit ans, frappé par une automobile conduite à une vitesse excessive, alors qu'appréciant mal l'allure de la voiture, à une cinquantaine de pieds de distance et croyant avoir le temps nécessaire, l'enfant traversait la rue. (1) [1939] 45 R. de J. 494. (2) [1939] R.J.Q. 77 C.S. 552. (3) [1944] R.L. 449.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 73 Relativement à la négligence du conducteur de l'automo- 1945 bile, le juge Bond dit (p. 451) : ALFRED The Defendant at the time was travelling at a prohibited speed. L APE RRIERE The Motor Vehicles Act, Section 41, provides that the following is THE Kiva specially forbidden: A speed in excess of twenty miles per hour on winding moun- Angers J. (d) tain roads, in curves, in commercial districts, in front of schools, at inter- sections and at level railway crossings. In the present instance, not only was he driving at a prohibited speed but the speed itself was directly connected with the unfortunate result. Had he kept within the speed limit prescribed in the school zone, he would bave been able to stop his car or bring it under control when he saw this boy attempting to cross the road in front of him; in fact, the boy would have had time to cross if the car had been going at twenty miles instead of twice that speed. At twenty miles per hour, the automobile could have been stopped in forty feet (according to the tables contained in Meredith "Civil Law On Automobile Accidents"), and the boy was fifty feet away when the Defendant saw him start to cross. At forty miles per hour, according to the same tables, it would take one hun- dred and fifteen feet to stop. Traitant ensuite la question de faute commune le savant juge, après avoir commenté brièvement les décisions dans les causes de Champagne v. La Compagnie des Chars Urbains de Montréal (1) et de Desroches v. St-Jean (pré-citée), conclut qu'il y a lieu d'imputer 75 pour cent de la responsabilité au défendeur. De son côté le juge Chase-Casgrain, dans la cause de Moisan v. Rossini (2), a décidé qu'une enfant de 5 ans ne peut être tenue responsable de négligence. L'enfant avait traversé une ruelle située en arrière de la maison de ses parents et, sans regarder, était allée se jeter sur l'aile gauche de l'automobile du défendeur. Elle fut projetée par terre, perdit connaissance comme résultat de la commotion céré-brale subie et dut être transportée à l'hôpital. Le juge, à la page 305 du rapport, déclare ce qui suit: Evidemment qu'il ne peut être question de faute eontributoire de la part de la petite Marthe Moisan, vu qu'elle n'était alors âgée que de cinq ans. En effet, il a été décidé par la Cour d'appel, dans la cause de Delâge v. Délisle, 10 B R., 481, qu'un enfant en bas âge de sept ans ne peut être tenu responsable de négligence et qu'aucune faute ne peut lui être attribuée. Cette décision a été suivie par la même Cour, dans la cause de Bernier v. Généreux, 12 B.R., 24, et approuvée par la Cour suprême dans la cause de Bouvier v. Fee, 1932, S.0 R., 118. Il est vrai que la Cour d'appel dans la cause de Desroches v. St-Jean, 44 B.R., 562, a trouvé faute contributoire de la part d'un enfant, mais ; 1 s'agissait dans cette cause d'un enfant de neuf ans, que la preuve avait démontré (1) [1909] R.J.Q. 35 CS. 507. (2) [1935] 41 R.L. ns. 300. 32252-3 a
74 EXCHEQUER COURT OFCANADA [ 1945 1945 avoir atteint un degré d'intelligence et de discernement suffisant pour pouvoir, jusqu'à un certain point, apprécier le danger auquel il s'exposait. ALFRED LAPERRIERE Dans cette cause, cependant, il a aussi été décidé que le fait qu'un enfant V. se précipite en courant pour traverser une rue, en débouchant derrière THE KING une voiture qui obstruait la vue de l'automobiliste, ne constituait pas un cas fortuit. Angers J. Voir aussi dans le sens de la non-responsabilité d'un enfant de 7 ans ou moins Beauchamp v. Cloran (1); Hoodelman v. Numeroff (2) ; Delâge v. Delisle (3) ; il s'agissait d'un enfant de 8 ans. Dans la cause de Germain v. Canadian National Railways Company précitée, le demandeur, en sa qualité de tuteur à son fils mineur Denis, réclamait de la défenderesse des dommages-intérêts à raison d'un accident survenu à celui-ci sur un terrain appartenant à la défenderesse. En jouant le jeune Denis a trouvé une petite torpille agrippée à un rail du chemin de fer. Il a enlevé cet apareil qui contient un explosif, utilisé en cas d'urgence sur la voie principale comme signal d'arrêt; il s'est rendu chez lui avec la torpille et l'a montrée à sa mère et son grand-père qui ne savaient pas ce que c'était. Il a demandé à sa mère un marteau et il est allé sur la voie ferrée. Il a placé la torpille sur un des rails et frappé dessus avec son marteau. Une explosion s'est produite, lui occasionnant la perte d'un œil. Le demandeur tient la défenderesse responsable de l'accident parce qu'il aurait été causé par une chose dont elle avait la garde et par la négligence de ses préposés qui avaient laissé à la portée du public un objet dangereux. Il fait aussi valoir que la défenderesse est en faute pour n'avoir pas fermé l'accès de sa voie ferrée au public. La défenderesse a plaidé que ses employés n'avaient pas commis de négligence et qu'aucune torpille n'avait été laissée par eux à l'endroit elle a été trouvée; qu'elle n'était pas tenue d'avoir des clôtures; qu'elle interdisait au public de circuler dans ses cours et que ses employés avaient souvent l'occasion d'envoyer les enfants qui allaient y jouer; que l'endroit la torpille aurait été ramassée était sa propriété et que l'accidenté s'y trouvait sans droit; que l'accident est à l'imprudence des parents de ce (1) (1866) 11 L.C.J. 287. (2) [1936] R.J.Q. 74 C S. 498. (3) [1901] R.J.Q. 10 B.R. 481.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 75 dernier qui permettaient à leur enfant d'aller jouer sur la 1945 propriété de la défenderesse, endroit de toute façon Ain dangereux. IarEvxiESE Selon le rapport, l'enquête a révélé que l'accident était THE KING survenu dans les circonstances relatées dans les actes de Angers J. procédure, qu'entre chez le demandeur, ses voisins et la voie ferrée il n'y avait pas, depuis près de dix ans, de clôture, que le chef cantonnier a essayé plusieurs fois d'empêcher les gens de passer sur le terrain de la défenderesse mais que ceux-ci y reviennent toujours et qu'au commencement des vacances un constable demandait au curé de l'endroit de défendre aux enfants d'aller sur la propriété de la défenderesse et que celui-ci se rendait à cette demande. L'honorable juge Laliberté déclare que le recours du demandeur, tel qu'exercé, est basé tant sur la responsabilité prévue à l'article 1053 C. C. que sur celle établie par l'article 1054 C. C. Il soutient qu'en droit ce recours n'est pas fondé sur la responsabilité découlant de l'article 1054, mais plutôt sur la responsabilité provenant de la faute des employés de la défenderesse dans l'exercice de leurs fonc-tions. Il dit qu'en effet, lors de l'accident, la garde juridique de la chose avait été soustraite à la défenderesse par la victime qui s'en était emparé sans consentement de son propriétaire. Il ajoute qu'une preuve positive ne révèle pas que ce sont les employés de la défenderesse qui avaient laissé la torpille à l'endroit l'accidenté l'a ramassée, mais que, comme une preuve faite sans objection fait voir que la torpille a été trouvée agrippée à l'un des rails usagés en-tassés avec les autres près de la remise à outils, il y a une présomption que ,ce sont les employés des trains ou les cantonniers de la défenderesse qui ont omis de l'enlever. Il croit que, si cela constitue une faute dont la défenderesse peut être tenue responsable, il faut l'attribuer non à un passant, selon la prétention de la défenderesse, mais aux employés eux-mêmes de celle-ci dans l'exercice de leurs fonctions. Il cite à l'appui 'de son opinion la décision dans la cause de Makins v. Piggott & Inglis précitée. Puis le juge fait les remarques suivantes (p. 228) : En premier lieu, il faut apprécier si les employés de la défenderesse ont commis une faute en laissant cette torpille sur un rail qui est demeuré sur son terrain et si, vis-à-vis l'accidenté qui s'en est emparé chez la défenderesse, cette faute peut asseoir le présent recours. 32252-3 a
76 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1945 1945 Si la torpille avait été laissée sur un chemin public, dans un lieu tout le public était en droit de passer, cela ne ferait aucun doute, vu LA EBRIE la nature dangereuse de l'objet spécialement pour un enfant qui n'avait P BE y. pas encore 7 ans. Une longue jurisprudence est 'à cet effet. Deux juge- TaiE KING ments récents en ce sens ont létié mentionnés par la demande. Rowland v. Corporation de Rawdon (1939, 77 C.S. 477); Plante v. Cité de Montréal (N° 75, 238 C.S. Montréal, E. M. McDougall J., 2 mai 1933). Le savant juge fait ensuite observer qu'une difficulté surgit de ce que la torpille a été ramassée sur un terrain qui était la propriété de la défenderesse. Il signale que celle-ci invoque le jugement de la Cour d'Appel dans la cause de Canadian National Railway Company v. Laterreur (1), ainsi que les opinions et arrêts y commentés, pour conclure qu'à l'égard d'un trespasser la défenderesse n'a pu encourir de responsabilité. Il discute alors la question de violation de propriété (trespass), qui n'offre aucun intérêt dans la présente cause. Puis il continue ses observations ainsi (p. 230) : Dans l'espèce, il était à la connaissance de la défenderesse que le public généralement passait constamment sur son terrain, que des enfants allaient y jouer, au point que le chef cantonnier Lamothe l'assimile dans son témoignage â une route nationale pour les piétons. Admettant qu'il n'y avait ni acquiescement ni tolérance de la part de la défenderesse, il n'en est pas moins certain que cet état de choses existait et était connu des employés de la défenderesse. Le sachant, n'ont-ils pas commis une faute, une imprudence grave en ne voyant pas à mettre hors de la portée de tous la torpille en question qui constituait un danger d'autant plus grand qu'il était caché? Les soins à apporter à la garde d'une chose ne doivent-ils pas être proportionnels à la gravité du danger qu'elle présente? Cette torpille, dans l'appréciation du soussigné, était de nature à attirer l'attention des enfants, à exciter leur curiosité et à les pousser à en faire un jouet. Passant à la responsabilité de l'enfant, le juge déclare ce qui suit (p. 231) : Maintenant, bien que ce point n'ait pas été soulevé spécialement le soussigné s'est demandé si la véritable cause de l'accident n'était pas le coup de marteau donné par l'enfant sur la torpille, savoir une faute attribuable à l'accidenté lui-même, malgré la négligence première des employés de la défenderesse dans la garde de la torpille. Il faut conclure négativement vu l'âge peu avancé de l'enfant et la preuve démontrant qu'il ne s'est pas rendu compte qu'il commettait une imprudence. Je crois à propos de citer en outre la cause de Yachuk v. . Oliver Biais Company Limited et al. (2), dans laquelle un garçon, alors âgé de 14 ans, et son père réclamaient des dommages pour blessures causées à l'enfant dans les circonstances ci-après relatées. (1) [1941] 52 C.R.T.C. 223. (2) [19447 3 D.L.R. 615; [1945] O.R. 18.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 77 Deux frères, ages respectivement de 9 et 7 ans, achetèrent 1945 de l'essence à un poste pour une valeur de 5c., déclarant ALFRED faussement qu'ils en avaient besoin pour la voiture de leur LAPERRIERE 7J. mère en panne à quelque distance de sur la rue. Le THE KING commis, un garçon de 15 ans, qui avait reçu instructions Angers J. de ne pas vendre d'essence à moins de la mettre dans un récipient de sûreté, en vendit à ces deux jeunes garçons, la mit dans un seau que les garçons avaient apporté et ferma le seau avec son couvercle. De les deux garçons se rendirent dans une ruelle; l'aîné trempa une quenouille dans l'essence, la remit à son frère et l'alluma; la que-nouille, enflammée brusquement, lança des étincelles; le plus jeune des deux frères, effrayé, tenta de l'éteindre en l'écrasant avec ses pieds sur le sol; des étincelles volèrent et l'essence contenue dans le seau prit feu, qui se commu-niqua aux pantalons de l'aîné; celui-ci eut les jambes sérieusement brûlées. L'honorable juge Urquhart, de la High Court of Justice d'Ontario, a trouvé faute commune de la part du proprié-taire du poste d'essence et de celle de l'enfant et imputé 25% de la responsabilité aux défendeurs et 75% à la victime de l'accident. Après en être arrivé à la conclusion que la défenderesse avait été coupable de négligence, le juge exprime l'opinion suivante (p. 632): The next question which must be asked is: Was the infant plaintiff guilty of negligence which caused or contributed to his injuries? I have little hesitation in finding that he was so negligent. The first point that should be considered is whether a boy of 9 yrs. and 1 month, as this boy was at the time, could be guilty at all of contributory negligence. I have examined a great many cases on this subject and my conclusion is that where the boy is an ordinary bright alert lad as this boy appears to be, and was shown to be at the time, there has been a sort of dividing line fixed at seven years. Under seven years unless there is extraordinary brightness in scarcely any case has a child been held guilty of contributory negligence. Le juge Urquhart passe en revue quelques causes (Winnipeg Electric Railway Company v. Wald (1) ; Downing v. G.T.R. (2) ; Bouvier v. Fee (3) ; Tabb v. G.T.R. (4) ; Potvin v. Canadian Pacific Railway Company (1) [1909] 41 S.C.R. 431. (3) [1932] 2 D.L.R. 424; (2) [1921] 58 D.L.R. 423; [1932] S.C.R. 118. [1921] 49 O.L.R. 36. (4) [1904] 8 0.L.R. 203.
78 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1945 1945 (1) ; Mayer v. Prince Albert (2) ; Mercer v. Gray (3) ; ALFRED Adams v. Betts (4)) et fait les remarques suivantes LAPER.R.TF.RE (p . 6 v. 33) THE KING Applying the principles laid down in the above cases to the facts Angers J. and circumstances herein, I find that this boy is now a bright, intelligent boy. . . The accident, of course, occurred nearly 4 yrs. ago, but casting back my mind from the present I would say that when the plaintiff was 9 yrs. and 1 month old, he was a mentally alert, bright young fellow, standing well in the grades of his school and extremely intelligent, and I have no hesitation in finding that he would be quite capable of being guilty of contributory negligence in the abstract and also in respect of the handling of gasoline and gasoline fires. . . The plaintiff admitted that he had before the occurrence watched gasoline in his father's torch and had been with his father on a job or two, had seen his father lighting his torch and knew that there was gasoline in it, and had been told by his father to keep away from the torch. His father would not allow the children into the workshop. I have no doubt that the boy fully appreciated that gasoline was a dangerous substance, and had considerable knowledge that it burned in no ordinary manner. In lighting the bulrush as he did, in the proximity of a can of gasoline, the consequences of which I think he ought to have foreseen, he was guilty of negligence, and while it is true that the subsequent act of the brother in attempting to extinguish the bulrush by beating it on the ground actually touched off the gasoline in the can, really causing the accident, it was the negligence of the plaintiff that started the train of events which caused his injuries, after the two boys had the can of gasoline in the lane, and had got the bulrush and the matches, and, therefore, his negligence contributed materially to the accident. Les deux parties ont appelé de ce jugement. La Cour d'Appel a rejeté l'appel de la défenderesse et accueilli celui des demandeurs, déclarant que dans les circonstances révélées par la preuve elle ne pouvait con-clure qu'il y avait eu négligence de la part de l'enfant (5). Acceptant la fixation des dommages déterminée par le juge Urquhart, la Cour d'Appel a condamné la défende-resse h payer aux demandeurs la somme totale des dom-mages ainsi fixés. Traitant de la responsabilité de la défenderesse, l'honorable juge McRuer, qui a rendu le jugement de la Cour, s'exprime ainsi (p. 29) : Applying the language of Lord Macnaghten (in re Cooke v. Midland Great Western Railway of Ireland, 1909, A.C. 229) to the facts of this case, I would put the question for consideration as follows: Would not a private individual of common sense and ordinary intelligence, (1) [l1904] 4 O.W.R. 511. (3) [1941] 3 D.L.R. 564; (2) [i1926] 4 D.L.R. 1072; [1011] 0 R. 127. [1926] 21 8.1, R. 145. (4) G1936] 1 D.L.R. 182. (5) [1945] O.R. 18.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 79 placed in, the position in which Black was placed, and possessing the 1945 knowledge which must be attributed to him, have seen that there was likelihood of some injury happening to these two small boys in whose ALFRED LAPE$aaE hands he had placed a quantity of gasoline in a lard pail, and would y. he not have thought it his plain duty to refuse to deliver it to them THE KING under the circumstances? Angers J. Gasoline is a highly dangerous substance. It is not only very inflammable, but, in certain conditions, explosive. The vapours from it will ignite at some distance from the liquid itself. When a small quantity touches one's clothing, it makes the clothing inflammable. These facts are well known by the average adult, and ought to be known by anyone selling gasoline, and have a bearing on the duty of the defendant's servant, when putting such a substance into the hands of two boys, seven and nine years of age, under the circumstances of this case. These facts also have a bearing on what may be expected of children into whose hands there has been put a substance with such dangerous and tempting possibilities. Passant à la question de la responsabilité de l'enfant, le juge McRuer émet l'opinion suivante (p. 30) : The learned trial judge finds that the infant plaintiff was of such an age that he could be guilty of contributory negligence "in the abstract", and also "in respect of the handling of gasoline and gasoline fires". He gives as his reason for this that he was a bright boy, standing well in the grades at school, and that he knew the danger of matches. He had watched his father operate a gasoline torch in his workshop and had been told to get away from the torch. . . . With the greatest respect, I cannot agree with the learned trial judge in this finding. I do not think that the learned trial judge has applied the proper principles in finding the infant plaintiff guilty of contributory negligence. I am of the opinion that it is inconsistent with the finding that Black was negligent in supplying the gasoline to the infant plaintiff and his brother. If the infant plaintiff was a person who could 'be reasonably responsible for the use of gasoline, not only by himself but in company with his younger brother, there would have been no liability on the defendant. If, on the other hand, it was negligence on the part of the defendant to put gasoline in the hands of the two boys under the circumstances found by the learned trial judge, it cannot be an answer to say that the boys used the gasoline for a dangerous purpose under those circumstances and did thereby cause injury to one of them. J'avouerai, avec toute la déférence voulue, que je n'aurais pas été enclin à exculper entièrement l'enfant de responsabilité, si par contre je n'aurais pas cru devoir lui en imputer 75%, comme l'avait fait la Cour de première instance. Il y a lieu de conclure de ces multiples décisions que l'enfant, qui a atteint l'âge de discernement, généralement fixé â sept ans, doit être tenu responsable de ses actes de négligence et appelé à en supporter, seul ou conjointement avec d'autres selon le cas, les conséquences. Comme le dit
80 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1945 1945 Savatier (op. cit. n° 199), "la minorité n'est pas, en soi, AL 1 "' P —' RED une impossibilité de prévoir et d'éviter l'acte illicite, donc LAPEvRRIEBE une cause d'irresponsabilité". THE KING Gaston Laperrière est un enfant normal, sain d'esprit, Angers J. d'une intelligence suffisamment développée et capable de comprendre, dans une certaine mesure, l'imprudence de son acte. Je regrette de ne pouvoir écarter totalement la responsa-bilité de l'enfant, blessé par un explosif dangereux négli-gemment laissé sur le terrain de manoeuvres par des officiers, membres des forces militaires de Sa Majesté pour le compte du Canada. Je considère le fait de laisser des explosifs sur les terrains de manoeuvres comme une négli-gence grossière, d'autant plus grossière qu'elle est facile-ment évitable. Gaston Laperrière prévoyait vraisemblablement une détonation, mais il ne s'attendait certainement pas à ce qu'elle fût aussi violente et lui causât des blessures. Il a malheureusement joué avec un objet dangereux et il en a subi les conséquences. Dans les circonstances, je crois qu'il y a lieu de le tenir partiellement responsable de l'accident, conjointement avec l'intimé. La doctrine de la faute commune, qui me paraît être la plus juste et la plus raison-nable dans le cas de réclamations pour dommages-intérêts provenant de quasi-délits, a toujours prévalu dans la province de Québec si, dans la plupart des autres provinces, la faute même légère de la victime de l'accident avait pour effet, jusqu'à tout récemment, d'exculper l'auteur du dom-mage, en fût-il responsable pour une plus large part que la victime. Sur cette question il y a lieu de consulter les arrêts suivants: Price v. Roy (1) ; La Corporation de la paroisse Ste-Catherine et Orenstein (2) ; Luttrell v. Trot tier et al. (3) ; Paquet v. Dufour (4) ; Lafrenière v. La Corporation de la paroisse de St-Ambroise de Kildare (5) ; Cité de Montréal v. Dame Gamache (6); Canadian Pacific Railway Company v. Fréchette (7) ; Bégin v. Sharp Construction Company (8) ; Montreal Tramways Company v. (1) [1899] R.J.Q. 8 B.R. 170; (5) [1909] 15 R. de J. 263. [1899] 29 R.C.S. 494. (6) [1915] R J.Q. 24 B.R. 312. (2) [1909] R.J.Q. 18 B.R. 569. (7) [1914] R.J.Q. 23 B.R. 511; (3) [1900] 6 R. de J. 90. [1915] R.J.Q. 24 B.R. 459. (4) [1907] 39 R.C.S. 332. (8) [1917] R.J.Q. 26 B.R. 345.
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OFCANADA 81 McAllister (1) ; Morin v. Quebec Railway, Light, Heat and 1945 Power Company (2) ; Silver Granite Co. Ltd. v. Goulet Ar D (3) ; Légaré ês-qual. v. Quebec Power Company (4) ; Bour- LAPE&v RIERE mistrof v. Rejou et al. (5). THE KING Voir aussi Mignault, Droit Civil, tome 5, p. 383. Angers J. Il s'agit d'assigner à Gaston Laperrière et à Sa Majesté le Roi leur part de responsabilité. Après avoir mûrement délibéré, j'en suis venu à la conclusion d'attribuer 333% de la responsabilité à Gaston Laperrière et 66-3-% à l'intimé. Le montant des dommages s'établit à $15,372.59, comme suit: déboursés: hôpital et comptes de médecins .. $ 122 59 souffrances physiques 250 00 incapacité partielle permanente (65%) 15,000 00 $15,372 59 Le capital requis pour produire une rente viagère égale à la perte que subira Gaston Laperrière comme consé-quence de son incapacité permanente de 65%, basé sur un salaire annuel de $1,200., excède la somme de $15,000.; je dois cependant m'en tenir à ce montant étant donné que c'est celui réclamé par la pétition de droit. Je noterai que les deux médecins entendus comme témoins de la part du pétitionnaire ont fixé à 65% la diminution de capacité permanente de Gaston Laperrière et que l'intimé n'a pas jugé à propos de faire entendre de médecins. Je n'ai pas d'autre alternative dans les circons-tances que d'accepter le chiffre de 65% mentionné par les témoins du pétitionnaire. Au surplus, cette évaluation de l'incapacité résultant de la perte de la main droite est soutenue par l'Evaluation des Incapacités du Docteur Léon Imbert, p. 23, et par Forgue et Jeanbrau dans leur ouvrage intitulé Guide Pratique du Médecin dans les Accidents du Travail, 4e édition, p. 536 et par Sachet, Traité de la Légis-lation sur les Accidents du Travail, tome 1, p. 406. Les deux tiers de $15,372.59 représentent $10,248.39. Il y aura donc jugement en faveur du pétitionnaire contre l'intimé pour $10,248.39, avec dépens. (1) [1920] 26 R.L. ns. 301. (3) [1931] R.J.Q. 50 B.R. 424. (2) [1922] R.J.Q. 32 B.R. 71. (4) [1939] R.J.Q. 77 C.S. 552. (5) [1940] 46 R. de J. 203.
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