Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-181-07

2008 CAF 38

Procureur général du Canada (demandeur)

c.

Bill Jagpal (défendeur)

Répertorié : Canada (Procureur général) c. Jagpal (C.A.F.)

Cour d’appel fédérale, juges Létourneau, Sexton et Pelletier, J.C.A.—Vancouver, 23 janvier; Ottawa, 31 janvier 2008.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Motifs — Contrôle judiciaire de la décision que la Commission d’appel des pensions a rendue ex parte au sujet d’une demande fondée sur l’art. 84(2) du Régime de pensions du Canada – L’omission de donner la possibilité au demandeur de présenter des observations quant à la demande de réouverture a donné lieu à un manquement à l’équité procédurale — Demande accueillie.

Pensions — Contrôle judiciaire de la décision de la Commission d’appel des pensions portant que le défendeur avait présenté des faits nouveaux qui étaient suffisants pour se prononcer en faveur de la réouverture d’une décision antérieure de la Commission en application de l’art. 84(2) du Régime de pensions du Canada — La Commission a commis une erreur lorsqu’elle a divisé la procédure prévue à l’art. 84(2) en deux instances, la première portant sur la question de savoir s’il y avait des faits nouveaux et l’autre sur la question de savoir si ces faits nouveaux justifiaient l’annulation ou la modification de la décision antérieure — Demande accueillie.

Compétence de la Cour d’appel fédérale — Un membre de la Commission d’appel des pensions a statué que le défendeur avait présenté des faits nouveaux qui étaient suffisants pour se prononcer en faveur de la réouverture d’une décision antérieure de la Commission en application de l’art. 84(2) du Régime de pensions du Canada — Seule la Commission peut décider d’annuler ou de modifier une décision antérieure prise en application du Régime — Supposition que la Commission s’est conformée au Régime et que la décision a été rendue par la Commission et non un membre — La Cour a donc compétence en vertu de l’art. 28 de la Loi sur les Cours fédérales.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’un membre de la Commission d’appel des pensions, qui a statué que le défendeur avait présenté des faits nouveaux qui étaient suffisants pour se prononcer en faveur de la réouverture d’une décision antérieure de la Commission (qui a été ensuite été confirmée par la Cour d’appel fédérale) en application du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. Le membre a rendu sa décision sans donner au demandeur la possibilité de présenter des observations en réponse à la demande du défendeur fondée sur le paragraphe 84(2).

Arrêt : la demande doit être accueillie.

La compétence pour annuler ou modifier une décision de la Commission relève de la Commission et non d’un membre de la Commission. La décision, signée par un membre de la Commission, ne précisait pas s’il s’agissait d’une décision de la Commission ou d’un membre. On ne pouvait que présumer que la Commission s’était conformée au Régime en l’espèce. La Cour était donc habilitée à entendre la demande en vertu de l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales.

Le paragraphe 84(2) prévoit un recours exceptionnel qui déroge au principe du caractère définitif qui caractérise les décisions judiciaires et quasi judiciaires. Le gouvernement, qui représente l’intérêt public et est responsable de la mise en application des décisions définitives et obligatoires rendues par la Commission, peut donc légitimement s’attendre à être entendu lors de nouvelles procédures visant à contester le caractère définitif des décisions antérieures rendues dans le cadre d’instances auxquelles il a participé. L’omission d’agir ainsi en l’espèce a donné lieu à un manquement à l’équité procédurale.

La Commission a aussi commis une erreur lorsqu’elle a divisé la procédure prévue au paragraphe 84(2) en deux instances, la première portant sur la question de savoir s’il y avait des faits nouveaux et l’autre sur la question de savoir si ces faits nouveaux justifiaient l’annulation ou la modification de la décision antérieure. Ces deux questions sont inextricablement liées entre elles et sont tranchées en fonction des mêmes éléments de preuve. La division de la procédure entraîne des conséquences peu souhaitables, notamment une perte d’efficacité et la possibilité de rendre des décisions incompatibles, et entraîne des retards injustifiés.

lois et règlements cités

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27), 28 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8; 2002, ch. 8, art. 35).

Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, art. 83(1) (mod. par  L.C. 2000, ch. 12, art. 61),  (2) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45), (2.1) (édicté par L.C. 1997, ch. 40, art. 85.1), (3) (mod., idem), (4) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45), (6) (mod., idem), 84(2) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45).

Règles de procédure de la Commission d’appel des pensions (prestations), C.R.C., ch. 390, art. 3 (mod. par DORS/90-811, art. 3), 4 (mod. par DORS/92-18, art.2; 96-524, art. 2), 5 (mod. par DORS/92-18, art. 3), 7 (mod., idem).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 399(2).

jurisprudence citée

décisions examinées :

MacIsaac c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, CP 2938 (CAP); Adamo c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2006 CAF 156; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41.

décision citée :

Jagpal c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 26.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision d’un membre de la Commission d’appel des pensions portant qu’il y avait suffisamment de faits pour se prononcer en faveur de la réouverture d’une décision antérieure de la Commission. Demande accueillie.

ont comparu :

Allan T. Matte pour le demandeur.

Jessie K. Hadley pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier :

Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

Community Legal Assistance Society, Vancouver, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le Juge Létourneau, J.C.A. :

Points en litige

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire soulève deux questions. Premièrement, s’il y a eu manquement à l’équité procédurale en omettant de donner au ministre des Ressources humaines et du Développement social Canada (le ministre) la possibilité d’être entendu au sujet d’une demande fondée sur le paragraphe 84(2) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45] du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (le Régime) et visant à annuler une décision de la Commission d’appel des pensions (la Commission).

[2]      Deuxièmement, si la procédure intégrée prévue au paragraphe 84(2) du Régime peut être divisée en deux audiences, l’une pour examiner la question des faits nouveaux, l’autre pour déterminer si les faits nouveaux justifient l’annulation de la décision antérieure de la Commission.

[3]      Avant de faire un résumé des faits, je reproduis les dispositions pertinentes du Régime ainsi que des Règles de procédure de la Commission d’appel des pensions (prestations), C.R.C., ch. 390 (les Règles) :

Le Régime [art. 83(1) (mod. par L.C. 2000, ch. 12, art. 61), (2) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45), (2.1) (édicté par L.C. 1997, ch. 40, art. 85.1), (3) (mod., idem), (4) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45), (6) (mod., idem)]

83. (1) La personne qui se croit lésée par une décision du tribunal de révision rendue en application de l’article 82 — autre qu’une décision portant sur l’appel prévu au paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse — ou du paragraphe 84(2), ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, de même que le ministre, peuvent présenter, soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la décision du tribunal de révision est transmise à la personne ou au ministre, soit dans tel délai plus long qu’autorise le président ou le vice-président de la Commission d’appel des pensions avant ou après l’expiration de ces quatre-vingt-dix jours, une demande écrite au président ou au vice-président de la Commission d’appel des pensions, afin d’obtenir la permission d’interjeter un appel de la décision du tribunal de révision auprès de la Commission.

(2) Sans délai suivant la réception d’une demande d’interjeter un appel auprès de la Commission d’appel des pensions, le président ou le vice-président de la Commission doit soit accorder, soit refuser cette permission.

(2.1) Le président ou le vice-président de la Commission d’appel des pensions peut désigner un membre ou membre suppléant de celle-ci pour l’exercice des pouvoirs et fonctions visés aux paragraphes (1) ou (2).

(3) La personne qui refuse l’autorisation d’interjeter appel en donne par écrit les motifs.

(4) Dans les cas où l’autorisation d’interjeter appel est accordée, la demande d’autorisation d’interjeter appel est assimilée à un avis d’appel et celui-ci est réputé avoir été déposé au moment où la demande d’autorisation a été déposée.

[…]

(6) Les appels interjetés auprès de la Commission d’appel des pensions sont, selon ce qu’ordonne le président de la Commission, entendus par, soit un membre, soit trois membres, soit encore cinq membres de la Commission et, lorsqu’ils le sont par trois ou cinq membres, la décision de la majorité des membres emporte décision de la Commission.

[…]

84. (1) […]

(2) Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue ou qu’elle a elle-même rendue conformément à la présente loi. [Non souligné dans l’original.]

Les Règles [art. 3 (mod. par DORS/90-811, art. 3), 7 (mod. par DORS/92-18, art. 3)]

Application

3. Les présentes règles régissent les appels interjetés en vertu de l’article 83 de la Loi.

[…]

Règlement des demandes

7. Il est statué ex parte sur les demandes visées aux articles 4 ou 5, à moins que le président ou le vice-président n’en décide autrement.

[4]      Il n’est pas nécessaire de reproduire les articles 4 et 5. Il suffit de dire que l’article 5 [mod. par DORS/92-18, art. 3] des Règles porte sur les demandes de prorogation du délai imparti pour demander l’autorisation d’interjeter appel d’une décision d’un tribunal de révision. L’article 4 [mod., idem, art. 2; 96-524, art. 2] des Règles vise les demandes d’autorisation d’interjeter appel auprès de la Commission prévues par l’article 83 du Régime.

Les faits et les observations du demandeur

[5]      Dans une décision rendue le 29 novembre 2006, un membre de la Commission a statué que le défendeur avait présenté des faits nouveaux en application du paragraphe 84(2) du Régime. Selon lui, ces faits étaient suffisants pour se prononcer en faveur de la réouverture d’une décision antérieure de la Commission, rendue le 22 février 2005, par laquelle la Commission avait rejeté l’appel interjeté par le défendeur à l’encontre d’une décision d’un tribunal de révision. La décision rendue par la Commission a été confirmée par la Cour en janvier 2006 : voir Jagpal c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 26.

[6]      Le demandeur conteste la décision du membre par voie de contrôle judiciaire en vertu de l’article 28 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8; 2002, ch. 8, art. 35] de la Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. (1985), ch. F-7, art.1 (mod., idem, art. 14)]. Le membre a statué ex parte sur la demande du défendeur en application du paragraphe 84(2). Le demandeur se plaint d’un manquement à l’équité procédurale. Il allègue qu’il a été privé de la possibilité de présenter des observations, de produire des éléments de preuve et d’être entendu en réponse à la demande du défendeur.

[7]      Le demandeur ajoute que le membre ne pouvait pas examiner une demande fondée sur le paragraphe 84(2) comme s’il s’agissait d’une demande d’autorisation d’appel et statuer sur celle-ci ex parte.

La décision contestée est-elle une décision de la Commission ou une décision d’un membre de la Commission?

[8]      On ne sait pas trop si la décision contestée devant nous est une décision de la Commission ou une décision d’un membre de la Commission. La décision, signée par un membre de la Commission, ne renferme aucun indice dans un sens ou dans l’autre.

[9]      Les Règles ne nous sont d’aucun secours puisqu’elles ne s’appliquent pas aux demandes fondées sur le paragraphe 84(2). Tel qu’il appert de l’article 3 [des Règles], les Règles, y compris celles concernant les audiences ex parte, régissent uniquement les appels interjetés auprès de la Commission en vertu de l’article 83 du Régime.

[10]   Le dossier dont la Cour dispose n’indique pas s’il s’agit d’une nouvelle pratique établie par la Commission ou si la procédure suivie en l’espèce est un cas isolé.

[11]   Rien n’indique sur quelle disposition législative, le cas échéant, s’est fondé le membre de la Commission pour procéder comme il l’a fait.

[12]   Il ne s’agit pas d’une question purement théorique. Si la décision rendue est celle d’un membre de la Commission plutôt qu’une décision de la Commission, alors nous n’avons pas compétence pour entendre la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur. Une telle demande doit être présentée devant la Cour fédérale en vertu de l’article 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales.

[13]   De plus, si cette décision sur la question des faits nouveaux est la décision d’un seul membre de la Commission plutôt qu’une décision de la Commission, il s’agit de savoir si la Commission est liée par cette décision lorsqu’elle est appelée à déterminer si ces faits nouveaux justifient l’annulation de la décision.

[14]   À la lecture du paragraphe 84(2), il m’apparaît évident que la compétence pour annuler ou modifier une décision de la Commission relève de la Commission et non d’un membre de la Commission.

[15]   Dans la décision MacIsaac c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, Appel CP 2938, 12 août 1994, à la page 10, la Commission a exprimé l’opinion que toute demande fondée sur le paragraphe 84(2) « devrait être présentée à la commission qui a entendu l’affaire en première instance ». Bien que ce ne soit pas toujours possible, il s’agit certainement d’une pratique judicieuse et efficace. C’est celle adoptée par la Cour, sur requête, conformément au paragraphe 399(2) des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)], pour annuler une décision qu’elle a rendue.

[16]   En conclusion, je ne puis que présumer que la Commission s’est conformée au Régime et que la décision rendue le 29 novembre 2006 par le membre était une décision de la Commission, laquelle peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour.

Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

[17]   Le 1er février 2006, le défendeur a écrit à [traduction] « qui de droit » à [traduction] « Développement social Canada » : voir le dossier du défendeur, aux pages 2 et 3. La lettre était rédigée à la main. Le défendeur y affirmait être en possession de faits nouveaux et vouloir une révision de sa demande en vertu du paragraphe 84(2) du Régime.

[18]   Parmi les documents que le défendeur a envoyés au ministre le 1er février 2006, il y avait une nouvelle demande de prestations d’invalidité, ce qui a créé de la confusion. Un représentant du ministre a téléphoné au défendeur en juin 2006 afin de clarifier les intentions de ce dernier.

[19]   Le défendeur a confirmé que son intention était de demander l’annulation de la décision antérieure de la Commission en application du paragraphe 84(2). Bien entendu, le ministre ne pouvait pas accorder le redressement sollicité par le défendeur. Toutefois, afin d’aider le défendeur qui se représentait lui-même, le représentant du ministre a dit au défendeur qu’il transmettrait à la Commission sa lettre du 1er février 2006 ainsi que les documents que le défendeur allait lui envoyer par télécopieur dans les jours suivants : voir le dossier du défendeur, pièce A annexée à l’affidavit de Jennifer Allan.

[20]   Le ministre a fait parvenir les documents à la Commission et a attendu qu’une demande fondée sur le paragraphe 84(2) lui soit signifiée en bonne et due forme et soit déposée auprès de la Commission.

[21]   Tout ce que le ministre a reçu comme information de la Commission, c’est qu’elle avait examiné la demande du défendeur et qu’elle avait conclu qu’il y avait [traduction] « suffisamment de faits nouveaux pour se prononcer en faveur de la réouverture de la décision de la Commission ».

[22]   Le ministre n’a jamais été informé que la Commission allait se prononcer sur la qualification juridique des faits soumis par le défendeur en se fondant sur la lettre reçue. Le ministre n’a pas eu non plus la possibilité de présenter des observations à ce sujet : voir le dossier du demandeur, volume 1, à la page 8, paragraphe 12 de l’affidavit de Wendy Lystiuk.

[23]   Pour pouvoir décider que les faits présentés par le défendeur étaient des faits nouveaux, la Commission devait conclure qu’on n’aurait pas pu découvrir les faits avant la première audience, même en faisant preuve de diligence raisonnable. De plus, la Commission devait juger que ces faits étaient importants, c’est-à-dire qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’ils modifient l’issue du litige.

[24]   C’est dans ce contexte que la Commission a rendu sa décision. Je vais maintenant examiner l’allégation de manquement à l’équité procédurale.

[25]   La demande du défendeur fondée sur le paragraphe 84(2) visait à rouvrir et annuler une décision définitive et obligatoire de la Commission, laquelle avait été confirmée par la Cour : voir Jagpal c. Canada (Procureur général).

[26]   Le demandeur a participé à toutes les instances introduites par le défendeur en vue d’obtenir des prestations d’invalidité. L’équité procédurale exigeait certainement qu’on accorde au demandeur la possibilité d’être entendu sur une question aussi importante que l’annulation d’une décision définitive.

[27]   Le paragraphe 84(2) prévoit un recours exceptionnel, lequel déroge au principe du caractère définitif qui caractérise les décisions judiciaires et quasi judiciaires. La disposition doit être interprétée de manière à ce que les parties qui soit étaient liées par la décision définitive qui fait présentement l’objet d’une nouvelle contestation, soit pouvaient à bon droit se fonder sur elle, bénéficient de l’équité procédurale.

[28]   Dans l’arrêt Adamo c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2006 CAF 156, le tribunal de révision a annulé la décision antérieure parce qu’il y avait des faits nouveaux, sans informer les parties de son intention à cet égard. Dans un jugement unanime, le juge Noël a écrit, aux paragraphes 36 et 37 :

Toutefois, avant de disposer de l’affaire sur cette base, il appartenait au tribunal de révision d’informer les parties qu’il considérait l’octroi d’un redressement selon le paragraphe 84(2) et de les inviter à s’exprimer sur la question de savoir si tel redressement était possible. Il ne pouvait pas disposer de la question selon le paragraphe 84(2) sans donner aux parties l’occasion de s’exprimer sur les points que soulève cette disposition.

Puisque le tribunal de révision n’a pas donné aux parties l’occasion de s’exprimer, la CAP a jugé à bon droit que la décision ne pouvait pas être maintenue.

[29]   Dans l’intérêt public, le gouvernement est responsable de la mise en application des décisions définitives et obligatoires rendues par la Commission. Il peut donc légitimement s’attendre à être entendu lors de nouvelles procédures visant à contester le caractère définitif des décisions antérieures rendues dans le cadre d’instances auxquelles il a participé. Comme l’a déjà dit la Cour dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 47, l’audition du demandeur aurait permis à la Commission, non seulement de faire preuve d’équité, mais de se donner de meilleures chances d’arriver à une décision plus éclairée de même qu’elle aurait renforcé sa crédibilité.

[30]   Dans une décision antérieure, la Commission a affirmé que le redressement prévu au paragraphe 84(2) est discrétionnaire et que seules les circonstances les plus exceptionnelles peuvent inciter la Commission à rouvrir une audition : voir MacIsaac c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration. À tout le moins, cela indique que la Commission considère, comme il se doit, une demande fondée sur le paragraphe 84(2) comme une affaire sérieuse. Je suis étonné qu’une demande d’annuler une décision définitive et obligatoire puisse être décidée, comme ce fut le cas en l’espèce, sans donner au gouvernement, qui représente l’intérêt public dans ces procédures et qui gère les fonds publics, la possibilité de faire opposition et d’être entendu.

[31]   L’omission de la Commission d’informer le demandeur et de l’inviter à formuler des observations sur la demande que le défendeur a présentée en vertu du paragraphe 84(2) du Régime en vue d’obtenir l’annulation d’une décision de la Commission constitue un manquement à l’équité procédurale.

La Commission pouvait-elle diviser la procédure intégrée prévue au paragraphe 84(2) en deux audiences?

[32]   Lorsqu’elle est saisie d’une demande fondée sur le paragraphe 84(2), la Commission doit trancher deux questions : si des faits nouveaux ont été soumis par la personne qui a présenté la demande, et si ces faits nouveaux sont suffisants pour justifier l’annulation ou la modification de la décision antérieure.

[33]   Ces deux questions sont inextricablement liées entre elles et elles sont tranchées en fonction des mêmes éléments de preuve. Habituellement, elles sont décidées en même temps par la même formation de la Commission. C’est logique du point de vue de l’efficacité ainsi que de l’équité à l’égard des parties qui n’ont pas à se présenter à deux audiences. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi l’audition de la demande fondée sur le paragraphe 84(2) a été divisée en deux audiences : celle faisant l’objet du présent contrôle où la Commission a statué sur la question des « faits nouveaux », et l’autre, à venir, où la Commission décidera si les faits nouveaux justifient l’annulation de la décision antérieure.

[34]   Je tiens à souligner que la question de savoir si les faits présentement soumis constituent des faits nouveaux au sens du paragraphe 84(2) n’est pas une simple formalité ou, comme l’a dit l’avocat du défendeur, une simple condition préalable. C’est une question cruciale sur laquelle repose la compétence de la Commission d’annuler sa décision antérieure. Si on ne conclut pas à l’existence de faits nouveaux, la décision ne peut être annulée.

[35]   En plus d’une perte d’efficacité, la division de la procédure entraîne des conséquences peu souhaitables. Premièrement, il y a la possibilité de rendre des décisions incompatibles si, lors de la seconde étape de la procédure, la Commission n’est pas liée par la décision antérieure selon laquelle la preuve offerte constitue des faits nouveaux.

[36]   Deuxièmement, la division de la procédure entraîne des retards injustifiés qui sont préjudiciables à un demandeur de prestations d’invalidité. La présente affaire en est un exemple flagrant puisque la décision de la Commission concernant la seconde question, c’est-à-dire si la décision devrait être annulée et si le demandeur a droit à des prestations, est suspendue pendant que la décision concernant les « faits nouveaux » est contestée devant la Cour.

[37]   Pour ces motifs, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision rendue le 29 novembre 2006 par la Commission et je renverrais l’affaire à la Commission pour une nouvelle audition de la demande du défendeur en application du paragraphe 84(2) du Régime, qui se déroulera devant une autre formation conformément aux présents motifs du jugement. Le demandeur n’a pas demandé que des dépens soient adjugés.

Le juge  Sexton, j.c.a. : Je suis d’accord.

Le juge Pelletier, J.C.A. : Je suis d’accord.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.