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IMM-5015-06

2008 CF 7

Alan Hinton et Irina Hinton (demandeurs)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Hinton c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F.)

Cour fédérale, juge Harrington—Vancouver, 21 novembre 2007; Ottawa, 4 janvier 2008.

Pratique — Recours collectifs — Requête visant à faire instruire une demande de contrôle judiciaire comme une action en application de l’art. 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales et à autoriser cette action comme recours collectif en vertu de la règle 299.11 des Règles des Cours fédérales — Les demandeurs ont présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de facturer 75 $ en vue du traitement d’une demande de parrainage — Selon les Règles, le contrôle judiciaire peut être instruit comme une action et cette action peut être autorisée comme recours collectif — Examen du critère en cinq volets pour autoriser le recours collectif envisagé en vertu de la règle 299.18(1) — La validité du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ne peut être jugée uniquement comme une question de droit puisque le Règlement ne sera jugé invalide que si Sa Majesté a fait un profit — La meilleure façon de trancher cette affaire est par une action — Les demandeurs représenteraient de façon équitable et appropriée les intérêts du groupe — Le critère applicable au recours collectif a été respecté — Des économies sur le plan judiciaire seront réalisées et l’accès à la justice sera facilité et plus économique — Requête accueillie, questions certifiées.

Il s’agissait d’une requête visant à faire instruire une demande de contrôle judiciaire comme une action en application du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales et à autoriser cette action comme recours collectif en vertu de la règle 299.11 des Règles des Cours fédérales. Les demandeurs ont présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de facturer 75 $ au demandeur Alan Hinton en vue du traitement de la demande de parrainage de son épouse en vertu du paragraphe 304(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Selon le ministre, aucune des conditions d’autorisation d’un recours collectif énumérées à la règle 299.18 n’a été remplie. Il a aussi soutenu que la requête visant à faire instruire un contrôle judiciaire comme un recours collectif ne peut servir de fondement à une remise en cause de frais non contestés dans la demande de contrôle judiciaire initiale.

Jugement : la requête doit être accueillie.

Le paragraphe 19(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques dispose que « [l]e prix fixé […] ne peut excéder les coûts supportés par Sa Majesté […] pour la prestation des services ». Selon la règle 302 des Règles des Cours fédérales, la demande de contrôle judiciaire en l’espèce ne devait porter que sur la décision qui touchait directement les demandeurs. Pour que la règle 299.11 garde tout son sens, un contrôle judiciaire converti en action qui est elle-même autorisée comme recours collectif doit remettre en question plus d’une décision. La principale question litigieuse était de savoir si le critère applicable au recours collectif avait été respecté.

Le paragraphe 299.18(1) des Règles des Cours fédérales prévoit un critère en cinq volets pour autoriser une action comme recours collectif. D’abord, les actes de procédure doivent faire état d’une cause d’action valable, qui n’est pas viciée de façon évidente ou manifeste. Il y avait une cause d’action valable en l’espèce. Deuxièmement, il doit y avoir un groupe identifiable d’au moins deux personnes. Il y avait clairement un groupe d’au moins deux personnes. Troisièmement, les réclamations des membres du groupe doivent soulever des points de droit ou de fait collectifs, que ces points collectifs prédominent ou non sur ceux qui ne concernent que certains membres. Le point de fait collectif était de savoir si les frais de service ont excédé le coût supporté par Sa Majesté du chef du Canada pour fournir les services au groupe demandeur. Dans l’affirmative, le point de droit collectif était de savoir si le groupe demandeur avait droit à un recouvrement. Cette partie du critère a aussi été remplie. Quatrièmement, un recours collectif doit être le meilleur moyen de régler de façon équitable et efficace les points de droit ou de fait collectifs. Le paragraphe 299.18(2) des Règles exige qu’on tienne compte de certaines questions lorsqu’on doit juger si le recours collectif est le meilleur moyen de régler l’affaire. Le nœud de l’affaire se trouve aux alinéas 299.18(2)d): « l’aspect pratique ou l’efficacité des autres moyens de régler les réclamations » et e) « la question de savoir si la gestion du recours collectif créerait de plus grandes difficultés que l’adoption d’un autre moyen ». Le point crucial était que la validité du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ne peut être jugée uniquement comme une question de droit. Le Règlement sera jugé invalide, ou partiellement applicable, seulement si Sa Majesté a fait un profit. Il s’agit essentiellement d’une question de fait et, pour y répondre, la Cour aura besoin de témoignages d’experts. La meilleure façon de connaître les tenants et aboutissants de cette affaire est par une action. Sans le recours collectif, la Cour pourrait théoriquement devoir faire face à des millions de demandes de prorogation de délai et de demandes d’autorisation. Le défendeur peut décider, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, de ne pas déposer d’affidavits, et, de toute façon, il peut être sélectif concernant les documents déposés et les faits que renferme l’affidavit. Dans une action, par contre, chaque partie doit déposer un affidavit de documents qui renferme la liste de tous les documents qu’elle a en sa possession ou qui sont sous son autorité ou sous sa garde et qui touchent une question en litige, et non seulement les documents dont disposait le décideur. Le ministre soutenait que s’il s’avérait que le cadre restreint du contrôle judiciaire soit jugé insuffisant, alors ce contrôle judiciaire pourrait être converti en action. Cette proposition est beaucoup moins pratique et efficace que de convertir le contrôle judiciaire en action maintenant et, au besoin, d’élaguer au moyen de la gestion d’instance. La gestion du recours collectif ne causerait pas plus de problèmes que si on tentait d’obtenir une réparation d’une autre façon. Enfin, les demandeurs représenteraient les intérêts du groupe de façon équitable et appropriée. Leur plan de déroulement de l’instance établit une méthode réaliste pour la poursuite de l’action et pour l’information des membres du groupe quant au déroulement de l’instance. Ils n’ont pas de conflit d’intérêts quant aux points de droit ou de fait collectifs, et ils ont communiqué un sommaire des ententes relatives aux honoraires et aux débours.

Le critère applicable au recours collectif a été respecté. Des économies seront réalisées sur le plan judiciaire, l’accès à la justice sera facilité et plus économique et, sans ce type de recours, il n’y aurait guère d’avantage à présenter des demandes de réparation aux tribunaux, étant donné que, si les demandeurs ont raison, les pertes individuelles sont minimes, mais les pertes globales sont importantes. Des questions graves de portée générale ont été certifiées. Comme la demande de contrôle judiciaire en l’espèce doit être instruite comme s’il s’agissait d’une action, la règle 299.19 prévoit le contenu de l’ordonnance qui autorise cette action.

lois et règlements cités

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 19(1)a) (mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 6), (2) (mod., idem), 19.1a) (édicté, idem), 20(2).

Loi sur la protection du revenu agricole, L.C. 1991, ch. 22.

Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21).

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 17 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 3; 2002, ch. 8, art. 25), 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26), 18.2 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28), 18.4(2) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27), 28 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8; 2002, ch. 8, art. 35).

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 5(1), 72 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194), 74d).

Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53.

Règlement sur les mammifères marins, DORS/93-56.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 304(1).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 106, 299 (mod. par DORS/2006-219, art. 9), 299.1 (édictée par DORS/2002-417, art. 17), 299.11 (édictée, idem), 299.18 (édictée, idem), 299.19 (édictée, idem), 299.34 (édictée, idem), 299.41 (édictée, idem), 302, 313, 316.

Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (mod. par DORS/2005-339, art. 1).

jurisprudence citée

décision appliquée :

Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 2 R.C.F. 531; 2005 CAF 308.

décisions différenciées :

Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 4 R.C.F. 341; 2006 CF 197; Cassano v. Toronto-Dominion Bank (2007), 87 O.R. (3d) 401; 47 C.P.C. (6th) 209; 230 O.A.C. 224; 2007 ONCA 781.

décisions examinées :

Canada c. Grenier, [2006] 2 R.C.F. 287; 2005 CAF 348; Momi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 2 R.C.F. 291; 2006 CF 738; Augustawestland International Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2006 CF 767; Augustawestland International Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2006 CF 1371; Genge v. Canada (Attorney General) (2007), 285 D.L.R. (4th) 259; 270 Nfld. & P.E.I.R. 182 (C.A. T.-N.-L.); Sander Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), 2006 CF 327; conf. par 2007 CAF 322; Cassano v. Toronto-Dominion Bank (2005), 9 C.P.C. (6th) 291 (C.S.J. Ont.).

décisions citées :

Canada c. Capobianco, 2005 QCCA 209; Saskatchewan Wheat Pool c. Canada (Procureur général) (1993), 107 D.L.R. (4th) 190; 17 Admin. L.R. (2d) 243; 67 F.T.R. 98 (C.F. 1re inst.); Saskatchewan Wheat Pool v. Canada (Attorney General) (1993), 107 D.L.R (4th) 63; 113 Sask. R. 99; 17 Admin. L.R. (2d) 236 (C.A.); Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534; 2001 CSC 46; Le Corre c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 127; Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 R.C.S. 666; 2006 CSC 19.

REQUÊTE visant à faire instruire une demande de contrôle judiciaire comme une action en application du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales et à autoriser cette action comme recours collectif en vertu de la règle 299.11 des Règles des Cours fédérales. Requête accueillie, questions certifiées.

ont comparu :

Lorne Waldman et Gerry A. Cuttler pour les demandeurs.

Marie-Louise Wcislo et Lorne McClenaghan pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier :

Waldman & Associates, Toronto, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]      Le juge Harrington : Il s’agit de la suite de la décision Momi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 2 R.C.F. 291 (C.F.). L’affaire Momi est un recours collectif envisagé par 11 demandeurs pour leur propre compte et au nom de millions d’autres personnes qui ont présenté diverses demandes de visa et déboursé les frais de traitement y afférents. Ils cherchent à obtenir un remboursement partiel au motif que Sa Majesté a tiré un profit du service, et ce, en contravention des restrictions imposées par la Loi sur la gestion des finances publiques [L.R.C. (1985), ch. F-11]. Ils calculent que les paiements excédentaires s’élèvent à plus de 700 millions de dollars.

[2]      Si ce n’était de l’arrêt Canada c. Grenier, [2006] 2 R.C.F. 287, rendu par la Cour d’appel fédérale, j’aurais autorisé un recours collectif dans l’affaire Momi. La Cour d’appel a jugé dans l’arrêt Grenier que les décisions des offices fédéraux doivent être contestées par voie de contrôle judiciaire plutôt que par voie d’action. Les frais en question sont établis dans des règlements pris par Son Excellence la gouverneure générale en conseil. Étant donné qu’il a été jugé que de tels textes réglementaires constituent des décisions d’offices fédéraux, j’ai conclu que l’action présentée dans l’affaire Momi était prématurée et je l’ai suspendue.

[3]      Alan et Irina Hinton étaient prêts à agir en qualité de représentants demandeurs dans l’affaire Momi, ce qui constitue l’une des conditions d’autorisation du recours collectif. Prenant l’affaire Momi à cœur, ils ont présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision de Citoyenneté et Immigration Canada rendue le 30 mai 2003, dans laquelle le ministre a facturé 75 $ à Alan Hinton, montant qu’il a payé au receveur général du Canada, en vue du traitement de la demande de parrainage de son épouse, Irina, le tout en vertu du paragraphe 304(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés [DORS/2002-227].

[4]      Bien que la demande fût prescrite (elle aurait dû être présentée dans les 15 ou 30 jours de la décision), la Cour a prorogé le délai et a accordé l’autorisation. Les Hinton veulent maintenant que leur demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s’il s’agissait d’une action, comme le permet le paragraphe 18.4(2) [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod., idem, art. 14)], et que cette action soit autorisée comme recours collectif en vertu de la règle 299.11 [édictée par DORS/2002-417, art. 17] des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)] (les Règles). Il s’agit de la démarche recommandée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 2 R.C.F. 531.

[5]      La ministre conteste les deux aspects de la requête. Elle soutient que le contrôle judiciaire ne devrait pas être instruit en tant qu’action et que, subsidiairement, l’action ne devrait pas être autorisée comme recours collectif. À son avis, aucune des conditions d’autorisation d’un recours collectif énumérées à la règle 299.18 [édictée par DORS/2002-417, art. 17] n’est remplie.

[6]      L’historique et les avantages du recours collectif ont été examinés dans la décision Momi et il n’est pas nécessaire d’y revenir. Nous pouvons aller de l’avant sans tarder et traiter des conditions d’autorisation prévues à la règle 299.18, c’est-à-dire la présence d’une cause d’action valable, d’un groupe identifiable, de points de droit ou de fait collectifs, d’un représentant demandeur, de même que le fait que le recours collectif est le meilleur moyen de régler l’affaire. Bien qu’elle soutienne que les Hinton ne remplissent aucune des conditions nécessaires, la ministre met de l’avant deux arguments principaux qui englobent les cinq conditions. Je pense qu’il est préférable d’analyser ces arguments dès maintenant. Le premier argument est que, eu égard à l’arrêt Grenier, la requête est encore prématurée. Le second argument est que l’autorisation demandée élargit de façon exagérée ce qui fait l’objet du contrôle judiciaire, soit la validité d’un seul type de frais demandé, celui relatif au parrainage par l’époux, alors que la requête dont je suis saisi en énumère plus de 40.

L’arrêt Grenier revisité

[7]      M. Grenier était un prisonnier dont le comportement avait été perçu comme étant une menace pour une agente de correction. Il avait été déclaré coupable d’une infraction disciplinaire et condamné à une peine de 14 jours d’isolement préventif. Juste avant le troisième anniversaire de la décision, il avait déposé une action en dommages-intérêts en Cour fédérale. La validité de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition [L.C. 1992, ch. 20] et des règlements en découlant n’avait pas été contestée. La question examinée au paragraphe 12 de l’arrêt par le juge Létourneau au nom de la Cour d’appel fédérale était de savoir si M. Grenier devait « attaquer par voie de contrôle judiciaire la décision du directeur relative à l’isolement préventif avant de procéder par action en dommages-intérêts ».

[8]      Le juge Létourneau a souligné qu’aux termes de l’article 17 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 3; 2002, ch. 8, art. 25] de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour fédérale et les cours provinciales ont compétence concurrente concernant les actions en dommages-intérêts intentées en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif [L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 1 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21)]. Cependant, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont compétence exclusive pour connaître des demandes de contrôle judiciaire en application des articles 18 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26] et 28 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 8; 2002, ch. 8, art. 35] de la Loi sur les Cours fédérales.

[9]      Les passages de l’arrêt Grenier, aux paragraphes 24 et 33, qui suivent sont des plus importants :

Par souci de justice, d’équité et d’efficacité, sous réserve des exceptions de l’article 28 […] le Parlement a confié à une seule Cour, la Cour fédérale, l’exercice du contrôle de la légalité des décisions des organismes fédéraux. Ce contrôle doit s’exercer et s’exerce, aux termes de l’article 18, seulement par la présentation d’une demande de contrôle judiciaire […]

[…]

Il est d’autant plus important de ne pas permettre un recours sous l’article 17 comme mécanisme de contrôle de la légalité d’une décision d’un organisme fédéral que cette procédure de contestation indirecte de la décision permet de contourner les dispositions impératives du paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

[10]   Le juge Létourneau a souligné que la Cour d’appel du Québec avait déjà reconnu la compétence exclusive de la Cour fédérale pour connaître des contestations de la légalité des décisions des offices fédéraux au moyen du contrôle judiciaire (Canada c. Capobianco, 2005 QCCA 209).

[11]   En interprétant l’affaire Grenier de concert avec la décision Saskatchewan Wheat Pool c. Canada (Procureur général) (1993), 107 D.L.R. (4th) 190 (C.F. 1re inst.), rendue par le juge Rothstein, maintenant juge à la Cour suprême du Canada, et avec l’arrêt Saskatchewan Wheat Pool v. Canada (Attorney General) (1993), 107 D.L.R. (4th) 63, rendu par la Cour d’appel de la Saskatchewan, j’ai conclu que lorsque la gouverneure générale en conseil prend un règlement par décret, elle agit alors en qualité d’office fédéral subordonné au pouvoir de surveillance de la Cour. L’affaire Momi ne pouvait donc débuter par une action.

[12]   L’effet de l’arrêt Grenier a fait l’objet d’un examen minutieux de la part du juge Kelen dans la décision Agustawestland International Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2006 CF 767, et également dans la décision [Agustawestland International Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux)], 2006 CF 1371. Dans la première décision, il a « converti » une demande de contrôle judiciaire en action. Comme il l’a affirmé, aux paragraphes 26 et 27 de la seconde décision :

Dans les motifs de l’ordonnance que j’ai rendue le 15 juin 2006, 2006 CF 767, j’ai dit ce qui suit au paragraphe 47 :

Dans l’arrêt Grenier c. Canada [. . .] la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une personne ne pouvait remettre en cause indirectement, par voie d’une action en dommages-intérêts, la légalité d’une décision pouvant faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire dans les trente jours de son prononcé, ainsi que le prévoit le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales. J’ajouterais que le paragraphe 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales dispose que les recours extraordinaires prévus aux paragraphes 18(1) ou (2) [sic] sont exercés exclusivement par présentation d’une demande de contrôle judiciaire. L’arrêt Grenier s’applique aux décisions administratives qui peuvent en principe faire l’objet d’un contrôle judiciaire, et non aux actes pour lesquels Sa Majesté peut normalement être poursuivie en justice pour inexécution de contrat ou au titre de sa responsabilité civile délictuelle. Pour cette raison, l’action contractuelle et délictuelle de la demanderesse ne serait pas irrecevable si la demanderesse n’avait pas, contrairement à ce qu’elle a fait, introduit une instance en contrôle judiciaire portant sur le même objet. [Renvoi omis.]

Je précise ma pensée. L’arrêt Grenier établit qu’une action en dommages-intérêts qui découle d’une décision ministérielle ne peut précéder le contrôle judiciaire de la décision en cause. Toutefois, je ne peux pas souscrire à l’argument des défendeurs selon lequel l’arrêt Grenier a pour conséquence importante d’interdire qu’une action en dommages-intérêts et un contrôle judiciaire se poursuivent simultanément. L’examen des considérations de principe qu’a exposées la Cour d’appel dans l’arrêt Grenier pour interdire les contestations indirectes m’amène à conclure que le raisonnement qui sous-tend ce jugement ne s’étend pas aux faits de la présente espèce.

[13]   À bien y penser, je me demande si l’on a voulu que l’arrêt Grenier soit retreint aux décisions administratives, ou bien, comme je le croyais, qu’il touche également aux règlements pris par décret.

[14]   L’arrêt Grenier n’a pas été suivi par la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador dans l’arrêt Genge v. Canada (Attorney General) (2007), 270 Nfld. & P.E.I.R. 182. Le procureur général avait présenté une requête en radiation d’une déclaration, dans laquelle on alléguait qu’une zone de pêcherie de phoques avait été fermée alors qu’en fait aucun décret n’avait été pris en vertu du Règlement sur les mammifères marins [DORS/93-56] et du Règlement de pêche (dispositions générales) [DORS/93-53]. Il s’agissait d’une action en perte de revenu.

[15]   Le juge Barry a affirmé ce qui suit, au paragraphe 34 :

[traduction] Au vu des faits de l’affaire Grenier, le juge Létourneau a conclu que l’objet de la demande devait être qualifié adéquatement comme étant essentiellement une contestation du pouvoir du directeur du pénitencier d’ordonner, dans les circonstances, l’isolement préventif. Si l’on doit donner une interprétation large à ce raisonnement et en venir à la conclusion qu’en droit toutes les actions en matière délictuelle concernant les actes de l’administration fédérale doivent d’abord faire l’objet d’un contrôle judiciaire avant que les cours supérieures des provinces aient compétence, encore faudrait-il qu’elles soient correctement qualifiées, je ne peux souscrire à ce raisonnement.

[16]   Quoi qu’il en soit, nulle part dans l’arrêt Grenier il n’est affirmé qu’un contrôle judiciaire doit suivre son cours normal avant qu’une action soit intentée. Les Règles disposent qu’un contrôle judicaire peut être instruit comme s’il s’agissait d’une action et que cette action peut être autorisée comme recours collectif. La règle 299.11 est très explicite à ce sujet tout comme l’arrêt Tihomirovs, rendu par la Cour d’appel fédérale, arrêt auquel a participé le juge Létourneau. Je conclus que l’arrêt Grenier ne constitue pas un obstacle.

UN OU PLUS D’UN TYPE DE FRAIS ?

[17]   La demande de contrôle judiciaire présentée par les Hinton, dans sa version actuelle, se limite aux frais de 75 $ payés en application du paragraphe 304(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Avant de traiter de la présente requête, la Cour a ordonné qu’un projet de déclaration soit déposé en appui au recours collectif envisagé. Il remet en cause quelque 43 types de visas, d’autorisations et de prolongations, dont 28 se rapportent aux règlements pris sous le régime de l’ancienne Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2] et 15 sont rattachés au Règlement actuel. Le ministre soutient que la requête visant à faire instruire le contrôle judiciaire comme un recours collectif autorisé ne peut servir de fondement à’une remise en cause de frais non contestés dans la demande de contrôle judiciaire initiale. En effet, étant donné que les revenus et les dépenses sont déterminés annuellement, il est possible qu’un type de frais ait généré un profit une année, sans que cela se soit reproduit une autre année. Compte tenu de la prescription de six ans, cela pourrait se traduire par 258 demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire distinctes, chacune d’entre elle pouvant ensuite faire l’objet de requêtes en autorisation, en prorogation de délai et en conversion en recours collectif.

[18]   Bien que l’argument du ministre puisse être bien fondé dans l’abstrait, le paragraphe 19(2) [mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 6] de la Loi sur la gestion des finances publiques dispose que « [l]e prix fixé […] ne peut excéder les coûts supportés par Sa Majesté […] pour la prestation des services ». Noter dans la version anglaise le singulier du mot « service » et le pluriel du mot « fees ». Comme je l’ai mentionné dans la décision Momi, l’écart entre les frais selon les différents types de visa peut très bien dépendre du temps et du travail nécessaires à leur traitement. Il n’y a aucun fondement véritable à ce stade-ci qui puisse donner à penser que chaque « fee » (type de frais) correspond à un « service » (service) distinct.

[19]   La présente affaire est quelque peu inhabituelle en ce sens que le dossier renferme bien plus que les simples actes de procédure. Les affidavits abondent dans les différentes requêtes et, contrairement à la pratique en matière d’immigration, on a donné l’autorisation de contre-interroger, avant que l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire soit accordée. La requête en vue de faire convertir le contrôle judiciaire en action était appuyée par un affidavit, et un affidavit a été déposé en guise de réponse.

[20]   Au tout début, selon la règle 302, la demande de contrôle judiciaire des Hinton ne devait porter que sur la décision qui les touchait directement. Pour que la règle 299.11 garde tout son sens, un contrôle judiciaire converti en action qui est elle-même autorisée comme recours collectif doit remettre en question plus d’une décision. Il semble que seulement un service pose un problème, ce qui n’empêche pas qu’à mesure que l’affaire évolue, on ne puisse pas créer des sous-groupes relativement à certains frais.

Le critère en cinq parties relatif à l’autorisation

[21]   Aux paragraphes 26 et suivants de la décision Momi, je traite des conditions énumérées à la règle 299.18 :

Dans Western Canada [sic] Shopping Centres, précité, la juge en chef McLachlin a déclaré qu’il serait préférable d’étoffer les règles de pratique squelettiques en vigueur à cette époque en Alberta. À la même époque, les Règles des Cours fédérales étaient également peu détaillées, et laissaient au juge le soin de se prononcer de façon ponctuelle dans chaque affaire. Les règles relatives au recours collectif, la règle 299.1 et suivantes, ont été ajoutées en 2002 [DORS/2007-417, art. 17]. L’élément essentiel est qu’un recours collectif envisagé doit être autorisé avant que les demandeurs dont les noms sont expressément mentionnés dans la demande d’autorisation puissent poursuivre l’action pour le compte d’autres personnes. Le reste n’est que des détails accessoires.

a) Une cause valable d’action

[22]   Dans le contexte d’une demande d’autorisation, une cause d’action est valable si elle n’est pas viciée de façon évidente ou manifeste (Western Canadian Shopping Centers Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, et Le Corre c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 127). Je rappelle, en dépit du commentaire du ministre selon lequel l’observation était une opinion incidente, que le juge Rothstein a souligné dans l’arrêt Tihomirovs, précité, que dans le domaine de l’immigration, on doit d’abord obtenir une autorisation avant de présenter une demande de contrôle judiciaire. L’autorisation n’est accordée que si la Cour juge que la cause est raisonnablement défendable. De plus, étant donné que leur demande était présentée en dehors du délai prescrit, les demandeurs devaient également convaincre la Cour que le retard était justifié et que les actes de procédure établissaient une cause d’action valable sur le fond. Il y a une cause d’action valable en l’espèce.

b) L’existence d’un groupe identifiable

[23]   Il y a clairement un groupe d’au moins deux personnes. La position du ministre est qu’il y a 43 groupes, si ce n’est 258. Cependant, comme je l’ai mentionné dans la décision Momi, tous les demandeurs éventuels allègueraient une violation systémique du paragraphe 19(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Selon l’évolution de l’affaire, il se peut qu’il devienne nécessaire de créer des sous-groupes. De plus, j’exclurais de l’ensemble les demandeurs à qui la prescription de six ans pourrait être opposée en l’espèce.

c) Les points de droit ou de fait collectifs

[24]   Cette partie du critère a été remplie. Comme je l’ai mentionné précédemment, la violation systémique du paragraphe 19(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques est la toile de fond. Encore une fois, je reconnais qu’ il faudra peut-être créer quelques sous-groupes s’il est prouvé que d’autres frais ont été déterminés par des méthodologies différentes.

d) Le recours collectif est-il le meilleur moyen de régler l’affaire?

[25]   Sans nier la valeur des autres arguments du ministre, je crois qu’il est juste d’affirmer que son principal argument repose sur le point suivant. Le texte de l’alinéa 299.18(1)d) des Règles dispose que « [s]ous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une action comme recours collectif si […] d) le recours collectif est le meilleur moyen de régler de façon équitable et efficace les points de droit ou de fait collectifs ».

[26]   Le paragraphe 299.18(2) des Règles exige qu’on tienne compte de cinq facteurs lorsque l’on doit juger si le recours collectif est le meilleur moyen de régler l’affaire.

[27]   Le premier facteur consiste à savoir si les points de droit ou de fait collectifs prédominent sur ceux qui ne concernent que certains membres. Les points de droit ou de fait collectifs prédominent puisque je vais exclure du groupe les personnes qui pourraient faire l’objet d’un moyen de défense fondé sur la prescription.

[28]   Le deuxième facteur est le nombre de membres du groupe qui ont véritablement intérêt à poursuivre des actions séparées. La réponse est manifestement aucun. Par exemple, selon leur calcul, les Hinton auraient droit à un recouvrement de 36,69 $. Les dépens s’élèveront facilement à hauteur de centaines de milliers de dollars.

[29]   Le troisième facteur est la question de savoir si le recours collectif comprendrait des réclamations qui ont été ou qui sont l’objet d’autres actions. Les Hinton ont exclu les personnes qui ont réglé à l’amiable un autre litige avec le ministre. Les seules autres personnes qui étaient parties dans une autre action sont les 10 personnes qui, bien qu’elles fassent partie du groupe, ont déposé des actions séparées en 2001, lesquelles ont été soit interrompues, soit rejetées pour défaut de poursuivre. Ces personnes seront exclues du groupe.

[30]   Le nœud de l’affaire se trouve aux alinéas 299.18(2)d) et e) [des Règles] respectivement : « d) l’aspect pratique ou l’efficacité des autres moyens de régler les réclamations; e) la question de savoir si la gestion du recours collectif créerait de plus grandes difficultés que l’adoption d’un autre moyen ».

[31]   Je prends pour guide les propos du juge Rothstein dans l’arrêt Tihomirovs, précité, aux paragraphes 12 et 19 :

Je conviens avec le ministre que la procédure de contrôle judiciaire vise à régler de façon sommaire les questions de droit public. Toutefois, comme je l’expliquerai plus loin, il ne s’agit pas là d’un obstacle à la conversion. Il s’agit simplement d’un facteur supplémentaire dont il convient de tenir compte dans une telle demande.

[…]

       En réponse à la prétention du ministre selon laquelle la conversion effectuée aux fins de l’autorisation d’un recours collectif contrevient à l’objet du contrôle judiciaire, la procédure souhaitable est l’un des facteurs à prendre en considération dans le cadre de la procédure de conversion et d’autorisation. Le tribunal examinera les problèmes liés à la facilité et à l’efficacité des procédures, et choisira celle qui offrira le moins de difficultés pour régler les questions en litige. Par exemple, une pluralité de contrôles judiciaires que permettrait d’éviter un recours collectif pourrait également être évitée si les parties convenaient de considérer un seul contrôle judiciaire comme une cause type pour les autres contrôles judiciaires qui portent sur la même question. Ces facteurs, parmi d’autres, devraient permettre au tribunal de décider s’il convient d’autoriser la conversion et l’autorisation du recours collectif.

[32]   L’affaire Tihomirovs a été renvoyée à la Cour fédérale pour nouvel examen. La question en litige était de savoir si les demandes de résidence permanente des membres du groupe envisagé devaient être évaluées conformément aux anciens critères de la Loi sur l’immigration ou, plutôt, conformément aux nouveaux critères prévus à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [L.C. 2001, ch. 27]. Comme l’a affirmé la juge Mactavish dans la décision Tihomirovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 4 R.C.F. 341 (C.F.), aux paragraphes 119 et 120 :

Comme l’a souligné le défendeur, le ministre est tenu d’appliquer la loi. Par conséquent, si la Cour finit par déclarer que le règlement en cause est ultra vires et que les membres du groupe envisagé ont droit à ce que leur demande de résidence permanente soit évaluée en conformité avec les critères établis dans la Loi sur l’immigration, le ministre sera tenu d’agir en conséquence. Il en sera ainsi que les membres individuels du groupe envisagé revendiquent ou non leurs droits à ce que leur demande soit traitée de cette façon.

Par conséquent, il n’est pas du tout nécessaire de veiller à ce que tous les membres du groupe envisagé soient parties à un recours collectif pour qu’ils puissent tirer avantage d’une décision favorable dans le dossier de M. Tihomirovs. En outre, exiger un avis du litige et de la décision de la Cour relativement au point collectif aurait pour seul effet d’ajouter inutilement des coûts et des retards au processus.

[33]   Par conséquent, la juge Mactavish n’a pas converti l’affaire Tihomirovs en action ni autorisé le recours collectif. Sa décision a été suivie par le juge von Finckenstein dans la décision Sander Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), 2006 CF 327, récemment confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2007 CAF 322. Cette affaire concernait le programme de compte de stabilisation du revenu net instauré sous le régime de la Loi sur la protection du revenu agricole [L.C. 1991, ch. 22]. Le programme était facultatif, et il établissait les lignes directrices concernant les points de vente. Les lignes directrices avaient changé au cours de la durée du programme. Les demandeurs alléguaient que le changement constituait une modification invalide ou qu’il excédait les pouvoirs conférés par l’accord et que, de toute façon, le défendeur devait rembourser les sommes qui, selon eux, avaient été injustement exclues des calculs pertinents.

[34]   Selon mon interprétation de la décision Sander, l’enjeu était la légitimité des changements, et ce, même si au paragraphe 57 le juge von Finckenstein a bien souligné qu’il y avait des différences entre les affidavits relativement aux calculs financiers. Il était d’avis qu’un procès et que des témoignages de vive voix étaient inutiles pour établir les faits de façon satisfaisante. Il a affirmé : « [s]i les demandeurs réussissent à faire déclarer les Lignes directrices ultra vires, le défendeur devra tenir compte de cette décision et prendre les mesures appropriées par la suite ». Dans la présente affaire, l’enjeu principal repose sur les calculs financiers. Si les revenus n’ont pas excédé les dépenses, le Règlement est parfaitement valide.

[35]   La ministre soutient que la demande des Hinton devrait se poursuivre dans le cadre restreint du contrôle judiciaire. En termes clairs, le tribunal administratif (la gouverneure en conseil) dépose le dossier dont elle disposait lorsque la décision a été prise; les demandeurs déposent leur dossier de requête avec affidavits; le défendeur dépose son dossier avec ou sans affidavit; les contre-interrogatoires suivent et la date d’audience est alors fixée. Bien qu’il ne soit pas dans l’obligation de déposer des affidavits, le défendeur affirme qu’il le fera. De plus, la Cour peut ordonner le dépôt de documents supplémentaires en vertu de la règle 313 et, dans des circonstances particulières, elle peut même autoriser l’audition d’un témoin en vertu de la règle 316. La validité du Règlement est mieux à même d’être analysée lors d’un contrôle judiciaire normal et, comme l’a souligné la juge Mactavish dans l’affaire Tihomirovs, s’il est déclaré invalide, d’autres membres du groupe envisagé bénéficieront du jugement déclaratoire, sans la complexité et les dépenses inutiles reliées à un recours collectif.

[36]   Je ne suis pas de cet avis. Comme je l’ai déjà mentionné, le point crucial est que la validité du Règlement ne peut être jugée uniquement sur une question de droit. Le Règlement sera jugé invalide, ou partiellement applicable, seulement si Sa Majesté a fait un profit. Il s’agit essentiellement d’une question de fait et, pour y répondre, la Cour aura besoin de témoignages d’experts. La position du ministre est que les coûts du service excèdent les revenus. Si c’est bien le cas, c’est une défense parfaitement adéquate. La meilleure façon de connaître les tenants et aboutissants de cette affaire est par une action.

[37]   Le dossier du tribunal administratif, qui a été déposé en application des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés [DORS/93-22 (mod. par DORS/2005-339, art. 1)], se limite au texte réglementaire enregistré et publié dans la Gazette du Canada promulguant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le dossier bilingue ne renferme qu’un petit 25 pages. Il n’y a absolument aucun renseignement sur les dépenses et les revenus antérieurs ou sur les prévisions.

[38]   L’affaire Tihomirovs était très différente. Le jugement déclaratoire était prospectif. Si M. Tihomirovs avait eu gain de cause, les membres du groupe envisagé dont la demande de résident permanent n’avait pas encore été traitée auraient vu leur dossier évalué suivant le même règlement. Dans la présente affaire, tous les frais ont été payés en avance. Tout dépendant de la période qui sera établie par la Cour, le ministre estime que plus de 12 millions de visas pourraient être touchés.

[39]   Le ministre n’a pas accepté de procéder au moyen d’une cause type ou d’une prorogation indéterminée du délai pour instruire l’affaire. Avec le temps qui passe, les membres du groupe envisagé qui ne sont pas protégés actuellement seront aux prises avec la prescription de six ans. De plus, sans le recours collectif, la Cour pourrait théoriquement devoir faire face à des millions de demandes de prorogation de délai et de demandes d’autorisation. Peu de membres du groupe envisagé s’en donneraient la peine. Comme je l’ai affirmé dans la décision Momi, au paragraphe 16 :

Dans l’arrêt Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534, un appel d’une décision de la Cour d’appel de l’Alberta, la juge en chef McLachlin expose les trois grands avantages qu’offre le recours collectif par rapport à une multiplicité d’actions individuelles. Premièrement, il permet de faire des économies sur le plan judiciaire, en évitant toute duplication inutile. Deuxièmement, les frais judiciaires sont répartis entre un grand nombre de demandeurs, ce qui facilite l’accès à la justice en rendant économiques des poursuites qui auraient été trop coûteuses pour être intentées individuellement. Enfin, ces recours incitent les malfaisants réels et éventuels à modifier à l’avenir leur comportement. Sans le recours collectif, les personnes qui causent des préjudices individuels mineurs mais nombreux n’auraient peut-être pas à répondre de leurs agissements.

[40]   Comme je l’ai mentionné précédemment, le défendeur peut décider, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, de ne pas déposer d’affidavits, et, de toute façon, il peut être sélectif concernant les documents déposés et les faits que renferme l’affidavit; cela a constitué un problème récurre dans l’affaire Agustawestland, précitée.

[41]   Dans une action, par contre, chaque partie doit déposer un affidavit de documents qui renferme la liste de tous les documents qu’elle a en sa possession ou qui sont sous son autorité ou sous sa garde et qui touchent une question en litige, et non seulement les documents dont disposait le décideur. Le représentant d’une partie interrogé dans le cadre d’un interrogatoire préalable doit répondre au mieux de sa connaissance et de sa croyance, en ne se limitant pas à sa connaissance personnelle. L’interrogatoire préalable est bien plus rigoureux et il est conçu pour faciliter des admissions qui pourraient soit mettre un terme à l’instance, soit l’abréger. Les questions sont fondées sur les actes de procédure et moins limitées que celles d’un contre-interrogatoire qui, lui, doit normalement être consigné au dossier de la Cour.

[42]   La question est de savoir si un échange d’affidavits suivi de contre-interrogatoires les concernant serait suffisant pour que la Cour puisse établir le total des dépenses, ce qui constitue l’objet réel de la controverse, en vue de les comparer au revenu tiré du programme de visa. Sauf les témoignages à l’audience, ce qui n’est pas d’usage, la Cour serait dans l’incapacité de poser ses propres questions. Qu’en serait-il, par exemple, de l’affidavit déposé par Tom Heinze, stagiaire, en contestation de la requête? Ses allégations étaient fondées sur ses croyances, mais on peut présumer que son affidavit serait remplacé par ceux de personnes ayant des connaissances personnelles lorsque l’affaire sera entendue sur le fond. Notamment, il énumère diverses dépenses qui, selon le ministre, devraient être prises en compte lors de l’évaluation du coût de la prestation des services. Un élément intéressant de l’exercice commençant le 1er avril 2004 est le salaire des juges de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, dont un peu plus de la moitié a été attribué au programme de visa.

[43]   Abstraction faite de la question de savoir si le coût payé par Sa Majesté devrait comprendre le coût de fonctionnement du Parlement et les salaires des juges, les chiffres soulèvent une quantité presque illimitée de questions. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés accapare moins de la moitié de la charge de travail de la Cour fédérale et, dans la vaste majorité des cas, il s’agit de demandes d’asile et non de demandes de visa. La Cour d’appel fédérale intervient seulement si une question grave de portée générale est certifiée. De quelle façon a-t-on déterminé le pourcentage? L’interrogatoire préalable est la façon la plus appropriée d’établir les coûts. Les experts des demandeurs devraient avoir l’occasion d’examiner ces renseignements avant de déposer leurs affidavits et de témoigner en audience publique.

[44]   Le ministre soutient que s’il s’avérait que le cadre restreint du contrôle judiciaire soit jugé insuffisant, même après que la Cour ait ordonné le dépôt de documents supplémentaires et permis l’audition de témoins lors d’une audience publique, alors le contrôle judiciaire pourrait être converti en action. À mon avis, cette proposition est beaucoup moins pratique et efficace que de convertir le contrôle judiciaire en action maintenant et, au besoin, d’élaguer au moyen de la gestion d’instance. De même, je ne pense pas que la gestion du recours collectif causerait plus de problèmes que si les membres du groupe envisagé tentaient d’obtenir une réparation d’une autre façon.

[45]   Le ministre a exprimé des craintes quant au nombre considérable de demandes qui seraient englobées par le recours collectif, car il pourrait bien y en avoir plus de 12 millions. Cela ne veut pas dire que le nombre total des demandeurs s’élèvera à 12 millions, étant donné que certains demandeurs ont payé plus d’une fois des frais de traitement, si ce n’est plusieurs types de frais de traitement. Néanmoins, bien que le dossier puisse ne plus contenir de renseignements quant à certains anciens visas, le ministre a bel et bien un dossier volumineux. De plus, les frais demandés pour les divers visas sont demeurés constants au fil des années. Il faut différencier cette situation du récent arrêt rendu par la Cour d’appel de l’Ontario Cassano v. Toronto-Dominion Bank (2007), 47 C.P.C. (6th) 209, dans lequel le juge en chef Winkler, au nom de la Cour, a autorisé un recours collectif concernant des transactions effectuées en devises étrangères à l’aide de cartes de crédit Visa émises par la banque. Le juge des requêtes avait souligné qu’en 2003 seulement il y avait plus de quatre millions de cartes de crédit de la Banque Toronto-Dominion en circulation ([Cassano v. Toronto-Dominion Bank] (2005), 9 C.P.C. (6th) 291 (C.S.J. Ont.)). Une des plaintes était que la banque avait prélevé des [traduction] « frais de conversion » qui n’étaient ni divulgués ni autorisés. Les taux de change, contrairement aux frais en l’espèce, changent presque quotidiennement. La banque estimait qu’il faudrait que 1 500 personnes travaillent pendant environ un an, au coût de 48 500 000 $, pour qu’elles puissent repérer et recenser les transactions effectuées en devises étrangères, lesquelles se trouvent seulement sur microfiches. Cependant, comme l’a affirmé le juge en chef Winkler, au paragraphe 49 :

[traduction] L’argument économique soulevé par la banque TD ne tient pas compte du fait que le calcul des dommages ne serait nécessaire que s’il est conclu qu’elle a manqué à ses obligations contractuelles envers les détenteurs de cartes de crédit. Par conséquent, le cœur de l’argument de la banque TD est que l’étape de recouvrement du litige, ultérieure à une conclusion de responsabilité, lui fera engager d’importantes dépenses. Il ne serait pas judicieux de permettre à un défendeur de garder un gain réalisé grâce à un manquement à ses obligations contractuelles, parce qu’il estime que le coût pour effectuer le calcul du montant du gain serait trop important. Un des objectifs principaux de la Loi sur les recours collectifs est de faciliter le recouvrement aux demandeurs dans des circonstances où des demandes de recouvrement par ailleurs bien fondées ne seraient pas rentables. Retenir l’argument économique de la banque TD en l’espèce dénaturerait l’objet de la loi.

Le plan de déroulement de l’instance des Hinton tient compte de ces réserves étant donné qu’il ciblera initialement une seule année, une bifurcation possible en vertu des règles 106 et suivantes.

e) Les représentants demandeurs

[46]   Je suis convaincu que les Hinton représenteraient de façon équitable et appropriée les intérêts du groupe. Leur plan de déroulement de l’instance (bien qu’il puisse être amélioré, et il le sera assurément) établit une méthode réaliste pour la poursuite de l’action et pour l’information des membres du groupe quant au déroulement de l’instance. Ils n’ont pas de conflit d’intérêts quant aux points de droit ou de fait collectifs, et ils ont communiqué un sommaire des ententes relatives aux honoraires et aux débours.

[47]   Selon le plan, les membres du groupe seront avisés par l’intermédiaire du site Internet de l’avocat des demandeurs et de celui de Citoyenneté et Immigration Canada, par des avis envoyés dans les cabinets d’avocat et par des avis dans les journaux canadiens qui s’adressent aux nouveaux immigrants. Ces avis n’ont pas une assez grande portée. Par exemple, les personnes qui ont payé des frais pour un visa d’étudiant ou pour tout autre visa temporaire ne sont probablement plus au pays, et il n’y a aucune raison particulière pour laquelle ils se rendraient sur les sites Internet énumérés. Nombre d’entre eux ne possèdent peut-être pas d’ordinateur. Tant que ces détails ne seront pas peaufinés et vu la possibilité d’un appel, je dispense les représentants demandeurs de l’obligation d’aviser les membres du groupe, comme le prévoit la règle 299.34 [édictée par DORS/2002-417, art. 17].

[48]   Le plan de déroulement de l’instance est probablement trop ambitieux lorsqu’il tient pour acquis que l’affaire pourrait être prête pour l’instruction dans un an. Cependant, ce n’est qu’un détail qui peut être modifié de façon ponctuelle par voie d’ordonnance modifiant l’échéancier. J’ordonnerai qu’une déclaration, dont le projet est déjà rédigé, soit déposée et signifiée au plus tard le 31 janvier 2008. Étant donné qu’ une défense a déjà été déposée dans l’affaire Momi, la ministre devra déposer sa défense dans le délai normal, soit dans les 30 jours de la signification de la déclaration.

Le contenu de l’ordonnance

[49]   Étant donné que je suis convaincu que la demande de contrôle judiciaire doit être instruite comme s’il s’agissait d’une action, et que cette action doit être autorisée comme recours collectif, la règle 299.19 [édictée, idem] dispose que l’ordonnance doit renfermer :

299.19 (l) […]

a) la description du groupe;

b) le nom du représentant demandeur;

c) l’énoncé de la nature des réclamations présentées au nom du groupe;

d) l’énoncé des réparations demandées par ou contre le groupe;

e) l’énumération des points de droit ou de fait collectifs du groupe;

f) des instructions quant à la façon dont les membres du groupe peuvent s’exclure du recours collectif et la date limite pour le faire.

La déclaration dans l’affaire Momi avait été déposée le 11 mars 2005, alors que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en l’espèce n’a été déposée que le 12 septembre 2006. Cela signifie que certaines personnes qui auraient pu faire partie du groupe dans l’affaire Momi sont, selon mon interprétation, exclues du groupe en l’espèce parce qu’elles pourraient devoir faire face à la prescription de six ans, ce qui constitue un problème individuel. Par contre, dans l’affaire Momi, j’aurais exclu les demandeurs qui ont présenté une demande à compter du 1er avril 2003, parce que les données pour cet exercice n’étaient pas disponibles lors du dépôt de la déclaration. Cependant, ces données étaient disponibles lors du dépôt de la demande des Hinton, et, tout comme pour les autres années, les demandeurs ont une cause d’action valable. L’affaire Momi est toujours en instance, et selon le développement de la jurisprudence, elle pourrait peut-être servir de recours collectif pour les demandeurs qui ne font pas partie du groupe en l’espèce.

[50]   Par conséquent, le groupe des demandeurs est constitué des personnes qui, au cours de la période du 1er avril 1994 au 31 mars 2004, ont payé un type de frais au défendeur en vue du traitement de toute demande présentée dans le cadre d’au moins un des règlements énumérés à l’annexe A de l’ordonnance, et qui ont été informées de la décision relative à ces demandes à compter du 12 septembre 2000, et ce, peu importe le résultat de leur demande; font aussi partie du groupe les personnes dont les demandes sont actuellement en traitement.

[51]   Sont exclues du groupe les 10 personnes mentionnées au paragraphe 29 des présents motifs, de même que celles qui ont réglé à l’amiable, soit les personnes qui, avant le 1er janvier 2002, ont déposé des demandes de visa en qualité de travailleur qualifié, de travailleur autonome, d’entrepreneur et d’investisseur, à l’exception de la catégorie des candidats des provinces et de ceux destinés au Québec; ces exclusions sont décrites plus précisément dans l’ordonnance qui accompagne les présents motifs.

[52]   Les représentants demandeurs sont Alan Hinton et Irina Hinton.

[53]   La nature des réclamations présentées au nom du groupe et les réparations demandées par et au nom du groupe se présentent comme suit :

a) un jugement déclaratoire selon lequel les frais réglementaires sont illégaux, anticonstitutionnels et invalides;

b) la restitution de la portion des frais payés à Sa Majesté par le groupe demandeur qui excède le coût de la prestation du service au cours de la période en question;

c) un jugement déclaratoire selon lequel tous ces frais excédentaires sont détenus en fiducie au nom des demandeurs et du groupe demandeur;

d) une ordonnance selon laquelle ces frais excédentaires doivent être remboursés aux demandeurs et au groupe demandeur;

e) le paiement des intérêts.

[54]   Le point de fait collectif est de savoir si les frais de service ont excédé le coût supporté par Sa Majesté du chef du Canada pour fournir les services au groupe demandeur. Dans l’affirmative, le point de droit collectif est de savoir si le groupe demandeur a droit à un recouvrement.

[55]   Comme je l’ai déjà affirmé, la façon dont les membres du groupe peuvent s’exclure du recours collectif et la date limite pour le faire sont laissées en suspens pour le moment.

Les questions certifiées

[56]   Le Règlement a été pris sur la recommandation du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et du Conseil du Trésor en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et des alinéas 19(1)a) [mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 6] et 19.1a) [édicté, idem] et du paragraphe 20(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194] de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés nécessite une demande d’autorisation. Une décision défavorable rendue par la Cour fédérale dans le cadre d’un contrôle judiciaire relevant de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est normalement définitive. Le seul droit d’appel à la Cour d’appel fédéral est prévu à l’alinéa 74d) : le juge doit certifier que l’affaire soulève une question grave de portée générale et l’énoncer.

[57]   Le simple fait qu’il s’agit de la première affaire contestée qui soit autorisée comme recours collectif en vertu des règles 299.1 [édictée par DORS/2002-417, art. 17] et suivantes, soulève des questions graves de portée générale, dont certaines que je vais formuler moi-même. Je ne suis pas convaincu que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés doive être interprétée d’une telle façon qu’une personne qui est directement touchée par un règlement pris sous le régime de cette Loi doive obtenir une autorisation pour contester la validité de ce règlement ou n’ait pas le droit d’interjeter appel si elle n’en reçoit pas l’autorisation. Les questions graves de portée générale que je certifie sont les suivantes :

a) Une autorisation est-elle nécessaire pour présenter une demande de contrôle judiciaire dont l’objet est de remettre en question la validité d’un règlement pris en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?

b) Le demandeur qui cherche à recouvrir une somme payée en application d’un règlement qu’il allègue être invalide doit-il  procéder par voie de contrôle judiciaire?

c) Un contrôle judiciaire qui est instruit comme s’il s’agissait d’une action peut-il remettre en question la validité de catégories de frais que les représentants demandeurs n’ont pas payé?

d) Étant donné que le recouvrement d’une somme d’argent ne peut être ordonné par suite d’un contrôle judiciaire, les demandeurs doivent-ils attendre le résultat du contrôle judiciaire avant d’engager une action?

[58]   De plus, et malgré quelques chevauchements, je certifie les deux questions suivantes soulevées par le ministre :

e) Lorsque la validité d’un règlement fédéral est adéquatement contestée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire présentée devant la Cour fédérale, est-il prématuré de « convertir » le contrôle judiciaire en action (en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales) avant que la Cour fédérale ait rendu sa décision sur le contrôle judiciaire?

f) Lorsque la principale question de droit dans un recours collectif envisagé (engagé en vertu de la règle 299 [mod. par DORS/2006-219, art. 9] des Règles des Cours fédérales) concerne la validité d’un règlement fédéral, l’arrêt Grenier (2005 CAF 348) exige-t-il que cette question soit tout d’abord tranchée par la Cour fédérale dans le cadre d’un contrôle judiciaire fondé sur le paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales?

[59]   Bien qu’ils aient soutenu qu’il n’était pas nécessaire de certifier des questions, les Hinton ont proposé la question qui suit pour le cas où la Cour en aurait décidé autrement; je la certifie également, malgré quelques répétitions :

g) Dans le cas où la question principale dans une demande de contrôle judiciaire qui fait l’objet d’une demande de conversion en action qui, elle-même, fait l’objet d’une demande d’autorisation comme recours collectif soulève une question mixte de fait et de droit pour la résolution de laquelle l’établissement des faits contestés est capital, et que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour conclut qu’il est opportun d’ordonner que la demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s’il s’agissait d’une action en vertu de l’article 18.2 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 28] et du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales et que l’action soit autorisée comme recours collectif en vertu de la règle 299, l’arrêt Grenier empêche-t-il la Cour de rendre une telle ordonnance et exige-t-il plutôt que l’on doive d’abord juger de la validité du règlement au cœur du contrôle judiciaire sans qu’il y ait conversion ou certification en vertu du paragraphe 18(1) ?

[60]   En résumé, je suis convaincu que le critère du recours collectif est respecté. Ainsi, des économies sur le plan judiciaire seront réalisées, l’accès à la justice sera facilité et plus économique, et, sans ce type de recours, il n’y aurait guère d’avantage à présenter des demandes de réparation aux tribunaux, étant donné que, si les demandeurs ont raison, les pertes individuelles sont minimes, mais les pertes globales sont importantes (Western Canadian Shopping Centers, précité, et Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 R.C.S. 666).

[61]   Il n’y a aucune raison de ne pas suivre le principe de non-adjudication des dépens établi par la règle 299.41 [édictée par DORS/2002-417, art. 17].

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