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IMM-4898-12

2013 CF 609

Howard Seymour Stephens (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Stephens c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge de Montigny—Toronto, 13 mars; Ottawa, 6 juin 2013.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger — Contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a refusé d’accorder une remise, compte tenu du fait que l’avocate du demandeur n’était pas présente à l’audience — L’avocate a d’abord demandé une remise parce qu’elle était en vacances à la date d’audience — La SPR a refusé cette demande — L’avocate ne s’est pas présentée le jour de l’audience pour des raisons médicales et a demandé une remise — La SPR a refusé la demande, prenant note de l’historique des demandes de remise et de l’absence de renseignements concernant l’urgence médicale — La SPR a conclu que le demandeur n’était pas une personne à protéger — Il s’agissait de savoir si la SPR a manqué à son obligation d’équité lorsqu’elle a rejeté la demande de remise — Les éléments résumés dans les motifs de la SPR étaient insuffisants pour refuser la remise demandée — La décision de la SPR a été fortement influencée par le fait que l’avocate avait déjà demandé une remise — La remise en question de la véracité des motifs fournis au sujet de l’absence est à la fois déraisonnable et injuste — Il ressort des motifs de la SPR qu’elle ne pensait pas que l’avocate avait agi de bonne foi — Les motifs de la SPR étaient déraisonnables — Cependant, la Cour ne peut critiquer la décision du tribunal en cas de refus d’une demande d’ajournement que si une violation des principes de justice naturelle ou d’équité a résulté de cette décision — En l’espèce, le demandeur a fait défaut de démontrer que l’absence de son avocate à l’audience a eu pour effet de rendre l’audience inéquitable — L’avocate n’a fourni aucune preuve ni aucun argument qui aurait été susceptible d’influer sur le résultat final — L’audience a été complète et équitable — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a refusé d’accorder une remise, compte tenu du fait que l’avocate du demandeur n’était pas présente à l’audience.

La demande d’asile du demandeur, un citoyen de la Jamaïque, était basée sur une crainte fondée de persécution liée à ses opinions politiques présumées et à son appartenance à un groupe social particulier, ainsi que sur le risque visé à l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Une date d’audience a été fixée. Cependant, l’avocate du demandeur a présenté une demande de remise parce qu’elle serait en vacances à cette date. La SPR a refusé la demande de remise initiale. Le jour de l’audience, l’avocate a remis au demandeur une lettre dans laquelle elle déclarait que [traduction] « en raison de motifs médicaux d’urgence », elle ne serait pas en mesure d’assister à l’audience et elle a demandé que l’audience soit reportée. Lorsqu’elle a refusé la demande, la SPR a pris note de l’historique des demandes de remise, du fait que l’avocate avait d’abord déclaré qu’elle serait en vacances, de l’absence de renseignements concernant l’urgence médicale et du fait que l’avocate se portait suffisamment bien pour rencontrer le demandeur à son bureau le matin de l’audience. L’audience a été tenue et la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas établi, selon la prépondérance de la preuve, qu’il était une personne à protéger.

Il s’agissait de savoir si la SPR a manqué à son obligation d’équité lorsqu’elle a rejeté la demande de remise présentée par le demandeur.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Les éléments résumés dans les motifs de la SPR étaient les principaux éléments sur lesquels reposait son rejet de la demande de remise. Ces éléments étaient loin d’être suffisants pour refuser la remise demandée. La décision de la SPR a été fortement influencée par le fait que l’avocate avait déjà demandé de changer la date de l’audience. Il est à la fois déraisonnable et injuste de mettre en question la véracité des motifs fournis par un représentant au sujet de l’absence d’un autre avocat. On pourrait s’attendre à ce que le même raisonnement s’applique au moins au même degré lorsque le motif de l’absence est fourni par l’avocat lui-même (par écrit ou en personne). Le fait que l’avocate se soit sentie suffisamment bien pour rencontrer le demandeur le matin du jour de l’audience ne devrait pas nécessairement être retenu contre elle. Il ressort des motifs de la SPR qu’elle ne pensait pas que l’avocate avait agi de bonne foi et qu’elle avait simplement fourni un autre prétexte pour ne pas avoir à comparaître à la date fixée pour l’audience. Les motifs fournis par la SPR pour refuser la remise de l’audience sont donc déraisonnables. Cependant, la Cour ne peut critiquer la décision du tribunal en cas de refus d’une demande d’ajournement que s’il est clair qu’une violation des principes de justice naturelle ou d’équité a résulté de cette décision. Le droit à l’avocat n’est pas absolu dans le contexte de l’immigration. L’absence de l’avocat a pour effet d’invalider la décision lorsque cette absence empêche la tenue d’une audience équitable. Le demandeur n’a pas démontré que l’absence de son avocate à l’audience a eu pour effet de rendre l’audience inéquitable. Bien que l’avocate ait soutenu qu’elle aurait pu interroger le demandeur, qu’elle aurait pu explorer de nombreux sujets, qu’elle aurait pu au moins demander l’autorisation de produire des observations écrites après l’audience, elle n’a fourni aucun exemple concret des preuves ou des arguments qu’elle aurait pu présenter et qui auraient été susceptibles d’influencer le résultat final. Il n’existait aucun élément indiquant que l’audience n’a pas été complète et équitable.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 96, 97.

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, règle 48(4).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 81, 82.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision appliquée :

Javadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 278.

décisions citées :

Osagie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1368; Philistin c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1333; Omeyaka c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 78; Julien c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 351; Cruz Telez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 102; Wagg c. Canada, 2003 CAF 303, [2004] 1 R.C.F. 206; Mervilus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1206; Guzun c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1324; Vazquez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 385; Yanez Tecuapetla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 225.

DOCTRINE CITÉE

Barreau du Haut-Canada. Code de déontologie. Adopté par le Conseil le 22 juin 2000, en ligne : <http://www.lsuc.on.ca/WorkArea/DownloadAsset.aspx?id=2147484550>.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (X (Re), 2012 CanLII 95165) a refusé d’accorder une remise, compte tenu du fait que l’avocate du demandeur n’était pas présente à l’audience. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Stella Iriah Anaele pour le demandeur.

Rafeena Rashid pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Stella Iriah Anaele, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        Le juge de Montigny : M. Howard Seymour Stephens (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 26 avril 2012 [X (Re), 2012 CanLII 95165] rendue par Carolyn McCool (la commissaire), de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). À l’audience, la commissaire a refusé d’accorder une remise, compte tenu du fait que l’avocate du demandeur n’était pas présente à l’audience. Elle conclut dans sa décision que le demandeur n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger.

[2]        Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’estime qu’il y a lieu de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Cette affaire soulève également une question grave, à savoir celle des avocats qui interviennent comme témoins, aspect sur lequel je présenterai des commentaires dans le cadre de mes motifs.

Contexte

[3]        Le défendeur est un citoyen jamaïcain né le 6 avril 1972. Il est arrivé au Canada le 7 juillet 2005 ou vers cette date et affirme s’être enfui de la Jamaïque parce qu’il craignait pour sa vie.

[4]        La demande d’asile du demandeur est basée sur une crainte fondée de persécution reliée à ses opinions politiques présumées et à son appartenance à un groupe social particulier, ainsi que sur le risque visé à l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Le demandeur affirme qu’il était en danger en Jamaïque parce qu’un homme d’affaires lui avait fait un don pour l’aider à financer un club de soccer pour les jeunes qu’il avait créé en 2004. Il y avait des rumeurs selon lesquelles cet argent avait en fait été fourni par un homme politique membre du Jamaica Labour Party (le JLP) qui essayait de se faire élire; la vie du demandeur aurait été gravement en danger à cause des membres d’un groupe politique qui appuyait le People’s National Party (le PNP), un parti concurrent.

[5]        Le demandeur affirme qu’il s’est déplacé de ville en ville pour se cacher avant d’obtenir les services d’un agent qui l’a aidé à se rendre au Canada grâce à de faux papiers. Depuis qu’il est arrivé au Canada, le demandeur s’est marié. Lui et sa femme ont chacun un enfant d’une relation antérieure et les quatre vivent ensemble comme une famille. Le club de football a été dissout lorsque le demandeur est parti pour le Canada en 2005.

[6]        Le dossier contient un affidavit émanant de la mère d’un ancien membre du club qui a été assassiné le 20 avril 2009, après avoir apparemment réactivé le club en 2008. La mère mentionne que son fils avait été menacé par la bande du PNP, que la police avait refusé de faire quoi que ce soit et que celle‑ci n’avait fait aucune arrestation reliée au meurtre de son fils. Elle ne mentionne pas directement la personne qui serait responsable du meurtre, ni le fait qu’il y aurait un lien entre le décès et le club de football, mais elle indique que la bande du PNP a menacé son fils de mort lorsqu’il a commencé à diriger l’équipe.

[7]        Le demandeur est arrivé au Canada en 2005, mais n’a présenté une demande d’asile qu’en septembre 2011. Il affirme dans son affidavit qu’on lui avait dit lors de son arrivée au Canada que les gens originaires des îles caraïbes ne pouvaient pas présenter de demandes d’asile. Un consultant en immigration lui aurait déclaré qu’il faudrait qu’il paie 6 000 $ pour être représenté et après avoir rencontré sa femme, celle‑ci a présenté une demande de parrainage en 2009. À l’époque de l’audience du demandeur, celui‑ci a déclaré que la demande à titre de conjoint avait été rejetée et qu’elle était pendante devant la Cour.

[8]        Le demandeur affirme qu’il a tenté de demander l’asile en 2010, mais qu’il a retiré sa demande sur les conseils d’une femme qui travaillait dans un bureau de l’immigration. D’après lui, elle a constaté l’existence de sa demande de parrainage et lui a dit qu’étant donné que cette demande semblait bien présentée, il devrait retirer sa demande d’asile. Il affirme avoir donné suite à son conseil parce qu’il ne connaissait pas bien le système de protection des réfugiés.

[9]        À l’époque où il a présenté sa demande et signé son Formulaire de renseignements personnels (FRP) à l’automne 2011, le demandeur était représenté par une consultante en immigration, Sandra Bowen. La SPR a été informée qu’en raison de désaccords et de conflit entre lui et la consultante, il avait retenu les services de MAnaele le 16 janvier 2012; cependant, la demande présentée par Mme Bowen pour cesser d’occuper au dossier à titre de conseil chargée de représenter le demandeur n’a été reçue par la CISR que le 29 février 2012 et accordée le 6 mars 2012.

[10]      Le 20 janvier 2012, MAnaele a présenté une demande de remise de la date d’audience, laquelle avait été fixée au 12 mars par Mme Bowen, parce que MAnaele serait en vacances à cette date. Il ne ressort pas très clairement du dossier à quel moment le demandeur et MAnaele ont appris à quelle date l’audience avait été fixée. Quoi qu’il en soit, le demandeur affirme qu’il ne savait pas que la date de l’audience avait été fixée lorsqu’il a retenu les services de MAnaele.

[11]      Dans la décision du 25 janvier 2012, la demande initiale de remise était refusée et on y mentionnait que [traduction] « les demandeurs d’asile doivent se choisir un conseil qui est prêt et disposé à agir à la date prévue; ligne directrice 6, section 2.6 » (dossier certifié du tribunal (DCT), page 46). Le demandeur n’a pas sollicité le contrôle judiciaire de cette décision provisoire.

[12]      Le 6 février 2012, la CISR a envoyé au demandeur et à MAnaele un avis de comparution concernant l’audience du 12 mars. La déclaration et les instructions suivantes figuraient dans l’avis :

[traduction] Vous devez vous présenter et être prêt à comparaître à l’heure prévue. Si vous ou votre conseil ne comparaissez pas comme prévu, la SPR peut, après vous avoir donné la possibilité de vous faire entendre, conclure au désistement de la demande d’asile.

[…]

Si vous retenez les services d’un conseil après que la date a été fixée pour votre audience, il vous incombe de vous assurer qu’il sera disponible et prêt pour l’instruction à la date prévue. La SPR peut refuser de modifier la date ou l’heure de votre audience même si votre conseil n’est pas disponible. Par conséquent, vous pourriez devoir retenir les services d’un nouveau conseil qui sera disponible à la date prévue.

[13]      Le jour de l’audience, MAnaele a remis au demandeur une lettre dans laquelle elle déclarait que [traduction] « en raison de motifs médicaux d’urgence », elle ne serait pas en mesure d’assister à l’audience de l’après‑midi et elle demandait que l’audience soit reportée au mois de juin 2012. Elle a envoyé le même document à la CISR par télécopieur. Un examen de la télécopie montre qu’elle a été reçue à 10 h 05 (DCT, page 60).

[14]      La demande de remise a été refusée et l’audience a été tenue, les motifs du refus ayant été versés au dossier. D’après le dossier, la commissaire a examiné les éléments suivants :

i) La demande de remise présentée par MAnaele le 20 janvier 2012 parce qu’elle allait prendre des vacances a été rejetée et le demandeur a été avisé qu’il devait se choisir un conseil en mesure de comparaître à la date prévue;

ii) Le demandeur affirme qu’il a vu MAnaele le matin de l’audience. Il a expliqué qu’elle avait décidé d’aider sa famille malgré ses projets antérieurs et qu’ils étaient prêts pour l’instruction prévue le 12 mars (après s’être rencontré la fin de semaine précédente). Toutefois, elle ne se sentait pas bien le jour de l’audience et avait projeté d’aller voir son médecin. Elle se trouvait dans son bureau dans le seul but de remettre sa lettre au demandeur et elle avait demandé à sa fille de l’y conduire.

[15]      La commissaire a estimé que la demande n’était pas [traduction] « suffisamment fondée » pour reporter la date de l’audience, et a mentionné qu’elle s’interrogeait « sur un conseil qui présente des demandes multiples — c’est‑à‑dire plusieurs demandes de remise de l’audience » (DCT, page 118). Elle a souligné qu’elle ne disposait d’aucune preuve permettant de la convaincre qu’il existait en réalité des raisons médicales d’urgence justifiant le report de l’audience et que le fait qu’elle était suffisamment bien pour se rendre à son bureau soulevait des questions, malgré l’affirmation du demandeur selon laquelle c’était sa fille qui l’y avait conduit.

[16]      Le demandeur a fourni à la Cour un affidavit dans lequel il explique les événements de la matinée et qui reprend pour l’essentiel les renseignements pertinents fournis au demandeur par son avocate. L’affidavit indique que MAnaele avait annulé ses projets de vacances lorsque la Commission a refusé sa demande initiale, mais que le jour de l’audience, elle était très malade et qu’elle s’était rendue à son bureau pour préparer une demande de sursis d’urgence.

[17]      L’affidavit indique que ses enfants l’on conduit à son bureau très tôt ce matin‑là et que malgré qu’elle ait pu préparer la demande de sursis, elle n’a pas été en mesure de se rendre à l’audience au courant de l’après‑midi parce qu’elle était très malade et avait un rendez‑vous avec son médecin. Le demandeur explique dans son affidavit qu’en plus d’avoir envoyé une télécopie à la Commission et d’avoir fourni une lettre au demandeur, MAnaele a appelé la Commission pour demander à l’agent intérimaire de l’appeler sur son téléphone portable si sa demande de remise faisait problème, mais que celui-ci ne l’avait pas appelée. Il est mentionné dans l’affidavit que l’audience avait été fixée au rôle pour la première fois, que ce n’était pas une date péremptoire et que cette exigence compromettait la capacité du demandeur de présenter ses arguments parce qu’elle était inéquitable, injuste et particulièrement traumatisante.

[18]      Le demandeur affirme dans son affidavit qu’il a parlé à MAnaele après l’audience, pendant qu’elle était chez son médecin et que MAnaele l’avait informé par la suite qu’il lui avait fallu trois jours pour obtenir le nom de la commissaire, à la suite de quoi les tentatives qu’elle avait faites pour communiquer avec la commissaire et l’agent intérimaire n’avaient pas donné de résultats. Le demandeur soutient qu’à cause de l’absence de son conseil, il n’a pas pu faire ressortir les éléments essentiels de sa demande d’asile et n’a pas été en mesure de présenter des preuves documentaires supplémentaires.

[19]      Dans une lettre envoyée au président de la CISR datée du 15 mars 2012 (dossier de demande, page 29), MAnaele précise la nature des raisons de santé qui l’ont empêchée d’assister à l’audience, à savoir étourdissements, toux et maux de tête. Dans sa lettre, MAnaele confirme la plupart des faits mentionnés dans l’affidavit du demandeur, et affirme également que son rendez‑vous chez son médecin était à 13 h 15, et qu’après avoir préparé la demande de sursis, elle avait attendu son client (étant donné qu’elle se trouvait déjà dans son bureau et qu’ils avaient prévu de s’y rencontrer avant de se rendre à l’audience) dans le but de lui expliquer son état de santé et de lui remettre la lettre photocopiée. Elle poursuit ses explications en mentionnant les points suivants :

[traduction] N’ayant pas reçu de nouvelle de la CISR, j’ai pensé que tout était conforme. Pendant que je me trouvais dans le bureau de mon médecin, vers 14 h, j’ai décidé de communiquer avec mon client pour savoir ce qui était arrivé étant donné que personne n’avait communiqué avec moi et il m’a informée du fait que la commissaire avait tenu l’audience en mon absence malgré la lettre que j’avais envoyée.

[…]

J’estime que la conclusion qu’a tirée la commissaire constitue un manque de respect envers mon professionnalisme et entache ma réputation. Je suis une avocate qui compte 26 ans d’expérience et je pratique en Ontario depuis 16 ans. J’ai une excellente réputation professionnelle et que j’ai l’intention de la préserver. Je suis membre en règle du Barreau du Haut‑Canada. J’ai toujours assisté aux audiences mises au rôle, sauf lorsque j’étais malade. Par ailleurs, le fait d’avoir demandé auparavant un ajournement à cause de mes projets de vacances pendant cette période n’a rien à voir avec mon état de santé. J’ai des preuves indiquant que j’ai annulé mes vacances uniquement à cause de cette audience et que j’aurais pu comparaître à l’audience si je n’avais pas eu de problèmes de santé.

Ma santé est essentielle pour moi et je n’aurais pas été en mesure de présenter mes arguments ou de représenter mon client de façon adéquate le jour de l’audience.

La décision faisant l’objet du contrôle

[20]      La commissaire a examiné la demande de remise de manière préliminaire et a souligné le refus de la demande reliée aux vacances de l’avocate ainsi que les événements exposés par le demandeur. Elle affirme que la demande a été rejetée pour les motifs versés au dossier, qu’elle a résumés de la façon suivante (aux paragraphes 5 et 6) :

Il a pris note de l’historique des demandes de remise, du fait que la conseil avait d’abord déclaré qu’elle serait en vacances cette semaine‑là, de l’absence de renseignements concernant l’urgence médicale et du fait que la conseil se portait suffisamment bien pour rencontrer le demandeur d’asile à son bureau le matin de l’audience.

Le tribunal a établi que, compte tenu de toutes les circonstances, les raisons invoquées dans la demande de remise n’étaient pas suffisantes pour reporter l’audience. Cette demande a été rejetée, et l’audience a eu lieu en l’absence de la conseil.

[21]      Pour ce qui est de la demande d’asile, la commissaire a résumé les allégations du demandeur, tout en faisant remarquer que celui-ci avait affirmé qu’il n’était pas possible d’obtenir une copie du rapport de police qu’il affirme avoir fait en 2005. Elle résume également les motifs fournis par le demandeur pour expliquer le temps qu’il a mis avant de demander l’asile au Canada ainsi que ses commentaires au sujet de l’affidavit fourni par la mère du jeune Marcellino Almando Johnson assassiné, et fait remarquer qu’il n’y avait aucun élément reliant la situation de Marcellino au demandeur. Elle constate également qu’aucun élément de preuve émanant de qui que ce soit relié au club de football en 2008 ou par la suite n’a été fourni. Interrogé sur le risque auquel il serait exposé s’il se trouvait en Jamaïque à l’heure actuelle, après sept ans, le demandeur a uniquement pu mentionner l’existence d’une culture mafieuse en Jamaïque et le fait que la violence politique était toujours un phénomène répandu dans son pays.

[22]      D’après la commissaire, les aspects déterminants du dossier étaient les suivants : a) le fait qu’il avait tardé à demander l’asile, aspect qui touche la crainte subjective, et b) l’absence de preuve démontrant le fondement objectif de la demande d’asile tel qu’il existait en 2004-2005 et qui, de l’avis du demandeur, existait toujours en 2012. La commissaire a conclu que le demandeur n’avait pas établi, selon la prépondérance de la preuve, qu’il était une personne à protéger.

[23]      Elle souligne à l’égard du premier point que l’écoulement d’une période de six ans avant la présentation de la demande d’asile est un « retard très important » et ne peut qu’entraîner le rejet de la demande d’asile « en l’absence d’explications jugées raisonnables » (paragraphe 18). La commissaire a estimé que les explications du demandeur n’étaient pas satisfaisantes parce qu’elle a pensé qu’il était peu probable qu’il choisisse le moment et la façon de présenter sa demande d’asile en se fondant sur des conseils informels au lieu de demander conseil à une personne compétente « que ce soit un représentant du gouvernement du Canada ou un avocat, un consultant ou un travailleur communautaire qualifié » (paragraphe 19). La demande présentée par le demandeur aux termes de l’article 96 ne peut être accueillie en raison de l’absence de crainte subjective.

[24]      Pour ce qui est de la demande d’asile présentée par le demandeur en vertu de l’article 97, la commissaire a conclu, également sur la foi du fait qu’il a tardé à présenter sa demande, que le demandeur ne pensait pas qu’il courait les dangers mentionnés.

[25]      Quant aux preuves présentées, la commissaire a pris note de l’affidavit de Marcellino et de la situation générale du pays, mais a estimé que les preuves documentaires n’étayaient pas les affirmations du demandeur concernant le risque auquel il serait exposé en Jamaïque.

Les questions en litige

[26]      Le demandeur ne conteste pas la conclusion que la commissaire a tirée sur le fond de sa demande d’asile. La seule question soulevée dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la SPR a manqué à son obligation d’équité lorsqu’elle a rejeté la demande de remise présentée par le demandeur.

Analyse

[27]      Le défendeur soutient, de manière préliminaire, que l’affidavit du demandeur est fondé sur des déclarations provenant de son avocate au sujet d’événements qui, selon elle, sont survenus. Du point de vue du défendeur, cette façon de faire est tout à fait inappropriée et son avocate propose, par conséquent, que soient radiés un certain nombre de paragraphes de l’affidavit du demandeur ou qu’il ne leur soit attribué aucune force probante.

[28]      Je souscris à l’interprétation qu’a proposée l’avocate du défendeur. La règle 82 des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106) interdit expressément à un avocat d’être à la fois l’auteur d’un affidavit et de présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit. Lorsque la propre crédibilité de l’avocat est en litige, il est préférable qu’il témoigne et qu’il demande à un autre avocat de représenter son client. C’est en fait précisément ce que le Barreau du Haut‑Canada recommande dans ce genre de situation. Dans le commentaire relatif au paragraphe 4.02(2) du Code de déontologie du Barreau du Haut‑Canada (qui interdit à un avocat qui comparaît en cette qualité de témoigner devant le tribunal), on peut lire : « L’avocat ne doit pas se conduire en témoin non assermenté ni mettre sa propre crédibilité en jeu. D’un autre côté, si son témoignage est absolument nécessaire, il doit témoigner et confier la conduite du procès à un ou à une de ses collègues. »

[29]      En l’espèce, l’avocate a indirectement contrevenu à la règle 82 des Règles en faisant en sorte que le demandeur produise un affidavit fondé en partie au moins sur des renseignements qu’elle lui avait fournis et dont il n’avait aucune connaissance personnelle. Cette pratique, qui ne saurait être tolérée, va à l’encontre de l’esprit de cette disposition, puisqu’elle place l’avocate dans une position où elle présente des arguments en se fondant sur son propre témoignage : Osagie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1368, aux paragraphes 22 et 23. Les véritables déclarants ne devraient pas tenter de se soustraire à un contre‑interrogatoire en comparaissant en réalité en qualité de témoin non assermenté. Il est exact, comme le soutient l’avocate du demandeur, que certains des faits au sujet desquels il a témoigné étaient fondés sur des preuves documentaires, à savoir, des lettres que l’avocate avait envoyées à la CISR. De nombreux paragraphes de son affidavit sont toutefois fondés sur du ouï‑dire et ne se limitent pas aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, comme l’exige la règle 81 des Règles.

[30]      Lorsqu’un affidavit propose de fournir une preuve par ouï‑dire, on devrait lui accorder peu de poids, voire aucun. Je souligne également que le paragraphe 81(2) des Règles des Cours fédérales autorise la Cour à tirer des conclusions défavorables du fait qu’une partie n’a pas offert le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits essentiels par ailleurs fondés sur la croyance du déclarant. Pour ces motifs, j’admets que les paragraphes 19, 20, 21, 23, 25 à 29, 35 et 40 à 44 de l’affidavit du demandeur doivent être radiés ou ne se voir accorder qu’une force probante très faible dans la mesure où ils ne font que reproduire ce que l’on trouve déjà dans les preuves documentaires et où ils constituent du ouï‑dire.

[31]      Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable, je conviens également avec l’avocate du défendeur qu’il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la SPR de remettre ou d’ajourner l’audience relative à la demande d’asile du demandeur. La décision de la SPR est une décision discrétionnaire, même si ce pouvoir discrétionnaire doit s’exercer en tenant compte des facteurs énumérés au paragraphe 48(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 (maintenant abrogé) [Règles de la SPR]. La Cour n’interviendra donc pas, à moins qu’elle ne conclue que la SPR a appliqué de façon déraisonnable les facteurs énumérés au paragraphe 48(4) [des Règles de la SPR] : voir Philistin c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1333, au paragraphe 8; Omeyaka c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 78, au paragraphe 13; Julien c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 351 (Julien), au paragraphe 33. Même dans ce cas, la Cour n’intervient que si le demandeur peut établir que le refus de remettre ou d’ajourner une audience a entraîné une violation de l’équité procédurale : voir Cruz Telez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 102 (Telez), aux paragraphes 17 et 18; Javadi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 278 (Javadi), au paragraphe 25; Wagg c. Canada, 2003 CAF 303, [2004] 1 R.C.F. 206 (Wagg), au paragraphe 19.

[32]      Le demandeur et le défendeur étayent manifestement leurs arguments sur différents éléments énumérés au paragraphe 48(4) des Règles de la SPR. Ce paragraphe dispose :

CHANGEMENT DE LA DATE OU DE L’HEURE D’UNE PROCÉDURE

[…]

48. […]

(4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

b) le moment auquel la demande a été faite;

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

f) si la partie est représentée;

g) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

h) tout report antérieur et sa justification;

i) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

j) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable ou causerait vraisemblablement une injustice;

k) la nature et la complexité de l’affaire.

Éléments à considérer

[33]      Dans sa décision, la commissaire résume de la façon suivante les motifs pour lesquels elle a refusé la demande de remise (au paragraphe 5) :

Le tribunal a rejeté la demande de remise et a exposé ses motifs dans le dossier. Il a pris note de l’historique des demandes de remise, du fait que la conseil avait d’abord déclaré qu’elle serait en vacances cette semaine‑là, de l’absence de renseignements concernant l’urgence médicale et du fait que la conseil se portait suffisamment bien pour rencontrer le demandeur d’asile à son bureau le matin de l’audience.

[34]      Il est vrai que la transcription de l’audience indique que la commissaire a également pris en compte le caractère raisonnable du report demandé et le fait que le demandeur était au Canada depuis six ans et demi. Il est toutefois possible de tenir pour acquis que les éléments résumés dans ses motifs étaient les principaux éléments sur lesquels reposait son rejet de la demande de remise.

[35]      À mon avis, ces éléments étaient loin d’être suffisants pour refuser la remise demandée. Il semble que la décision de la commissaire ait été fortement influencée par le fait que l’avocate avait déjà demandé de changer la date de l’audience parce qu’elle avait, avant que le demandeur retienne ses services, planifié des vacances à ce moment‑là. Or, l’avocate n’a manifestement pas pris les vacances prévues et n’avait pas apparemment d’autres raisons de ne pas assister à l’audience, si ce n’est sa mauvaise santé. En fait, le quatrième élément mentionné par la commissaire (le fait que l’avocate était suffisamment en bonne santé pour rencontrer le demandeur à son bureau le matin de l’audience) indique qu’elle admet que l’avocate n’était pas partie en vacances. Il était donc tout à fait inapproprié d’insister sur cet élément le jour de l’audience pour justifier le rejet de la demande de remise, puisque l’avocate avait pris des mesures pour pouvoir comparaître, lorsque sa première demande a été rejetée.

[36]      Quant au manque d’information concernant son état de santé, il aurait évidemment été préférable que l’avocate fournisse des renseignements supplémentaires concernant sa situation. Je constate toutefois que la Cour a déjà déclaré qu’il est à la fois déraisonnable et injuste de mettre en question la véracité des motifs fournis par un représentant au sujet de l’absence d’un autre avocat : voir Telez, précitée, au paragraphe 13. On pourrait s’attendre à ce que le même raisonnement s’applique au moins au même degré lorsque le motif de l’absence est fourni par l’avocat lui‑même (par écrit ou en personne). En outre, la décision au sujet de la remise a été prise séance tenante et la décision finale semble avoir été rédigée le lendemain de l’audience, de sorte que les documents médicaux qui auraient pu corroborer l’incapacité d’assister à l’audience n’auraient probablement servi à rien puisqu’ils n’auraient été obtenus qu’au moment où elle s’est rendue dans le bureau du médecin l’après‑midi de l’audience. Enfin, le fait que l’avocate se soit sentie suffisamment bien pour rencontrer le demandeur le matin du jour de l’audience ne devrait pas nécessairement être retenu contre elle. Tout d’abord, même si la commissaire ne connaissait pas l’existence de la demande de sursis, il existe une différence très importante entre la tenue d’une réunion par téléphone dans son bureau (ou se trouver dans son bureau pour communiquer avec son client et demander une remise à la SPR) et représenter un client en personne au cours d’une audience de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. On pourrait de plus soutenir que le fait que l’avocate ait participé, pour le compte d’un client, à l’audience relative à la demande de sursis, montre son professionnalisme, étant donné que cette audience était beaucoup plus urgente que celle qui portait sur la demande d’asile. En fait, il est possible de dire la même chose du fait qu’elle ait tenté d’obtenir une remise de l’audience devant la commissaire ce même jour.

[37]      En outre, le demandeur soutient que la Commission n’a pas pris en considération les autres éléments pertinents figurant au paragraphe 48(4) des Règles de la SPR avant de rendre sa décision. Par exemple, le motif médical constituait manifestement une circonstance exceptionnelle (alinéa 48(4)a)), il n’y avait pas eu de reports antérieurs dans l’instruction de la demande d’asile (alinéa 48(4)h)), la conseil avait plus de 15 ans d’expérience et sa réputation n’était aucunement mise en doute (alinéa 48(4)g)), la date d’audience fixée n’était pas péremptoire (alinéa 48(4)i)), et la demande d’ajournement n’aurait pas ralenti l’affaire de manière déraisonnable (alinéa 48(4)j)).

[38]      Or, cela ne veut pas dire que le demandeur avait le droit d’obtenir la remise de l’audience. Comme je l’ai indiqué précédemment, c’est une décision discrétionnaire qui appartient à la commissaire. Cela dit, la Commission a l’obligation d’examiner une demande d’ajournement en fonction des principes établis. La Commission est tenue de prendre en considération les éléments énumérés au paragraphe 48(4) des Règles [de la SPR], et ne pouvait légitimement refuser la demande pour la seule raison que l’avocate avait déjà présenté une demande qui avait été refusée. La commissaire ne l’a pas dit expressément, mais il ressort de ses motifs qu’elle ne pensait pas que l’avocate avait agi de bonne foi et qu’elle avait simplement fourni un autre prétexte pour ne pas avoir à comparaître à la date fixée pour l’audience. Selon le dossier soumis à la Cour et en l’absence d’autres explications, les motifs fournis par la commissaire pour refuser la remise de l’audience sont donc déraisonnables.

[39]      Cette conclusion ne suffit toutefois pas pour entraîner à elle seule l’annulation de la décision. Comme la Cour l’a déclaré dans la décision Javadi, précitée, au paragraphe 25 :

La Cour rappelle que la Commission a le pouvoir discrétionnaire d’accueillir une demande d’ajournement. En vertu de la décision de la Cour fédérale dans Vairamuthu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1993] ACF no 772, 42 ACWS (3d) 108, la Cour ne peut critiquer la décision du tribunal en cas de refus d’une demande d’ajournement que si une violation des principes de justice naturelle ou d’équité a résulté de cette décision. Lorsque le tribunal refuse un ajournement, la Cour analyse les circonstances particulières à chaque espèce afin d’établir s’il y a eu violation des principes de justice naturelle (Julien c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2010 CF 351 paragraphe 28, [2010] ACF no 403).

[40]      En l’espèce, le demandeur soutient qu’il n’a pas été en mesure de présenter ses arguments de façon appropriée et équitable, qu’on lui a refusé la possibilité de présenter des observations et d’être interrogé de façon à expliquer sa demande d’asile. Le demandeur soutient également que la commissaire n’a pas respecté les principes de justice naturelle en ne rappelant pas MAnaele sur son portable pour lui signaler que la demande avait été refusée et lorsque la Commission a omis de communiquer immédiatement le nom de la commissaire en réponse à la demande de MAnaele.

[41]      Il est bien établi que le droit à l’avocat n’est pas absolu dans le contexte de l’immigration. L’absence de l’avocat a pour effet d’invalider la décision lorsque cette absence empêche la tenue d’une audience équitable : voir, par exemple, Wagg, précité, au paragraphe 19; Mervilus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1206, aux paragraphes 20 et 21; Julien, précitée, aux paragraphes 28 et 29; Guzun c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1324, au paragraphe 13; Vazquez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 385, au paragraphe 10; Yanez Tecuapetla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 225, au paragraphe 25.

[42]      Il incombe donc au demandeur de démontrer que l’absence de son avocate à l’audience a eu pour effet de rendre l’audience inéquitable. Sur ce point, le demandeur n’est absolument pas convaincant. L’avocate du demandeur a vaguement soutenu qu’elle aurait pu interroger le demandeur, qu’elle aurait pu explorer de nombreux sujets, qu’elle aurait pu au moins demander l’autorisation de produire des observations écrites après l’audience, mais elle n’a fourni aucun exemple concret des preuves ou des arguments qu’elle aurait pu présenter et qui auraient été susceptibles d’influencer le résultat final. Dans la mesure où les questions déterminantes dans la présente affaire portaient sur le fait que le demandeur avait tardé à présenter sa demande d’asile et l’absence de preuve établissant le fondement objectif de la demande, il est difficile d’imaginer ce que l’avocate aurait vraiment pu dire ou faire pour modifier le résultat.

[43]      Il incombait au demandeur de démontrer que l’audience avait été inéquitable parce qu’il n’y avait pas eu le bénéfice de la présence de son avocate. Il ne s’est pas acquitté de ce fardeau. Il ressort d’une lecture attentive de la transcription que le demandeur a eu la possibilité de corriger le dossier au départ et que la commissaire a examiné son affidavit et vérifié le bien‑fondé de sa demande d’asile. Rien n’indique qu’il ait éprouvé de la difficulté à comprendre les questions ou à fournir l’information demandée. Il a également eu la possibilité de présenter des observations à la fin de l’audience. Bref, il n’existe aucun élément indiquant que l’audience n’ait pas été complète et équitable. Cela ne veut pas dire que le demandeur n’aurait pas bénéficié de la présence de son avocate, mais il n’existe aucun élément montrant qu’il a été lésé ou qu’il n’a pu présenter des arguments ou des preuves à l’audience parce que son avocate n’y assistait pas.

[44]      Étant donné que la seule question soulevée par le demandeur est la violation alléguée de l’équité procédurale découlant du refus de la SPR d’accorder sa demande de changement de la date et de l’heure de l’examen de sa demande d’asile, dont la conséquence est que l’avocate n’a pu assister à l’audience, la présente demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

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