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 [2014] 4 R.C.F. 549

IMM-11316-12

2013 CF 512

Construction and Specialized Workers’ Union, section locale 1611, et International Union of Operating Engineers, section locale 115 (demandeurs)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, HD Mining International Ltd., Canadian Dehua International Mines Group Inc. et Huiyong Holdings (BC) Ltd. (défendeurs)

Répertorié : Construction and Specialized Workers’ Union, section locale 1611 c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Zinn—Vancouver, 9, 10, 11 et 12 avril; Ottawa, 21 mai 2013.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Personnes ayant un statut temporaire — Programme des travailleurs étrangers temporaires — Avis sur le marché du travail — Contrôle judiciaire d’une décision par un agent de Ressources humaines et Développement des compétences Canada en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires de rendre des avis sur le marché du travail (les AMT) favorables à l’endroit du défendeur HD Mining International Ltd. (HD Mining) au titre de l’art. 203 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) — L’agent a conclu que les offres d’emploi étaient susceptibles d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail — L’agent a évalué les demandes d’AMT, notamment en examinant l’information sur le marché du travail (IMT), en déterminant les codes de la Classification nationale des professions (CNP) et en évaluant les salaires courants pour les codes de la CNP applicables — Il s’agissait de savoir si l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle en décidant de rendre un AMT favorable — L’agent n’a pas restreint son pouvoir discrétionnaire — Il n’y a pas entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du fait que le travail d’une personne fasse l’objet d’une surveillance — L’agent n’a tiré aucune conclusion déraisonnable lorsqu’il s’est penché sur les facteurs énoncés à l’art. 203(3) du Règlement — Les préoccupations de l’agent dans ses motifs avaient pour but d’être utiles à un autre agent qui examinerait une autre demande d’AMT — Un agent peut exprimer ses réserves tout en rendant une décision favorable — L’appréciation de l’agent et la démarche qu’il a adoptée n’étayaient pas de manière déraisonnable la conclusion qu’il y avait pénurie de main-d’œuvre pour les emplois recherchés — Les exigences des emplois moins spécialisés n’étaient pas démesurées — Le processus de recrutement de HD Mining était authentique — Demande rejetée.

Citoyenneté et Immigration — Pratique en matière d’immigration — Un agent de Ressources humaines et Développement des compétences Canada a rendu en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires des avis sur le marché du travail (les AMT) favorables à l’endroit du défendeur HD Mining International Ltd. (HD Mining) au titre de l’art. 203 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) — Canadian Dehua International Mines Group Inc. (CDI) n’a pas été initialement en mesure d’obtenir des permis de travail — Sa filiale, HD Mining, a présenté de nouveau les demandes pour des travailleurs étrangers — L’agent a conclu que les offres d’emploi étaient susceptibles d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien — Il s’agissait de savoir si le décideur a produit un dossier conforme aux exigences prévues à la règle 17 des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés (Règles en matière d’immigration) — Les demandes d’AMT de CDI n’étaient pas comprises dans la copie certifiée du dossier du tribunal (la CCDT) — La thèse voulant que seuls les documents que l’agent a examinés et sur lesquels il s’est fondé dans l’appréciation des demandes d’AMT devaient être compris dans la CCDT est trop étroite — Ce qui est déterminant, c’est ce que le décideur a examiné ou ce qu’il pouvait examiner — Le décideur doit « disposer » du document — Dans le cas présent le décideur « disposait » du dossier d’AMT de CDI — Le dossier aurait dû être communiqué dans son intégralité — Cependant, rien ne prouve que des éléments qui pourraient être omis de la CCDT étaient déterminants à l’égard de la décision faisant l’objet du présent examen ou auraient pu l’être — Si de tels éléments de preuve avaient existé, il aurait été indiqué de soupeser le caractère déterminant ou vraisemblablement déterminant de l’omission par rapport au préjudice que les sociétés défenderesses subiraient — Le dossier ne contient pas d’éléments superflus — Il n’est pas nécessaire que le dossier du tribunal soit une copie carbone du dossier administratif tenu par le décideur.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTÉT) de rendre des avis sur le marché du travail (les AMT) favorables à l’endroit du défendeur HD Mining International Ltd. (HD Mining) au titre de l’article 203 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement).

La défenderesse, Canadian Dehua International Mines Group Inc. (CDI), une propriétaire partiaire de HD Mining, a initialement demandé des AMT pour extraire un échantillon de mines de charbon en Colombie-Britannique. CDI n’a pas été en mesure d’obtenir ces permis de travail et HD Mining a présenté de nouveau les demandes pour 201 travailleurs étrangers. L’agent a décidé que les offres d’emploi faites par HD Mining aux travailleurs étaient susceptibles « d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien ». L’agent a évalué les demandes d’AMT, notamment en examinant l’information sur le marché du travail (IMT), en déterminant les codes de la Classification nationale des professions (CNP) qui correspondaient aux postes mentionnés dans les demandes, en évaluant les salaires courants pour les codes de la CNP applicables, en examinant la preuve relative au recrutement et aux annonces, et en menant des entrevues téléphoniques avec des représentants de HD Mining.

Les demandeurs ont prétendu, notamment, que les ministres défendeurs n’ont pas remis un dossier adéquat parce qu’il manquait à la CCDT des éléments essentiels et parce qu’il comportait des éléments superflus, que l’agent a restreint son pouvoir discrétionnaire, et que l’agent a tiré un certain nombre d’inférences déraisonnables et qu’il est parvenu à des conclusions déraisonnables lorsqu’il a effectué son appréciation.

Il s’agissait de savoir principalement si le décideur a produit un dossier conforme aux exigences prévues à la règle 17 des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés (Règles en matière d’immigration) et si l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle en décidant de rendre un AMT favorable.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Les demandes d’AMT de CDI ne figuraient pas dans la CCDT. La thèse des défendeurs, selon laquelle seuls les documents que l’agent a examinés et sur lesquels il s’est fondé dans l’appréciation des demandes d’AMT présentées par HD Mining devaient être compris dans la CCDT, était trop étroite. Le fait de se fonder sur un document n’est pas en soi le facteur déterminant. Ce qui est déterminant, c’est ce que le décideur a examiné ou ce qu’il pouvait examiner du fait qu’il en disposait. Sinon, l’application de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales est impossible. Cependant, le simple accès à un document ne suffit pas; le décideur doit « disposer » de celui-ci. En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’agent « disposait » du dossier d’AMT de CDI, car il l’avait recherché et qu’il l’avait examiné à un certain degré. Le ministre aurait dû communiquer l’intégralité du dossier. Cependant, il était impossible de conclure que l’omission d’inclure le reste du dossier de CDI dans la CCDT était telle qu’elle justifiait à elle seule d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Rien ne prouvait que des éléments qui pourraient être omis de la CCDT étaient déterminants à l’égard de la décision faisant l’objet du présent examen ou auraient pu l’être. Les demandeurs n’ont jamais proposé d’exemple plausible de type de renseignements que le dossier de CDI pouvait contenir et qui auraient pu démontrer que la décision de l’agent était déraisonnable. Si on avait conclu que des éléments de preuve déterminants avaient été omis ou vraisemblablement omis de la CCDT, il aurait été indiqué de soupeser le caractère déterminant ou vraisemblablement déterminant de l’omission par rapport au préjudice que les sociétés défenderesses subiraient si la décision devait être annulée pour ce seul motif. Il serait approprié d’effectuer un tel examen, parce que les sociétés défenderesses pourraient subir un préjudice en raison de mesures et de décisions prises par les ministres sur lesquelles elles n’ont aucun contrôle. À titre de parties n’ayant aucun contrôle sur la CCDT, leurs intérêts devraient aussi être mis en balance avec les intérêts des demandeurs. Les demandeurs ont eu tort d’affirmer que le dossier du tribunal comportait des éléments superflus du fait qu’il contenait des documents provenant d’autres sources que le décideur a consultés et qu’il a utilisés pour parvenir à sa décision. Il n’est pas nécessaire que le dossier du tribunal soit une copie carbone du dossier administratif tenu par le décideur. L’alinéa 17b) des Règles en matière d’immigration prévoit plutôt que « tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif » doivent être produits.

L’agent n’a pas restreint son pouvoir discrétionnaire. Le simple fait que le travail d’une personne fasse l’objet d’une surveillance n’amène pas forcément à conclure qu’il y a pour autant entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Rien n’indiquait que l’une ou l’autre des personnes qui s’intéressaient au dossier d’AMT de HD Mining avait donné à l’agent la consigne de faire quoi que ce soit d’autre que de se consacrer exclusivement à la demande et de la traiter avec célérité.

L’agent n’a tiré aucune conclusion déraisonnable lorsqu’il s’est penché sur les facteurs énoncés au paragraphe 203(3) du Règlement. L’agent a conclu que le facteur énoncé à l’alinéa 203(3)b), c’est-à-dire, le transfert de compétences et de connaissances, faisait pencher la balance en faveur de HD Mining. L’agent a fait part dans ses motifs de ses préoccupations quant à la possibilité que l’embauche de travailleurs étrangers ne parlant pas anglais nuise à la création d’emplois et au transfert de compétences et de connaissances aux Canadiens afin que celles-ci puissent être utiles à un autre agent qui examinerait une autre demande d’AMT présentée par HD Mining. Cela enverrait un mauvais message si elle concluait qu’un agent ne peut pas exprimer ses réserves tout en rendant une décision favorable si, somme toute, celle-ci est justifiée; cela pourrait avoir un effet paralysant sur les motifs administratifs. L’appréciation de l’agent et la démarche qu’il a adoptée n’étayaient donc pas de manière déraisonnable la conclusion qu’il y avait pénurie de main-d’œuvre pour ces emplois. Il n’y avait aucun fondement à l’argument des demandeurs selon lequel les exigences des emplois moins spécialisés de travailleurs miniers étaient « démesurées ». Les demandeurs n’ont soulevé aucune erreur susceptible de contrôle dans la conclusion de l’agent au sujet des taux de salaires. Enfin, il n’y avait rien pour étayer la position des demandeurs selon laquelle le processus de recrutement n’était pas authentique.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F-7, art. 18.1(4)d),e).

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72(2).

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 200, 203.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, règle 1612(4) (édictée par DORS/92-43, art. 19).

Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, règle 6, 10, 17.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision suivie :

Deng c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CAF 59.

décisions appliquées :

Patel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 670; Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (C.A.), infirmant (1993), 63 F.T.R. 301 (C.F. 1re inst.); Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339.

décisions examinées :

Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Eason, 2005 CF 1698; Parveen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 7833 (C.F. 1re inst.); Stemijon Investments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299.

décisions citées :

Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1152; Khalife c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 221, [2006] 4 R.C.F. 437; Machalikashvili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 622; Kong c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 101 (1re inst.) (QL); Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 180; Harris c. Canada, [2000] 4 C.F. 37 (C.A.); Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1637 (C.A.) (QL).

demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent de Ressources humaines et Développement des compétences Canada en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires de rendre à l’endroit du défendeur HD Mining International Ltd. des avis sur le marché du travail favorables au titre de l’article 203 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Charles Gordon, Christopher Misura et Lorne Waldman pour les demandeurs.

Lorne Lachance, Helen C. H. Park et Kristin McHale pour les défendeurs le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences.

Aleksandar Stojicevic, Joan M. Young et Robin Junger pour les défenderesses HD Mining International Ltd. et Huiyong Holdings (BC) Ltd.

Laura Best et Darryl W. Larson pour la défenderesse Canadian Dehua International Mines Group Inc.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Glavin Gordon Clements, Vancouver, et Waldman & Associates, Toronto, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences.

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l., Vancouver, et Maynard Kischer Stojicevic, Vancouver, pour les défenderesses HD Mining International Ltd. et Huiyong Holdings (BC) Ltd.

Embarkation Law Group, Vancouver, pour la défenderesse Canadian Dehua International Mines Group Inc.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        Le juge Zinn : Les demandeurs contestent une décision rendue en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires (le PTÉT) du Canada, qui est géré par Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) ainsi que par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Il semble qu’il s’agisse de la première contestation d’une décision favorable rendue en vertu du PTÉT.

[2]        La Cour a reconnu que les demandeurs avaient qualité pour agir dans l’intérêt public pour présenter la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Ils contestent en particulier la décision de l’agent MacLean de RHDCC de rendre des avis sur le marché du travail (les AMT) favorables au titre de l’article 203 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), à HD Mining International Ltd. (HD Mining). M. MacLean a rendu ces AMT favorables parce qu’il a conclu que les offres d’emploi faites par HD Mining à 201 travailleurs provenant de la Chine pour extraire un échantillon global de la mine de charbon de HD Mining située près de Tumbler Ridge, en Colombie‑Britannique (la mine de la rivière Murray) étaient susceptibles « d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien ».

[3]        La nature inédite de la présente demande, l’intérêt que le public a récemment démontré à l’égard du PTÉT ainsi que l’importance des questions en litige pour les demandeurs, les sociétés défenderesses et les ministres ont fait que la demande fut chaudement débattue. La Cour remercie l’ensemble des avocats pour leurs observations écrites et orales détaillées. Cinq requêtes préalables à l’audience étaient toujours en suspens au début de l’audition de l’affaire sur le fond et elles ont fait l’objet d’un jour complet d’audience. Avant d’entendre les arguments sur le fond, j’ai rendu des décisions de vive voix devant être suivies de motifs et d’ordonnances écrits pour toutes les requêtes sauf une, laquelle fut mise en délibéré et est réglée dans les présents motifs du jugement.

LE CONTEXTE

Les parties

[4]        Les demandeurs sont des syndicats qui représentent des travailleurs des mines en Colombie‑Britannique. Ils ne représentent aucun des travailleurs de HD Mining à la mine de la rivière Murray. Comme il a déjà été mentionné, la Cour leur a reconnu qualité pour agir dans l’intérêt public par l’ordonnance du juge Campbell du 22 novembre 2012 [traduction] « parce que, de façon réaliste, il n’y a aucun autre moyen de faire contrôler par la Cour la décision rendue en vertu d’une importante stratégie gouvernementale visant à préserver la santé économique du Canada ».

[5]        HD Mining décrit la principale activité de son entreprise comme étant [traduction] « le développement de biens‑fonds miniers, la mise en valeur de mines et le charbonnage ». HD Mining a présenté des demandes d’AMT les 2 et 15 mars 2012, en vue de faire venir au Canada 201 travailleurs étrangers temporaires (TÉT) provenant de la Chine pour pourvoir 201 postes à la mine de la rivière Murray; ces postes, déclarait‑on, étaient [traduction] « nécessaires pour le travail de construction de la rampe et du puits et pour terminer l’échantillonnage global du charbon » (le travail d’échantillonnage global). M. MacLean de RHDCC a rendu 10 AMT favorables le 25 avril 2012 et, comme il a déjà été mentionné, le présent contrôle judiciaire porte sur sa décision de rendre ces AMT favorables.

[6]        La défenderesse Huiyong Holdings (BC) Ltd. est l’actionnaire détenant le contrôle de HD Mining.

[7]        Canadian Dehua International Mines Group Inc. (CDI) possède 40 p. 100 des actions de HD Mining. La mine de la rivière Murray devait auparavant être exploitée par CDI. En mars 2011, CDI a demandé des AMT pour 92 travailleurs étrangers, dont la plupart, selon ce qu’a écrit M. MacLean dans son document intitulé [traduction] « Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples », lequel sera décrit plus loin, étaient des mineurs de charbon de fond et des travailleurs de soutien et de services de fond. CDI a reçu des AMT favorables le 15 avril 2011.

[8]        M. MacLean a écrit que HD Mining l’avait avisé que CDI [traduction] « n’était pas en mesure d’obtenir des permis de travail » pour ces 92 travailleurs étrangers, et HD Mining a par la suite [traduction] « assumé la responsabilité pour la mise en valeur et les activités » de la mine de la rivière Murray et, [traduction] « pour l’essentiel », HD Mining a présenté de nouveau les demandes pour 84 des 92 travailleurs étrangers initiaux, avec des AMT pour 117 autres travailleurs étrangers, pour un total de 201 travailleurs étrangers. Nous reviendrons sur ce sujet plus loin; toutefois, on a déclaré que la différence entre le nombre de travailleurs étrangers demandés par CDI et par HD Mining venait du fait que CDI, contrairement à HD Mining, [traduction] « n’avait pas inclus la construction du puits en même temps que celle de la rampe ». M. MacLean, pour apprécier la demande de HD Mining, a tenu compte des renseignements contenus dans le dossier d’AMT de CDI. Encore une fois, nous y reviendrons plus loin.

[9]        Les deux ministres défendeurs, le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences ainsi que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, ont chacun la charge d’une partie du PTÉT. RHDCC, par l’entremise de Service Canada, a la responsabilité de rendre les AMT. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, en se fondant en partie sur l’AMT, est chargé de la délivrance des permis de travail aux travailleurs étrangers visés par les AMT, ce qui leur permet d’entrer et de travailler au Canada.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires

[10]      Dans leurs mémoires, les ministres affirment que le PTÉT vise à [traduction] « faciliter l’entrée de travailleurs étrangers pour combler les pénuries de main‑d’œuvre ». Pour entrer au Canada, les travailleurs visés par le PTÉT ont besoin de permis de travail délivrés par CIC en application de l’article 200 du Règlement. Le sous‑alinéa 200(1)c)(iii) du Règlement dispose que l’agent de CIC « délivre un permis de travail à l’étranger si », notamment, l’étranger « a reçu une offre d’emploi et l’agent a rendu une décision positive conformément aux alinéas 203(1)a) à e) ».

[11]      Pour rendre une décision conformément aux alinéas 203(1)a) à e) du Règlement, l’agent de CIC examine, selon l’alinéa 203(1)b), « en se fondant sur l’avis » de RHDCC, si « l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien ».

[12]      L’« avis » de RHDCC est l’AMT. Selon les alinéas 203(3)a) à f) du Règlement, l’agent fonde son avis sur la question de savoir si « l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien » sur les facteurs suivants :

203. […]

(3) […]

a) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner la création directe ou le maintien d’emplois pour des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

b) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner le développement ou le transfert de compétences ou de connaissances au profit des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

c) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible de résorber une pénurie de main-d’œuvre;

d) le salaire offert à l’étranger correspond aux taux de salaires courants pour cette profession et les conditions de travail qui lui sont offertes satisfont aux normes canadiennes généralement acceptées;

e) l’employeur a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables pour embaucher ou former des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

f) le travail de l’étranger est susceptible de nuire au règlement d’un conflit de travail en cours ou à l’emploi de toute personne touchée par ce conflit.

Les demandes d’AMT de HD Mining et le processus d’appréciation

[13]      Le 2 mars 2012, HD Mining a présenté une demande pour 84 TÉT dont elle avait besoin pour construire la rampe de la mine de la rivière Murray. Le 15 mars 2012, elle a présenté une autre demande pour 117 TÉT pour construire le puits. Au total, HD Mining a sollicité 10 AMT pour 201 TÉT dans 6 catégories d’emploi, c’est‑à‑dire : 65 mineurs de fond à la préparation et à la production, 16 opérateurs de convoyeur de fond, 14 travailleurs de fond à la ventilation, 8 travailleurs de fond à la déshydratation du charbon (personnel d’entretien et de soutien des mines), 14 mécaniciens de machines de mines, 30 mineurs de fond à la préparation et à la production, 16 opérateurs de convoyeur de fond, 7 travailleurs de fond à la ventilation, 16 boiseurs de fond, et 15 mécaniciens de machines de mines.

[14]      Le 2 avril 2012, on a affecté M. MacLean de Service Canada au traitement de ces demandes. Il y a travaillé à temps plein du 10 au 25 avril 2012. Dans son affidavit souscrit le 19 mars 2013, M. MacLean a décrit le processus qu’il avait suivi pour apprécier ces demandes d’AMT. Il a examiné l’information sur le marché du travail (IMT), déterminé les codes de la Classification nationale des professions (CNP) qui correspondaient aux postes mentionnés dans les demandes, évalué les salaires courants pour les codes de la CNP applicables, examiné la preuve relative au recrutement et aux annonces, et mené des entrevues téléphoniques avec des représentants de HD Mining.

[15]      En plus d’effectuer une recherche indépendante, comme il a été mentionné ci‑dessus, M. MacLean a eu accès au dossier de Service Canada au sujet de la demande d’AMT présentée par CDI l’année précédente. Il affirme ce qui suit : [traduction] « Je n’étais pas l’agent de programme qui avait apprécié et approuvé les AMT de CDI en 2011, mais j’ai examiné les renseignements au dossier ainsi que toute recherche d’IMT effectuée durant l’appréciation de ce dossier pour avoir de l’information générale. » M. MacLean a été contre‑interrogé au sujet de l’accès au dossier d’AMT de CDI et de l’utilisation qu’il en avait fait et, comme cela sera analysé plus loin, le fait que l’ensemble de ce dossier n’était pas inclus dans la copie certifiée du dossier du tribunal (la CCDT) constitue une question en litige importante.

[16]      L’examen par M. MacLean des demandes d’AMT se trouve dans les [traduction] « Notes d’appréciation » qu’il a rédigées et conservées dans les dossiers informatiques de RHDCC. Après avoir terminé son appréciation, il a rempli un formulaire interne intitulé « Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples », lequel résume la demande, les salaires et les conditions de travail, les efforts de recrutement, ainsi que les commentaires de l’agent. Il a affirmé que RHDCC exige que ce formulaire soit rempli lorsqu’un agent envisage [traduction] « de rendre un avis favorable concernant plus de 50 postes dans une profession en particulier ». Le 23 avril 2012, M. MacLean a transmis son formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples par courriel à un certain nombre de personnes en déclarant ceci : [traduction] « J’aimerais recevoir vos commentaires, vos conseils, vos objections, etc. » M. MacLean n’a reçu aucun commentaire important et il a rendu 10 AMT favorables à HD Mining pour les 201 TÉT.

LES REQUÊTES PRÉALABLES À L’AUDIENCE

[17]      Comme cela a déjà été mentionné, cinq requêtes en suspens ont été entendues au début de l’audience. Des décisions et des ordonnances ont été rendues à l’égard de toutes les requêtes, à l’exception de la deuxième requête, dans laquelle on contestait l’admissibilité d’affidavits souscrits par Curtis Harold et Douglas Sweeney, et qui avait été mise en délibéré.

La deuxième requête

[18]      Au moyen d’une requête déposée le 28 mars 2013, CDI contestait l’admissibilité des éléments suivants :

a. le premier affidavit de Curtis Harold, souscrit le 8 mars 2013;

b. l’affidavit de Douglas Sweeney, souscrit le 13 mars 2013.

[19]      L’objectif des demandeurs, en déposant les affidavits de M. Harold et de M. Sweeney, était d’étayer leur observation selon laquelle HD Mining avait fait de fausses déclarations à RHDCC quant à la nature de son exploitation minière à la rivière Murray. Ils soutiennent que ces affidavits démontrent que HD Mining avait déclaré au ministère de l’Exploitation des ressources naturelles de la Colombie‑Britannique, lorsqu’elle avait demandé un permis d’échantillonnage global, que la technique minière qu’elle utiliserait à cette fin était celle des chambres et des piliers, et non celle des longues tailles. On affirme que cela est contraire à l’énoncé qui se trouve dans la lettre présentée avec les demandes d’AMT, selon lequel : [traduction] « HD Mining emploiera une méthode de construction par longues tailles ». Cette technique n’avait pas été utilisée au Canada.

[20]      Selon les observations des demandeurs, ces éléments de preuve démontrent que HD Mining avait obtenu les AMT au moyen de fausses déclarations. De plus, a‑t‑on soutenu, si la Cour concluait que M. MacLean avait commis une erreur dans sa décision, ces éléments de preuve soulèveraient la question de savoir si la Cour devrait, comme l’a demandé HD Mining, exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser d’annuler les AMT.

[21]      À la fin des plaidoiries, j’ai jugé qu’il était prématuré de rendre une décision quant à l’admissibilité de ces affidavits sans avoir entendu toutes les observations sur le fond. Cela ayant maintenant été fait, et après avoir tenu compte des observations des parties à l’égard de la requête, je conclus que ces deux affidavits ne sont pas admissibles dans la présente demande. En outre, comme je le mentionne plus loin, même s’ils avaient été admis en preuve, je ne leur aurais accordé aucun poids, puisqu’ils étaient peu fiables et n’étayaient pas la prétention des demandeurs selon laquelle HD Mining avait fait de fausses déclarations à RHDCC.

Le premier affidavit de Curtis Harold, souscrit le 8 mars 2013

[22]      M. Harold est un agent pour un des syndicats demandeurs. Il s’était rendu aux bureaux du ministère de l’Exploitation des ressources naturelles de la Colombie‑Britannique, [traduction] « où les documents présentés par HD Mining pour la mine de la rivière Murray devaient être disponibles ». M. Harold a rencontré Diane Howe, l’inspectrice en chef adjointe des mines, qui avait été informée qu’il viendrait faire une copie de la demande que HD Mining avait présentée pour la mine de la rivière Murray.

[23]      Il affirme que Mme Howe [traduction] « m’a emmené à une table sur laquelle il y avait un certain nombre de cartables » qu’elle a décrits comme [traduction] « la demande que j’avais sollicitée ». On lui a également fourni [traduction] « une version électronique de la demande, dont Mme Howe avait fait une copie ». M. Harold affirme qu’il a par la suite été informé par les avocats des demandeurs qu’on lui avait donné [traduction] « le mauvais fichier ».

[24]      Par conséquent, M. Harold est retourné aux bureaux du ministère, et Mme Howe l’a dirigé vers une table sur laquelle il y avait des cartables. Il affirme que : [traduction] « Mme Howe m’a confirmé que ces documents provenaient de HD Mining et concernaient la mine de la rivière Murray, et j’ai examiné les documents et confirmé que c’était le cas. » On lui a encore une fois fourni une version électronique du dossier de la demande et on lui a dit de prendre les quatre grands cartables, au lieu d’en faire des copies, puisqu’il s’agissait de copies du dossier original. Il affirme avoir ensuite expédié la version électronique et la version papier du dossier aux avocats des demandeurs.

[25]      Bien qu’il affirme qu’on lui a donné une copie électronique et une copie papier du dossier en possession du ministère, il n’en joint que des extraits à son affidavit, ce qui fait que la Cour ne peut savoir si le contenu complet de la demande étaie sa prétention.

[26]      Plus particulièrement, M. Harold a joint à son affidavit trois pièces qu’il décrit ainsi :

[traduction]

10. Je joins à mon affidavit, en tant que pièce A, une copie du document intitulé « Avis de demande de travaux : projet d’échantillonnage global de charbon de la rivière Murray », daté du 30 juin 2011, qui se trouvait dans les deux versions, électronique et papier, des documents que m’a fournis le ministère de l’Exploitation des ressources naturelles le 15 février 2013, y compris le document à l’appui intitulé « Intervention d’urgence en matière de premiers soins et de sauvetage dans la mine », mais excluant les autres documents à l’appui.

11. Je joins à mon affidavit, en tant que pièce B, une copie de la pièce C jointe à l’avis de demande de travaux, intitulée « Conception de l’échantillonnage global de la rivière Murray », que m’a aussi fournie le ministère de l’Exploitation des ressources naturelles le 15 février 2013. Ce document ne faisait partie que de la version papier du dossier dont j’ai fait une copie.

12. Je joins à mon affidavit, en tant que pièce C, une copie du « Supplément à l’avis de demande de travaux : projet d’échantillonnage global de charbon de la rivière Murray », daté du 18 janvier 2012, y compris la lettre d’accompagnement, la liste de documents, la liste mise à jour du matériel et les consignes de sécurité pour l’échantillonnage global. Ce document m’a aussi été fourni le 15 février 2013 par le ministère de l’Exploitation des ressources naturelles. Ce document ne faisait partie que de la version papier du dossier dont j’ai fait une copie.

13. Le supplément à l’avis de demande de travaux était le document le plus récent compris dans la documentation qui m’a été donnée par les fonctionnaires du ministère de l’Exploitation des ressources naturelles. Je leur ai demandé s’ils avaient d’autres documents concernant la mine de la rivière Murray et ils m’ont dit qu’ils m’avaient fourni tous les documents en leur possession relativement à la mine de la rivière Murray.

[27]      CDI s’oppose à l’admissibilité de cet affidavit et de ces pièces, notamment en affirmant que les demandeurs, par le dépôt de cette documentation, tentent de contourner une ordonnance antérieure préalable à l’audience rendue par la Cour. Avant que l’autorisation relative à la présente demande soit accordée, les demandeurs avaient sollicité l’autorisation de déposer un affidavit en réponse auquel étaient jointes, en tant que pièces, les pièces A et B de l’affidavit de M. Harold. Le juge Manson avait refusé l’autorisation et avait écrit que ces documents [traduction] « ne sont pas à jour et ne reflètent pas les renseignements supplémentaires quant aux activités de HD Mining fournis au ministère de l’Énergie, des Mines et du Gaz naturel de janvier 2012 à janvier 2013, y compris au moment de la demande d’avis relatifs au marché du travail (AMT) en mars 2012 ».

[28]      Pour conclure que les renseignements proposés par les demandeurs n’étaient pas à jour, le juge Manson s’est appuyé sur les renseignements dans le troisième affidavit de Michael Xiao, souscrit le 22 février 2013, qui avait été déposé en réponse à la requête des demandeurs. Dans cet affidavit, M. Xiao affirme qu’il y a eu dépôt de plans et de schémas jusqu’en janvier 2013. Le fait que HD Mining ait fait mention de cet affidavit dans son mémoire fut l’objet d’une requête et on a jugé que cette mention était inappropriée.

[29]      CDI s’oppose aussi à l’admissibilité de l’affidavit de M. Harold du fait qu’il comprend une preuve par ouï‑dire et qu’il contient des éléments dont le décideur ne disposait pas.

[30]      La règle 10 des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22 (les Règles en matière d’immigration), renvoie à « un ou plusieurs affidavits établissant les faits invoqués à l’appui » de la demande. Le juge Manson a fait remarquer que [traduction] « la Cour a fait preuve d’une certaine latitude en permettant que des documents soient présentés en plus de ceux dont disposait le décideur »; toutefois, un affidavit déposé à l’appui d’une demande doit se limiter aux faits dont l’auteur a une connaissance personnelle. Le ouï‑dire est recevable, pourvu que l’on en démontre la nécessité et la fiabilité : Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1152. Les demandeurs n’ont fait aucun effort pour établir qu’il était « nécessaire » que l’affidavit comprenant ces pièces soit souscrit par quelqu’un d’autre que le fonctionnaire chargé de la conservation de ces documents officiels. Je suppose qu’on ne pouvait pas invoquer un argument de ce genre, parce qu’il semble que Mme Howe, qui aurait pu faire un tel affidavit, avait très bien collaboré avec les demandeurs et leur avait apporté son aide.

[31]      En outre, je ne puis conclure que cette preuve est fiable. M. Harold affirme qu’on lui avait donné une copie papier et une copie électronique, mais certains des documents joints ne proviennent que d’une seule source. Plus précisément, le [traduction] « Supplément à l’avis de demande de travaux : projet d’échantillonnage global de charbon de la rivière Murray » du 18 janvier 2012, dont ne disposait pas le juge Manson, ne se trouvait que dans la version papier du dossier. Cela met en doute la véracité de la déclaration selon laquelle Mme Howe a fourni une copie complète, en format papier et en format électronique, de la demande.

[32]      Ce qui est plus troublant, c’est la déclaration de M. Harold selon laquelle une personne non identifiée lui a dit que les fonctionnaires lui [traduction] « avaient fourni tous les documents en leur possession relativement à la mine de la rivière Murray » et que le document le plus récent était le [traduction] « Supplément à l’avis de demande de travaux : projet d’échantillonnage global de charbon de la rivière Murray » du 18 janvier 2012. Cela est troublant, parce que M. Harold ne donne aucune source pour ces renseignements et parce que le juge Manson fait mention de renseignements fournis au ministère [traduction] « de janvier 2012 à janvier 2013 » (non souligné dans l’original). À la lumière de l’énoncé antérieur de la Cour selon lequel des renseignements ont été fournis jusqu’en janvier 2013, la preuve du contraire, pour être fiable, devait être fondée sur une connaissance personnelle, et non sur du ouï‑dire.

[33]      Comme l’affidavit ne satisfait pas au critère pour constituer une exception quant à la non‑admissibilité de la preuve par ouï‑dire lors de demandes présentées au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), il n’est pas admissible.

Affidavit de Douglas Sweeney, souscrit le 13 mars 2013

[34]      M. Sweeney était inspecteur en chef des mines de la Colombie‑Britannique. Il affirme qu’il [traduction] « communiquait » avec Mme Howe et qu’il lui avait demandé de lui remettre [traduction] « une copie du permis d’échantillonnage global qui avait été délivré à HD Mining pour la mine de la rivière Murray, ainsi que l’avis de demande de travaux ». Mme Howe a écrit ce qui suit dans le courriel qu’elle a envoyé à M. Sweeney :

[traduction] Veuillez trouver ci‑jointe une copie du permis d’échantillonnage global pour la mine de la rivière Murray. Je viens tout juste d’examiner [l’avis de demande] et il s’agit d’un très gros document et, malheureusement, je ne serai pas capable d’obtenir une copie afin que vous puissiez l’examiner, nous ne disposons tout simplement pas du temps ni du personnel nécessaires pour que l’on puisse rassembler tout cela en temps opportun.

M. Sweeney déclare ensuite dans son affidavit que [traduction] « comme il a déjà été mentionné, j’ai pu toutefois obtenir de la part des Métallos et de Me Gordon une copie de l’avis de demande de travaux ». Ce qui avait « déjà été mentionné », c’était que Me Gordon, l’avocat des demandeurs, lui avait déjà remis une copie des documents suivants :

[traduction] Le troisième affidavit de Michael Xiao, l’avis de demande de travaux, le projet d’échantillonnage global de charbon de la rivière Murray du 30 juin 2011 déposé par HD Mining, ainsi que des extraits du supplément à l’avis de demande de travaux : projet d’échantillonnage global de charbon de la rivière Murray du 12 janvier 2012, lesquels extraits comprenaient une lettre d’accompagnement adressée à Diane Howe, l’inspectrice en chef adjointe de la restauration des mines et des permis, une liste de documents, une liste mise à jour du matériel et les consignes de sécurité pour l’échantillonnage global.

[35]      Cet élément de preuve soulève d’autres préoccupations. Premièrement, selon Curtis Harold, Mme Howe lui a remis une copie électronique et une copie papier du dossier du Ministère le 15 février 2013. Ces pièces comprenaient la demande de travaux; toutefois, très peu de temps après, Mme Howe a dit à M. Sweeney qu’elle ne pouvait pas lui fournir une copie parce que [traduction] « nous ne disposons tout simplement pas du temps ni du personnel nécessaires pour que l’on puisse rassembler tout cela en temps opportun ». Comment cela était‑il possible, si une copie électronique et une copie papier avaient déjà été rassemblées et remises à M. Harold?

[36]      Deuxièmement, le permis d’échantillonnage global qui a été délivré à HD Mining le 15 mars 2012, et que Mme Howe a envoyé à M. Sweeney, figurait, on peut supposer, dans le dossier du ministère; toutefois, ce permis ne figurait pas parmi les documents censément complets que Mme Howe avait remis à M. Gordon le 15 février 2013 — 11 mois après la délivrance du permis. Nous savons qu’il n’y figurait pas parce que M. Gordon affirme que le document le plus récent dont disposait le ministère, et dont copie lui avait été remise, était le supplément à l’avis de demande de travaux du 18 janvier 2012.

[37]      Ces préoccupations constituent une autre raison de mettre en doute le caractère complet des documents qui ont été remis à M. Harold et que celui‑ci a déposés. Elles mettent également en doute l’exactitude de la déclaration relatée par M. Harold dans son affidavit voulant que le supplément à l’avis de demande de travaux du 18 janvier 2012 fût le document le plus récent figurant dans les dossiers du Ministère.

[38]      Quoi qu’il en soit, M. Sweeney affirme, en se fondant sur l’examen qu’il a fait des « extraits » du supplément à l’avis de demande de travaux du 18 janvier 2012, y compris la liste mise à jour du matériel et les consignes de sécurité pour l’échantillonnage global, que [traduction] « rien dans ces documents n’indique qu’une exploitation par longues tailles sera faite » et que la liste de matériel [traduction] « ne comprend pas du matériel pour l’exploitation par longues tailles ». Je suis d’accord avec CDI pour affirmer que M. Sweeney formule une opinion fondée sur ces documents alors qu’il n’a pas les compétences pour en formuler une. De plus, il fonde son opinion sur des documents que la Cour a déjà jugés comme n’étant [traduction] « pas à jour ».

[39]      En plus de ces opinions, M. Sweeney affirme en dernier lieu, au paragraphe 7, que [traduction] « selon l’alinéa 2d) du permis d’échantillonnage global », HD Mining ne pourrait pas changer de méthode d’échantillonnage global. Toutefois, le permis d’échantillonnage global ne comprend pas d’alinéa 2d). Comme les demandeurs le prétendent, il s’agissait peut‑être d’une erreur et c’était peut-être de l’alinéa 2c) dont il voulait parler. Néanmoins, cela étaye peu l’opinion voulant qu’il ait produit une preuve digne de foi, même si elle n’était pas contestable à titre de preuve d’opinion.

[40]      Pour ces motifs, je conclus que l’affidavit de M. Sweeney n’est pas admissible. De toute façon, même si je l’avais accepté, je ne lui aurais accordé aucune importance. Il ne s’agit tout simplement pas d’une preuve digne de foi, car elle repose en grande partie sur l’affidavit de M. Harold et ses pièces, lesquels, selon moi, ne sont pas dignes de foi.

[41]      Par conséquent, je conclus que le premier affidavit de Curtis Harold souscrit le 8 mars 2013 et l’affidavit de Douglas Sweeney souscrit le 13 mars 2013 ne sont pas admissibles; ils sont radiés du dossier.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[42]      Les parties ont soulevé un certain nombre de questions portant sur le bien‑fondé de la demande. Voici un résumé de ces questions :

1. La Cour a‑t‑elle prorogé, ou devrait‑elle proroger, le délai prévu en l’espèce pour la demande d’autorisation?

2. Le décideur a‑t‑il produit un dossier conforme aux exigences prévues à la règle 17 des Règles en matière d’immigration et, dans le cas contraire, quel devrait être le redressement?

3. Des passages de l’affidavit de M. MacLean devraient‑ils être radiés au motif qu’ils tentent d’étayer les motifs de sa décision?

4. HD Mining a‑t‑elle fait des déclarations inexactes importantes dans ses demandes d’AMT?

5. Quelle norme de contrôle convient‑il d’appliquer à la décision d’un agent de rendre un AMT favorable?

6. M. MacLean a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en décidant de rendre un AMT favorable à HD Mining?

ANALYSE

1. Prorogation de délai

[43]      La décision de rendre des AMT favorables qui fait l’objet du présent contrôle a été rendue et transmise à HD Mining par lettre datée du 25 avril 2012. L’alinéa 72(2)b) de la LIPR prévoit que lorsqu’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire vise une décision rendue au Canada, comme c’est le cas en l’espèce, le demandeur doit la signifier et la déposer « dans les quinze […] jours […] suivant […] la date où le demandeur en est avisé ou en a eu connaissance ». L’alinéa 72(2)c) prévoit que « le délai peut toutefois être prorogé, pour motifs valables, par un juge de la Cour ».

[44]      HD Mining affirme qu’il [traduction] « est difficile de croire » que les demandeurs n’aient pas eu connaissance plus tôt des décisions relatives aux AMT étant donné que l’un des syndicats demandeurs compte des membres et des agents et possède un bureau à Tumbler Ridge, et que cette question a fait l’objet de discussions dans les médias locaux dès le printemps 2011. Il s’agit d’une hypothèse. La meilleure preuve quant au moment auquel les demandeurs ont appris que des AMT favorables avaient été remis figure dans l’affidavit de Brian Cochrane, directeur syndical de l’International Union of Operating Engineers, section locale 115, et dans le second affidavit de Mark Olsen, directeur syndical de la Construction and Specialized Workers’ Union, section locale 1611. Ceux‑ci affirment qu’ils ont appris la nouvelle lorsque le Vancouver Sun en a fait mention le 10 octobre 2012 ou vers cette date. Ils ont tous deux fait l’objet d’un contre‑interrogatoire serré et leurs témoignages n’ont pas été ébranlés. Par conséquent, leurs témoignages sont acceptés. Par application de l’alinéa 72(2)b) de la LIPR, le délai accordé aux demandeurs pour signifier et déposer une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a expiré le 25 octobre 2012.

[45]      Dans leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée le 2 novembre 2012, les demandeurs ont sollicité explicitement une prorogation de délai comme l’exigent les Règles en matière d’immigration. HD Mining, la seule défenderesse qui a déposé des observations, s’est opposée à la fois à la demande d’autorisation et de prorogation de délai.

[46]      La règle 6 des Règles en matière d’immigration dispose que « [t]oute demande visant la prorogation du délai […] se fait dans la demande d’autorisation même, selon la formule IR‑1 » et qu’« il est statué sur la demande de prorogation de délai en même temps que la demande d’autorisation et à la lumière des mêmes documents versés au dossier ». Dans son ordonnance, le juge Russell a accordé l’autorisation, mais n’a pas expressément examiné la demande de prorogation de délai.

[47]      HD Mining prétend que la question de l’autorisation n’a pas encore été réglée et, se fondant sur l'arrêt Deng c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CAF 59 (Deng), et la décision Khalife c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 221, [2006] 4 R.C.F. 437 (Khalife), elle prétend que [traduction] « lorsque l’ordonnance accordant l’autorisation de présenter la demande de contrôle judiciaire est muette quant à cette question préliminaire (comme c’est le cas en l’espèce), il ne faut pas présumer qu’une prorogation de délai a été accordée ».

[48]      Dans l'arrêt Deng, la Cour d’appel [fédérale] [au paragraphe 16] a expressément souscrit à la déclaration suivante qu’a faite la juge Tremblay‑Lamer dans la décision Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Eason, 2005 CF 1698 [au paragraphe 20], qui, bien qu’elle eût trait à une décision rendue par un membre de la Commission d’appel des pensions, a été jugée par la Cour d’appel [fédérale] comme ayant trait à une « situation similaire » au dossier d’immigration dont elle était saisie :

   Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, le membre en question de la Commission est resté muet sur la question de la prorogation du délai. Le défendeur soutient que, l’autorisation d’interjeter appel ne pouvant être accordée à moins que ne soit aussi accordée une prorogation de délai, on peut inférer de la décision du membre d’accorder ladite autorisation qu’il a aussi accordé une telle prorogation. Je ne souscris pas à cette proposition. S’il est vrai que M. Eason a effectivement demandé à la fois une prorogation de délai et l’autorisation d’interjeter appel, on ne peut automatiquement conclure, du simple fait qu’il a accordé l’autorisation demandée, que le membre de la Commission a examiné la question de la prorogation de délai. L’instance de décision doit explicitement examiner la question de savoir s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai. Le membre de la Commission outrepasse sa compétence, ou ne l’exerce pas dûment, s’il accorde l’autorisation d’interjeter appel sans aussi consentir une prorogation du délai d’appel. [Non souligné dans l’original.]

[49]      N’eût été la décision rendue par la Cour d’appel [fédérale] dans Deng, j’aurais estimé qu’il conviendrait de présumer qu’en l’absence de preuve contraire, le juge saisi d’une demande d’autorisation qui comprend une demande de prorogation de délai a correctement appliqué les dispositions de la règle 6 des Règles en matière d’immigration et n’a pas outrepassé sa compétence en accordant l’autorisation alors qu’aucune prorogation de délai n’a été accordée. N’eût été de l’arrêt Deng, j’aurais également cru, compte tenu du libellé explicite de la règle 6 des Règles en matière d’immigration voulant qu’une demande de prorogation de délai doit être entendue « en même temps » que la demande d’autorisation, que seul le juge saisi de la demande d’autorisation, et non pas le juge qui entend la demande, a compétence pour accorder la prorogation de délai. Toutefois, j’estime que je suis lié par la décision rendue par la Cour d’appel [fédérale] dans Deng et je déciderai donc s’il convient d’accorder une prorogation de délai parce que le juge Russell n’a pas expressément examiné cette question dans son ordonnance accordant l’autorisation.

[50]      La prorogation de délai demandée est accordée. Je suis convaincu qu’il est satisfait au critère résumé dans la décision Patel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 670 (Patel). Selon ce critère, un demandeur doit établir « a) une intention constante de poursuivre sa demande, b) que la demande est bien fondée, c) que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai et d) qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai » : Patel, précitée, au paragraphe 12.

[51]      La preuve déposée indique que, dès qu’ils ont été mis au courant des AMT, les demandeurs ont eu l’intention de poursuivre la demande. Ils ont retenu les services d’un avocat, y compris un expert en droit de l’immigration, ils ont fait des efforts afin d’avoir accès aux décisions en litige et ils ont fait des recherches afin de voir comment contester les décisions. La demande est bien fondée. Le juge Russell, même s’il a rejeté une requête en injonction, a conclu qu’une question sérieuse avait été soulevée et a conclu qu’il y avait une question soutenable lorsqu’il a accordé l’autorisation. Le fait que les parties ont discuté de la question du bien‑fondé de la demande pendant près de trois jours fait ressortir qu’il existe une cause soutenable.

[52]      Malgré les efforts de l’avocat de HD Mining, je ne suis pas convaincu que celle‑ci subira un préjudice si la prorogation de délai est accordée. Elle prétend qu’elle [traduction] « a dépensé des dizaines de millions de dollars afin de préparer le projet », qu’elle s’est fiée aux AMT [traduction] « de bonne foi et a structuré toute sa planification et ses ententes en fonction d’un plan de travail complexe comprenant de nombreuses étapes interdépendantes menant à l’extraction de l’échantillon global ». Quoi qu’il en soit, le préjudice qui doit être examiné en l’espèce est le préjudice, s’il en est, qui s’est produit entre la date prévue pour déposer une demande et la date à laquelle la demande a été déposée, et non pas au cours de la période complète de 15 jours suivant la date à laquelle les décisions relatives aux AMT ont été transmises à HD Mining. Les demandeurs ont déposé la présente demande le 2 novembre 2012, ce qui signifie, compte tenu de ma conclusion concernant leur connaissance, qu’ils n’étaient en retard que d’une semaine. HD Mining n’a pas prétendu qu’elle a subi un préjudice important durant ce court délai. Il est vrai que la présente situation est quelque peu particulière et potentiellement injuste pour HD Mining car la présente demande a été déposée par des tiers, dans un délai qui dépend de leur connaissance subjective. Par conséquent, il peut être justifié d’adopter une notion plus large du préjudice. Toutefois, même si on applique une notion plus large du préjudice, rien ne prouve qu’une partie des fonds qui ont été dépensés sera perdue si la présente demande est instruite ou sera perdue même si la demande est accueillie. HD Mining a dépensé ces fonds et fait tous ces préparatifs parce qu’elle croyait que la mine de la rivière Murray est une mine de charbon rentable dont elle tirera des bénéfices importants. Il n’y a pas de changement à cet égard. Il se peut que HD Mining ait à apporter des modifications à son exploitation si la présente demande est accueillie; toutefois, tout préjudice que HD Mining pourrait subir doit être évalué par rapport à l’intérêt qu’a le public à ce que la décision relative aux AMT soit examinée par une cour de justice.

[53]      Enfin, il a été établi qu’une explication raisonnable justifiait le retard. Comme l’ont prétendu les demandeurs, il s’agit d’un litige « inédit » relatif à une décision qu’ils n’avaient pas et qui portait sur des parties qui n’étaient pas clairement identifiées. Il n’est guère étonnant, dans de telles circonstances, que les cabinets d’avocats dont les services ont été retenus aient eu besoin d’un certain temps pour déterminer comment contester la décision et pour quels motifs. En outre, ce qui constitue une explication raisonnable dépendra de la durée du retard. Comme je l’ai déjà souligné, les demandeurs n’étaient en retard que d’une semaine. Ce retard est relativement court compte tenu de la complexité de la présente affaire. Pour ces motifs, j’accorde la prorogation de délai sollicitée par les demandeurs.

2. Le dossier

[54]      Les demandeurs prétendent que les ministres n’ont pas remis un dossier adéquat parce qu’il manque à la CCDT des éléments essentiels et parce qu’il comporte des éléments superflus.

[55]      La règle 17 des Règles en matière d’immigration est ainsi libellé :

17. Dès réception de l’ordonnance visée à la règle 15, le tribunal administratif constitue un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

a) la décision, l’ordonnance ou la mesure visée par la demande de contrôle judiciaire, ainsi que les motifs écrits y afférents;

b) tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif,

c) les affidavits et autres documents déposés lors de l’audition,

d) la transcription, s’il y a lieu, de tout témoignage donné de vive voix à l’audition qui a abouti à la décision, à l’ordonnance, à la mesure ou à la question visée par la demande de contrôle judiciaire,

dont il envoie à chacune des parties une copie certifiée conforme par un fonctionnaire compétent et au greffe deux copies de ces documents.

[56]      Les demandeurs prétendent qu’il manque des éléments essentiels à la CCDT de 922 pages qui a été déposée et signifiée par le ministre de RHDCC en conformité avec la règle 17 des Règles en matière d’immigration, parce qu’elle ne comprend pas tous les documents que M. MacLean [traduction] « a examinés » lorsqu’il a évalué les AMT de HD Mining, à savoir l’ensemble du dossier relativement aux AMT qui avaient été remis environ un an plus tôt à CDI. Ils prétendent que le dossier comprend des éléments superflus parce que la CCDT comprend des documents qui, comme il a été reconnu, ont été copiés d’un dossier autre que le dossier d’AMT de HD Mining.

[57]      Je souscris à la prétention des demandeurs voulant que, lors d’une demande en matière d’immigration, personne d’autre que le ministre ne participe à la constitution du dossier du tribunal et que, ainsi, la partie adverse et la Cour se fient grandement à lui pour qu’il constitue un dossier adéquat et complet. Je suis également d’accord avec eux pour affirmer qu’« un dossier incomplet pourrait, dans certaines circonstances, constituer un motif suffisant en soi d’annulation d’une décision faisant l’objet d’une demande de contrôle judiciaire » (non souligné dans l’original) : Parveen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 7833 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 9, le juge Reed; voir également Machalikashvili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 622; Kong c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 101 (1re inst.) (QL); et Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 180.

[58]      Les ministres prétendent que, selon la jurisprudence susmentionnée, il n’est possible d’annuler une décision pour motif de dossier incomplet que lorsque les documents manquants sont « manifestement essentiels », « particulièrement déterminants » ou « cruciaux » quant à une question et que le décideur s’est fondé sur ceux‑ci. Ils prétendent que les documents qui, selon les demandeurs, n’ont pas été inclus dans la CCDT ne satisfont pas à ce critère, même s’ils sont pertinents et même s’ils auraient dû être inclus dans la CCDT.

[59]      La règle 17 des Règles en matière d’immigration dispose qu’en plus de la décision contestée, des affidavits et des documents déposés lors de l’audition, et de la transcription, s’il y a lieu, la CCDT doit comprendre « tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif » (non souligné dans l’original). Les ministres prétendent que des directives concernant le critère de la pertinence figurent dans la décision rendue par la Cour d’appel dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (Pathak). Dans l’arrêt Pathak, il s’agissait du contrôle d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne par laquelle celle‑ci avait rejeté la plainte de M. Pathak. La CCDT comprenait tous les documents dont la Commission était saisie lorsqu’elle a rendu cette décision, y compris un rapport de l’enquêteur de la Commission. Toutefois, le demandeur a en outre demandé que soient inclus dans le dossier tous les renseignements dont l’enquêteur était saisi lorsqu’il avait rédigé son rapport.

[60]      Un juge de la Section de première instance [(1993), 63 F.T.R. 301] avait enjoint à la Commission canadienne des droits de la personne de déposer des copies certifiées des documents utilisés par l’enquêteur en rédigeant son rapport, et ce, en conformité avec les Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, qui prévoyaient qu’une partie à une demande de contrôle judiciaire pouvait demander des pièces en la possession du décideur. La règle 1612(4) [édictée par DORS/92-43, art. 19] prévoyait de plus que ces pièces « doivent être pertinentes à la demande de contrôle judiciaire ». Compte tenu de la similarité de ce libellé avec celui de la règle 17 des Règles en matière d’immigration, je suis d’accord avec les ministres pour affirmer que cet arrêt nous éclaire en ce qui concerne le critère de la pertinence.

[61]      La Cour d’appel, dans l’arrêt Pathak, a conclu que ces documents additionnels n’étaient pas pertinents. Elle a conclu qu’il faut présumer que le rapport de l’enquêteur est un résumé exact et complet de la preuve dont il était saisi et elle a de plus souligné que le rapport de l’enquêteur ne faisait l’objet d’aucune contestation dans l’avis de demande. Par conséquent, elle a conclu que la preuve dont l’enquêteur était saisi n’était pas pertinente quant à l’affaire faisant l’objet d’un contrôle. À la page 460, la Cour d’appel décrit de la manière suivante les documents pertinents pour les besoins d’un contrôle judiciaire :

   Un document intéresse une demande de contrôle judiciaire s’il peut influer sur la manière dont la Cour disposera de la demande. Comme la décision de la Cour ne portera que sur les motifs de contrôle invoqués par l’intimé, la pertinence des documents demandés doit nécessairement être établie en fonction des motifs de contrôle énoncés dans l’avis de requête introductif d’instance et l’affidavit produits par l’intimé.

[62]      Je tiens à souligner ici que l’affirmation de la Cour d’appel selon laquelle la pertinence doit nécessairement être examinée en tenant compte des motifs de contrôle énoncés dans la demande constitue une réponse complète à l’argument des demandeurs voulant qu’il était quelque peu inapproprié ou répréhensible que les ministres aient constitué le dossier du tribunal après avoir examiné et tenu compte des motifs de contrôle invoqués par les demandeurs.

[63]      Compte tenu de ce cadre fondamental, les deux questions de fait qui doivent être tranchées sont la question de savoir si on a exclu à tort de la CCDT des documents pertinents qui auraient dû en faire partie, et celle de savoir si on a inclus à tort dans la CCDT des documents qui n’auraient pas dû en faire partie.

L’exclusion d’éléments essentiels dans le dossier

[64]      Dans leur mémoire supplémentaire des faits et du droit, les demandeurs soutiennent que la CCDT [traduction] « ne comprend pas des documents cruciaux sur lesquels l’agent a reconnu s’être fondé » (non souligné dans l’original). Les demandeurs ont formulé leur plaidoirie orale de manière plus large : ils ont déclaré que [traduction] « si M. MacLean avait examiné et consulté le dossier de [CDI], nous ne devrions pas seulement avoir une partie de ce dossier, mais bien la totalité de celui‑ci ». Il en est ainsi parce que, si je comprends bien leur observation, ce n’est que s’ils ont accès à l’ensemble du dossier de CDI qu’ils peuvent prétendre que l’agent [traduction] « a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée […] sans tenir compte des éléments dont il dispose » (non souligné dans l’original), plus précisément le dossier de CDI. Sans avoir pu consulter la totalité du dossier de CDI, il est évidemment purement conjectural de prétendre que l’agent a commis une erreur en omettant d’en tenir compte; les demandeurs ne peuvent néanmoins mettre de l’avant ce moyen, puisqu’ils n’ont aucune idée des autres éléments que le dossier de CDI pouvait contenir. Par conséquent, si l’on tient pour acquis que M. MacLean « disposait » de la totalité du dossier de CDI au cours de ses délibérations, le présent contrôle judiciaire est quelque peu contrecarré, et on ne peut examiner la décision de façon complète.

[65]      Les ministres adoptent un point de vue plus étroit. Ils sont d’avis que la CCDT doit contenir les éléments dont l’agent a tenu compte et sur lesquels il s’est fondé dans l’appréciation des demandes d’AMT présentées par HD Mining. Ils affirment que tous les documents correspondant à cette description sont inclus dans la CCDT.

[66]      Je conviens, à une exception près, que les documents contenant tous les renseignements dont l’agent a tenu compte et sur lesquels il s’est fondé de manière explicite étaient inclus dans la CCDT. Cela est fondé sur ma conclusion que, selon la prépondérance des probabilités, au vu de ses motifs et du contre‑interrogatoire, dont des extraits sont reproduits ci‑dessous, M. MacLean a tenu compte des éléments suivants du dossier d’AMT de CDI et s’est fondé sur eux :

a. Les notes de l’agent ayant examiné la demande de CDI, qui comprenaient l’IMT et les renseignements relatifs à la demande d’AMT de CDI :

[traduction] J’ai bel et bien examiné les notes en ligne du système relatif aux travailleurs étrangers qui ont été rédigées par l’agent de programme qui allait examiner ce dossier. En temps normal, je veux dire, dans un cas comme celui‑ci, nous examinerions la demande antérieure dans les notes qui ont été consignées, parce que les demandes étaient liées, l’information sur le marché du travail avait été consignée au système relatif aux travailleurs étrangers aussi, et je l’ai examinée.

Contre‑interrogatoire de M. MacLean, le 25 mars 2013, page 11, aux lignes 3 à 11.

b. Les demandes d’AMT de CDI :

[traduction] C’est ce dont je me souviens, oui, je crois que j’ai examiné les demandes de [CDI].

Contre‑interrogatoire de M. MacLean, le 25 mars 2013, page 11, aux lignes 18 et 19.

c. Le nombre de travailleurs étrangers temporaires et les postes demandés par CDI :

[traduction]

Q. Vous avez examiné les postes et le nombre de postes pour lesquels CDI a présenté une demande et les avez comparés à ceux pour lesquels HD Mining a présenté une demande?

R. Oui.

Contre‑interrogatoire de M. MacLean, le 25 mars 2013, page 11, aux lignes 25 à 28.

d. Les exigences en matière d’expérience des postes demandés par CDI :

[traduction]

Q. Vous avez examiné les demandes d’AMT de Dehua, et vous avez effectivement comparé les exigences en matière d’expérience dans les demandes de Canadian Dehua et celles de HD Mining?

R. […] J’aurais examiné les exigences en matière d’expérience, ou il semblerait, selon ceci [la pièce A de son affidavit], que j’ai comparé les exigences en matière d’expérience relativement à ces postes.

Contre‑interrogatoire de M. MacLean, le 25 mars 2013, page 12, aux lignes 24 à 27 et 35 à 38.

[67]      Les notes de l’agent ayant préparé les dossiers de CDI font état des points a, c et d ci‑dessus, soit l’IMT, le nombre de travailleurs étrangers temporaires et les postes demandés par CDI, ainsi que les exigences en matière d’expérience. Ces notes ont été produites dans la CCDT, aux pages 834 à 922.

[68]      Le point b ci‑dessus, soit les demandes d’AMT de CDI, ne figure pas dans la CCDT. Cependant, bien que M. MacLean mentionne les avoir examinées, il affirme que les seuls renseignements qu’il a tirés de celles-ci étaient le nombre de travailleurs étrangers temporaires, les postes demandés par CDI et les exigences en matière d’expérience relativement à ces postes. Tous ces renseignements figurent aussi dans les notes de l’agent précédent, aux pages 834 à 922 de la CCDT. Bien qu’en principe l’agent précédent ait tiré ses renseignements des demandes d’AMT et qu’il ne les ait que copiés dans ses notes, ce serait s’attarder excessivement aux détails que de présenter une objection portant que les demandes d’AMT de CDI n’ont pas été produites. Il en est ainsi parce qu’il n’y a simplement aucune raison de croire que l’autre agent ait copié incorrectement ces renseignements relativement simples.

[69]      La seule exception soulevée par les demandeurs, et uniquement dans leur réplique orale, portait sur la source documentaire des renseignements concernant le changement d’envergure de la mine de la rivière Murray entre le moment où CDI a présenté ses demandes d’AMT et celui où HD Mining a présenté les siennes. Plus particulièrement, M. MacLean a reconnu, dans ses notes d’appréciation, que le nouveau nombre de postes demandés par HD Mining, qui est plus élevé (201 par rapport à 91), était « authentique » notamment parce que la description du projet avait été modifiée : le projet de CDI ne comprenait pas [traduction] « la construction simultanée du puits et de la rampe ». Il n’est pas clair d’où provient cette information; cependant, il se pourrait qu’elle provienne d’un document dans le dossier de CDI qui n’a pas été versé à la CCDT, et il semblerait que ce soit le cas.

[70]      Cependant, l’avis de M. MacLean selon lequel le nombre de postes était « authentique » se rapporte au paragraphe 200(5) du Règlement et, dans ses notes d’appréciation, il distingue expressément son avis en application de cette disposition de celui en application de l’alinéa 203(1)b), qui exige l’appréciation de la question de savoir si « l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien ». Les demandeurs ont formulé leur demande comme une contestation de la conclusion et de l’avis de M. MacLean quant à cette dernière disposition, et non de sa conclusion et de son avis quant à la question de savoir si les offres étaient « authentiques » au sens du paragraphe 200(5). Par conséquent, en conformité avec l’arrêt Pathak, précité, les documents provenant du dossier de CDI qui comprendraient, semble‑t‑il, la description plus étroite de la mine de la rivière Murray et qui se rapportent à la conclusion quant à « l’authenticité » ne sont pas pertinents et n’avaient pas à être communiqués.

[71]      Par conséquent, la seule véritable question qui reste à trancher est celle relative au critère approprié en ce qui a trait à la pertinence et à la portée de l’obligation de communication du ministre. Si, comme le prétendent les ministres, l’examen d’un document et le recours à celui‑ci établissent sa pertinence, ils se sont alors acquittés de leur obligation dans la constitution de la CCDT, puisque chaque mention qui figure dans les motifs de l’agent et dans le contre‑interrogatoire relativement aux renseignements compris dans le dossier de CDI est corroborée par un document communiqué dans la CCDT. En revanche, si les demandeurs ont raison et qu’un document est pertinent, et qu’il doit donc être communiqué, dès que l’agent décide d’examiner un document ou qu’il « dispose » de celui‑ci, la CCDT n’est pas complète, parce que l’agent disposait du dossier de CDI, mais que celui‑ci n’a pas été communiqué dans son intégralité.

[72]      Il ne fait aucun doute que M. MacLean a effectivement examiné au moins une partie du dossier d’AMT de CDI. Il déclare dans son affidavit qu’il a [traduction] « examiné les notes au dossier [du système relatif aux travailleurs étrangers] », et il énonce aussi ce qui suit : [traduction] « Je n’étais pas l’agent de programme qui avait apprécié et approuvé les AMT de CDI en 2011, mais j’ai examiné les renseignements au dossier ainsi que toute recherche d’IMT effectuée durant l’appréciation de ce dossier pour avoir de l’information générale » (non souligné dans l’original).

[73]      Je suis d’avis que le dossier aurait dû être inclus dans la CCDT, car le décideur a examiné les « renseignements au dossier ». La thèse des ministres, selon laquelle seuls les documents que M. MacLean a examinés et sur lesquels il s’est fondé dans l’appréciation des demandes d’AMT présentées par HD Mining devaient être compris dans la CCDT, est trop étroite. Le fait de se fonder sur un document n’est pas en soi le facteur déterminant. Ce qui est déterminant, c’est ce que le décideur a examiné ou ce qu’il pouvait examiner du fait qu’il en disposait. Sinon, l’application de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. (1985), ch. F-7] est impossible : comme le prétendent les demandeurs en l’espèce, comment un demandeur peut‑il, dans la plupart des cas, faire valoir avec succès que le décideur a fondé sa décision sur une conclusion de fait qu’il a tirée « sans tenir compte des éléments dont il dispose » si le demandeur n’a pas le droit de recevoir tous les éléments dont le décideur disposait? Cependant, le simple accès à un document ne suffit pas; le décideur doit « disposer » de celui‑ci. En l’espèce, il ne fait aucun doute que M. MacLean « disposait » du dossier d’AMT de CDI, car il l’avait recherché et qu’il l’avait examiné à un certain degré. Le ministre aurait dû communiquer l’intégralité du dossier.

[74]      Cependant, pour les motifs qui suivent, je ne peux conclure que l’omission d’inclure le reste du dossier de CDI dans la CCDT justifie à elle seule d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

[75]      Malgré un contre‑interrogatoire vigoureux, rien ne prouve que des éléments qui pourraient être omis de la CCDT étaient déterminants à l’égard de la décision faisant l’objet du présent examen ou auraient pu l’être. Effectivement, étant donné que CDI avait reçu des AMT favorables, il est difficile de concevoir quels renseignements déterminants pouvant figurer dans les dossiers de CDI auraient pu saper de façon appréciable la décision de M. MacLean de manière à la rendre déraisonnable; or, telle est la nature de la contestation des demandeurs. Dans le meilleur des cas, les demandeurs ne font que soulever l’hypothèse selon laquelle le dossier de CDI pouvait contenir des renseignements contradictoires concernant la description de la mine de la rivière Murray. Cependant, comme il a été mentionné précédemment, cela se rapporte à l’opinion selon laquelle le nombre d’offres d’emploi était authentique conformément au paragraphe 200(5) du Règlement, opinion qui n’était pas contestée dans la présente demande comme l’ont formulée les demandeurs. Hormis cette possibilité hypothétique, les demandeurs n’ont jamais proposé d’exemple plausible de type de renseignements que le dossier de CDI pouvait contenir et qui auraient pu démontrer que la décision de l’agent était déraisonnable.

[76]      Par conséquent, bien que je partage fortement l’avis des demandeurs qu’en termes généraux, le fait que, pour ainsi dire, [traduction] « on ne connaisse pas ce que l’on ne connaît pas » pose un important problème et qu’il est inadmissible que les ministres aient adopté une interprétation aussi restrictive de la communication, étant donné qu’on se fie grandement à eux pour qu’ils préparent une CCDT qui soit complète et exacte, dans les circonstances particulières de la présente affaire, leur manquement n’est pas déterminant ou important et il ne s’agit pas d’un fondement qui suffit à lui seul pour que je fasse droit à la présente demande.

[77]      De plus, je devrais aussi mentionner que, si j’avais conclu que des éléments de preuve déterminants avaient été omis ou vraisemblablement omis de la CCDT, il aurait été indiqué, à mon avis, de soupeser le caractère déterminant ou vraisemblablement déterminant de l’omission par rapport au préjudice que les sociétés défenderesses subiraient si la décision devait être annulée pour ce seul motif. Il serait à mon avis approprié d’effectuer un tel examen, parce que les sociétés défenderesses pourraient subir un préjudice en raison de mesures et de décisions prises par les ministres sur lesquelles elles n’ont aucun contrôle. À titre de parties n’ayant aucun contrôle sur la CCDT, leurs intérêts devraient aussi être mis en balance avec les intérêts des demandeurs d’intérêt public.

L’inclusion d’éléments superflus dans le dossier

[78]      Dans ses motifs, M. MacLean n’a pas mentionné la source des salaires courants qu’il avait utilisés pour parvenir à sa conclusion que les taux offerts par HD Mining aux TÉT proposés seraient comparables ou supérieurs.

[79]      Les demandeurs soutiennent que la CCDT contient des éléments superflus, parce que M. MacLean a admis lors du contre‑interrogatoire qu’il ne pouvait trouver de documents contenant les salaires courants dans les dossiers de HD Mining; cependant, il a inclus dans la CCDT un document qu’il a pris d’un autre dossier, soit un imprimé tiré du site Web « Travailler au Canada », car les renseignements contenus dans ce document [traduction] « concordaient avec les salaires courants qu’il avait consignés dans ses appréciations en ce qui concerne HD Mining ». Dans son affidavit, M. MacLean a déclaré que sa façon de faire habituelle (qui est aussi, à sa connaissance, celle de ses collègues) consistait à [traduction] « utiliser les renseignements sur la rémunération qui sont disponibles au site Web [Travailler au Canada] » et, par conséquent, [traduction] « à ne pas se soucier de citer la source des renseignements concernant les salaires courants dans les notes d’appréciation ».

[80]      Je suis d’avis que les demandeurs ont tort d’affirmer que le dossier du tribunal contient des éléments superflus ou qu’il est d’une manière ou d’une autre incorrect en raison du fait qu’il contient des documents provenant d’autres sources que le décideur a consultés et qu’il a utilisés pour parvenir à sa décision. Il n’est pas nécessaire que le dossier du tribunal soit une copie carbone du dossier administratif tenu par le décideur. L’alinéa 17b) des Règles en matière d’immigration prévoit plutôt que « tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif » doivent être produits (non souligné dans l’original).

[81]      Non seulement rien ne donne à penser que les salaires courants figurant dans la décision de M. MacLean ne correspondent pas à ceux indiqués à l’imprimé provenant de l’autre dossier administratif, mais M. MacLean a aussi déclaré sous serment que sa façon de faire habituelle consistait à utiliser les salaires courants figurant au site Web « Travailler au Canada » (qui est la source de l’imprimé) lorsqu’il examine les dossiers relatifs aux travailleurs étrangers temporaires. Il n’y a pas de raison objective de douter que le site Web (comme en témoigne l’imprimé) fût la source des renseignements de M. MacLean, et tout porte à croire que c’était le cas. Il s’ensuit que je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, les renseignements de M. MacLean provenaient du site Web; l’imprimé était donc « pertinent » et en la possession du tribunal au sens de l’alinéa 17b) des Règles en matière d’immigration. C’est donc à bon droit que la Cour en dispose.

3. L’affidavit de M. MacLean

[82]      Les demandeurs soutiennent que des passages de l’affidavit de M. MacLean devraient être radiés, car ils visent à étoffer sa décision et parce que l’écoulement du temps et la quantité de dossiers qu’il examine jettent un doute sur la fiabilité de ses allégations. En particulier, ils demandent à la Cour de radier les paragraphes 28, 42, 51 à 54 et 57 à 61 de l’affidavit.

[83]      Il ne fait aucun doute qu’il n’est pas permis d’étayer un ou plusieurs des fondements d’une décision au moyen d’un affidavit lors d’une instance de contrôle judiciaire, ni « d’étoffer après le fait [une] décision » : Stemijon Investments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 41.

[84]      Le paragraphe 28 de l’affidavit ne contient que la mention suivante : [traduction] « Je n’ai pas jugé nécessaire de demander ou d’examiner les curriculum vitae [des candidats canadiens retenus et l’ensemble des curriculum vitae reçus pour le projet] ». Je souscris à l’observation des demandeurs, selon laquelle cette déclaration [traduction] « vise à pallier le fait qu’il n’a fourni aucune raison pour laquelle il n’avait pas demandé ces curriculum vitae ». Par conséquent, le paragraphe est radié du dossier.

[85]      Les paragraphes 42 et 51 à 54 portent sur la provenance des renseignements concernant les salaires courants, soit le site Web « Travailler au Canada ». Ces paragraphes n’ajoutent rien aux motifs de la décision; ils fournissent plutôt le contexte nécessaire pour permettre à la Cour de déterminer ce qui était effectivement le fondement de la décision. Étant donné que, comme il a été mentionné précédemment, il n’est pas contesté que les taux de rémunération indiqués dans la décision correspondent parfaitement à ceux qui figurent dans l’imprimé tiré de « Travailler au Canada », tout porte à croire que les salaires courants avaient en fait été déterminés au moyen du site Web « Travailler au Canada », comme le déclare sous serment l’agent.

[86]      En dernier lieu, selon les observations des demandeurs, les paragraphes 57 à 61 [traduction] « visent à fournir des explications supplémentaires quant à savoir pourquoi [M. MacLean] a remis des AMT favorables à HD Mining, compte tenu des préoccupations qu’il avait relevées au sujet de leurs demandes dans son formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples » et à [traduction] « étoffer ses motifs se rapportant aux efforts de recrutement de HD Mining ». À mon avis, aux paragraphes 57 à 59, M. MacLean ne fait qu’expliquer la nature du formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples et les lecteurs visés par ce formulaire. Au paragraphe 60, il reprend ce qui figurait déjà dans les motifs de sa décision, soit qu’il [traduction] « n’avait pas connaissance de politiques relatives au Programme des travailleurs étrangers temporaires qui ont pour effet d’exiger que les étrangers parlent des langues précises ». En revanche, au paragraphe 61, M. MacLean apporte effectivement un complément à ses motifs, en énonçant que la présence d’écarts mineurs dans les offres d’emploi est une chose relativement normale. Par conséquent, le paragraphe 61 est radié du dossier.

4. Y a‑t‑il eu fausse déclaration quant à la nature du travail?

[87]      Les demandeurs soutiennent que HD Mining a fait une fausse déclaration quant à la nature du travail dans ses demandes d’AMT, parce qu’elle a affirmé dans ces demandes qu’elle aurait recours à l’exploitation par longues tailles, alors qu’elle mentionnait, dans les documents qu’elle avait présentés au ministère de la Colombie‑Britannique concernant la mine de la rivière Murray, qu’elle aurait recours à la méthode traditionnelle d’exploitation par chambres et piliers. Les demandeurs prétendent que [traduction] « ne pas annuler une décision dans un cas où le [décideur] a agi en fonction de fausses déclarations fournies par le demandeur de l’AMT constitue un manquement à la justice naturelle »; ils affirment que la justice fondamentale impose l’intervention de la Cour.

[88]      L’alinéa 18.1(4)e) de la Loi sur les Cours fédérales prévoit expressément que la Cour peut accorder une réparation si elle est convaincue que l’office fédéral « a agi […] en raison d’une fraude ou de faux témoignages ». La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire ne comprend pas de demande de réparation en ce sens, ni d’allégation selon laquelle HD Mining a fait de fausses déclarations. Les demandeurs affirment qu’ils n’ont pas soulevé ce motif d’opposition initialement parce qu’ils n’avaient pas connaissance des fausses déclarations alléguées avant que les autorités de la Colombie‑Britannique leur transmettent les documents après le dépôt de la présente demande, qu’ils ont soulevé la question dès que possible et que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de l’examiner. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas invoqué l’alinéa 18.1(4)e), même à cette étape tardive, l’avocat a répondu ceci : [traduction] « Nous sommes au courant de la différence et nous avons choisi d’invoquer de fausses déclarations et de ne pas invoquer la fraude. » J’ai beaucoup de difficulté à décrire les allégations des demandeurs concernant la conduite de HD Mining comme étant des allégations de fausses déclarations faites de bonne foi ou de façon négligente, plutôt que des allégations de fausses déclarations frauduleuses. Voici comment l’avocat a décrit l’allégation des demandeurs :

[traduction] Voici ce que HD Mining affirme : « Voyez, nous avons recours à cette machinerie hautement spécialisée que nous devons faire venir de Chine, qui n’a jamais été utilisée au Canada. » Et ce n’est pas, Monsieur le juge, ce que les documents indiquent clairement. Et il s’agit des documents de HD Mining, qu’elle a déposés dans le but d’obtenir le permis des autorités provinciales qu’il leur fallait pour aller de l’avant avec ce projet.

Compte tenu de cette description, les demandeurs auraient dû demander l’autorisation de modifier leur demande afin d’invoquer l’alinéa 18.1(4)e), dans le but d’aviser spécifiquement HD Mining de leur allégation, plutôt que de la formuler pour la première fois dans leur mémoire supplémentaire, comme ils l’ont fait.

[89]      De toute façon, puisque les affidavits de MM. Curtis Harold et Douglas Sweeney ont été jugés irrecevables, la Cour ne dispose d’aucun élément de preuve lui permettant de conclure que HD Mining a fait quelque fausse déclaration que ce soit quant au type d’exploitation auquel elle aurait recours à la mine de la rivière Murray.

[90]      De plus, même si ces affidavits avaient été déposés en preuve, je leur aurais accordé un poids très faible, et ce, pour les motifs exposés lorsque j’ai jugé qu’ils étaient irrecevables, soit le fait qu’il s’agit de ouï‑dire, le fait qu’ils étaient incomplets, et les doutes concernant l’exactitude des renseignements qu’ils contenaient. Tout comme pour la fraude, des éléments de preuve clairs, solides et convaincants sont nécessaires pour conclure à l’existence d’une fausse déclaration. La preuve produite par les demandeurs est loin de satisfaire à cette norme exigeante.

5. La norme de contrôle applicable

[91]      Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent est la norme de la décision raisonnable.

6. Y a-t-il une erreur susceptible de contrôle?

[92]      Les demandeurs soutiennent que la décision de M. MacLean doit être annulée, et ce, pour deux motifs généraux.

[93]      Premièrement, ils soutiennent que [traduction] « l’agent n’a pas véritablement rendu la décision, ou, à tout le moins, la marge de manœuvre dont il disposait a été réduite de manière considérable ». Ils prétendent que la supervision dont M. MacLean faisait l’objet et les consignes qu’il recevait ont eu pour effet d’entraver son pouvoir discrétionnaire.

[94]      Deuxièmement, ils soutiennent que M. MacLean a tiré un certain nombre d’inférences déraisonnables et qu’il est parvenu à des conclusions déraisonnables lorsqu’il a effectué son appréciation. À ce sujet, les demandeurs ont soulevé un certain nombre de préoccupations, sans renvoyer de manière précise aux facteurs dont l’agent a l’obligation de tenir compte conformément au paragraphe 203(3) du Règlement. Lors des plaidoiries, ils ont décrit ces préoccupations comme étant [traduction] « un éventail de points litigieux, notamment la question de savoir si l’agent a inversé le fardeau de la preuve, les exigences démesurées qui avaient été imposées pour les postes, l’examen des taux de salaires courants qui avait été effectué sans fondement approprié et qui était déraisonnable, les répercussions de l’exigence de parler le mandarin, ainsi que l’absence d’un plan convenable de transition vers les Canadiens, le caractère inadéquat des efforts de recrutement visant les Canadiens, et le fait que des Canadiens ayant les compétences nécessaires avaient fait des demandes d’emploi et n’ont pas été embauchés ». Je me propose, autant que possible, d’aborder ces préoccupations en renvoyant aux six facteurs précis dont l’agent avait l’obligation de tenir compte conformément au paragraphe 203(3) du Règlement, parce qu’en fin de compte, la question qu’il faut examiner est le caractère raisonnable de l’avis de l’agent en vertu de l’alinéa 203(1)b) du Règlement, selon lequel il devait conclure, compte tenu de ces six facteurs, que « l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien ».

1) L’agent a‑t‑il restreint son pouvoir discrétionnaire?

[95]      La Cour d’appel fédérale a énoncé ce qui suit au paragraphe 24 de l’arrêt Stemijon, précité : « Une décision qui découle d’un pouvoir discrétionnaire limité est […] en soi déraisonnable. » Les demandeurs soutiennent que la décision de M. MacLean est déraisonnable parce qu’il a restreint son pouvoir discrétionnaire du fait qu’il était [traduction] « surveillé étroitement et qu’il a reçu des consignes dans le traitement du dossier » et que [traduction] « sans l’approbation des gestionnaires, l’agent n’aurait pas donné son approbation ».

[96]      Règle générale, lorsque la loi confère un pouvoir discrétionnaire à un décideur, comme c’était le cas en l’espèce de M. MacLean, il ne peut restreindre l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par des politiques internes ou des obligations envers des tiers. Cependant, cela ne signifie pas qu’un tel décideur ne peut tenir compte de politiques internes relatives à la manière dont ce pouvoir discrétionnaire devrait être exercé ou qu’il ne peut consulter d’autres personnes.

La restriction en raison d’obligations envers des tiers

[97]      Dans leur mémoire supplémentaire, les demandeurs apportent les précisions suivantes à leur observation selon laquelle M. MacLean a restreint son pouvoir discrétionnaire par des obligations envers des tiers :

i) [traduction] « Lorsque M. MacLean a traité le dossier, de nombreux gestionnaires, y compris celui qui, à sa connaissance, était le gestionnaire occupant le poste le plus élevé dans la Région de l’Ouest et territoires, ainsi que des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada et de la province de la Colombie‑Britannique, le surveillaient étroitement et lui donnaient des consignes »;

ii) On lui a demandé d’accélérer le traitement du dossier, et il y avait une [traduction] « demande que l’agent considère le recrutement effectué par Canadian Dehua pour le même projet un an plus tôt comme valide à l’égard des demandes d’AMT de HD Mining présentées en 2012 », ce qui va à l’encontre de la politique de RHDCC;

iii) M. MacLean a préparé un formulaire « Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples » le 23 avril 2012 et l’a envoyé à [traduction] « la totalité des six gestionnaires supervisant ce dossier », et il a reconnu lors du contre‑interrogatoire [traduction] « qu’il n’approuverait pas les AMT sans l’approbation des gestionnaires, ce qui explique pourquoi le formulaire de demandes multiples n’avait pas initialement été rempli dans le système informatique qui est utilisé en temps normal ».

[98]      Les ministres soutiennent que la manière dont les demandeurs [traduction] « interprètent le dossier témoigne d’une vision totalement irréaliste des activités administratives se rapportant aux avis sur le marché du travail en général » et que cette interprétation repose sur l’hypothèse selon laquelle il y avait des « arrière-pensées » qui sous‑tendaient toutes les interactions entre M. MacLean et d’autres personnes.

[99]      Je suis d’avis que le dossier n’étaie tout simplement pas l’affirmation que M. MacLean ait restreint son pouvoir discrétionnaire de l’une ou l’autre des manières alléguées.

La surveillance étroite et les consignes reçues

[100]   Il y a d’abord lieu de relever que le simple fait que le travail d’une personne fasse l’objet d’une surveillance n’amène pas forcément à conclure qu’il y a pour autant entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Le travail de presque tous est surveillé; certains sont surveillés de manière plus étroite que d’autres.

[101]   M. MacLean a reconnu que le dossier d’AMT de HD Mining n’était pas un dossier comme les autres. Par conséquent, il n’était guère surprenant que son superviseur et ses supérieurs s’intéressaient à la manière dont son appréciation progressait (contre-interrogatoire de M. MacLean, le 27 mars 2013, à la page 39) :

[traduction]

Q. Êtes‑vous d’accord avec moi qu’il s’agissait d’un dossier important pour le bureau de Vancouver?

R. Je suis d’accord avec vous en ce sens qu’il était délicat — qu’il contenait certains éléments délicats. C’était en raison des nombres — on demandait un nombre important de travailleurs étrangers temporaires en même temps. La nature du projet en soi faisait en sorte qu’il s’agissait d’un dossier complexe. Donc — et c’est ce que j’ai — je suis d’accord avec cette affirmation.

 [102]  Il a aussi reconnu qu’un certain nombre de fonctionnaires de RHDCC s’intéressaient au dossier et qu’ils avaient demandé à être tenus au courant de la manière dont celui‑ci progressait, ce qu’il avait fait. Cependant, rien n’indique que l’une ou l’autre de ces personnes ait donné à M. MacLean la consigne de faire quoi que ce soit d’autre que de se consacrer exclusivement à la demande et de la traiter avec célérité.

La consigne d’utiliser les renseignements sur le recrutement effectué par CDI

[103]   Je conclus qu’il n’y a aucune preuve démontrant que M. MacLean ait reçu, à quelque moment que ce soit, la consigne d’utiliser les documents relatifs à la demande d’AMT que CDI avait présentée ou de se fonder sur ces documents. On lui a mentionné qu’il pouvait s’en servir, mais, en fin de compte, c’est lui seul qui allait décider s’il s’en servirait, et dans quelle mesure il le ferait. Cela ressort clairement des notes qu’il a consignées dans son journal le 11 avril 2012 au sujet de la conversation qu’il a eue avec Dale Gill, le chef d’équipe qui lui avait attribué le dossier :

[traduction] 11 avril : j’ai parlé à Dale, elle m’a mentionné qu’elle avait reçu un courriel? de Lisa Smith, qui l’avisait que CIC travaillait aux PT et qu’elle demandait que l’on traite le dossier avec célérité. Dale a aussi fait mention de la possibilité d’accepter l’ancien recrutement. Faire un suivi à ce sujet et vérifier si d’autres infos ont été données. J’ai répondu que je travaillerai exclusivement à ce dossier, mais que j’étais incapable de donner une date d’achèvement à ce stade‑ci. [Non souligné dans l’original.]

À mon avis, cette inscription n’indique pas que M. MacLean avait reçu des consignes concernant les renseignements sur le recrutement effectué par CDI, mais une simple suggestion qu’il en tienne compte. La preuve démontre qu’il a bel et bien examiné le dossier de CDI et qu’il a relevé des écarts entre les postes et les fonctions exposés dans ce dossier et ceux qui figuraient dans la demande de HD Mining. Les inscriptions de son journal indiquent aussi qu’il a jugé qu’il ne pouvait pas, et qu’il n’a pas voulu, se fonder exclusivement sur les documents sur le recrutement effectué par CDI :

[traduction] J’ai mentionné à Lisa que j’ai été avisé par Dale que je pouvais tenir compte du recrutement antérieur effectué par l’ancien employeur, mais qu’en raison du nombre supplémentaire de travailleurs demandés, je devrai tenir compte du recrutement récent dans la décision. [Non souligné dans l’original.]

[104]   En résumé, bien qu’un supérieur l’ait informé du fait qu’il « pouvait » tenir compte du dossier sur le recrutement de CDI, il n’a pas reçu de consigne de le faire. En outre, étant donné que la première demande de HD Mining était en grande partie une répétition de la demande antérieure de CDI, laquelle avait déjà été appréciée, il se peut bien qu’il aurait examiné les renseignements sur le recrutement effectué par CDI de toute façon. Je suis convaincu qu’il ressort du dossier que M. MacLean a pris lui‑même la décision quant aux aspects du dossier de CDI dont il tiendrait compte et que ses superviseurs n’ont pas entravé son pouvoir discrétionnaire à cet égard.

L’exigence de l’approbation des gestionnaires

[105]   Le 19 avril 2012, M. MacLean a envoyé un courriel à son chef d’équipe, Michael Au, qui était responsable du dossier, avec des copies à Dale Gill, à Kerry O’Neill et à Lisa Smith, dans lequel il déclarait : [traduction] « Je ferai de mon mieux pour terminer ces recommandations d’ici vendredi et les présenter, par l’entremise de mon chef d’équipe, pour commentaires, conseils, etc. » En fait, ce n’est que le lundi suivant que M. MacLean a complété les appréciations et, par un courriel du 23 avril 2012, il a transmis à Michael Au, à Janet Walsh et à Howard Jones le formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples qu’il avait rempli [traduction] « pour résumer la demande de l’employeur ainsi que l’appréciation et les préoccupations de l’agent », et il a ajouté que [traduction] : « J’aimerais recevoir vos conseils, vos objections, etc. »

[106]   Dans son affidavit, M. MacLean déclare qu’un formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples est envoyé au superviseur d’un agent lorsque l’agent prévoit rendre un AMT favorable concernant plus de 50 postes dans une profession en particulier. Il déclare que ce formulaire :

[traduction] […] permet aux agents de programme de porter à l’attention de l’équipe de gestion ou de supervision les préoccupations, ou les cas très médiatisés ou de nature délicate. En se fondant sur ces formulaires, un superviseur peut décider qu’un dossier particulier justifie l’intervention d’un expert‑conseil en affaires ou peut avoir des préoccupations par rapport à la recommandation de l’agent de programme. De telles préoccupations pourraient entraîner une discussion avec l’auteur de la recommandation ainsi qu’un éventuel réexamen. Toutefois, l’agent de programme demeure l’ultime décideur, même lorsqu’un formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples est rempli. [Non souligné dans l’original.]

[107]   En l’espèce, il ressort du dossier qu’aucun commentaire n’a été formulé au sujet de l’appréciation ou des préoccupations de M. MacLean. Dans un courriel, son chef d’équipe lui a déclaré qu’il [traduction] « avait le feu vert des deux gestionnaires pour l’approbation de ces demandes », ce qui correspondait, en fait, exactement à ce que M. MacLean avait mentionné être son appréciation — que les demandes soient approuvées. M. MacLean a donc approuvé et rendu les AMT. Étant donné l’absence de commentaires importants de la part des superviseurs, il est consternant qu’on ait laissé entendre qu’il y avait eu entrave au pouvoir discrétionnaire de l’agent. Les décisions rendues étaient exactement telles qu’il les avait écrites.

Résumé

[108]   La position des demandeurs quant à l’entrave au pouvoir discrétionnaire de M. MacLean de la part de ses supérieurs équivaut à une affirmation selon laquelle ces supérieurs désiraient que des AMT favorables soient rendus, et qu’ils dirigeaient M. MacLean et l’encadraient pour atteindre le but recherché. Rien dans le dossier ne le démontre. Les demandeurs ont fondé leurs observations sur de simples hypothèses et conjectures.

2) L’appréciation de l’agent était‑elle déraisonnable?

[109]   L’avis d’un agent au titre de l’alinéa 203(1)b) du Règlement selon lequel « l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien » doit, selon le paragraphe 203(3), être fondé sur les six facteurs suivants :

   203. […]

   (3) […]

a) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner la création directe ou le maintien d’emplois pour des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

b) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner le développement ou le transfert de compétences ou de connaissances au profit des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

c) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible de résorber une pénurie de main‑d’œuvre;

d) le salaire offert à l’étranger correspond aux taux de salaires courants pour cette profession et les conditions de travail qui lui sont offertes satisfont aux normes canadiennes généralement acceptées;

e) l’employeur a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables pour embaucher ou former des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

f) le travail de l’étranger est susceptible de nuire au règlement d’un conflit de travail en cours ou à l’emploi de toute personne touchée par ce conflit.

Comme je l’ai déjà été mentionné, je traiterai des diverses questions soulevées par les demandeurs en tenant compte de ces six facteurs, dans la mesure où cela peut se faire dans l’ordre.

203(3)a) : « l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner la création directe ou le maintien d’emplois pour des citoyens canadiens ou des résidents permanents »

[110]   M. MacLean a fait une appréciation identique de la création d’emplois pour chacune des décisions relatives aux AMT :

[traduction] Les renseignements fournis avec les AMT font mention de la création de 500 emplois sur place et de 1 000 emplois indirects ailleurs. L’employeur a confirmé des besoins immédiats en dotation pour environ 294 postes afin de compléter la construction et l’échantillonnage global. L’employeur a offert de l’emploi à 30 travailleurs canadiens, il prévoit engager 56 autres Canadiens en fonction d’efforts de recrutement continus. L’employeur demande 201 travailleurs étrangers. L’employeur s’attend à ce que le total de l’emploi sur place atteigne environ 500 postes lorsque la mine sera en pleine production dans 2 ou 3 ans. Donc, environ 200 emplois additionnels seront créés; la majeure partie de ceux‑ci sera concentrée dans les professions de mineur et de travailleur de soutien et de services.

[111]   Les demandeurs ne soulèvent aucune question portant directement sur ce facteur.

[112]   Les renseignements contenus dans les notes d’appréciation de l’agent correspondent à la lettre d’accompagnement envoyée à RHDCC avec les demandes d’AMT ainsi qu’aux conversations téléphoniques tenues entre l’agent et HD Mining les 13 et 20 avril 2012. Ils sont aussi compatibles avec son résumé qui se trouve dans le formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples. Je souscris à l’observation des ministres selon laquelle il s’agit d’un facteur appuyant un AMT favorable.

203(3)b) : « l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner le développement ou le transfert de compétences ou de connaissances au profit des citoyens canadiens ou des résidents permanents »

[113]   Les demandeurs soutiennent que M. MacLean a présumé que ce facteur était satisfait ou, en d’autres mots, qu’il appuyait HD Mining, en l’absence de tout manquement à une politique ou d’un autre motif réfutant cette présomption favorable. Par conséquent, soutiennent‑ils, M. MacLean n’a pas conclu que le facteur appuyait véritablement HD Mining d’une manière fondamentale, mais seulement qu’il n’y avait aucune politique ou raison en particulier la disqualifiant. À divers moments pendant leurs observations, les demandeurs ont fait référence à cette erreur en affirmant que l’agent avait [traduction] « renversé le fardeau de la preuve ».

[114]   L’extrait suivant, tiré du mémoire des faits et du droit des demandeurs à l’appui de l’autorisation, précise cette observation :

[traduction] Ainsi, plutôt que d’exiger de HD Mining qu’elle démontre, par exemple, que le fait que le mandarin soit la principale langue dans la mine permettrait le recrutement, la formation ou le maintien d’emplois de Canadiens, l’agent a plutôt conclu qu’il n’y avait aucune politique permettant de rejeter la demande.

[115]   Dans leurs observations orales, les demandeurs ont également décrit cette préoccupation comme portant sur le fait que l’agent avait restreint son pouvoir discrétionnaire :

[traduction] Et notre observation, c’est que l’agent avait clairement un pouvoir discrétionnaire de refuser les AMT pour ce motif. Pour le motif que la présence du mandarin dans les lieux de travail gênerait le transfert de travail à des Canadiens ainsi que l’embauche et le maintien d’emplois de Canadiens. Et compte tenu en particulier de sa préoccupation, qu’il exprime tout de suite après, au sujet du peu de renseignements pertinents fournis quant à la formation, et de ses préoccupations concernant la période dont l’employeur désire bénéficier pour la transition vers une main‑d’œuvre canadienne. Mais l’agent comprend clairement qu’il n’est pas en mesure d’exercer ce pouvoir discrétionnaire, en raison de l’absence d’une politique précise relative aux travailleurs étrangers temporaires qui permettrait un refus fondé sur la langue de travail. Et nous prétendons qu’il s’agit d’une entrave claire à son pouvoir discrétionnaire. Il pourrait refuser en fonction du pouvoir discrétionnaire dont il dispose. L’agent semble croire qu’il ne peut refuser, à moins qu’il y ait une politique précise permettant un refus.

[116]   Les préoccupations qu’avait M. MacLean concernant l’exigence du mandarin pour les TÉT se trouvent dans le formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples et dans ses notes d’appréciation. Dans le premier document, il écrit :

[traduction] L’absence d’exigence quant à l’anglais pour les TÉ, pour les postes liés à l’exploitation minière souterraine, soulève quelques préoccupations concernant la capacité de l’employeur d’attirer et de former des travailleurs canadiens et d’effectuer la transition. L’employeur a déclaré qu’une formation linguistique en anglais serait offerte, et que des interprètes et des contremaîtres parlant anglais faciliteraient la formation professionnelle et le transfert de compétences aux Canadiens. Il est tout de même raisonnable de se demander […] jusqu’à quel point l’employeur réussira à attirer, à former et à retenir des Canadiens, alors que la principale langue de l’exploitation minière est le mandarin. Toutefois, je ne connais aucune politique relative au PTÉT qui permettrait un refus en fonction de la langue de travail. [Non souligné dans l’original.]

Dans ses notes d’appréciation pour chacun des AMT, il écrit :

[traduction] Transfert des compétences : des préoccupations concernant la capacité de l’employeur de procéder au transfert de compétences parce que les TÉ ne maîtrisent pas l’anglais. L’employeur prétend que la formation professionnelle ainsi que le transfert de compétences, de connaissances et d’expérience seront facilités par des contremaîtres et par des mineurs et des travailleurs de soutien et de services étrangers parlant anglais, par l’entremise d’interprètes affectés aux unités de travail […] Transition à la main‑d’œuvre canadienne : selon les renseignements joints à l’AMT et confirmés par l’employeur, la transition se fera à un taux de 10 p. 100 par année pendant les dix premières années d’une exploitation minière pouvant durer 40 ans. Encore une fois, aucun renseignement pertinent n’a été fourni sur la manière dont l’employeur atteindra ce but. Décision : l’AMT a satisfait aux exigences du programme quant à l’authenticité au titre du paragraphe 200(5) et quant au salaire, aux conditions de travail, à l’embauche et à l’absence de conflit de travail au titre du paragraphe 203(3) de la LIPR. La création d’emplois et le transfert de compétences ont également été considérés comme des avantages pour le Canada, malgré les commentaires de l’agent qui précèdent. Le formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples du 23 avril transmettait l’appréciation et les recommandations quant à des demandes multiples au chef d’équipe et aux gestionnaires régionaux, constatait des préoccupations, mais recommandait la confirmation de tous les AMT demandés. Une durée de 2 ans est appropriée, puisque cela comprendra la durée du projet d’échantillonnage global et permettra un examen subséquent des progrès réalisés par l’employeur dans l’embauche et la formation de Canadiens. [Non souligné dans l’original.]

[117]   M. MacLean était manifestement préoccupé par la possibilité que l’embauche de TÉT ne parlant pas anglais nuise à la création d’emplois et au transfert de compétences et de connaissances aux Canadiens. HD Mining a tenté de répondre à ces préoccupations en soulignant qu’elle embaucherait des interprètes et que les contremaîtres parleraient l’anglais et le mandarin. Elle a aussi fourni quelques renseignements au sujet de la formation dans des établissements d’enseignement locaux et a joint à ses demandes un plan à long terme pour la formation de la main‑d’œuvre canadienne et une transition vers une telle main‑d’œuvre à 100 p. 100, ce que j’analyserai davantage plus loin, par rapport au facteur énoncé à l’alinéa 203(3)e). Ces mesures répondaient quelque peu aux préoccupations de l’agent, mais, comme il l’écrit : [traduction] « Il est tout de même raisonnable de se demander […] jusqu’à quel point l’employeur réussira à attirer, à former et à retenir des Canadiens, alors que la principale langue de l’exploitation minière est le mandarin » (non souligné dans l’original). Il convient de noter qu’à ce stade de son analyse, l’agent n’a pas conclu que l’employeur ne réussirait pas à attirer, à former et à retenir des Canadiens; il a plutôt conclu qu’il y avait lieu de se demander jusqu’à quel point l’employeur y réussira. Cette conclusion est tirée tout juste avant l’énoncé contesté par les demandeurs : [traduction] « Toutefois, je ne connais aucune politique relative au PTÉT qui permettrait un refus en fonction de la langue de travail. » Les demandeurs interprètent cet énoncé comme signifiant que, puisqu’une telle politique n’existe pas, M. MacLean, qui aurait par ailleurs rejeté la demande, se sentait obligé de considérer que ce facteur favorise le demandeur d’AMT. Je ne partage pas cette interprétation.

[118]   Je fais d’abord remarquer que malgré le contre‑interrogatoire approfondi auquel les demandeurs ont soumis M. MacLean, je ne peux pas conclure qu’on lui a expressément demandé ce qu’il voulait dire par le commentaire contesté. De toute façon, à mon avis, dans le passage contesté qui précède, M. MacLean exprime ses préoccupations quant au fait que le transfert de compétences et de travail aux Canadiens serait limité par l’usage du mandarin comme langue de travail, mais il reconnaît qu’il y aura un certain transfert de compétences. Ainsi, ce facteur favorise le demandeur d’AMT, bien que ce ne soit que légèrement, et M. MacLean fait remarquer qu’il n’existe pas de politique qui l’obligerait à dire que cela ne le favorise pas (et à rejeter la demande). Cela ne constitue pas un renversement du fardeau, comme on l’a allégué; il s’agit d’un énoncé de fait.

[119]   En fait, M. MacLean, de façon très responsable selon moi, fait part de ses préoccupations à cet égard de telle sorte qu’un autre agent qui examinera une demande ultérieure d’AMT présentée par HD Mining vérifiera et évaluera le succès que celle‑ci a obtenu lors du transfert de compétences aux Canadiens malgré que le mandarin fût la langue de travail initiale (contre-interrogatoire de M. MacLean, le 25 mars 2013, aux pages 32 et 33) :

[traduction]

Q. Mais ce qui était toujours source d’inquiétudes, c’était l’incidence qu’aurait l’utilisation prédominante du mandarin comme langue de travail sur la capacité de HD Mining à recruter et à former des travailleurs canadiens, n’est-ce pas?

R. Bien, je dirais que cela était source d’inquiétudes, et je dirais que cela a trait, vous savez, à ma façon de prendre des notes, ma façon de rédiger la décision. Certaines de ces inquiétudes avaient trait à des avis sur le marché du travail qui pourraient être rendus à l’avenir; il s’agissait d’inquiétudes quant à l’avenir. Ils avaient satisfait aux exigences du programme. Je confirmais ces demandes. J’étais préoccupé par la question de la transition en raison de la langue et parce que la langue peut créer certains obstacles. L’employeur avait dit quelles mesures il avait prises afin de régler ce problème.

   Ces inquiétudes, Me Clements, étaient présentes parce que, en ce qui concerne l’avenir — et comme j’en ai l’habitude lorsque je confirme une demande, si j’ai certaines réserves qui n’entraînent pas le refus d’une demande, alors j’en prends note, et le prochain agent qui examinera une demande présentée par cette société pourra examiner ces notes et verra que l’agent antérieur était préoccupé par la question de la langue. Cela pourra faire partie des questions qu’ils poseront à l’employeur lors d’une autre demande. Alors, comment cela va‑t‑il en ce qui a trait à la transition? Comment cela va‑t‑il en ce qui a trait à la langue de travail? C’est comme cela que je le vois. Lorsque je prends note d’inquiétudes, celles‑ci ont généralement trait à l’avenir. En d’autres mots, une autre personne qui aura affaire à la société pourra prendre connaissance de ces inquiétudes et en discuter avec celle‑ci.

 [120]  Donc, dans l’ensemble, selon moi, l’appréciation de ce facteur faite par M. MacLean n’est pas déraisonnable. Il a conclu que ce facteur faisait pencher la balance en faveur de HD Mining, un tant soit peu, compte tenu de son plan de transition, des discussions qu’elle a eues avec un établissement d’enseignement local, et de l’utilisation de contremaîtres anglophones, mais il avait néanmoins certaines réserves quant à ce plan et se demandait quelle incidence aurait l’utilisation du mandarin sur la capacité de HD Mining à attirer et former des Canadiens. Cette conclusion est intelligible et appartient aux issues possibles acceptables compte tenu des documents dont l’agent était saisi. En outre, comme je l’ai déjà souligné, M. MacLean a fait part de ses préoccupations dans ses motifs afin que celles‑ci puissent être utiles à un autre agent qui examinerait une autre demande d’AMT présentée par HD Mining, ce qui allait se produire environ deux ans plus tard. Selon moi, la Cour enverrait un mauvais message si elle concluait, en fait, qu’un agent ne peut pas exprimer ses réserves tout en rendant une décision favorable si, somme toute, celle‑ci est justifiée; cela pourrait avoir un effet paralysant sur les motifs administratifs.

203(3)c) : « l’exécution du travail par l’étranger est susceptible de résorber une pénurie de main‑d’œuvre »

[121]   M. MacLean fait une appréciation identique quant à la question de la pénurie de main‑d’œuvre pour chacune des décisions relatives aux AMT :

[traduction] L’IMT disponible examinée fait mention de difficultés à trouver des travailleurs dans cette industrie en raison de la croissance de l’industrie et de la main‑d’œuvre vieillissante. Le rapport du Conseil des ressources humaines de l’industrie minière (RHIM) sur les projections de la demande de main‑d’œuvre, de juin 2008, donne des précisions sur la pénurie de main-d’œuvre attendue dans le secteur minier en Colombie‑Britannique pour la période 2008‑2017 et mentionne qu’il y a pénurie de main-d’œuvre dans cette industrie dans l’ensemble du Canada. Voir également la recherche en matière d’IMT qui a été faite par un autre agent relativement à l’employeur lié SF 7752445 qui confirme les pénuries de main‑d’œuvre qui sévissent actuellement dans l’industrie, plus particulièrement dans le secteur des mines de charbon souterraines [c.‑à‑d. la demande de CDI].

[122]   Les demandeurs reconnaissent qu’il y a pénurie de certains travailleurs de mines souterraines spécialisés au Canada, mais ils affirment que ce ne sont pas tous les emplois des travailleurs étrangers temporaires qui sont spécialisés et font l’objet d’une pénurie. Toutefois, ils n’ont rien à redire au fait que M. MacLean se soit fié à la preuve documentaire, laquelle, selon ce qu’il croyait comprendre, indiquait qu’il y avait pénurie dans l’ensemble des emplois de travailleur minier, et ne peuvent renvoyer à aucune partie de celle‑ci à l’appui de leur prétention. Le seul problème qu’ils soulèvent qui pourrait être pertinent quant à la conclusion qu’il y a pénurie de main‑d’œuvre est celui des exigences d’emploi [traduction] « démesurées » en ce qui concerne les emplois les moins spécialisés. Ils prétendent notamment que HD Mining exigeait des compétences démesurées pour ces emplois de la part des postulants canadiens et que cela diminuait de façon artificielle le nombre de Canadiens possédant ces compétences qui pouvaient postuler, ce qui donnait l’impression qu’il y avait pénurie de main-d’œuvre pour les emplois moins spécialisés, alors qu’en réalité cela n’est peut‑être pas le cas. La prétention des demandeurs voulant que les exigences étaient « démesurées » est fondée sur leur interprétation du code 8411 de la CNP. Ils prétendent que plutôt que d’exiger que HD Mining démontre que ses exigences étaient raisonnables, l’agent a imposé au ministre le fardeau de démontrer qu’elles ne l’étaient pas :

[traduction] L’expérience exigée peut varier selon le type d’exploitation minière et le type de travail qui est effectué. Renseignements insuffisants pour justifier un refus au motif que les exigences de l’emploi sont démesurées. [Non souligné dans l’original.]

[123]   Pris isolément, il peut sembler que M. MacLean impose au ministre le fardeau de démontrer que les exigences d’emploi sont démesurées; toutefois, lorsqu’on tient compte du contexte, ce n’est pas le cas. Le passage où apparaît la phrase contestée est ainsi libellé :

[traduction] Offre d’emploi/exigences; tâches et exigences, expérience de travail d’au moins trois ans dans des mines de charbon liée au poste. Raison de l’employeur pour ces exigences d’emploi, l’exécution de ces tâches exige ce niveau d’expérience, assure la sécurité des travailleurs, l’étape initiale de la construction de la mine nécessite des travailleurs qualifiés. Incapable de trouver une description de poste normalisée pour l’une ou l’autre de ces offres d’emploi. Compte tenu des renseignements examinés dans l’appréciation du dossier, il semblerait que l’expérience, les connaissances, peuvent être propres au type d’exploitation minière, mine souterraine par opposition à carrière, roche dure par opposition à roche tendre, etc., et il n’est pas nécessairement facile de passer d’une carrière à une mine souterraine. L’expérience exigée peut varier selon le type d’exploitation minière et le type de travail qui est effectué. Renseignements insuffisants pour justifier un refus au motif que les exigences de l’emploi sont démesurées.

[124]   Selon moi, dans ce passage, M. MacLean ne fait que souligner que sa recherche a démontré que les exigences d’emploi dans le secteur minier varient selon le type de mine, à savoir une mine souterraine ou une carrière, une mine de roche dure ou de roche tendre; il souligne que l’employeur a fourni une explication quant aux exigences qu’il a fixées relativement à ces emplois, à savoir que l’embauche de travailleurs qualifiés durant la construction permettra d’assurer la sécurité des travailleurs et que, compte tenu de ceci, il n’a aucune raison de conclure que les exigences de HD Mining relativement à ses travailleurs sont démesurées. Selon moi, il ne fait que dire que bien que ces exigences soient plus élevées que celles qui sont prévues dans la CNP, des explications ont été données et il n’a aucune raison de conclure autrement. Il ne s’agit pas d’un renversement du fardeau de la preuve. En outre, cela est conforme au témoignage qu’il a rendu en contre‑interrogatoire où il a déclaré que les agents de programme se servent des exigences prévues dans la CNP comme guide et qu’ils n’exigent pas qu’un demandeur réponde parfaitement aux exigences prévues dans la CNP : voir le contre‑interrogatoire de M. MacLean, le 25 mars 2013, aux pages 26 et 27.

[125]   Plus important encore, les demandeurs n’ont pas suffisamment porté attention à ce qu’indique la CNP 8411. La CNP 8411 est une classification dont le niveau de compétences est « C ». Les demandeurs soulignent que la CNP prévoit qu’un emploi aura le niveau de compétences C si les exigences quant aux études et à la formation sont : « Diplôme d’études secondaires et cours de courte durée ou formation propre à la profession ou Études secondaires partielles et jusqu’à deux ans de formation en cours d’emploi, de cours de formation ou d’expérience de travail particulière ». Les exigences de HD Mining relativement aux emplois visés par la CNP 8411 étaient un diplôme d’études secondaires et trois années d’expérience de travail dans des mines souterraines. Par conséquent, ils prétendent que les exigences de HD Mining étaient beaucoup trop élevées.

[126]   Toutefois, les demandeurs n’ont pas constaté que le niveau de compétences C vise un éventail de postes non spécialisés et peu spécialisés. La CNP 8411, qui vise le « personnel d’entretien et de soutien des mines souterraines », énumère les conditions d’accès à l’emploi suivantes :

a. « Un diplôme d’études secondaires est habituellement exigé. »

b. « Une formation théorique pouvant aller jusqu’à six semaines, suivie de périodes de formation en cours d’emploi, est habituellement exigée des aides ou du personnel de soutien. »

c. « L’expérience en tant que manœuvre de mine est habituellement exigée. »

d. « Un certificat peut être obtenu du programme de formation “Tronc commun de base” en Ontario. »

e. « Un permis ou un certificat de la compagnie sont souvent exigés pour les postes de ce groupe de base. »

[127]   Lorsque l’on compare les exigences fixées par HD Mining aux exigences plus précises en matière d’études et de formation figurant dans la CNP 8411 (et non pas simplement les lignes directrices concernant les postes de niveau de compétences C en général), on ne constate aucune divergence : HD Mining a exigé un diplôme d’études secondaires et une expérience antérieure pertinente, comme cela est « habituellement exigé » selon la CNP 8411. L’appréciation de l’agent et la démarche qu’il a adoptée n’étayaient donc pas de manière déraisonnable la conclusion, corroborée par la recherche sur le marché du travail que lui et l’ancien agent avaient effectuée, qu’il y avait pénurie de main‑d’œuvre pour ces emplois. Il n’y a tout simplement aucun fondement à l’argument des demandeurs selon lequel les exigences des emplois moins spécialisés étaient « démesurées ».

203(3)d) : « le salaire offert à l’étranger correspond aux taux de salaires courants pour cette profession et les conditions de travail qui lui sont offertes satisfont aux normes canadiennes généralement acceptées »

[128]   Les demandeurs avancent deux arguments : premièrement, que M. MacLean, dans ses motifs, [traduction] « ne fait mention d’aucune source ni d’aucun fondement à l’appui de sa détermination des taux de salaires courants », et, deuxièmement, si on accepte qu’il a consulté le site Web « Travailler au Canada » du gouvernement du Canada, qu’il a omis de se conformer à la politique de RHDCC en ne consultant pas diverses sources.

[129]   Le Manuel du Programme des travailleurs étrangers temporaires de RHDCC, à l’article 3.5.3.4, prévoit que les agents « étudient les salaires qu’un employeur offre et les comparent à ceux versés aux Canadiens et aux résidents permanents occupant le même poste dans la même zone géographique. Pour ce faire, ils se servent d’information exacte et objective sur le marché du travail obtenue auprès de Statistique Canada, de RHDCC/Service Canada, ministères provinciaux ainsi que d’autres sources fiables. »

[130]   M. MacLean n’a consulté que le site Web « Travailler au Canada » afin d’obtenir des renseignements. Au paragraphe 46 de son affidavit, il déclare ce qui suit : [traduction] « J’ai l’habitude, et pour autant que je sache il en va de même pour tous les agents de programme, de me servir de la même méthode pour évaluer les renseignements sur les taux de salaires : je me sers des renseignements sur les taux de salaires figurant au site Web “Travailler au Canada” ». Lors de son contre‑interrogatoire du 25 mars 2013, M. MacLean a déclaré ce qui suit (à la page 114) : [traduction] « Si j’ai bien compris, selon le programme, les taux de salaires courants étaient les taux de salaires moyens dans une région géographique donnée, et nous nous servions à cette époque de Travailler au Canada comme unique source pour trouver les taux de salaires courants […] C’est ainsi que je procédais pour effectuer mon évaluation des taux de salaires. »

[131]   J’ai déjà traité de la preuve de l’imprimé d’une page du site Web « Travailler au Canada » et j’ai conclu que les renseignements que détenait M. MacLean sur les taux de salaires courants provenaient de ce site Web. Bien qu’il ne le mentionne pas dans ses notes d’appréciation, cela ne veut pas dire qu’il ne disposait d’aucune source quant à ces renseignements. Comme je l’ai déjà souligné, les décisions relatives aux AMT sont de nature administrative et l’obligation de fournir des motifs est relativement peu exigeante. Par conséquent, compte tenu de la preuve dont la Cour est saisie, le fait que M. MacLean n’ait fait aucune mention de sa source ne constitue pas un motif d’annulation de sa décision.

[132]   Les demandeurs prétendent, subsidiairement, que l’agent a commis une erreur en ne se conformant pas à la politique de RHDCC susmentionnée et en ne consultant pas diverses sources de renseignements sur les taux de salaires. Plus précisément, les conventions collectives en vigueur à deux mines situées près de la mine de la rivière Murray révèlent, selon les demandeurs, que les renseignements sur les taux de salaires figurant au site « Travailler au Canada » ne sont pas exacts, et M. MacLean aurait dû examiner ces conventions.

[133]   Selon l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour peut accorder un redressement lors du présent contrôle judiciaire si elle est convaincue que l’agent « a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose ».

[134]   Compte tenu de l’information « dont il disposait », c’est‑à‑dire le site Web « Travailler au Canada », il est incontestable que la décision de M. MacLean sur les taux de salaires courants était raisonnable : les salaires offerts par HD Mining dépassaient les salaires courants indiqués sur ce site Web. Cela satisfait au deuxième volet de l’alinéa 18.1(4)d). Ainsi, la préoccupation soulevée par les demandeurs au sujet de la rémunération versée aux deux mines syndiquées se trouvant tout près de la mine de la rivière Murray doit renvoyer à la question de savoir si M. MacLean a tiré sa conclusion « de façon abusive ou arbitraire ».

[135]   Il est vrai que M. MacLean avait connaissance des deux exploitations minières qui sont situées tout près de la mine de la rivière Murray, mais je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que M. MacLean aurait dû leur demander de fournir de l’information sur les salaires ou que le défaut de le faire signifie que la conclusion sur les salaires courants a été tirée de façon abusive ou arbitraire. D’abord, M. MacLean a témoigné qu’il avait interprété l’expression « taux de salaires courants » comme signifiant les salaires moyens pour la profession, interprétation qui n’est pas déraisonnable. Il comprenait donc que certaines personnes recevraient davantage que les salaires indiqués au site Web « Travailler au Canada », et d’autres moins. Même si M. MacLean avait eu connaissance des salaires payés aux deux mines situées à proximité, le fait que les salaires étaient plus élevés à ces deux exploitations syndiquées n’influence pas nécessairement les taux de salaires « courants ». Au contraire, le fait de choisir des données au cas par cas ou des données anecdotiques aurait très bien pu entraîner une conclusion moins fiable. M. MacLean n’avait aucune raison de mettre en doute l’exactitude du site Web, lequel — comme l’ont souligné les ministres défendeurs — est un site Web de l’État qui présente des données provenant de diverses sources objectives. Par conséquent, même si, pour la demande, j’ai permis qu’on dépose en preuve de l’information tirée des conventions collectives au sujet des salaires, et ce, malgré le fait qu’elle ne faisait pas partie du dossier dont disposait M. MacLean, cette information ne démontre pas que M. MacLean avait tiré sa conclusion sur les taux de salaires courants de façon abusive ou arbitraire. En résumé, les demandeurs n’ont soulevé aucune erreur susceptible de contrôle dans la conclusion de M. MacLean au sujet des taux de salaires.

203(3)e) : « l’employeur a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables pour embaucher ou former des citoyens canadiens ou des résidents permanents »

[136]   Les demandeurs soutiennent que les efforts de recrutement pour les 201 postes en question n’ont pas été faits de manière appropriée. Selon eux, les exigences élevées empêchaient certains Canadiens de postuler. Je me suis déjà prononcé, ci‑dessus, sur les exigences et j’ai conclu qu’à la lumière de la CNP 8411, elles étaient raisonnables et conformes aux attentes dans cette industrie.

[137]   De plus, les demandeurs soutiennent que le défaut de HD Mining d’annoncer tous les postes durant la période de 3 mois fixée par la politique de RHDCC a aussi empêché des Canadiens de présenter leur candidature. Là encore, je me suis déjà prononcé sur la décision de l’agent de ne pas exiger un nouvel affichage des offres d’emploi et sur le fait qu’il se soit fondé sur les efforts d’embauche de CDI ainsi que sur son expérience et ses connaissances. Lorsqu’un agent se penche sur les offres d’emploi d’un demandeur d’AMT, il peut faire preuve de discrétion quant à leur durée ou leur exactitude. C’est ce qu’a fait M. MacLean et, comme il l’a expliqué, il s’est demandé si [traduction] « le résultat aurait été différent » si les efforts de recrutement avaient été menés autrement. Rien dans le dossier ne démontre qu’il a eu tort de conclure que des efforts suffisants avaient été faits pour recruter des Canadiens, et ce, autant lors de son appréciation qu’avec du recul. Par conséquent, dans les circonstances de l’espèce et pour reprendre un concept invoqué à maintes reprises par les demandeurs, on pourrait très bien soutenir que M. MacLean aurait « restreint son pouvoir discrétionnaire » s’il avait appliqué strictement les politiques de RHDCC en matière de recrutement, c’est‑à‑dire si les autres renseignements démontraient que les efforts de recrutement de HD Mining étaient « raisonnables ».

[138]   À mon avis, les demandeurs ont examiné l’analyse assez exhaustive de M. MacLean au sujet des lacunes des efforts de recrutement de HD Mining, puis ils ont soutenu que les décisions de M. MacLean étaient déraisonnables pour la simple raison qu’il aurait pu arriver à la décision contraire. Il ne fait aucun doute qu’un autre agent aurait pu décider que HD Mining devait reprendre le processus pour les quelques postes dont le titre était un peu erroné ou dont les annonces étaient quelque peu périmées, mais cela ne signifie pas que la décision contraire de M. MacLean était déraisonnable. Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada au sujet de la norme de contrôle de la décision raisonnable dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 59 : « Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable. »

[139]   Les demandeurs soutiennent aussi qu’une observation faite par M. MacLean dans son formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples démontre que sa conclusion quant à ce facteur était déraisonnable :

[traduction] Transition à la main‑d’œuvre canadienne : l’employeur estime que la transition aura lieu à raison de 10 p. 100 par année, mais il a fourni peu de détails concrets pour expliquer comment il atteindra cet objectif.

[140]   Le plan de transition joint à la demande d’AMT (page 289 de la CCDT) révèle que la transition à un effectif canadien exigera un [traduction] « processus de formation sur plusieurs années, durant lequel des travailleurs canadiens locaux obtiendront les compétences nécessaires à ce type d’exploitation minière [c.‑à‑d. l’exploitation par longues tailles] ». La transition proposée est illustrée par un tableau selon lequel la transition à un effectif canadien, à raison de 10 p. 100 par année, n’allait commencer qu’après la deuxième année d’exploitation complète de la mine. Ce processus n’aura pas lieu du tout pendant la phase du projet dont M. MacLean était saisi : l’extraction d’un échantillonnage global. Comme l’AMT favorable expirera avant le début de toute transition vers un effectif canadien, j’estime qu’il était raisonnable que M. MacLean n’exige pas davantage de détails de la part de HD Mining. Si la pleine exploitation de la mine devait commencer, pour pouvoir continuer d’avoir recours à des TÉT, HD Mining devrait convaincre un autre agent qu’elle dispose d’un plan de transition valable et raisonnable. Par conséquent, je ne peux pas souscrire à l’argument des demandeurs selon lequel M. MacLean a agi déraisonnablement en rendant des AMT favorables malgré ses préoccupations quant au plan de transition.

[141]   Les demandeurs avancent aussi que M. MacLean aurait dû se méfier des efforts de recrutement faits au Canada compte tenu du faible nombre de Canadiens ayant obtenu des entrevues ou ayant été embauchés, et ce, malgré les nombreux curriculum vitae que HD Mining avait reçus. L’agent ne disposait pas de ces curriculum vitae, mais il aurait pu les demander. Les demandeurs affirment que, selon leur propre analyse, un bon nombre de ces curriculum vitae provenaient de Canadiens qui [traduction] « semblaient qualifiés à première vue » pour être embauchés par HD Mining.

[142]   L’agent de programme n’est pas un spécialiste des ressources humaines ni un agent de recrutement. Je serais très surpris si l’examen des curriculum vitae était plus utile pour l’agent qu’il ne l’a été pour la Cour. Sincèrement, l’employeur doit avoir une certaine latitude pour décider qui embaucher, même en vertu du PTÉT. La véritable question est celle de savoir si l’agent disposait d’éléments selon lesquels il devait raisonnablement conclure que le demandeur d’AMT n’avait pas fait d’efforts raisonnables pour embaucher des Canadiens. Lorsque l’on se penche sur cette question, il faut garder à l’esprit qu’il y avait une pénurie de main‑d’œuvre dans le secteur minier, que la demande de CDI pour le même projet avait été approuvée tout juste 12 mois auparavant et que CDI et HD Mining faisaient toutes deux du recrutement. Les demandeurs soutiennent que le faible nombre de personnes ayant obtenu une entrevue par rapport au nombre de candidats aurait dû éveiller les soupçons de M. MacLean quant à l’authenticité du processus de recrutement. À mon avis, rien n’étaye cette position, compte tenu du contexte et, surtout, du fait que la décision a été rendue par un agent de programme d’expérience. En outre, malgré les observations des avocats, je ne suis pas d’avis que le faible nombre d’entrevues aurait raisonnablement dû, à lui seul, soulever des préoccupations quant à l’authenticité ou à la validité du processus de recrutement.

203(3)f) : « le travail de l’étranger est susceptible de nuire au règlement d’un conflit de travail en cours ou à l’emploi de toute personne touchée par ce conflit »

[143]   Aucun conflit de travail n’a cours à la mine de la rivière Murray. Ce facteur n’est pas pertinent.

Résumé

[144]   L’agent n’a pas restreint son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a examiné la demande d’AMT de HD Mining et il n’a tiré aucune conclusion déraisonnable lorsqu’il s’est penché sur les facteurs énoncés au paragraphe 203(3) du Règlement. En outre, comme l’ont reconnu les avocats des demandeurs, il n’est pas nécessaire que le demandeur d’AMT satisfasse à chacun des six facteurs énoncés au paragraphe 203(3). Le décideur doit plutôt analyser et apprécier chacun des critères, puis les mettre en balance afin de décider s’il y a lieu de rendre un AMT favorable. C’est exactement ce que M. MacLean a fait. Comme il l’a souligné dans son formulaire Appréciation et recommandations quant à des demandes multiples, même si les facteurs de la création d’emplois ou du transfert de compétences ne militaient pas en faveur d’une décision favorable, tous les autres critères le faisaient et il était justifié de rendre un AMT favorable.

[145]   Pour tous ces motifs, la demande sera rejetée.

QUESTIONS À CERTIFIER

[146]   La Cour a donné aux parties l’occasion de proposer des questions graves de portée générale à certifier. Seule HD Mining l’a fait. Elle a proposé les questions suivantes :

[traduction]

1. Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales limite le droit de présenter une demande de contrôle judiciaire au procureur général et à « quiconque est directement touché ». La Cour fédérale du Canada [sic] a‑t‑elle, à titre de cour créée par la loi, le pouvoir d’accorder la qualité pour agir dans l’intérêt public à un demandeur qui n’est pas directement touché par la décision de l’office fédéral?

2. Si l’on conclut que la copie certifiée du dossier du tribunal (CCDT) est incomplète, le pouvoir de la Cour d’annuler la décision sous‑jacente diffère‑t‑il selon le fait que le demandeur est touché par la décision ou qu’il conteste une approbation accordée à un tiers?

3. La Cour fédérale du Canada [sic] peut‑elle, en contrôle judiciaire, annuler des visas de travail ou des autorisations qui avaient été délivrés en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sur le fondement d’un avis sur le marché du travail contesté si les titulaires des visas de travail ou des autorisations n’ont pas été désignés comme défendeurs ou autrement avisés et n’ont pas eu l’occasion de participer au contrôle judiciaire?

4. La Cour fédérale peut‑elle se servir d’éléments de preuve qui ne font pas partie de la CCDT pour évaluer le caractère raisonnable de la décision prise en vertu de la loi par un décideur?

5. Lorsqu’il veut obtenir la prorogation du délai pour présenter une demande d’autorisation de contrôle judiciaire, le demandeur qui représente l’intérêt public est-il assujetti au même critère que la personne qui est directement touchée par la décision?

6. Le fait qu’un demandeur cherche à obtenir du financement auprès de tiers pour exercer un recours est-il une « explication raisonnable » pour le dépôt tardif par ce demandeur d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire et un motif valable pour que la Cour accorde une prorogation de délai?

7. Lorsqu’il s’agit d’une personne morale, la prorogation du délai pour déposer une demande d’autorisation de contrôle judiciaire peut‑elle être accordée sur le fondement de l’assertion du demandeur selon laquelle il n’avait pas eu connaissance en temps opportun de la décision lorsque la Cour ne dispose que de la preuve d’un seul représentant de la personne morale voulant qu’il n’avait pas lui‑même connaissance de la décision?

[147]   CDI a dit qu’elle [traduction] « souscrit pour l’essentiel » aux positions exprimées par HD Mining. Dans leurs observations écrites, les demandeurs s’opposent aux questions proposées.

[148]   Aucune question ne sera certifiée. Le pouvoir de la Cour fédérale de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public en vertu de la Loi sur les Cours fédérales est reconnu (voir Harris c. Canada, [2000] 4 C.F. 37 (C.A.)). Compte tenu des conclusions de la Cour et de l’issue de la demande de contrôle judiciaire en cause, aucune des autres questions proposées, même si elles étaient de portée générale, ne serait déterminante en appel, et il ne serait donc pas approprié de les certifier (voir Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1637 (C.A.) (QL)).

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1. Les paragraphes 28 et 61 de l’affidavit de l’agent MacLean, ainsi que les affidavits de Curtis Harold et de Douglas Sweeney, sont radiés.

2. La demande est rejetée.

3. Aucune question n’est certifiée.

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