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 [2014] 3 R.C.F. 54

IMM-456-12

2013 CF 8

Valerian Lukaj (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Lukaj c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge en chef Crampton—Vancouver, 29 août 2012; Ottawa, 4 janvier 2013.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Demandes de parrainage parental — Contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Centre de traitement des demandes refusant de traiter une demande de parrainage parental — Des instructions ministérielles ont entraîné un moratoire dans l’acceptation des demandes de parrainage qui entraient en vigueur le jour suivant celui où le demandeur a envoyé sa demande — La demande non traitée a été retournée au demandeur — Il s’agissait de savoir si Citoyenneté et Immigration Canada a commis une erreur en concluant que la demande a été reçue le jour de l’entrée en vigueur du moratoire ou après; et si les instructions ministérielles excédaient le pouvoir du ministre — Le schéma établi par la Loi ne constitue pas une « offre » que le demandeur a acceptée — Il n’y avait aucune attente légitime que sa demande serait traitée — L’art. 87.3(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit que la demande n’est pas traitée tant qu’une décision favorable n’est pas rendue — Les demandes de parrainage sont considérées comme « reçues » lorsqu’elles sont physiquement reçues — Le ministre n’a pas outrepassé son pouvoir — Les instructions ministérielles ne contreviennent pas au schéma établi par la Loi et ont été émises en raison d’un arriéré — L’obligation d’équité procédurale ne comprenait pas de droit à un long préavis quant au moratoire — Demande rejetée.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Centre de traitement des demandes (CTD) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) refusant de traiter la demande de parrainage parental du demandeur.

Le demandeur a présenté sa demande de parrainage à CIC par courrier recommandé, le même jour où des instructions ministérielles ont annoncé que CIC instaurerait une « pause temporaire d’au plus 24 mois pendant laquelle les nouvelles demandes de parrainage de parents et de grands-parents ne seront pas acceptées », laquelle entrait en vigueur le 5 novembre 2011. La demande de parrainage a été renvoyée au demandeur avec une déclaration selon laquelle la demande avait été reçue au CTD le 5 novembre 2011 et que seules les demandes reçues avant cette date seraient traitées par le CTD.

Il s’agissait de savoir si CIC a commis une erreur en concluant que la demande du demandeur le ou après le 5 novembre 2011 et si les instructions ministérielles excédaient le pouvoir du ministre ou constituaient un abus de ce pouvoir.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Le schéma établi par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) ne constitue pas une « offre » que le demandeur a acceptée. Il n’y avait pas d'attente légitime selon laquelle la demande serait traitée, même si celle-ci n’allait être physiquement reçue qu’après le 5 novembre 2011. La phraséologie du paragraphe 87.3(4) de la LIPR prévoit clairement que tant qu’une décision favorable n’est pas rendue relativement à une demande de parrainage, un demandeur pourrait même ne pas avoir droit au traitement de sa demande. Les demandes de parrainage de la catégorie du regroupement familial sont considérées comme « reçues » seulement lorsqu’elles sont physiquement reçues, et non pas lorsqu’elles sont mises à la poste.

Le ministre n’a pas outrepassé son pouvoir lorsqu’il a établi les instructions ministérielles. Ces instructions ne contreviennent pas au schéma légal des articles 12 et 13 de la LIPR, et à la section 3 de la partie 7 du Règlement, notamment le droit au parrainage qui y est créé. La preuve produite en l’espèce a confirmé qu’il y avait un arriéré de demandes de parrainage au moment où les instructions ministérielles ont été établies. L’établissement des instructions ministérielles semble avoir été fait de bonne foi et avait pour objet de régler cet arriéré. Les actions du ministre à cet égard n’étaient ni arbitraires ni prises de mauvaise foi. Conformément au paragraphe 87.3(2) de la LIPR, le ministre a un vaste pouvoir réglementaire relativement au traitement des demandes de parrainage. Enfin, l’obligation d’équité procédurale due au demandeur ne comprenait pas de droit à un long préavis quant au « moratoire temporaire » dans le traitement des demandes présentées relativement à l’établissement des instructions ministérielles.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi d’exécution du budget de 2008, L.C. 2008, ch. 28, art. 120.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 12, 13, 74d), 87.3(2),(3),(4).

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 130 à 137.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Toussaint c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 213, [2013] 1 R.C.F. 374; Esensoy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1343, [2014] 2 R.C.F. 288.

décisions examinées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654.

décisions citées :

Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); De Jong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 57, [2005] 2 R.C.S. 706; dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186, [2007] 1 R.C.F. 387; Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160; Nor-Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals, 2011 CSC 59, [2011] 3 R.C.S. 616; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 R.C.S. 471; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504; Kaur Gill c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1522, [2014] 2 R.C.F. 441; Liang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 758, [2014] 1 R.C.F. 352; Hamid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 217, [2007] 2 R.C.F. 152; Salahova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 352; Lim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 657; Castro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 659; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; Petrosyn c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1319; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.); Kahn c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, [2002] 2 C.F. 413; Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55; Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129.

DOCTRINE CITÉE

Citoyenneté et Immigration Canada. Bulletin opérationnel 350. « Quatrième série d’instructions ministérielles : moratoire temporaire sur les demandes de parrainage de parents et de grand parents au titre de la catégorie du regroupement familial », 4 novembre 2011, en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/bulletins/2011/bo350.asp>.

Communiqué – le gouvernement du Canada réduit l’arriéré et le temps d’attente pour la réunification familiale – Phase I du Plan d’action pour accélérer la réunification familiale, en ligne : <http://nouvelles.gc.ca/web/article-fr.do?nid=635499&_ga=1.79520596.1364701960.1378833812>.

Notes en vue d’une allocution de l’honorable Jason Kenney, C.P. (Conseil privé), député, ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme, en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ministere/media/discours/2011/2011-11-04.asp>.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision rendue par le Centre de traitement des demandes (CTD) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) refusant de traiter la demande de parrainage parental du demandeur. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Craig Costantino pour le demandeur.

Caroline Christiaens pour l’intimé.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Elgin, Cannon & Associates, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        Le juge en chef Crampton : La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Valerian Lukaj contre le refus de traiter sa demande de parrainage parental, refus émanant d’une personne non identifiée au Centre de traitement des demandes (CTD) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). M. Lukaj soutient ce qui suit :

a) CIC a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que sa demande de parrainage, envoyée par courrier recommandé le 4 novembre 2011, a été reçue après cette date, et donc postérieurement à la date d’échéance contenue dans les instructions ministérielles établies plus tôt ce jour‑là;

b) le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a outrepassé son pouvoir ou en a abusé, lorsqu’il a établi ces instructions ministérielles, et qu’il a refusé d’agir conformément aux articles 12 et 13 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), et qu’il a refusé d’agir conformément au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

[2]        Je ne suis pas d’accord. Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

I.          Les faits et la décision soumise au contrôle

[3]        Le 4 novembre 2011, CIC a adopté le Bulletin opérationnel 350, intitulé « Quatrième série d’instructions ministérielles : moratoire temporaire sur les demandes de parrainage de parents et grands-parents au titre de la catégorie du regroupement familial » (les instructions ministérielles). CIC a annoncé qu’elle instaurait une « pause temporaire d’au plus 24 mois pendant laquelle les nouvelles demandes de parrainage de parents et de grands‑parents ne seront pas acceptées ». Les instructions ministérielles prévoyaient aussi que ce moratoire entrerait en vigueur le jour suivant, le 5 novembre 2011.

[4]        Après avoir pris connaissance de cette annonce, M. Lukaj a rencontré son avocat dans l’après‑midi afin de mettre au point et de présenter sa demande de parrainage à CIC par courrier recommandé, en conformité avec la liste de contrôle des documents antérieurement émise par CIC.

[5]        Le 20 décembre 2011, la trousse de demande de parrainage a été renvoyée au bureau de l’avocat de M. Lukaj avec une lettre type non signée et non datée dans laquelle on déclarait que le timbre dateur sur la demande indiquait qu’elle avait été reçue au CTD le 5 novembre 2011 ou à une date ultérieure. Ensuite, dans la lettre on expliquait qu’à partir du 5 novembre 2011, CIC avait arrêté temporairement l’acceptation de nouvelles demandes de parrainage pour les parents et les grands‑parents. Selon la lettre, seules les demandes reçues avant cette date seraient traitées par le CTD. Dans la lettre, on ajoutait que ce moratoire temporaire dans l’acceptation de nouvelles demandes continuerait jusqu’à avis contraire, et que, comme résultat de ce moratoire, la demande du demandeur et les documents à l’appui lui étaient retournés, avec les frais qu’il aurait payés. La lettre se terminait par une déclaration selon laquelle, à partir du 1er décembre 2011, un super visa pour les parents et les grands‑parents serait offert aux personnes admissibles. M. Lukaj a été renvoyé au site Internet de CIC pour tout renseignement supplémentaire.

II.         La norme de contrôle

[6]        La question du moment auquel la demande de M. Lukaj a été « reçue » par le CTD a trait à l’interprétation par CIC des instructions ministérielles, lesquelles ont été établies conformément au paragraphe 87.3(3) de la LIPR.

[7]        Au paragraphe 54 de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), une majorité des juges de la Cour suprême ont déclaré que : « [l]orsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise » (non souligné dans l’original). Dans une discussion subséquente sur la norme de contrôle applicable aux questions de droit en général, au paragraphe 55, la Cour suprême a établi le critère relatif à la nature de la question de droit comme étant celle qui revêt « “une importance capitale pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise” du décideur administratif » (non souligné dans l’original). La Cour suprême a ajouté que le contrôle des questions de droit qui ne satisfont pas à ce critère peut être compatible avec la norme de contrôle de la décision raisonnable, lorsque certains autres facteurs pointent en ce sens. La Cour suprême a aussi décrit trois types précis de questions de droit qui feront généralement l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte. Aucun de ces types précis de questions ne se pose en l’espèce.

[8]        Plus tard, dans la décision à la majorité, il a été souligné que la première étape dans le processus de contrôle judiciaire consiste à vérifier « si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 62).

[9]        Avant l’arrêt Dunsmuir, il appert que la jurisprudence avait décidé que l’interprétation de la LIPR et du Règlement faite par un agent des visas était susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); De Jong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 57, [2005] 2 R.C.S. 706, au paragraphe 71; dela Fuente c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 186, [2007] 1 R.C.F. 387 (dela Fuente), aux paragraphes 39 à 51).

[10]      Toutefois, depuis l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a répété à de nombreuses occasions que « “[l]orsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise” » (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654 (Alberta Teachers), au paragraphe 30; Celgene Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, [2011] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 34; Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, [2011] 1 R.C.S. 160, aux paragraphes 26 à 28; Nor‑Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals, 2011 CSC 59, [2011] 3 R.C.S. 616, au paragraphe 36; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53, [2011] 3 R.C.S. 471, au paragraphe 16). Récemment, la Cour suprême a aussi déclaré ce qui suit :

Le principe ne vaut cependant pas lorsque l’interprétation de la loi constitutive relève d’une catégorie de questions à laquelle la norme de la décision correcte demeure applicable, à savoir les « questions constitutionnelles, [les] questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du décideur, [les] questions portant sur la “délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents” [et] les questions touchant véritablement à la compétence » […] [Alberta Teachers, précité, au paragraphe 30.]

[11]      En fait, la Cour suprême est allée jusqu’à dire que « sauf situation exceptionnelle — et aucune ne s’est présentée depuis Dunsmuir —, il convient de présumer que l’interprétation par un tribunal administratif de “sa propre loi constitutive ou [d’]une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie” est une question d’interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire » (Alberta Teachers, précité, au paragraphe 34).

[12]      Vu ce qui précède, je suis d’avis que la jurisprudence antérieure à l’arrêt Dunsmuir ne peut pas être considérée comme ayant déjà déterminé « de manière satisfaisante », comme cela ressort du paragraphe 62 de l’arrêt Dunsmuir, le degré de déférence qui doit être accordé à l’interprétation par un tribunal administratif de la LIPR, du Règlement, ou par analogie des Lignes directrices du ministre établies conformément à ces dispositions légales.

[13]      La situation est moins claire en ce qui a trait à d’autres types de décideurs administratifs, en particulier les délégués du ministre tels que les agents de visas. Au paragraphe 19 de l’arrêt Toussaint c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 213, [2013] 1 R.C.F. 374, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’il y avait une incertitude quant à savoir si la norme de contrôle applicable à l’interprétation ou à l’application d’une politique administrative établie en application d’un décret par un directeur employé de CIC était la décision raisonnable ou la décision correcte. Vu que rien ne permet de trancher de la question de savoir si la norme de contrôle était la décision raisonnable ou la décision correcte, la Cour a déterminé qu’elle n’avait pas besoin de rendre une décision sur cette question.

[14]      J’adopterais une approche semblable en l’espèce, étant donné que la conclusion à laquelle je suis arrivé ci‑dessous serait la même, peu importe si l’interprétation faite par CIC des lignes directrices du ministre était susceptible de contrôle selon la décision raisonnable ou selon la décision correcte.

[15]      La question de savoir si le ministre a outrepassé son pouvoir ou en a abusé lorsqu’il a établi les instructions ministérielles est susceptible de contrôle selon la décision correcte (Dunsmuir, précité, aux paragraphes 59 et 60; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 (Khosa), au paragraphe 42).

IV.       Analyse

A.        CIC a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a décidé qu’elle avait « reçu » la demande de M. Lukaj le 5 novembre 2011 ou à une date ultérieure?

[16]      M. Lukaj soutient que pour le parrainage de personnes précises, notamment les parents de résidents permanents et de citoyens, le schéma établi par la LIPR et le Règlement constitue une offre contractuelle faite aux répondants éventuels, laquelle promeut l’objectif du regroupement familial. Le demandeur affirme que lorsqu’il dépose une demande contenant un engagement de parrainage, tout demandeur accepte en fait les modalités offertes, et il indique sa volonté de conclure un accord qui le lie à CIC de s’engager à des obligations correspondantes permettant à la personne parrainée d’être acceptée pour la résidence permanente au Canada. Au début, il avait ajouté qu’une fois que le ministre a offert les modalités contractuelles énoncées dans le schéma légal mentionné ci‑dessus, le ministre était lié par la « règle de l’acceptation par la poste » à l’acception de sa demande à la date à laquelle elle a été mise à la poste. Toutefois, lors de l’audition de la présente demande, son avocat a admis que la règle de l’acceptation par la poste ne s’appliquait pas dans le contexte d’une demande de parrainage. Par conséquent, il a ancré la position de M. Lukaj quant à la nature contractuelle de sa demande, sur son point de vue selon lequel il avait une attente légitime que sa demande soit traitée, une fois qu’il l’aurait envoyée par courrier recommandé le 4 novembre 2011.

[17]      Je n’accepte pas les observations de M. Lukaj sur cet aspect.

[18]      Le schéma de parrainage établi par la LIPR et le Règlement est de nature légale et non pas contractuelle (Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 R.C.S. 504, aux paragraphes 47 à 50).

[19]      L’admissibilité au parrainage dans la catégorie du regroupement familial est établie au paragraphe 12(1) de la LIPR qui prévoit ce qui suit :

Sélection des résidents permanents

12. (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

Regroupement familial

[20]      L’admissibilité correspondante des résidents permanents et des citoyens canadiens à la qualité de répondant pour le parrainage d’un membre de la famille est établie au paragraphe 13(1) de la LIPR qui est énoncé de la façon suivante :

Régime de parrainage

13. (1) Tout citoyen canadien et tout résident permanent peuvent, sous réserve des règlements, parrainer l’étranger de la catégorie « regroupement familial ».

Droit au parrainage : individus

[21]      Le cadre réglementaire applicable aux demandes de parrainage est décrit à la section 3 [de la partie 7] du Règlement, en particulier aux articles 130 à 137.

[22]      Dans ce schéma réglementaire, le droit au parrainage d’un membre de la famille n’est pas octroyé, acquis ou ne commence pas à être acquis, tant qu’une décision favorable n’est pas rendue relativement à la demande (Kaur Gill c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1522, [2014] 2 R.C.F. 441, au paragraphe 40). Jusqu’à un tel moment, le demandeur a simplement un espoir que sa demande sera acceptée.

[23]      En fait, jusqu’à un tel moment, le demandeur pourrait même ne pas avoir droit au traitement de sa demande (Liang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 758, [2014] 1 R.C.F. 352, aux paragraphes 5 à 11, et au paragraphe 43). Cela ressort clairement de la phraséologie du paragraphe 87.3(4), lequel s’applique aux demandes présentées après le 27 février 2008 (Loi d’exécution du budget de 2008, L.C. 2008, ch. 28, article 120).

[24]      M. Lukaj prétend qu’il avait une attente légitime selon laquelle le ministre accepterait sa demande de parrainage sur la base de sa nature contractuelle, et sur le fait que la liste vérification des documents de CIC indique que le courrier est le moyen de communication préféré.

[25]      Je ne suis pas d’accord. Dans la même veine, M. Lukaj admet qu’il [traduction] « savait que, lorsqu’il a envoyé sa demande le 4 novembre 2011, elle n’arriverait pas physiquement au Centre de traitement des demandes ». En fait, la preuve non contestée établit que sa demande a été physiquement reçue au CTD le 9 novembre 2011. Les instructions ministérielles l’informaient aussi clairement que sa demande ne serait pas acceptée aux fins de traitement, si elle n’avait pas été reçue avant le 5 novembre 2011. En particulier, sous le titre « Instructions de traitement », on l’a informé qu’à : « compter du 5 novembre 2011, aucune nouvelle demande de parrainage de parents [R117(1)c)] ou de grands‑parents [R117(1)d)] au titre de la catégorie du regroupement familial ne sera acceptée aux fins de traitement ». De plus, sous le titre « Demandes reçues le 5 novembre 2011 ou à une date ultérieure », il est énoncé ce qui suit :

Les nouvelles demandes de parrainage CF4 de parents ou de grands-parents reçues au [CTD] le 5 novembre 2011 ou à une date ultérieure, seront retournées aux répondants avec une lettre […] les informant du moratoire temporaire. Les demandes dont le cachet de la poste indique une date antérieure au 5 novembre 2011, mais qui sont reçues au [CTD] le 5 novembre ou à une date ultérieure seront également retournées aux répondants. [traduction] Dans les deux cas, les frais de traitement acquittés seront remboursés. [Non souligné dans l’original.]

[26]      Vu ce qui précède, je ne suis pas d’accord avec les affirmations de M. Lukaj selon lesquelles le schéma établi par la LIPR et le Règlement constitue une « offre » qu’il a acceptée, et qu’il avait une attente légitime selon laquelle sa demande serait traitée, même s’il savait qu’elle ne serait physiquement reçue qu’à après le 5 novembre 2011. Je note que le juge Zinn a récemment traité une situation semblable, et qu’il a conclu, comme j’ai moi‑même conclu que « la demande de parrainage du demandeur devait avoir été postée et reçue par CIC avant le 5 novembre 2011 » (Esensoy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1343, [2014] 2 R.C.F. 288 (Esensoy), au paragraphe 8).

[27]      J’ajouterais simplement qu’il est bien établi en droit que les demandes de parrainage de la catégorie du regroupement familial sont considérées comme « reçues » seulement lorsqu’elles sont physiquement reçues, et non pas lorsqu’elles sont mises à la poste (Hamid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 217, [2007] 2 R.C.F. 152, aux paragraphes 45 à 47; Salahova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 352, aux paragraphes 10 à 15; Lim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 657, au paragraphe 28; Castro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 659, au paragraphe 10). Je note que l’affidavit de Glen Bornais, analyste principal à CIC, daté du 1er juillet 2012 (affidavit Bornais) déclare, au paragraphe 27, qu’il s’agit aussi d’une procédure de CIC qui est normalisée. Cela affaiblit encore plus la position de M. Lukaj relative à ses attentes légitimes (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker), au paragraphe 26). Cet élément de preuve n’a pas été contredit par M. Lukaj.

B.        Les instructions ministérielles excédaient-elles le pouvoir du ministre ou constituaient‑elles un abus de ce pouvoir?

[28]      M. Lukaj soutient que le ministre a outrepassé son pouvoir lorsqu’il a établi les instructions ministérielles parce que ces instructions contrevenaient au schéma légal des articles 12 et 13 de la LIPR, et à la section 3 de la partie 7 du Règlement (articles 130 à 137), notamment le droit au parrainage qui y est créé.

[29]      Je ne suis pas d’accord. Cet argument a récemment été soulevé et rejeté par le juge Zinn dans la décision Esensoy, précitée, aux paragraphes 8 à 21. Je suis d’accord avec les motifs rendus par le juge Zinn et je trouve qu’il est inutile de les répéter ici.

[30]      En outre, à titre subsidiaire, M. Lukaj prétend que l’établissement des instructions ministérielles était arbitraire, injuste, fait de mauvaise foi, et que cela constituait donc un abus de pouvoir du ministre.

[31]      Je ne suis pas d’accord. Au paragraphe 18 de la décision Esensoy, précitée, le juge Zinn a conclu qu’il appert que le ministre a établi les instructions ministérielles de bonne foi et de façon légitime :

Le dossier fait état d’un arriéré de 165 000 demandes au moment de l’annonce de l’instruction ministérielle. En janvier 2012, le délai de traitement prévu des demandes de résidence permanente liées à la Turquie pouvait être de 81 mois. On est en droit de penser que ce problème requérait une intervention administrative, et les actions du ministre semblent avoir été prises de bonne foi et avoir pour objet de régler la question de l’arriéré.

[32]      La preuve produite en l’espèce confirme qu’il y avait un arriéré d’environ 165 000 demandes au moment où les instructions ministérielles ont été établies. Selon le paragraphe 10 de l’affidavit Bornais, cet arriéré était de 103 000 demandes au début de 2008. Entre autres choses, le paragraphe 10 de cet affidavit fournit les renseignements complémentaires et utiles suivants :

[traduction] Les arriérés croissants compromettent la capacité du Canada d’offrir le système d’immigration le plus efficace possible. Il y a des coûts élevés qui sont liés au maintien des arriérés. Plutôt que de traiter les demandes, les personnes ressources sont occupées à gérer les demandes et à répondre aux plaintes et aux demandes de renseignements. Un corollaire des arriérés est l’allongement du temps d’attente, étant donné que lorsque les arriérés augmentent les clients doivent attendre de plus en plus longtemps pour que leurs demandes soient traitées. Non seulement les temps d’attente représentent un mauvais service à la clientèle et ils obligent les demandeurs à mettre en veille des décisions très importantes pour leurs vies, mais en plus, ils diminuent aussi la confiance du public dans le système d’immigration. Enfin, l’allongement du temps d’attente expose le gouvernement au risque d’un recours judiciaire (c’est‑à‑dire une procédure de mandamus).

[33]      L’affidavit Bornais note en outre que le moratoire temporaire faisait partie d’un vaste plan d’action pour un regroupement familial accéléré. Entre autres choses, la première phase de ce plan prévoyait trois autres composantes principales. La première de ces composantes engageait le gouvernement fédéral à augmenter le nombre de parents et de grands‑parents parrainés qui seraient admis d’environ 15 500 en 2010, à 25 000 en 2012 — une augmentation d’environ 60 p. cent. La deuxième de ces composantes était l’établissement d’un super visa pour les parents et les grands‑parents, super visa qui pouvait être valable jusqu’à 10 ans, et qui permettrait des entrées multiples jusqu’à 24 mois à la fois, sans renouvellement du statut. Cela est entré en vigueur le 1er décembre 2011. La troisième composante était un engagement de consulter les Canadiens relativement à la restructuration du programme de parrainage des parents et des grands‑parents afin de s’assurer qu’il serait durable à l’avenir. Le paragraphe 22 de l’affidavit Bornais déclare que cette consultation a commencé le 23 mars 2012.

[34]      Ces éléments du plan d’action du ministre ont tous été expliqués lors du communiqué publié le 4 novembre 2011 par CIC [Communiqué ‒ Le gouvernement du Canada réduit l’arriéré et le temps d’attente pour la réunification familiale ‒ Phase I du Plan d’action pour accélérer la réunification familiale]. Ce communiqué expliquait aussi que la deuxième phase du plan d’action commencerait « environ deux ans après les consultations ». À cette époque, selon le plan, le moratoire temporaire serait levé, les demandes à venir seraient traitées rapidement, et le programme de parrainage des parents et des grands‑parents fonctionnerait sur une base plus efficace et plus durable que par le passé.

[35]      Entre-temps, selon le paragraphe 22 de l’affidavit Bornais, CIC continue [traduction] « à traiter, sur une base prioritaire, toutes les demandes de parrainage pour conjoints, partenaires et enfants à charge, peu importe les niveaux cibles du plan ».

[36]      La raison pour laquelle les instructions ministérielles ont été établies en un si court laps de temps est brièvement expliquée dans les Notes en vue d’une allocution de l’honorable Jason Kenney, C.P. (Conseil privé), député, ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme, lesquelles ont été publiées à la conférence de presse tenue le 4 novembre 2011 pour l’annonce du moratoire temporaire et d’autres aspects du plan d’action du ministre.

[…] à mesure que nous restructurerons le programme pour en assurer la viabilité, nous devrons relever le défi suivant : si nous acceptons des demandes dans le cadre de ce programme pendant la période de consultation et de restructuration, nous savons ce qui se produira – nous serons inondés par une immense hausse du nombre de demandes. En effet, les gens se diront : « au cas où les critères changeraient, il vaut mieux que je présente ma demande tout de suite ». Et cette possibilité nous inquiète beaucoup. Cela s’est déjà produit. Les consultants et les avocats en immigration vont contacter leurs clients pour leur dire : « nous allons envoyer votre demande immédiatement ». Et, ensuite, le nombre de demandes passera de 40 000 à 50 000, 60 000 ou 70 000, et nous ne viendrons jamais à bout de l’arriéré.

[37]      Selon un affidavit souscrit par Sharon Ferreira qui est coordonnatrice des opérations au CTD, le 10 juillet 2012, le temps de traitement pour les demandes de parrainage de parents et de grands‑parents était d’environ 31 à 55 mois à l’époque. Au bureau des visas à Rome, en Italie, où la demande de M. Lukaj aurait vraisemblablement été envoyée pour traitement, le temps de traitement était d’environ 40 mois. Si M. Lukaj avait présenté sa demande avant le 5 novembre 2011, ce temps de traitement n’aurait vraisemblablement pas commencé jusqu’à « après 2013 ».

[38]      Vu tout ce qui précède, je suis d’accord avec la conclusion du juge Zinn, au paragraphe 18 de la décision Esensoy, précitée, selon laquelle il appert que l’établissement des instructions ministérielles semble avoir été pris de bonne foi et avait pour objet de régler l’arriéré décrit ci‑dessus. Je suis convaincu que les actions du ministre à cet égard n’étaient ni arbitraires ni prises de mauvaise foi.

[39]      M. Lukaj a aussi soutenu que les principes d’équité procédurale exigent qu’on lui donne un certain avis en cas de changement de la politique du ministre, étant donné que les instructions ministérielles touchaient à son droit fondamental de parrainer ses parents.

[40]      Je ne suis pas d’accord.

[41]      Il est bien établi que le contenu de l’obligation d’équité due aux demandeurs de visa ne commande pas un degré élevé d’équité procédurale (Petrosyn c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 FC 1319, au paragraphe 19; Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.), au paragraphe 41; Kahn c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, [2002] 2 C.F. 413, aux paragraphes 30 à 32; Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55, au paragraphe 10).

[42]      Comme cela est exposé ci‑dessus, M. Lukaj n’avait aucun droit dévolu, acquis ou en voie d’acquisition au parrainage de ses parents. Il n’avait pas non plus le droit de voir sa demande traitée. De plus, il n’avait pas d’attente légitime selon laquelle sa demande dont il savait qu’elle ne serait reçue par CIC qu’après la date d’échéance établie dans les instructions ministérielles serait traitée.

[43]      Conformément au paragraphe 87.3(2) de la LIPR, le ministre a, et il avait dans le cadre de la version de la LIPR en vigueur lorsque la décision faisant l’objet du présent contrôle a été rendue en 2011, un vaste pouvoir réglementaire relativement au traitement des demandes de parrainage, notamment celles auxquelles il est fait référence au paragraphe 13(1) (Esensoy, précitée, aux paragraphes 10 à 12).

[44]      Comme cela est expliqué ci‑dessus, il appert que le ministre avait des motifs honnêtes d’établir des instructions ministérielles et de le faire dans un très court laps de temps.

[45]      Compte tenu de tout ce qui précède, l’obligation d’équité procédurale due à M. Lukaj ne comprenait pas de droit à un long préavis quant au « moratoire temporaire » dans le traitement des demandes présentées relativement à l’établissement des instructions ministérielles (dela Fuente, précité, au paragraphe 20l; Salahova, 2010 CF 352 [précitée], au paragraphe 21; Baker, précité, aux paragraphes 26 et 27).

V.        Conclusion

[46]      Pour les motifs énoncés ci‑dessus, CIC n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle avait « reçu » la demande de M. Lukaj le 5 novembre 2011 ou à une date ultérieure. En outre, le ministre n’a pas outrepassé son pouvoir, et il n’a pas agi de mauvaise foi ou de façon arbitraire lorsqu’il a établi les instructions ministérielles. De plus, l’établissement des instructions ministérielles en un très court laps de temps n’a pas entraîné de violation de quelque obligation d’équité que ce soit qui serait due à M. Lukaj.

[47]      Par conséquent, la présente demande sera rejetée.

[48]      À la fin de l’audition de sa demande, le défendeur a proposé la certification de la question suivante :

[traduction] Vu la responsabilité du ministre d’appliquer la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [la LIPR] de manière à atteindre les divers objectifs énoncés au paragraphe 3(1), et vu la responsabilité du ministre de gérer ces objectifs dans le plan annuel du gouvernement pour le nombre total des admissions, l’article 13 de la LIPR interdit‑il au ministre de mettre en application des instructions fondées sur le paragraphe 87.3 de la LIPR, lesquelles suspendent temporairement l’acceptation des demandes de parrainage aux fins de la réduction de l’arriéré des demandes et de la réduction du temps d’attente qui y est lié pour les parents et les grands‑parents parrainés?

[49]      De façon subsidiaire, au cas où la Cour préférerait une question plus ouverte, le demandeur propose la question suivante pour certification :

[traduction] Lorsqu’il a établi et mis en application la suspension temporaire de la réception de nouvelles demandes de parrainage pour les parents et les grands‑parents tel qu’il est énoncé dans les instructions ministérielles du 5 novembre 2011, le ministre a‑t‑il outrepassé son pouvoir discrétionnaire et ses actions étaient‑elles ultra vires de la LIPR?

[50]      À mon avis, aucune des questions proposées ne soulève de « question grave de portée générale » comme l’exige l’alinéa 74d) de la LIPR. Pour les motifs énoncés par le juge Zinn dans la décision Esensoy, précitée, il est clair que le tout faisait partie du pouvoir réglementaire du ministre d’établir des instructions ministérielles, notamment l’aspect de ces instructions qui entraînait un moratoire temporaire dans l’acceptation des demandes de parrainage pour un parent ou un grand‑parent.

[51]      J’ajouterais simplement qu’aucune des questions proposées et énoncées ci‑dessus ne permettrait de trancher la présente demande, si on y répondait de façon défavorable (Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010] 1 R.C.F. 129, au paragraphe 28).

[52]      Selon moi, aucune autre question grave de portée générale n’est soulevée dans la présente demande.

[53]      Par conséquent, il n’y aura pas de question à certifier.

JUGEMENT

LA COUR STATUE en ces termes :

1. La présente demande est rejetée.

2. Il n’y a aucune question à certifier.

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