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[2001] 1 C.F. 172

T-999-97

Stamicarbon S.A.R.L. (demanderesse)

c.

Urea Casale S.A. (défenderesse)

Répertorié : Stamicarbon S.A.R.L. c. Urea Casale S.A. (1re inst.)

Section de première instance, juge McKeown Ottawa, 5 et 27 juillet 2000.

Brevets — L’art. 47(1) de la Loi sur les brevets autorise le commissaire à délivrer un nouveau brevet s’il y a abandon du brevet original jugé défectueux à cause d’une erreur commise par inadvertance, accident ou méprise — L’art. 47(2) prévoit qu’à l’abandon, le brevet redélivré remplace le brevet original, le brevet original devient inopérant; l’abandon du brevet original donne lieu à l’annulation d’un motif d’instance alors existant sauf dans la mesure où le brevet redélivré comporte des revendications identiques à celles du brevet original — Deux choses sont « identiques » si elles sont « exactement les mêmes dans les moindres détails » — La défenderesse a admis que la revendication 22 du brevet redélivré était nouvelle et qu’elle n’était pas identique à la revendication 15 du brevet original — Le motif d’instance fondé sur la revendication 15 a été annulé — La revendication 14 du brevet original a été modifiée de façon à remplacer les mots « ladite méthode étant caractérisée par le fait qu’elle comprend » par les mots « ladite méthode comprenant » — En matière de revendications, les mots « étant caractérisée par le fait » séparent l’ancien du nouveau, inventif — Le passage suivant les mots « étant caractérisée par le fait » était essentiel à l’invention — La suppression de « étant caractérisée par le fait » a modifié la portée de la revendication étant donné qu’elle laisse entendre que ces aspects ne sont plus essentiels — Une redélivrance est fondée sur l’aveu qu’un brevet revendique plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer à titre d’invention nouvelle — En modifiant la revendication 14, la défenderesse a admis que la portée de la revendication 21 est différente de la portée de la revendication originale — Étant donné que les revendications n’étaient pas identiques, rien ne permettait de poursuivre la demande reconventionnelle — Un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle a été accordé.

Pratique — Jugements et ordonnances — Jugement sommaire — Requête en vue d’obtenir un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle de la défenderesse — Les règles 213 et 216 des Règles de la Cour fédérale (1998) régissent les jugements sommaires — Elles visent à permettre à la Cour de statuer sommairement sur les affaires qui ne devraient pas être instruites parce qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse ou si la seule véritable question litigieuse porte sur un point de droit — La demande reconventionnelle cherchait à obtenir uniquement des dommages-intérêts à l’égard de la présumée contrefaçon du brevet original et non à l’égard du brevet redélivré — Des dommages-intérêts fondés sur le brevet original pourraient être accordés uniquement si les revendications du brevet original et celles du brevet redélivré étaient « identiques », comme le prévoit l’art. 47(2) de la Loi sur les brevets — Les revendications n’étaient pas identiques — Il ne restait plus aucune question litigieuse — Un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle a été accordé.

Pratique — Frais et dépens — Sur la base avocat-client — Brevet délivré en janvier 1997 — L’action réclamant un jugement déclaratoire au motif qu’il y avait antériorité ou que le brevet japonais avait rendu l’invention évidente — La demande reconventionnelle alléguait des contrefaçons — La défenderesse a par la suite présenté une demande de redélivrance du brevet, compte tenu du brevet japonais sans en aviser la demanderesse — Le jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle a été accordé et des dépens sur la base avocat-client ont été adjugés à la demanderesse, quoique pas à l’égard de l’action — Les dépens sur la base avocat-client ne sont adjugés que s’il y a eu inconduite dans le cadre du litige, et si une partie a causé de graves difficultés ou des frais élevés inutiles à une autre partie dans la poursuite ou la défense d’une action, ou a obligé une partie à participer à une instance inutile — La défenderesse n’aurait pas dû présenter de demande reconventionnelle étant donné sa connaissance de l’existence du brevet japonais et son défaut d’aviser la demanderesse de sa demande de redélivrance du brevet — Des dépens ont été adjugés à la défenderesse à l’égard de toutes les questions liées à la violation de l’entente de 1992 sur laquelle la demanderesse s’était fondée pour revendiquer son titre de titulaire du brevet, de la date de l’introduction de l’action jusqu’en septembre 1998 — Si le montant des dépens adjugés à la demanderesse excède le montant des dépens adjugés à la défenderesse, la demanderesse aura droit au paiement du surplus des sommes consignées à la Cour à titre de cautionnement pour les dépens de la défenderesse.

Il s’agissait d’une requête en vue d’obtenir un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle, les dépens devant être adjugés sur la base avocat-client; en vue d’obtenir une ordonnance autorisant le désistement de l’action; et en vue d’obtenir une ordonnance assurant le versement du montant de 5 000 $ consigné à la Cour à titre de cautionnement pour les dépens de la défenderesse. Le brevet de la défenderesse a été délivré au mois de janvier 1997. En mai 1997, la demanderesse a intenté une action sollicitant un jugement déclaratoire portant que le brevet était invalide et qu’elle était titulaire du brevet, ou que ses activités ne constituaient pas une contrefaçon du brevet. L’un des motifs d’invalidation était qu’un brevet japonais constituait une antériorité par rapport à l’invention décrite et revendiquée dans le brevet ou la rendait évidente. La défense et la demande reconventionnelle alléguaient des contrefaçons de l’invention mentionnée dans les revendications 14 et 15. En novembre 1997, la défenderesse a demandé à son agent de brevets de présenter une demande de redélivrance du brevet, compte tenu du brevet japonais. Le 16 décembre 1998, la défenderesse a déposé la demande de redélivrance à l’égard du brevet sans en aviser la demanderesse. Le 12 octobre 1999, le brevet a été redélivré.

Le paragraphe 47(1) de la Loi sur les brevets autorise le Commissaire à délivrer un nouveau brevet s’il y a « abandon » d’un brevet jugé défectueux ou inopérant à cause d’une erreur commise par inadvertance, accident ou méprise, sans intention de frauder ou de tromper. Le paragraphe 47(2) prévoit que l’abandon prend effet au moment de la délivrance du nouveau brevet, et dans la mesure où les revendications du brevet original et du brevet redélivré sont « identiques », un tel abandon n’atteint aucune instance pendante au moment de la redélivrance, ni n’annule aucun motif d’instance alors existant, et le brevet redélivré, dans la mesure où ses revendications sont identiques à celles du brevet original, constitue une continuation du brevet original et est maintenu en vigueur sans interruption depuis la date du brevet original.

Afin d’établir quel a été l’effet de la redélivrance du brevet sur les revendications dans le cadre de la demande reconventionnelle, il a fallu déterminer le sens du mot « identiques » figurant au paragraphe 47(2).

Jugement : la requête doit être accueillie.

Dans la demande reconventionnelle, des dommages- intérêts ont été demandés à l’égard de la présumée contrefaçon des revendications 14 et 15 du brevet original et non à l’égard du brevet redélivré. Par conséquent, des dommages-intérêts fondés sur le brevet original pourraient être accordés uniquement si les revendications du brevet original et celles du brevet redélivré étaient identiques, comme le prévoit le paragraphe 47(2).

Dans la mesure où les revendications 21 et 22 du brevet redélivré n’étaient pas identiques aux revendications 14 et 15 du brevet original, il n’existait plus de motif d’instance que la défenderesse pouvait invoquer à l’encontre de la demanderesse à l’égard de la contrefaçon des revendications 14 et 15. La défenderesse a admis que la revendication 22 du brevet redélivré était nouvelle et qu’elle n’était pas identique à la revendication 15 du brevet original, de sorte que le motif d’instance de la défenderesse fondé sur la revendication 15 a été annulé.

La seule question qu’il restait à régler était de savoir si la revendication 14 du brevet original était identique à la revendication 21 du brevet redélivré. La revendication 14 du brevet original a été modifiée de façon à remplacer les mots « ladite méthode étant caractérisée par le fait qu’elle comprend » par les mots « ladite méthode comprenant ». Le sens du mot « comprenant », qui est commun aux deux revendications, est semblable, en matière de revendications, à celui du mot « inclut ». Selon l’Oxford Dictionary, deux choses sont « identiques » si elles sont [traduction] « exactement les mêmes dans les moindres détails ». La défenderesse n’a pas établi que les revendications en question figurant dans le brevet original et dans le brevet redélivré étaient « identiques », et la demanderesse a établi que les revendications 20 et 14 ne sont pas « identiques » au sens du paragraphe 47(2). En matière de revendications, les mots « étant caractérisée par le fait » séparent ce qui vient avant eux, qui est admis être ancien, de ce qui vient après eux, qui est considéré comme nouveau et inventif. Par conséquent, la présence de ces mots indique que les aspects décrits dans le passage suivant les mots « étant caractérisée par le fait » sont essentiels à l’invention étant donné que ce sont les aspects nouveaux et inventifs. En supprimant les mots « étant caractérisée par le fait », la défenderesse a modifié la portée de la revendication étant donné que cette suppression laisse entendre que ces aspects ne sont peut-être plus essentiels. En outre, en déposant sa demande de redélivrance, la défenderesse a volontairement choisi de modifier la revendication 14. Conformément à l’article 47, une redélivrance est fondée sur l’aveu de la part du titulaire du brevet qu’un brevet est défectueux ou inopérant parce que, entre autres, le titulaire a revendiqué « plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer à titre d’invention nouvelle ». Par conséquent, en cherchant à modifier la revendication 14, la défenderesse a admis que la portée de la revendication dans sa version modifiée est différente de la portée de la revendication originale. Si la défenderesse croyait qu’elle devait corriger de simples erreurs techniques qui ne modifiaient pas la portée des revendications, elle pouvait uniquement chercher à effectuer ces modifications en vertu de la disposition de l’article 8 concernant les erreurs d’écriture.

Il ne restait plus aucune véritable question litigieuse. Les dispositions concernant les jugements sommaires figurant aux règles 213 et 216 des Règles de la Cour fédérale (1998) visent à permettre à la Cour de statuer sommairement sur les affaires qui ne devraient pas être instruites parce qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. Si la seule véritable question litigieuse porte sur un point de droit, la Cour peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence. Étant donné que les revendications de la défenderesse n’étaient pas identiques, rien ne lui permettait de poursuivre la demande reconventionnelle et un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle a été accordé. La demanderesse dans la présente action cherchait uniquement à faire invalider le brevet original et non le brevet redélivré. Elle a également été autorisée à se désister de son action.

Les dépens sur la base avocat-client ne sont en général adjugés que s’il y a eu inconduite dans le cadre du litige et, en particulier, si une partie a causé de graves difficultés ou des frais élevés inutiles à une autre partie dans la poursuite ou la défense d’une action, ou a obligé une partie à participer à une instance inutile. La défenderesse n’aurait pas dû présenter de demande reconventionnelle étant donné sa connaissance de l’existence du brevet japonais et son défaut, jusqu’au 10 décembre 1999, de communiquer qu’elle avait présenté une demande de redélivrance du brevet. Les dépens ont donc été adjugés sur la base avocat-client à la demanderesse en ce qui concerne la demande reconventionnelle de la défenderesse. Toutefois, les dépens sur la base avocat-client n’ont pas été adjugés en ce qui concerne la propre action de la demanderesse, qui était en partie fondée sur l’opinion selon laquelle la demanderesse était titulaire du brevet en raison d’une entente conclue en 1992 ainsi que sur le fait que cette entente avait été violée par suite de l’utilisation de renseignements confidentiels. La demanderesse n’a pas abandonné sa position au sujet des renseignements confidentiels avant le 24 septembre 1998 et ce n’est que maintenant qu’elle abandonne ses demandes visant à l’obtention d’un jugement déclaratoire portant que toutes les revendications du brevet original sont invalides. La demanderesse n’a pas pris d’autres mesures si ce n’est de demander de temps en temps si une demande avait été déposée en vue de la redélivrance du brevet. Par conséquent, les dépens ont été adjugés à la défenderesse à l’égard de toutes les questions liées à la violation de l’entente de 1992 pour la période allant de la date de l’introduction de l’action au 24 septembre 1998. Il n’y a pas eu d’adjudication de dépens à l’égard du reste de l’action de la demanderesse. Si le montant des dépens adjugés à la demanderesse excède le montant des dépens adjugés à la défenderesse, la demanderesse aura droit au paiement de la somme due.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 8 (mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 27), 47(1),(2).

Loi sur les brevets, S.R.C. 1952, ch. 203, art. 50(2).

Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, ch. P-4, art. 50(2).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 213, 216.

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Burton Parsons Chemicals, Inc. c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd., [1976] 1 R.C.S. 555; (1974), 54 D.L.R. (3d) 711; 17 C.P.R. (2d) 97; 3 N.R. 553.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Detroit Fuse & Manufacturing Coy. v. Metropolitan Engineering Coy. Of Canada Ltd. (1922), 21 R.C.É. 276; 63 D.L.R. 179; Continental Can. Co. of Canada Ltd. v. Wainberg (1969), 61 C.P.R. 159 (C. de l’É.); Warner-Lambert Co. c. Wilkinson Sword Canada Inc. (1988), 21 C.P.R. (3d) 145 (C.F. 1re inst.); Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1993), 47 C.P.R. (3d) 188; 152 N.R. 292 (C.A.F.); conf. (1991), 35 C.P.R. (3d) 417; 42 F.T.R. 68 (C.F. 1re inst.); Curl-Master Mfg. Co. Ltd. v. Atlas Brush Ltd., [1967] R.C.S. 514; (1967), 52 C.P.R. 51; Hewlett-Packard (Canada) Ltd. c. Burton Parsons Chemicals, Inc., [1973] C.F. 405; (1973), 10 C.P.R. (2d) 126 (C.A.); Slimfold Mfg. Co., Inc. v. Kinkead Industries, Inc., 810 F.2d 1113 (Fed. Cir. 1987).

DOCTRINE

Compact Edition of the Oxford English Dictionary, London : Oxford University Press, 1971.

Delbridge, Robert F. « Preparation and Prosecution of Canadian and Foreign Patent Applications » (1969), 58 C.P.R. 251.

Fox, Harold G. The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4th ed. Toronto : Carswell, 1969.

Johnson, D. S. « The Language of the Claim » (1955), 23 C.P.R. 76.

REQUÊTE en vue d’obtenir un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle, les dépens devant être adjugés sur la base avocat-client, en vue d’obtenir une ordonnance autorisant le désistement de l’action, et en vue d’obtenir une ordonnance assurant le versement des sommes consignées à la Cour à titre de cautionnement pour les dépens de la défenderesse. Requête accueillie.

ONT COMPARU :

A. David Morrow et Steven B. Garland pour la demanderesse.

Douglas N. Deeth pour la défenderesse.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar, Ottawa, pour la demanderesse.

Deeth Williams Wall, Toronto, pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge McKeown : La demanderesse a déposé la présente requête en vue d’obtenir un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle de la défenderesse, les dépens devant être adjugés à la demanderesse sur la base avocat-client. La demanderesse sollicite également une ordonnance l’autorisant à se désister de son action. Elle sollicite en outre une ordonnance portant que le montant de 5 000 $ qu’elle a consigné à la Cour à titre de cautionnement pour les dépens de la défenderesse doit lui être versé avec les intérêts applicables.

[2]        Les questions soulevées devant la Cour se rapportent au sens du mot « abandonne » figurant au paragraphe 47(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, et au sens du mot « identiques » figurant au paragraphe 47(2) de ladite Loi.

LES FAITS

[3]        La demanderesse a intenté la présente action au moyen d’une déclaration qui a été déposée le 16 mai 1997. Dans la déclaration, la demanderesse allègue entre autres que le brevet no 2141886 de la défenderesse est invalide, et ce, pour de nombreux motifs. La demande de brevet canadien no 2141886 a été déposée le 6 février 1995. Le 9 février 1995, la défenderesse a écrit à la demanderesse pour lui faire savoir qu’elle avait demandé un brevet et pour l’informer de l’objet du brevet. Le 7 avril 1995, la demanderesse a répondu en mentionnant l’entente qu’elle avait conclue avec la défenderesse le 24 janvier 1992. Dans cette lettre, la demanderesse disait à la défenderesse qu’elle violait l’entente en utilisant les renseignements obtenus en vertu de l’entente et elle lui faisait savoir qu’elle solliciterait des dommages-intérêts. Le brevet a été délivré le 28 janvier 1997. Le 16 mai 1997, la demanderesse a intenté une action visant à faire invalider le brevet original et a sollicité un jugement déclaratoire portant que certaines activités qu’elle exerçait au Canada ne contrefaisaient pas le brevet original. L’un des motifs d’invalidation allégués était que le brevet japonais no 38813 constituait une antériorité par rapport à l’invention décrite et revendiquée dans le brevet ou la rendait évidente. La demanderesse a allégué que deux personnes désignées dans le brevet ne sont pas les inventeurs de la présumée invention décrite dans le brevet et que c’était elle qui avait mis ces personnes au courant de la présumée invention bien avant la date de priorité du brevet, soit le 11 mai 1994. Il a en outre été allégué que la présumée invention était évidente. On sollicitait un jugement déclaratoire portant que le brevet est et a toujours été invalide, nul et non avenu. Subsidiairement, la demanderesse sollicitait un jugement déclaratoire portant qu’elle est légitimement titulaire du brevet, ou subsidiairement, un jugement déclaratoire portant que ses activités ne constituent pas une contrefaçon du brevet dans la mesure où le brevet peut être jugé valide.

[4]        Le 10 octobre 1997, la défenderesse a déposé une défense et une demande reconventionnelle dans lesquelles elle rejetait les allégations de la demanderesse et alléguait en outre que la demanderesse avait contrefait le brevet, en particulier à l’égard de deux projets réalisés au Canada après le mois de mars 1995, mais avant le mois d’octobre 1997. En outre, la défenderesse alléguait que, depuis le 6 mars 1995, la demanderesse avait fabriqué, utilisé et mis en vente l’invention mentionnée dans les revendications 14 et 15 du brevet. Le 12 novembre 1997, la demanderesse a déposé une réponse et une défense à la demande reconventionnelle. Elle a déposé d’autres déclarations modifiées le 8 septembre 1998 et le 10 août 1999.

[5]        Le 7 novembre 1997, la défenderesse a demandé à son agent de brevets, M. S. Schmidt, de présenter une demande de redélivrance du brevet, compte tenu entre autres du brevet japonais no 38813. Au mois de décembre 1997 et au début de l’année 1998, la défenderesse ainsi que son avocat et son agent de brevets ont discuté de la redélivrance du brevet. Au mois de septembre 1998, on a demandé au représentant de la défenderesse, M. Zardy, au cours de l’interrogatoire préalable, si une demande en vue de la redélivrance du brevet, d’un réexamen et d’une renonciation au brevet litigieux avait été déposée. M. Zardy a déclaré que cela n’était pas arrivé. L’avocat de la défenderesse a refusé de demander si une demande de redélivrance avait été déposée ou si l’on était en train de préparer cette demande. L’avocat de la demanderesse a alors posé la question suivante à l’avocat de la défenderesse : [traduction] « Bon, si vous déposez une telle demande, allez-vous nous en informer? » L’avocat de la défenderesse a répondu ce qui suit : [traduction] « Je vais y songer. »

[6]        Le 16 décembre 1998, la défenderesse a déposé la demande de redélivrance à l’égard du brevet; elle n’en a pas avisé la demanderesse ou son avocat. Le 13 août 1999, l’agent de brevets a informé la défenderesse et son avocat que la demande de redélivrance serait accueillie. Aux mois de juillet, de septembre et d’octobre, l’avocat de la demanderesse a demandé à la défenderesse de répondre aux questions auxquelles on n’avait pas répondu lors de l’interrogatoire préalable; il n’a pas reçu de réponse. Le 12 octobre 1999, le brevet a été redélivré. Le 15 novembre 1999, l’agent de brevets, M. S. Schmidt, a informé la défenderesse et son avocat par lettre et par courrier électronique que le brevet avait été redélivré. Le 10 décembre 1999, la défenderesse a pour la première fois informé la demanderesse qu’[traduction] « une demande de redélivrance a été déposée ».

[7]        Le 11 janvier 2000, la demanderesse a obtenu du Bureau canadien des brevets une copie de la demande de redélivrance déposée par la défenderesse et la correspondance y afférente que le Bureau des brevets avait en sa possession. Ces documents montraient que la demande de redélivrance avait été déposée le 16 décembre 1998 et que le brevet avait été redélivré le 12 octobre 1999.

ANALYSE

[8]        Le droit se rapportant à la procédure de jugement sommaire en Cour fédérale est régi par les règles 213 et 216 des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106]. Les dispositions concernant les jugements sommaires visent à permettre à la Cour de statuer sommairement sur les affaires qui ne devraient pas être instruites parce qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. En outre, si la seule véritable question litigieuse porte sur un point de droit, la Cour peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

[9]        Comme je l’ai déjà dit, la seule allégation qui a été faite dans la demande reconventionnelle de la défenderesse se rapporte à la présumée contrefaçon par la demanderesse des revendications 14 et 15 du brevet original. Le brevet a été redélivré le 12 octobre 1999. Dans ses observations écrites, la défenderesse a déclaré qu’il n’était pas allégué qu’après le mois d’octobre 1999, la demanderesse avait exercé au Canada des activités contrefaisant le brevet original ou le brevet redélivré. Je dois déterminer quel est l’effet de la redélivrance du brevet sur les revendications dans le cadre de la demande reconventionnelle. Pour ce faire, je dois examiner les paragraphes 47(1) et (2) de la Loi sur les brevets, qui portent sur la délivrance de brevets nouveaux ou rectifiés et sur l’effet du nouveau brevet.

47. (1) Lorsqu’un brevet est jugé défectueux ou inopérant à cause d’une description et spécification insuffisante, ou parce que le breveté a revendiqué plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer à titre d’invention nouvelle, mais qu’il apparaît en même temps que l’erreur a été commise par inadvertance, accident ou méprise, sans intention de frauder ou de tromper, le commissaire peut, si le breveté abandonne ce brevet dans un délai de quatre ans à compter de la date du brevet, et après acquittement d’une taxe réglementaire additionnelle, faire délivrer au breveté un nouveau brevet, conforme à une description et spécification rectifiée par le breveté, pour la même invention et pour la partie restant alors à courir de la période pour laquelle le brevet original a été accordé.

(2) Un tel abandon ne prend effet qu’au moment de la délivrance du nouveau brevet, et ce nouveau brevet, ainsi que la description et spécification rectifiée, a le même effet en droit, dans l’instruction de toute action engagée par la suite pour tout motif survenu subséquemment, que si cette description et spécification rectifiée avait été originalement déposée dans sa forme corrigée, avant la délivrance du brevet original. Dans la mesure où les revendications du brevet original et du brevet redélivré sont identiques, un tel abandon n’atteint aucune instance pendante au moment de la redélivrance, ni n’annule aucun motif d’instance alors existant, et le brevet redélivré, dans la mesure où ses revendications sont identiques à celles du brevet original, constitue une continuation du brevet original et est maintenu en vigueur sans interruption depuis la date du brevet original.

[10]      Je dois déterminer le sens du mot « abandonne » employé au paragraphe 47(1) et celui du mot « identiques » figurant au paragraphe 47(2). La demanderesse soutient que l’abandon signifie que le brevet original n’existe plus et qu’aucune action fondée sur ce brevet ne peut être poursuivie si ce n’est dans la mesure où les revendications du brevet original et celles du brevet redélivré sont identiques. Dans l’ouvrage intitulé : The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd., 1969, Harold G. Fox fait les remarques suivantes aux pages 339 et 340 :

[traduction] Lorsqu’un brevet a été abandonné et qu’il a été redélivré, un jugement en contrefaçon du brevet abandonné est inopérant et ne peut pas être exécuté au moyen d’une procédure d’outrage après l’abandon du brevet original, sauf en ce qui concerne des revendications identiques.

L’auteur ajoute ensuite ce qui suit :

[traduction] La présente loi prévoit que, dans la mesure où les revendications du brevet original et celles du brevet redélivré sont identiques, l’abandon du brevet original n’atteint aucune instance pendante au moment de la redélivrance, ni n’annule aucun motif d’instance alors existant, et le brevet redélivré, dans la mesure où ses revendications sont identiques à celles du brevet original, constitue une continuation du brevet original et est maintenu en vigueur sans interruption depuis la date du brevet original.

[11]      Fox se fonde sur la décision Detroit Fuse & Manufacturing Coy. v. Metropolitan Engineering Coy. of Canada Ltd. (1922), 21 R.C.É. 276, où le juge Audette dit ce qui suit, aux pages 279 et 280 :

[traduction] Si l’on donne effet à ce qui semble être le libellé clair de la loi, le nouveau brevet, le brevet redélivré semblerait avoir remplacé le brevet original, qui disparaît à compter de la date de la délivrance du nouveau brevet et qui est remplacé par ce dernier. Le brevet original n’existant plus depuis la date de la redélivrance, on pourrait uniquement dire que le jugement qui a été obtenu sur consentement à l’égard du brevet original est un accessoire de ce brevet. Si le brevet original est le principal,l’objectif du jugementle jugement ne constituant qu’un accessoire doit disparaître et cesser de s’appliquer en même temps que le brevet et doit devenir inopérant, […]

Le fait que la législation canadienne et la législation américaine sur les brevets sont en général similaires,comme l’a dit le juge Patterson dans la décision Hunter v. Carrick ([1884] 10 O.A.R. 449, à la p. 468), sert de justification pour se fonder sur les arrêts américains. Dans Re Allen v. Culp ([1897] 166 U.S. 501, à la p. 505), il a été statué que « lorsqu’un brevet est ainsi abandonné (en faveur d’un brevet redélivré), il est certain qu’il continue à être valide tant qu’il n’est pas redélivré, auquel cas il devient alors inopérant ».

[12]      Dans la décision Continental Can Co. of Canada Ltd. v. Wainberg (1969), 61 C.P.R. 159 (C. de l’É.), la demanderesse avait sollicité une ordonnance déclarant qu’un brevet qui avait été abandonné était et avait toujours été nul et invalide. La Cour a conclu qu’étant donné qu’ [à la page 160] :

[traduction] […] la seule conclusion recherchée dans le présent litige vise à l’obtention d’un jugement déclarant invalide le brevet original, qui n’existe plus, il me semble que logiquement il ne servirait plus à rien de poursuivre la présente action même si certaines revendications du brevet redélivré peuvent être ou sont semblables à certaines des revendications du brevet original et, j’ajouterais, malgré le libellé du paragraphe (2) de l’article 50 de la Loi sur les brevets […]

Cette disposition était identique au paragraphe 47(2) de la loi existante. Le juge Noel estimait que si les revendications du brevet original et les revendications du brevet redélivré sont identiques, la continuation des actions visées au paragraphe 50(2) [S.R.C. 1952, ch. 203] (maintenant 47(2)) pouvait uniquement s’appliquer dans une poursuite relative à la contrefaçon ou lorsque le demandeur peut obtenir au moins une partie de la réparation sollicitée. Cela ne peut pas être le cas lorsque le demandeur sollicite uniquement un jugement déclaratoire portant que le brevet est nul. Par suite de la remarque que le juge Noel avait faite, une requête subséquente visant au rejet de l’action pour le motif que le brevet invalidé avait été abandonné a été déposée et la demande a été rejetée par la Cour. Dans ses motifs, le juge Noel a dit ce qui suit, à la page 162 :

[traduction] Bien sûr, si, comme l’a souligné la Cour dans le jugement qu’elle a rendu dans ce dossier le 17 mars 1969, la demanderesse cherchait simplement à faire invalider le brevet original sans demander un jugement déclaratoire au sujet de la contrefaçon et si la simple contestation d’un brevet abandonné ne semblait servir à aucune fin utile, il n’y aurait bien sûr pas lieu de poursuivre l’action.

La défenderesse a soutenu que, compte tenu de la remarque précitée, le juge Noel avait affirmé que la situation dans une action en dommages-intérêts serait différente d’une action visant à l’obtention d’un jugement déclaratoire. Toutefois, le juge Noel a clairement dit que le paragraphe 50(2) s’appliquerait en pareil cas, à condition que les revendications du brevet original et celles du brevet redélivré soient identiques. Dans la demande reconventionnelle dont j’ai été saisi, la défenderesse demande uniquement des dommages-intérêts à l’égard du brevet original et non à l’égard du brevet redélivré. En outre, la demanderesse dans la présente action cherche uniquement à faire invalider le brevet original et non le brevet redélivré.

[13]      Dans la décision Warner-Lambert Co. c. Wilkinson Sword Canada Inc. (1988), 21 C.P.R. (3d) 145 (C.F. 1re inst.), le protonotaire adjoint Giles a exprimé le même avis au sujet du paragraphe 50(2) [S.R.C. 1970, ch. P-4]. Il a dit, à la page 147 :

[traduction] Il est tout à fait évident que, quelle que soit la réparation prévue au paragraphe 50(2) en cas d’abandon de brevet, cela dépend de l’existence de revendications identiques dans le brevet et dans le brevet redélivré.

Il a également souligné ce qui suit :

[traduction] Étant donné l’avis que j’ai exprimé au sujet de l’effet de l’article 50, il est inutile de déterminer maintenant si l’action doit se poursuivre en vertu de la disposition finale du paragraphe 50(2) en tant qu’action relative au brevet original ou en tant qu’action se rapportant au brevet redélivré.

La défenderesse conteste la première remarque que le protonotaire adjoint a faite et dit que la seconde remarque montre qu’il peut y avoir une action se rapportant au brevet original. Je ne puis souscrire à cet avis étant donné que l’action relative au brevet original exigerait néanmoins, de toute façon, que l’action dépende de l’existence de revendications identiques dans le brevet et dans le brevet redélivré. La défenderesse a cité plusieurs décisions qui montrent que la Cour se référait aux deux actions, l’une fondée sur le brevet original et la seconde sur le brevet redélivré. Toutefois, des dommages-intérêts fondés sur le brevet original n’ont jamais été accordés et, à mon avis, ils pourraient uniquement l’être si les revendications du brevet original et celles du brevet redélivré étaient identiques, comme le prévoit le paragraphe 47(2).

[14]      Dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1993), 47 C.P.R. (3d) 188 (C.A.F.); conf. (1991), 35 C.P.R. (3d) 417 (C.F. 1re inst.), il y avait deux actions. Il importe de noter que dans cette affaire-là, la demanderesse avait allégué qu’en fabricant et en vendant son produit, la défenderesse avait violé les droits que la demanderesse avait en sa qualité de titulaire du brevet, tant en vertu du brevet original qu’en vertu du brevet redélivré. Le juge de première instance a conclu que la défenderesse avait contrefait le brevet de la demanderesse et il a accordé une injonction interdisant la contrefaçon du brevet redélivré. Toutefois, selon le jugement, c’était une injonction interdisant la contrefaçon du brevet original qui était accordée. La question a été éclaircie en appel et la Cour a conclu que l’injonction qu’il convenait d’accorder se rapportait à la contrefaçon du brevet redélivré. À la page 196, la Cour d’appel a fait la remarque ci-après énoncée, qui a causé une certaine confusion :

Le brevet original demeure pertinent uniquement aux fins d’établir les dommages-intérêts.

Le contexte de la citation montre que cette remarque reprend les observations de l’appelante et qu’il ne s’agit pas d’une remarque de la Cour.

[15]      Dans l’arrêt Curl-Master Mfg. Co. Ltd. v. Atlas Brush Ltd., [1967] R.C.S. 514, la Cour suprême du Canada était saisie d’une affaire dans laquelle l’appelante avait poursuivi l’intimée à la suite de la présumée contrefaçon d’un brevet original et d’un brevet redélivré et sollicitait un jugement déclaratoire entre les parties portant que le premier brevet était valide jusqu’à la date de la redélivrance et que le dernier brevet était un brevet valide. La demande reconventionnelle présentée par l’intimée visait l’obtention d’un jugement déclaratoire portant que les deux brevets étaient invalides. La Cour suprême a conclu que le brevet redélivré était un brevet valide qui existait encore. Aux pages 533 et 534, le juge Martland a dit ce qui suit :

[traduction] Je ne suis pas prêt à souscrire à l’observation de l’appelante selon laquelle la revendication 4 du brevet original est identique à la revendication 3 du brevet redélivré de façon à permettre à l’appelante de se prévaloir de la disposition du paragraphe 50(2) selon laquelle « le brevet redélivré, dans la mesure où ses revendications sont identiques à celles du brevet original, constitue une continuation du brevet original et est maintenu en vigueur sans interruption depuis la date du brevet original », de sorte que l’abandon du brevet « n’annule aucun motif d’instance alors existant ».

Par conséquent, l’appelante a le droit de présenter une demande à l’égard des contrefaçons du brevet redélivré qui se sont produites après la délivrance de ce brevet.

La Cour suprême n’a donc pas eu à tenir compte du brevet original et elle n’a pas fait de remarque au sujet de la possibilité d’obtenir des dommages-intérêts si le résultat avait été différent.

[16]      En ce qui concerne le paragraphe 47(1), j’estime que lors de la redélivrance, le 12 octobre 1999, le brevet original a été abandonné. Au moment de l’abandon du brevet original, le brevet redélivré remplace le brevet original et le brevet original devient inopérant. La définition du mot « abandon » figurant dans les dictionnaires ne m’aide pas à déterminer l’effet de l’abandon. En effet, ce mot y est défini comme s’entendant d’une renonciation. L’abandon du brevet original entraîne l’annulation de tout motif d’instance alors existant sauf dans la mesure où des revendications du brevet redélivré sont identiques à celles du brevet original. Par conséquent, dans la mesure où les revendications 21 et 22 du brevet redélivré ne sont pas identiques aux revendications 14 et 15 du brevet original, il n’existe plus de motif d’instance que la défenderesse peut invoquer à l’encontre de la demanderesse à l’égard de la contrefaçon des revendications 14 et 15. La défenderesse a admis que la revendication 22 du brevet redélivré est nouvelle et qu’elle n’est pas identique à la revendication 15 du brevet original, de sorte que le motif d’instance de la défenderesse fondé sur la revendication 15 est annulé. La seule question qu’il reste à régler est de savoir si la revendication 14 du brevet original est identique à la revendication 21 du brevet redélivré.

[17]      La revendication 14 du brevet original est rédigée comme suit :

14. Méthode de modernisation in-situ d’un réacteur permettant de réaliser des réactions en deux phases, du type dans lequel une phase gazeuse et une phase liquide s’écoulent à cocourant, comprenant une enveloppe tubulaire verticale dans laquelle sont supportées plusieurs plaques perforées horizontales superposées mutuellement espacées et au moins une ouverture définie entre un bord périmétrique de chacune desdites plaques et une cloison interne de ladite enveloppe, ladite méthode étant caractérisée par le fait qu’elle comprend une étape assurant, grâce à des chicanes, l’obstruction partielle des ouvertures respectives associées à au moins deux plaques perforées adjacentes, lesdites chicanes définissant des ouvertures mutuellement décentrées permettant l’écoulement du liquide.

[18]      La revendication 21 du brevet redélivré est rédigée comme suit :

21. Méthode de modernisation in-situ d’un réacteur permettant de réaliser des réactions en deux phases, du type dans lequel une phase gazeuse et une phase liquide s’écoulent à cocourant, comprenant une enveloppe tubulaire verticale dans laquelle sont supportées plusieurs plaques horizontales superposées mutuellement espacées et au moins une ouverture définie entre un bord périmétrique de chacune desdites plaques et une cloison interne de ladite enveloppe, ladite méthode comprenant une étape assurant, grâce à des chicanes, l’obstruction partielle des ouvertures respectives associées à au moins deux plaques perforées adjacentes, lesdites chicanes définissant des ouvertures mutuellement décentrées permettant l’écoulement du liquide.

[19]      Il ressort de ce qui précède que la revendication 14 du brevet original a été modifiée de façon à remplacer les mots « ladite méthode étant caractérisée par le fait qu’elle comprend » par les mots « ladite méthode comprenant ». Le sens du mot « comprenant », qui est commun aux deux revendications, est semblable, en matière de revendications, à celui du mot « inclut ». Voir : Burton Parsons Chemicals, Inc. c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd., [1976] 1 R.C.S. 555, à la page 566. La Cour suprême a expressément dit qu’elle ne souscrivait pas à la définition que le juge en chef Jackett avait donnée au mot « comprenant ». Le juge en chef Jackett avait dit à la page 420 dans [1973] C.F. 405 (C.A.) :

Ce dernier mot [le mot « comprenant »] sépare la partie de la revendication qui a pour objet le « bornage » du monopole de celle qui explique l’usage du produit inventé. Si l’on considère que les affirmations constituant la première partie de la revendication limitent la portée de l’invention décrite, le public peut, de cette façon, être complètement privé de la protection à laquelle il a droit en vertu de l’article 36(2).

À la page 563, le juge Pigeon fait la remarque suivante :

Avec respect, je ne puis admettre que la revendication No 17 est invalide parce que les mots « qui soit compatible avec une peau normale » précèdent le mot « comprenant » au lieu de le suivre, de sorte que la revendication serait valide, semble-t-il, si les mots étaient réarrangés de cette façon : […]

Puis, à la page 566, il dit ce qui suit au sujet du mot « comprenant » : « Il n’est pas plus vague que “inclut” ».

[20]      Selon l’Oxford Dictionary, deux choses sont « identiques » si elles sont [traduction] « exactement les mêmes dans les moindres détails ». Voir : The Compact Edition of the Oxford English Dictionary (Londres : Oxford University Press, 1971).

[21]      La défenderesse n’a pas satisfait à l’exigence selon laquelle les revendications en question figurant dans le brevet original et dans le brevet redélivré doivent être « identiques ». Elle a mentionné un arrêt américain à l’appui de la thèse selon laquelle une revendication figurant dans un brevet original et une revendication figurant dans un brevet redélivré sont identiques si la revendication du brevet redélivré ne modifie pas d’une façon importante celle qui était faite dans le brevet original. Voir : Slimfold Mfg. Co., Inc. v. Kinkead Industries, Inc., 810 F.2d 1113 (C. de circ. féd. 1987). À mon avis, tel n’est pas l’état du droit au Canada, étant donné que l’on donne au mot « identique » une portée plus étendue que ce qui est prévu par ce mot. Il faut se rappeler que le paragraphe 47(2) prévoit que l’abandon n’atteint aucune instance pendante au moment de la redélivrance, ni n’annule aucun motif d’instance alors existant, et que le brevet redélivré, dans la mesure où ses revendications sont identiques à celles du brevet original, constitue une continuation du brevet original. Je dois déterminer si la demanderesse a établi que les revendications 20 et 14 ne sont pas identiques. Le seul élément de preuve qui a été présenté à ce sujet se rapportait à une déclaration de l’agent de brevets de la défenderesse selon laquelle cette dernière voulait que la revendication du brevet redélivré soit identique quant à sa portée à la revendication du brevet original.

[22]      Il a été noté qu’en matière de revendications, les mots « étant caractérisée par le fait » séparent ce qui vient avant eux, qui est admis être ancien, de ce qui vient après eux, qui est considéré comme nouveau et inventif. Par conséquent, la présence de ces mots indique que les aspects décrits dans le passage suivant les mots « étant caractérisée par le fait » sont essentiels à l’invention, étant donné que ce sont les aspects nouveaux et inventifs. Voir : D. S. Johnson, « The Language of the Claim » (1955), 23 C.P.R. 76, aux pages 79 à 81, et Robert F. Delbridge, « Preparation and Prosecution of Canadian and Foreign Patent Applications » (1969), 58 C.P.R. 251, aux pages 258 et 259. Les auteurs font remarquer que ces mots sont employés en anglais et en allemand; les auteurs ont approuvé leur emploi au Canada. En supprimant les mots « étant caractérisée par le fait », la défenderesse a modifié la portée de la revendication étant donné que cette suppression laisse entendre que ces aspects ne sont peut-être plus essentiels. En outre, en déposant sa demande de redélivrance, la défenderesse a volontairement choisi de modifier la revendication 14. Conformément à l’article 47, une redélivrance est fondée sur l’aveu de la part du titulaire du brevet qu’un brevet est défectueux ou inopérant parce que, entre autres, le titulaire a revendiqué « plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer à titre d’invention nouvelle ». Par conséquent, en cherchant à modifier la revendication 14, la défenderesse a admis que la portée de la revendication dans sa version modifiée est différente de la portée de la revendication originale. Si la défenderesse croyait qu’elle devait corriger de simples erreurs techniques qui ne modifiaient pas la portée des revendications, elle pouvait uniquement chercher à effectuer ces modifications en vertu de la disposition de l’article 8 [mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 27] de la Loi sur les brevets concernant les erreurs d’écriture. Je reconnais qu’il y a peut-être certaines exceptions de minimis, mais le mot « identique » est employé au paragraphe 47(2). Les deux revendications ne sont donc pas identiques en vertu de cette disposition.

[23]      Il ne reste plus aucune véritable question litigieuse. Le sens du mot « identique » n’exige pas un examen plus approfondi. La question de l’interprétation des revendications 14 du brevet original et 20 du brevet redélivré n’a pas à être examinée plus à fond. Si la défenderesse croyait qu’il fallait faire appel à un témoin expert, elle aurait pu soumettre l’affidavit d’un expert en vue de se défendre contre la requête en jugement sommaire visant au rejet de sa demande reconventionnelle. La question de savoir s’il y a eu contrefaçon du brevet original est tranchée au moyen de l’interprétation de l’article 47. La question de la validité ne se pose plus. Si la demande reconventionnelle est rejetée par jugement sommaire, la demanderesse s’est engagée à retirer toutes les demandes figurant dans ses motifs d’instance. Ici encore, la question de la propriété ne se pose plus si le motif d’instance de la demanderesse est rejeté. Étant donné que les revendications de la défenderesse ne sont pas identiques, rien ne lui permet de poursuivre la demande reconventionnelle et un jugement sommaire rejetant la demande reconventionnelle est accordé. La demanderesse est également autorisée à se désister de son action.

[24]      Je dois maintenant déterminer si la demanderesse a droit aux dépens sur la base avocat-client tels qu’ils ont été demandés à l’égard de l’action et de la demande reconventionnelle. Conformément aux Règles de la Cour fédérale (1998), la question du montant des dépens adjugés relève de mon pouvoir discrétionnaire. Les dépens sur la base avocat-client ne sont en général adjugés que s’il y a eu inconduite dans le cadre du litige et, en particulier, si une partie a causé de graves difficultés ou des frais élevés inutiles à une autre partie dans la poursuite ou la défense d’une action, ou a obligé une partie à participer à une instance inutile. Au mois de mars 1997, l’agent de brevets de la défenderesse, M. S. Schmidt, a exprimé un avis sur la validité au moyen d’une lettre en date du 6 mars 1997, et a conclu que certaines des revendications du brevet original étaient invalides compte tenu du brevet japonais no 38813. La demanderesse a intenté son action en invalidation à l’égard du brevet original au mois de mai 1997. Le 10 octobre 1997, la défenderesse a déposé et signifié une défense et une demande reconventionnelle. Au mois de novembre 1997, la défenderesse a demandé à M. S. Schmidt, au moyen d’une lettre en date du 7 novembre 1997, de procéder à la demande de redélivrance, compte tenu entre autres du brevet japonais no 38813. À mon avis, il est clair que la défenderesse n’aurait pas dû présenter de demande reconventionnelle étant donné sa connaissance de l’existence du brevet japonais et son défaut, jusqu’au 10 décembre 1999, de communiquer qu’elle avait présenté une demande de redélivrance du brevet. J’adjuge donc les dépens sur la base avocat-client à la demanderesse en ce qui concerne la demande reconventionnelle de la défenderesse. Toutefois, je ne suis pas prêt à lui adjuger les dépens sur la base avocat-client en ce qui concerne sa propre action. Cette action visait non seulement à l’obtention d’un jugement déclarant le brevet original invalide, mais était aussi fondée sur l’opinion selon laquelle la demanderesse était titulaire du brevet en raison d’une entente conclue en 1992 ainsi que sur le fait que cette entente avait été violée par suite de l’utilisation de renseignements confidentiels. La demanderesse a abandonné sa position au sujet des renseignements confidentiels le 24 septembre 1998 seulement et ce n’est que maintenant qu’elle abandonne ses demandes visant à l’obtention d’un jugement déclaratoire portant que toutes les revendications du brevet original sont invalides. La demanderesse n’a pas pris d’autres mesures si ce n’est de demander de temps en temps si une demande avait été déposée en vue de la redélivrance du brevet. Elle n’a présenté aucune requête afin d’obtenir la communication. Par conséquent, j’adjuge les dépens à la défenderesse à l’égard de toutes les questions liées à la violation de l’entente de 1992 pour la période allant de la date de l’introduction de l’action au 24 septembre 1998. Je n’adjuge pas de dépens à l’égard du reste de l’action de la demanderesse. Si le montant des dépens adjugés à la demanderesse à l’égard de la demande reconventionnelle excède le montant des dépens adjugés à la défenderesse à l’égard de la partie de l’action pour laquelle j’ai adjugé les dépens à cette dernière, la demanderesse aura droit au paiement de la somme de 5 000 $ avec les intérêts applicables dans la mesure où ce montant est dû.

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