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[2001] 2 C.F. 238

T-2092-97

Walter A. Conohan et Eastern Marine Underwriters Inc. (demandeurs)

c.

The Cooperators (défenderesse)

Répertorié : Conohan c. Cooperators (1re inst.)

Section de première instance, juge O’Keefe Charlottetown, 30 et 31 mai et 1er juin; Toronto, 28 novembre 2000.

Droit maritime Assurance Action intentée par l’assuré qui réclame un manque à gagner, et par l’assureur qui réclame le remboursement de la somme payée relativement à la destruction d’un bateau de pêche au cours d’un abordage avec le bateau assuré par la défenderesse Le capitaine de ce dernier bateau a été accusé d’avoir piloté son bateau avec une alcoolémie de plus de 80 L’assureur (la défenderesse) a refusé de s’opposer à la réclamation présentée par un tiers et de la payer au motif que l’assuré avait manqué aux conditions de la police Le capitaine a admis sa responsabilité et cédé ses droits d’action aux demandeurs L’art. 34 de la Loi sur l’assurance maritime dispose que, dans chaque police maritime, il y a un engagement implicite quant à la licéité de l’opération maritime et, dans la mesure où l’assuré en a la maîtrise, au fait que l’opération sera exécutée conformément à la loi L’expression « opérations maritimes » est définie comme incluant toute situation où des biens assurables sont exposés aux périls de mer La définition de « périls de mer » se limite à dresser la liste des faits de mer qui échappent à la volonté de la partie défenderesse L’abordage n’était pas un péril de mer étant donné qu’il a été causé par la négligence, et non par un péril énuméré dans la liste Il ne s’agissait pas d’une opération maritime étant donné que la responsabilité n’a pas été engagée du fait d’un péril de mer L’art. 6(1)a) dispose que le contrat d’assurance maritime est le contrat par lequel l’assureur s’engage à indemniser l’assuré des pertes liées aux opérations maritimes Comme il n’y a pas eu d’opération maritime, il n’y avait ni contrat d’assurance maritime, ni engagement implicite comme celui qui est prévu à l’art. 34 Les pertes ne sont pas exclues du fait de l’art. 53(2) (qui dispose que l’assureur n’est pas responsable des pertes attribuables à l’inconduite délibérée de l’assuré) étant donné qu’il n’y a pas de preuve d’inconduite délibérée La clause 27 de la police d’assurance dispose qu’il ne peut être présenté de demande d’indemnisation pour pertes, dommages ou frais causés par le pilotage du bateau par une personne dont les facultés sont affaiblies Comme il n’y a pas de mention de responsabilité, cette clause ne s’applique qu’aux demandes de règlement pour des dommages causés au bateau de l’assuré En outre, la conduite du bateau par une personne dont les facultés étaient affaiblies n’a pas été prouvée La clause 16 protège l’assuré si celui-ci « est tenu de payer » des dommages à une autre personne Cette clause exige que l’assuré paie la réclamation des demandeurs avant de présenter sa demande de règlement en vertu de la police La défenderesse n’est pas tenue de payer les réclamations des demandeurs.

Il s’agit d’une action intentée par le propriétaire (Conohan) du bateau de pêche Cape Light II, détruit au cours d’un abordage avec le bateau de pêche Lady Brittany qui était piloté par son propriétaire Peter Kirby Gaudet, dans laquelle Conohan réclame un manque à gagner, et les assureurs du Cape Light II la somme de 66 155 80 $ qu’ils ont payée à son propriétaire. Gaudet a par la suite été accusé d’avoir piloté son bateau avec une alcoolémie de plus de 0,08. Les assureurs de Gaudet, qui sont les défendeurs en l’espèce, ont refusé de payer ou de s’opposer à la réclamation de Conohan pour son manque à gagner au motif que Gaudet avait manqué aux conditions de la police en conduisant son bateau alors que ses facultés étaient affaiblies et en raison d’une autre conduite illégale dans le pilotage de son bateau. Gaudet a admis sa responsabilité, acquiescé à la demande et cédé tous ses droits d’action et de réclamation contre son assureur aux demandeurs en l’espèce, qui ont intenté cette action.

Les deux parties ont reconnu que la Loi sur l’assurance maritime s’appliquait. L’article 34 dispose que, dans toute police maritime, il y a un engagement implicite quant à la licité de l’opération maritime assurée et, dans la mesure où l’assuré en a la maîtrise, au fait que l’opération sera exécutée conformément à la loi. Aux termes du paragraphe 53(2), l’assureur n’est pas responsable des pertes attribuables à l’inconduite délibérée de l’assuré.

La clause 27 de la police d’assurance indique ce qui suit : « Également franc de toute demande d’indemnisation pour pertes, dommages ou frais causés par […] le pilotage du bateau par une personne en état d’ébriété ou avec facultés affaiblies […] ». Pour ce qui a trait à la responsabilité en cas d’abordage, la clause 16 stipule que l’assuré est protégé en cas d’abordage avec un autre bateau et qu’il « est en conséquence tenu de payer à une ou plusieurs autres personnes, sous forme de dommages-intérêts », des sommes ayant trait à cet abordage.

Les questions étaient les suivantes : 1) Gaudet pilotait-il le Lady Brittany d’une manière licite dans le contexte de l’article 34; 2) les pertes subies par Conohan sont-elles attribuables à « l’inconduite délibérée » de Gaudet dans le contexte du paragraphe 53(2); 3) la défenderesse est-elle tenue d’indemniser Gaudet ou les demandeurs ou eux tous; 4) Gaudet a-t-il enfreint la clause 27 de la police d’assurance; 5) dans l’affirmative, la défenderesse est-elle tenue d’indemniser Gaudet ou les demandeurs ou eux tous : et 6) dans l’affirmative, quel est le montant des dommages subis?

Jugement : l’action doit être rejetée.

1) La définition d’« opérations maritimes » donnée à l’article 2 inclut toute situation où des « biens assurables » (le Lady Brittany) sont exposés aux périls de mer et comprennent une situation où « la responsabilité du propriétaire de ces biens ou de toute autre personne responsable de ceux-ci ou y ayant un intérêt risque d’être engagée envers un tiers en raison de tels périls ». La définition de « périls de mer » dresse la liste des différents faits de mer qui sont inclus dans la définition, et qui sont tous des incidents qui échappent à la volonté de la partie défenderesse, et inclut « tous autres périls comparables [de même que] les périls visés par la police maritime ». Les périls énumérés dans la police étaient tous des périls semblables aux périls expressément indiqués dans la définition. L’abordage a été causé par la négligence de Gaudet. Il ne s’agit pas d’un péril de mer étant donné que cette négligence ne fait pas partie des périls énumérés dans la police. Il ne s’agit pas non plus d’une opération maritime, puisque la responsabilité envers le tiers (Conohan) n’a pas été engagée « en raison de […] périls de mer ». L’alinéa 6(1)a) de la Loi stipule que le contrat d’assurance maritime est le contrat par lequel l’assureur s’engage à indemniser l’assuré des pertes liées aux opérations maritimes. Comme il n’y a pas eu d’opération maritime pour ce qui concerne la réclamation contre Gaudet, il s’ensuit que cette partie de la police n’est pas un contrat d’assurance maritime au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi, ni une police maritime au sens donné à cette expression à l’article 34. Par conséquent, il n’y a pas d’engagement implicite.

2) La défenderesse a allégué que le manquement aux règles d’abordage par Gaudet et son ébriété alléguée vont à l’encontre du paragraphe 53(2). Or, il n’y a pas de preuve que Gaudet a sciemment essayé de contrevenir aux règles et, bien que le Lady Brittany ait été piloté sans surveillance appropriée, il n’y a pas d’indication d’inconduite délibérée de la part de Gaudet. Par conséquent, les pertes de Conohan ne sont pas exclues du fait de l’application du paragraphe 53(2).

3) Il n’a pas été nécessaire de traiter de cette question, compte tenu des conclusions ci-dessus.

4) La clause 27 ne s’applique qu’aux demandes de règlement pour des dommages causés au bateau de l’assuré, et non pas aux demandes d’indemnisation présentées par des tiers. Contrairement à la clause 29, la clause 27 exclut expressément la « responsabilité » et inclut la « perte ». Donc, le mot « perte » à la clause 27 n’exclut pas la responsabilité et la clause 27 ne peut être invoquée pour exclure la protection accordée par la clause 16, qui concerne la responsabilité relative aux réclamations de tiers, si la responsabilité de l’assuré a été engagée par suite du « pilotage du bateau par le pêcheur en état d’ébriété ou avec ses facultés affaiblies ».

De toute façon, la défenderesse n’a pas prouvé qu’il y avait eu pilotage en état d’ébriété ou avec facultés affaiblies.

5) Étant donné que la clause 27 ne s’applique pas à la clause 16, il n’est pas nécessaire de discuter de la violation de la clause 27.

La clause 16 exige manifestement que Gaudet paie d’abord la réclamation du demandeur, Conohan, avant de s’adresser à son assureur pour être remboursé du montant correspondant. Pour cette raison, la défenderesse n’est pas tenue de payer les réclamations des demandeurs.

6) Si les conclusions précitées concernant la responsabilité sont erronées, le montant des dommages est fixé à 66 155 80 $, ce qui est le montant convenu des dommages causés au Cape Light II. Aucune preuve n’a été établie concernant la réclamation pour manque à gagner et la demande de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur l’assurance maritime, L.C. 1993, ch. 22, art. 2(1) « opérations maritimes », « périls de mer », « police maritime », 6(1)a), 34, 53.

JURISPRUDENCE

DÉCISION MENTIONNÉE :

Firma C Trade S.A. v. Newcastle Protection and Indemnity Assn., [1990] H.L.J. no 33 (QL).

DOCTRINE

Gow, William. Marine Insurance : A Handbook., 2nd ed. London : Macmillan.

Termes et locutions définis par les tribunaux canadiens, vol. 8. Toronto : Carswell, 1993 « wilful misconduct ».

ACTION intentée par le propriétaire d’un bateau de pêche pour manque à gagner, et par son assureur en remboursement d’une somme de 66 155 80 $ payée pour les dommages causés au bateau au cours d’un abordage avec un bateau de pêche assuré par la défenderesse dans une situation où le propriétaire, qui pilotait son bateau, a cédé tous ses droits d’action et de réclamation contre son assureur aux demandeurs. Action rejetée.

ONT COMPARU :

David F. H. Marler, pour les demandeurs.

Keith M. Boswell et D. Spencer Campbell, pour la défenderesse.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet de David F. H Marler, Montréal, pour les demandeurs.

Stewart McKelvey Stirling Scales, Charlottetown, pour la défenderesse.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et ordonnance rendus par

[1]        Le juge O’Keefe : La présente action porte sur une réclamation présentée par Walter A. Conohan (Conohan), demandeur, et Eastern Marine Underwriters Inc. (Eastern Marine), demanderesse, contre The Cooperators, qui était l’assureur du Lady Brittany, le bateau de pêche du capitaine Peter Kirby Gaudet. La demanderesse, Eastern Marine, réclame la somme de 66 155 80 $ qu’elle a payée à Conohan à titre d’assureur de son bateau de pêche. Le demandeur Conohan réclame un manque à gagner parce qu’il est dans l’impossibilité de pêcher. Les deux demandeurs réclament les intérêts et les frais.

[2]        Le demandeur Conohan était propriétaire du bateau de pêche Cape Light II qui, comme il a été indiqué ci-dessus, était assuré par la demanderesse Eastern Marine.

[3]        La défenderesse, The Cooperators, compagnie d’assurances faisant affaire à l’Île-du-Prince-Édouard, avait établi une police d’assurance sur le bateau de pêche Lady Brittany, qui est la propriété de Peter Kirby Gaudet.

[4]        Le 20 septembre 1996, le Lady Brittany, commandé par le capitaine Peter Kirby Gaudet (Gaudet), a quitté Tignish (Île-du-Prince-Édouard) vers 15 heures. Le bateau se dirigeait vers l’est en suivant la côte nord de l’Île-du-Prince-Édouard et il est arrivé à East Point vers 22 h 30 ou 23 h, le 20 septembre 1996. Il allait à la pêche au thon dans un endroit connu sous le nom d’extrémité ouest du récif.

[5]        Vers 1 h 20, le 21 septembre 1996, le Lady Brittany, commandé par le capitaine Gaudet, a abordé le bateau de pêche de Conohan, le Cape Light II, qui était à l’ancre avec un feu de mouillage allumé. Par suite de l’abordage, le Cape Light II a été déclaré perte réputée totale.

[6]        Conohan s’en allait également à la pêche au thon à l’endroit indiqué ci-dessus, mais son bateau était à l’ancre quand il a été heurté par le Lady Brittany.

[7]        Après ou juste avant l’abordage du Cape Light II par le Lady Brittany, Gaudet a mis son moteur en marche arrière. Après l’abordage, il a appelé Conohan pour s’assurer que celui-ci n’avait rien. Gaudet a braqué ses projecteurs sur le Cape Light II en le contournant. Un autre bateau, de plus grandes dimensions, est arrivé sur les lieux et l’équipage a recommandé à Gaudet de demeurer près du Cape Light II parce qu’il serait plus facile pour le Lady Britanny, de plus petites dimensions, de naviguer à proximité du Cape Light II au cas où un incident se produirait en route vers le port de Souris à l’Île-du-Prince-Édouard. Le Lady Brittany a contourné le Cape Light II à peu près une demi-douzaine de fois et chaque fois Gaudet a demandé à Conohan s’il allait bien et si le Cape Light II prenait l’eau. Finalement, le bateau de la garde côtière de Souris est venu à leur rencontre et les a escortés jusqu’au port de Souris.

[8]        Dans son témoignage, Conohan dit qu’il n’avait pas eu de difficulté à comprendre Gaudet.

[9]        Le Lady Brittany n’a pas été endommagé au cours de l’abordage.

[10]      Les bateaux sont arrivés à Souris un peu avant 5 heures. À 5 h 05, la gendarme Leanne Butler, de la GRC, est arrivée au quai de Souris et, après avoir parlé à Gaudet, elle en est venue à la conclusion qu’elle avait des motifs suffisants pour demander à ce dernier de se soumettre au test de l’ivressomètre. Les échantillons prélevés ont donné les résultats suivants :

5 h 38

100milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang

5 h 58

90milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang

[11]      La gendarme Butler a noté que Gaudet sentait légèrement l’alcool, qu’il avait le visage rouge, une élocution lente, les yeux injectés de sang et des vêtements sales. Elle a également noté sous la rubrique « Équilibre » qu’il vacillait un peu mais qu’il marchait et tournait sans difficulté. En contre-interrogatoire, la gendarme Butler a reconnu qu’on peut avoir le visage rouge pour d’autres raisons et elle a aussi convenu que son élocution lente pouvait être son débit habituel, étant donné qu’elle ne l’avait jamais entendu parler auparavant. Elle a de plus reconnu qu’il pouvait avoir les yeux injectés de sang à cause du long trajet parcouru en mer depuis Tignish. Elle a également déclaré que son vacillement pouvait être dû au fait qu’il était demeuré pendant une longue période sur un bateau.

[12]      À ce moment, aucune accusation n’a été portée contre Gaudet qui a été libéré dès qu’il a loué une chambre dans un hôtel local. Par la suite, après que les résultats de laboratoire eurent été obtenus, il a été accusé d’avoir piloté un bateau avec une alcoolémie de plus de 80 milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang.

[13]      Outre le capitaine, il y avait deux membres d’équipage à bord du Lady Brittany.

[14]      Il y a plusieurs versions sur la quantité d’alcool que Gaudet a absorbée avant et après l’abordage.

[15]      Le 17 avril 1997, Conohan a intenté des poursuites contre le Lady Brittany et Gaudet pour obtenir d’être indemnisé de ses pertes.

[16]      L’assureur de Gaudet, The Cooperators, a refusé de payer ou de s’opposer à la réclamation présentée contre le Lady Brittany et Gaudet parce que, à son avis, Gaudet avait manqué aux conditions de la police en conduisant un bateau alors que ses facultés étaient affaiblies et à cause d’une autre conduite illégale dans le pilotage de son bateau.

[17]      Le 15 septembre 1997, Gaudet a admis par écrit sa responsabilité dans cette action, a acquiescé à la demande et cédé tous ses droits d’action et de réclamation contre The Cooperators à Walter Conohan et à Eastern Marine Underwriters Inc.

[18]      Les demandeurs ont intenté la présente action contre la défenderesse le 24 septembre 1997.

[19]      Selon l’ordonnance qui m’a été remise, rendue par le juge chargé de la conférence préparatoire à l’instruction, les questions en litige sont les suivantes :

1. La Loi sur l’assurance maritime [L.C. 1993, ch. 22] s’applique-t-elle aux faits de l’espèce?

2. Si la Loi sur l’assurance maritime s’applique aux faits de l’espèce, Gaudet pilotait-il le Lady Brittany d’une manière licite dans le contexte de l’article 34 de la Loi?

3. Si la Loi sur l’assurance maritime s’applique aux faits de l’espèce, les pertes subies par Conohan sont-elles attribuables à « l’inconduite délibérée » de Gaudet dans le contexte du paragraphe 53(2) de la Loi?

4. Si la Loi sur l’assurance maritime s’applique et que les réponses aux questions 2 et 3 sont affirmatives, la défenderesse est-elle tenue d’indemniser Gaudet, ou les demandeurs ou eux tous?

5. Gaudet a-t-il enfreint la clause 27 de la police d’assurance?

6. Si Gaudet a enfreint la clause 27 de la police d’assurance, la défenderesse est-elle tenue d’indemniser Gaudet, ou les demandeurs ou eux tous?

7. Si la défenderesse est tenue d’indemniser Gaudet, ou les demandeurs ou eux tous, quel est le montant des dommages subis?

Question 1

La Loi sur l’assurance maritime s’applique-t-elle aux faits de l’espèce?

[20]      Les deux parties ont reconnu devant moi que la Loi sur l’assurance maritime s’appliquait effectivement et c’est ce que je conclus également.

Question 2

Si la Loi sur l’assurance maritime s’applique aux faits de l’espèce, Gaudet pilotait-il le Lady Brittany d’une manière licite dans le contexte de l’article 34 de la Loi?

[21]      L’article 34 de la Loi sur l’assurance maritime, L.C. 1993, ch. 22 (la Loi) dispose comme suit :

34. Dans toute police maritime, il y a engagement implicite quant à la licéité de l’opération maritime assurée et, dans la mesure où l’assuré en a la maîtrise, au fait que l’opération sera exécutée conformément à la loi.

La Loi renferme également les définitions suivantes :

2. (1) […]

« opérations maritimes » Les opérations maritimes s’entendent de toute situation où des biens assurables sont exposés aux périls de mer et comprennent celles où, selon le cas :

a) le gain ou l’acquisition d’un fret, d’une commission, d’un profit ou de tout autre avantage pécuniaire ou une sûreté pour avances, prêts ou frais sont compromis lorsque les biens sont exposés aux périls de mer;

b) la responsabilité du propriétaire de ces biens ou de toute autre personne responsable de ceux-ci ou y ayant un intérêt risque d’être engagée envers un tiers en raison de tels périls.

« périls de mer » Périls résultant de la navigation ou liés à celle-ci, y compris les fortunes de mer, incendies, risques de guerre, actes de piraterie, vols, captures, saisies, prises de navire ou de cargaison, contraintes, détentions de prince, autorité ou peuple, jets à la mer, barateries et tous autres périls comparables. Sont inclus dans la présente définition les périls visés par la police maritime.

« police maritime » Le document qui fait foi du contrat.

Les demandeurs prétendent que l’article 34 de la Loi ne s’applique pas à une demande de règlement présentée par l’assuré, en l’espèce Gaudet, contre son propre assureur pour se faire rembourser l’argent qu’on lui a demandé de payer à Conohan, étant donné que cette partie de sa protection est une assurance responsabilité qui a pour objet de protéger Gaudet contre les réclamations d’un tiers contre lui.

[22]      La définition « d’opérations maritimes » inclut toute situation où des « biens assurables » (le Lady Brittany) sont exposés aux périls de mer et comprennent une situation où « la responsabilité du propriétaire de ces biens ou de toute autre personne responsable de ceux-ci ou y ayant un intérêt risque d’être engagée envers un tiers en raison de tels périls ». La définition de « périls de mer » dresse la liste des différents faits de mer qui sont inclus dans la définition. Tous ces périls sont des incidents qui échappent à la volonté de la partie défenderesse. Par exemple, un capitaine ne pourrait éviter une tempête soudaine qui entraînerait un abordage. La définition de « périls de mer », toutefois, inclut « tous autres périls comparables [de même que] les périls visés par la police maritime ». Un examen de la police indique que les périls énumérés dans l’avenant Marine Guard Declaration sont tous des périls semblables aux périls expressément indiqués dans la définition.

[23]      En l’espèce, l’abordage avec le bateau de Conohan a été causé par la négligence de Gaudet, qui, entre autres choses, a négligé d’assurer une surveillance appropriée. Il ne s’agit pas d’un péril de mer étant donné que cette négligence ne fait pas partie des périls énumérés dans la police. De même, je suis d’avis qu’il ne s’agit pas d’une opération maritime, puisque la responsabilité envers le tiers (Conohan) n’a pas été engagée « en raison de […] périls [de mer] ».

[24]      L’alinéa 6(1)a) de la Loi est rédigé dans les termes suivants :

6. (1) Le contrat d’assurance maritime est le contrat par lequel l’assureur s’engage à indemniser l’assuré selon les modalités et dans la mesure qui y sont précisées :

a) des pertes liées aux opérations maritimes ou aux opérations analogues, notamment celles résultant d’un péril terrestre ou aérien lié à ces opérations si elles sont prévues soit par le contrat soit par les usages du commerce;

[25]      Comme j’ai conclu qu’il n’y avait pas eu d’opération maritime pour ce qui concerne la réclamation contre Gaudet, il s’ensuit que cette partie de la police n’est pas un contrat d’assurance maritime au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi ni une police maritime au sens donné à cette expression à l’article 34 de la Loi. Par conséquent, il n’y a pas d’engagement implicite en l’espèce.

Question 3

Si la Loi sur l’assurance maritime s’applique aux faits de l’espèce, les pertes subies par Conohan sont-elles attribuables à « l’inconduite délibérée » de Gaudet dans le contexte du paragraphe 53(2) de la Loi?

[26]      Les paragraphes 53(1) et (2) de la Loi sont rédigés dans les termes suivants :

53. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et sauf disposition contraire de la police maritime, l’assureur n’est responsable que des pertes résultant directement des périls assurés, y compris la perte qui ne se serait pas produite sans l’inconduite ou la négligence du capitaine ou de l’équipage.

(2) Sans restreindre la généralité du paragraphe (1), l’assureur n’est pas responsable des pertes attribuables à l’inconduite délibérée de l’assuré ni, sauf disposition contraire de la police :

Si l’on pose par hypothèse que le paragraphe 53(2) s’applique aux faits de l’espèce, alors la défenderesse ne serait pas responsable des pertes attribuables à l’inconduite délibérée de l’assuré. Les définitions suivantes de l’expression « inconduite délibérée » sont données dans Termes et locations définis par les tribunaux canadiens, vol. 8. « Wilful Misconduct » de Carswell, à la page 8-817 :

[traduction]

INCONDUITE DÉLIBÉRÉE

Voir également FAUTE LOURDE, INCONDUITE; FAUTE GRAVE ET VOLONTAIRE; NÉGLIGENCE GRAVE; INCONDUITE GRATUITE; NÉGLIGENCE DÉLIBÉRÉE.

Cour suprême du Canada

Je suis moi-même incapable de partager l’opinion selon laquelle il est impossible que se présente un cas dans lequel le jury peut, à bon droit, trouver le défendeur coupable de faute lourde tout en refusant de le trouver coupable d’une inconduite délibérée ou gratuite. Toutes ces expressions, faute lourde, inconduite délibérée, inconduite gratuite [ dans la Motor Vehicle Act, S.N.S. 1932, ch. 6, art. 183] impliquent une conduite dans laquelle, s’il n’y a pas de délit commis consciemment, une personne s’éloigne de façon très marquée des normes que suivent habituellement des personnes responsables et compétentes au volant de véhicules automobiles. Sous réserve de cette précision, je pense qu’il s’agit essentiellement d’une question de fait qui doit être soumise au jury afin que soit décidé si la conduite relève de la faute lourde, de l’inconduite délibérée ou de l’inconduite gratuite. Après tout, ce sont là des mots dont le sens est très clair et qu’un jury ne trouvera pas difficile à appliquer si aucune confusion n’est créée dans son esprit par une analyse verbale trop poussée.

(Motor Vehicles)

McCulloch v. Murray, [1942] R.C.S. 141, page 145, [1942] 2 D.L.R. 179, le juge en chef Duff.

Dans [Lewis v. Great Western Railway L.R. 3 Q.B. D. 195], le lord juge Brett dit ceci [à la page 210] :

Dans un contrat dans lequel l’expression inconduite délibérée est utilisée pour faire la distinction d’avec toute autre forme de négligence et pour s’en exclure, il me semble que cette expression doit signifier le fait de faire quelque chose ou d’omettre de faire quelque chose qu’il est répréhensible de faire ou de ne pas faire, lorsque la personne qui est coupable de l’acte ou de l’omission sait que l’acte qu’elle accomplit, ou qu’elle omet d’accomplir, est un acte qu’il est mal de faire ou de ne pas faire; et cela implique que la personne sait que l’acte qu’elle pose est répréhensible.

Le lord juge Bramwell a dit ceci [à la page 206] :

« Inconduite délibérée » s’entend d’une inconduite qui fait appel à la volonté. C’est quelque chose qui s’oppose à un accident ou à une négligence; l’inconduite, et non pas la conduite, doit être délibérée.

Je reproduits les extraits qui précèdent […] afin de les appliquer […]

(Elections)

Young v. Smith (1880), 4 R.C.S. 494, page 510, le juge Henry.

Alberta

[…] les mots « inconduite délibérée » utilisés à l’article 285 [de la Vehicles and Traffic Act, S.A. 1924, ch. 31] s’entendent d’un acte fait consciemment et intentionnellement dont l’auteur savait ou en droit était présumé savoir qu’il était répréhensible dans les circonstances […]

(Motor Vehicles)

R. v. Dahl, [1936] 4 D.L.R. 629, page 647, [1936] 3 W. W. R. 385, 67 C.C.C. 37 (C.A. Alb.), le juge McGillivray, J.C.A.

[27]      La conduite qui, d’après les allégations de la défenderesse, va à l’encontre de cet article est le manquement aux règles d’abordage et l’ébriété alléguée de Gaudet. La preuve ne renferme absolument aucune indication que Gaudet a sciemment essayé de contrevenir aux règles. Tout ce que nous savons, c’est que le Lady Brittany était piloté sans surveillance appropriée, et nous connaissons les autres facteurs dont il est question au paragraphe 1 de la cession (pièce P-1). Il n’y a absolument aucune indication d’inconduite délibérée de la part de Gaudet. Par conséquent, je ne dispose d’aucun fondement pour conclure que la perte du demandeur, Conohan, a été causée par l’inconduite délibérée de Gaudet; les pertes ne sont donc pas exclues du fait de l’application du paragraphe 53(2) de la Loi.

Question 4

Si la Loi sur l’assurance maritime s’applique et que les réponses aux questions 2 et 3 sont affirmatives, la défenderesse est-elle tenue d’indemniser Gaudet, ou les demandeurs ou eux tous?

[28]      Puisque les réponses aux questions 2 et 3 sont négatives, il n’est pas nécessaire de traiter cette question.

Question 5

Gaudet a-t-il enfreint la clause 27 de la police d’assurance?

[29]      La clause 27 de la police d’assurances est rédigé dans les termes suivants :

[traduction]

Usure normale et actes préjudiciables

Également franc de toute demande d’indemnisation pour pertes, dommages ou frais causés par l’usure normale, des dommages intentionnels, du pilotage du bateau par une personne en état d’ébriété ou avec facultés affaiblies ou de tout autre acte préjudiciable ou téméraire de la part du pêcheur ou de son préposé ou de l’utilisation du bateau pour une fin illégale.

Pour interpréter une clause contenue dans une police d’assurance maritime, il faut lire la police en entier. Il y a donc lieu d’examiner les autres clauses du contrat.

[30]      La clause 16 de la police est celle qui fournit une assurance responsabilité à l’assuré, Gaudet, pour les réclamations présentées contre lui par des personnes à qui il a causé des dommages. En l’espèce, si les conditions de la clause sont réunies, la clause 16 servirait à payer les réclamations que le demandeur, Conohan, a déposées contre Gaudet et son bateau. Il faut se rappeler qu’il ne s’agit pas d’une demande de règlement présentée par Gaudet pour des dommages causés à son propre bateau. La clause 16 est rédigée dans les termes suivants :

[traduction] Indemnisation entière pour responsabilité en cas d’abordage

Il est de plus entendu que si le bateau assuré par les présentes aborde un autre bateau et que l’assuré est en conséquence tenu de payer à une ou plusieurs autres personnes, sous forme de dommages-intérêts, des sommes ayant trait à cet abordage en raison de ce qui suit :

a. perte de tout autre bateau ou de biens à bord de ce bateau ou dommages causés au bateau ou aux biens;

b. retard ou perte d’usage de tout autre bateau ou des biens à bord; ou

c. avarie commune, sauvetage ou sauvetage prévu par contrat de tout autre bateau ou des biens se trouvant à bord,

l’assureur remboursera à l’assuré les sommes ainsi payées pourvu cependant que la responsabilité relativement à l’abordage n’excède pas la valeur du bateau assuré par les présentes, et dans les cas où, moyennant le consentement préalable écrit de l’assureur, la responsabilité du bateau a été contestée ou que des mesures ont été prises pour limiter la responsabilité, il paiera également les frais que l’assuré engagera ou sera contraint de payer; cependant, dans les cas où les deux bateaux ont contribué à l’abordage, alors, à moins que la responsabilité des propriétaires de l’un ou l’autre des bateaux ou des deux ne soit limitée par la loi, les demandes de règlement en vertu de la présente clause seront réglées selon le principe des recours entre co-assurés comme si les propriétaires de chaque bateau avaient été obligés de payer aux propriétaires de l’autre bateau la moitié ou toute autre proportion des dommages causés à ceux-ci et autorisés à bon droit contre vérification du solde ou de la somme payable par l’assuré ou à celui-ci du fait de cet abordage.

Il est entendu également que la présente clause ne peut en aucun cas couvrir ni être réputée couvrir toute somme que l’assuré peut être tenu de payer relativement à ce qui suit :

a. l’enlèvement ou la destruction, en vertu de pouvoirs prévus par la loi ou autrement, de tout obstacle, épave, chargement ou autre objet, quel qu’il soit;

b. tout bien réel ou personnel quel qu’il soit, à l’exception des bateaux ou des biens se trouvant à leur bord;

c. la pollution ou la contamination de biens réels ou personnels, quels qu’ils soient (à l’exception des autres bateaux abordés par le bateau assuré ou des biens se trouvant à leur bord);

d. la cargaison ou d’autres biens à bord ou les engagements du bateau assuré;

e. le décès, le préjudice corporel ou la maladie.

[31]      La défenderesse, The Cooperators, soutient que la clause 27 s’applique à la demande de règlement de Gaudet concernant son assurance responsabilité. Elle soutient que si Gaudet a enfreint la clause 27, elle n’est pas tenue de payer la demande de règlement présentée par Gaudet en vertu de la clause 16 du contrat. Je ne partage pas cette opinion. Une analyse de la clause 16 démontre qu’elle fournit une assurance responsabilité à l’assuré, mais elle renferme certaines exclusions en vertu desquelles l’assureur n’est pas tenu de payer les demandes de règlement de son assuré et ces exceptions sont énumérées aux alinéas (a) à (e) à la fin de la clause 16. La Cour est saisie d’une clause de responsabilité qui renferme sa propre liste d’exclusions en cas de demandes d’indemnisation en matière de responsabilité.

[32]      À mon avis, la clause 27 s’appliquerait si Gaudet avait présenté une demande de règlement pour des dommages causés à son propre bateau. Il est important d’examiner le texte de la clause 27. Celle-ci dispense l’assureur de payer [traduction] « toute demande d’indemnisation pour pertes, dommages ou frais ». Par ailleurs, par voie de comparaison, la clause 29 de la police est rédigée comme suit :

[traduction] Clause d’exclusion en cas de contamination radioactive

La présente clause est prépondérante et prévaut sur toutes les autres clauses du contrat qui sont incompatibles avec elle.

a. La présente assurance ne couvre en aucun cas les pertes, dommages, responsabilités ou frais directement ou indirectement causés, engagés ou subis découlant :

1) des rayonnements ionisants ou la contamination par radioactivité provenant de tout combustible nucléaire ou de tout déchet nucléaire ou de la combustion de combustible nucléaire;

2) des propriétés radioactives, toxiques, explosives ou autres propriétés dangereuses ou contaminantes de tout réacteur ou installation nucléaire ou de tout autre assemblage ou élément nucléaire qui en fait partie;

3) de toute arme de guerre employant la fission atomique ou nucléaire ou la fusion ou les deux ou toute autre réaction semblable ou autre force ou matière radioactive.

[33]      À la clause 29, au début du paragraphe a), la défenderesse déclare que [traduction] « la présente assurance ne couvre en aucun cas les pertes, dommages, responsabilités ou frais ». À la clause 27, la défenderesse, quand elle a rédigé le contrat, a choisi d’exclure expressément la « responsabilité » et d’inclure la « perte ». Si, dans cette police, la défenderesse avait eu l’intention que le mot perte inclue le mot « responsabilité », pourquoi a-t-elle ajouté le mot « responsabilité » après le mot perte à la clause 29? Je ne peux en venir qu’à une seule conclusion, c’est que le mot « perte » à la clause 27 n’inclut pas la responsabilité et que, donc, la clause 27 ne peut être invoquée pour exclure la protection accordée par la clause 16 si la responsabilité de l’assuré est engagée par suite du [traduction] « pilotage du bateau par le pêcheur en état d’ébriété ou avec ses facultés affaiblies, ou […] tout autre acte préjudiciable […] de la part du pêcheur ». Les règles d’interprétation prévoient que les mots sont censés avoir le même sens dans l’ensemble du document. Par conséquent, par suite de ma conclusion, il n’est pas nécessaire de déterminer si Gaudet a violé la clause 27 de la police, étant donné que la clause 27 ne peut être invoquée pour exclure la protection dans le cas d’une réclamation en matière de responsabilité fondée sur la clause 16 de la police.

[34]      Toutefois, si je fais erreur sur ce point, je suis d’avis que la défenderesse n’a pas prouvé qu’il y avait eu pilotage en état d’ébriété ou avec facultés affaiblies. Il ne fait aucun doute que la preuve déposée par certains des témoins était très déroutante concernant la quantité d’alcool qu’avait consommée Gaudet. J’ai observé Gaudet et j’estime qu’il est un témoin digne de foi. Selon son témoignage, il a pris un coup d’alcool de contrebande à peu près une heure et demie après l’abordage, et il l’a vomi par-dessus bord. Il en a ensuite pris une autre gorgée, quelques onces ou l’équivalent. Il ne l’a pas dit à la police, en fait, il a dit à la gendarme Butler qu’il n’avait rien bu après l’accident. On ne sait pas pourquoi il n’a pas dit à la gendarme Butler qu’il avait bu de l’alcool de contrebande. Je pense qu’il est généralement accepté que ce type d’alcool n’est pas une boisson légale qu’une personne peut avoir en sa possession et cela pourrait expliquer son omission.

[35]      Quand Laurie Campbell, la toxicologue, a témoigné, elle a déclaré que s’il avait pris un coup d’alcool de contrebande, qu’il l’avait vomi et qu’il avait ensuite pris deux onces d’alcool de contrebande à 80 %, aux environs de 3 h 35 du matin, alors les résultats de 100 milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang à 5 h 38 et de 90 milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang à 5 h 58, auraient plutôt été de 90 à 133 milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang, pour le premier échantillon, et de 85 à 133 milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang, pour le deuxième échantillon, au moment de l’abordage. Mme Campbell a de plus déclaré dans son témoignage que si Gaudet avait bu trois onces d’alcool de contrebande, son alcoolémie au moment de l’abordage aurait été de 78 à 126 et de 83 à 126 respectivement. Il s’agissait d’alcool à 60 % seulement. On a demandé à Mme Campbell quels auraient été les résultats si Gaudet avait bu trois onces d’alcool de contrebande plus une bière après l’abordage, et elle a répondu que les résultats au moment de l’abordage auraient été de 58 à 106 et de 63 à 106. En interrogatoire principal, Mme Campbell a déclaré ceci :

[traduction]

Q. D’accord, maintenant à partir de cette hypothèse, vous avez établi une plage que vous avez fixée initialement entre 137 et 184elle serait légèrement plus élevée si l’accident s’était produit un peu plus tôt, étant donné cette plage, quelle est votre meilleure appréciation quant à l’alcoolémie probable d’une personne dans cette situation?

R. Bon, il aurait pu se trouver à l’une ou l’autre extrémité de la plage. Ma meilleure appréciation serait qu’il se situait quelque part au milieu.

[36]      Si l’alcoolémie de Gaudet était à l’extrémité inférieure après avoir bu deux onces d’alcool de contrebande, le résultat au moment de l’abordage aurait été de 90 milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang. Selon le témoignage de Mme Campbell, ses facultés n’auraient pas été affaiblies étant donné qu’elle a simplement déclaré que les facultés de tout le monde sont affaiblies quand l’alcoolémie est de 100 milligrammes d’alcool pour 100 millilitres de sang. Si l’on jumelle cette affirmation à la preuve suivante donnée par Conohan concernant Gaudet sur la scène de l’abordage :

1. Il pouvait comprendre Gaudet et Gaudet lui a donné son nom;

2. À plusieurs reprises, Gaudet a demandé à Conohan s’il n’avait rien;

3. Gaudet a fait le tour du bateau de Conohan pour le surveiller;

4. Gaudet est resté au plus près du bateau de Conohan en route vers Souris.

[37]      Il est important de noter qu’il n’y a pas de preuve d’empâtement de l’élocution ou de conduite erratique du bateau, ce qui pourrait être une preuve de pilotage avec facultés affaiblies ou en état d’ébriété. D’après cette preuve, je ne suis pas disposé à conclure que les facultés de Gaudet étaient affaiblies ou qu’il était en état d’ébriété au moment de l’abordage et, par conséquent, il n’y a donc pas eu de pilotage du bateau avec facultés affaiblies ou en état d’ébriété.

[38]      Le demandeur me demande instamment de conclure que l’assurance responsabilité est un contrat distinct du reste de la police et il cite, pour appuyer sa position, l’ouvrage de William Gow, Marine Insurance : A Handbook, 2e éd., aux pages 242, 243 et 253. La clause qui traite de la protection de l’assuré en cas d’abordage est connue sous le nom de « clause d’abordage ». Gow en dit ceci aux pages 243 et 253 :

[traduction]

Clause d’abordage.Comme le propriétaire du bateau n’avait aucune protection dans sa police ordinaire pour ce qui est de sa responsabilité en cas d’abordage, il est devenu nécessaire d’établir un contrat spécial pour le protéger. Ce contrat est connu sous le nom de clause d’abordage. Il est maintenant tout à fait inhabituel d’établir une police maritime sans trouver ce contrat sous une forme ou une autre, soit dans le corps du texte, soit dans la marge ou dans un document joint à la police.

Ce qui est inclus dans la clause d’abordage.Il convient de faire remarquer que, comme la clause d’abordage ne fait pas partie de la police d’assurance maritime ordinaire, puisqu’elle est un contrat distinct, elle n’est pas interprétée aussi strictement au regard de la doctrine de la cause immédiate du dommage que la police elle-même. Dans la clause d’abordage, il n’est plus question d’un contrat d’indemnisation pour les dommages matériels résultant immédiatement de certains périls explicitement désignés, mais d’une garantie de remboursement dans une proportion déterminée de la responsabilité involontairement engagée par l’assuré.

J’estime qu’il n’est pas nécessaire d’en venir à une conclusion sur cet argument en raison de mes conclusions antérieures.

Question 6

Si Gaudet a enfreint la clause 27 de la police d’assurance, la défenderesse est-elle tenue d’indemniser Gaudet, ou les demandeurs ou eux tous?

[39]      Étant donné que j’ai conclu que la clause 27 ne s’appliquait pas à la clause 16, il n’est pas nécessaire de discuter de la violation de la clause 27.

[40]      À l’instruction, la défenderesse a prétendu qu’en raison de la clause 16 de la police, elle n’était pas tenue de payer Gaudet. Pour faciliter la consultation, je répète une partie de la clause 16 de la police :

[traduction] Indemnisation entière pour responsabilité en cas d’abordage

Il est de plus entendu que si le bateau assuré par les présentes aborde un autre bateau et que l’assuré est en conséquence tenu de payer à une ou plusieurs autres personnes, sous forme de dommages-intérêts, des sommes ayant trait à cet abordage en raison de ce qui suit : 

a. perte de tout autre bateau ou de biens à bord de ce bateau ou dommages causés au bateau ou aux biens;

b. retard ou perte d’usage de tout autre bateau ou des biens à bord; ou

c. avarie commune, sauvetage ou sauvetage prévu par contrat de tout autre bateau ou des biens se trouvant à bord.

[41]      La défenderesse a déclaré qu’elle est uniquement tenue de payer Gaudet si Gaudet est [traduction] « tenu de payer à une ou plusieurs autres personnes, sous forme de dommages-intérêts, des sommes ». Comme Gaudet n’a versé aucune somme d’argent à Conohan, la défenderesse déclare qu’elle n’est pas tenue de verser un quelconque montant aux demandeurs qui, du fait de la cession, sont subrogés dans les droits de Gaudet. Il est clair que les demandeurs ne peuvent pas faire valoir plus de droits que Gaudet en avait contre la défenderesse. Je suis d’avis que les mots utilisés à la clause 16 exigent manifestement que Gaudet paie d’abord la réclamation du demandeur, Conohan, avant de s’adresser à son assureur pour être remboursé du montant correspondant (voir Firma C Trade S.A. v. Newcastle Protection and Indemnity Assn., [1990] H.L.J. no 33 (QL)). Pour cette raison, la défenderesse n’est pas tenue de payer les réclamations des demandeurs.

Question 7

Si la défenderesse est tenue d’indemniser Gaudet, ou les demandeurs ou eux tous, quel est le montant des dommages subis?

[42]      Si j’ai tort au sujet de la responsabilité, j’établirais les dommages de la façon suivante :

1. La somme de 66 155 80 $ étant le montant convenu des dommages causés au Cape Light II.

2. Les réclamations du demandeur, Conohan, pour le thon qu’il a perdu et peut-être les pertes concernant son projet de pêche aux pétoncles ne sont pas autorisées étant donné que ces dommages n’ont pas été prouvés. Je ne doute nullement que Conohan soit un excellent pêcheur, mais je n’ai tout simplement pas les faits nécessaires pour établir le montant exact de ses pertes.

3. La demande de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires n’est pas accueillie étant donné que la preuve devant appuyer une demande concernant ce type de dommages n’a pas été établie. La conduite de la défenderesse ne mérite pas d’être punie pas l’octroi de ce type de dommages-intérêts.

[43]      Les parties ont demandé à me présenter des arguments concernant les frais et les intérêts et j’ordonne que ces arguments soient déposés au plus tard le 20 décembre 2000.

ORDONNANCE

[44]      LA COUR ORDONNE que l’action soit rejetée.

[45]      LA COUR ORDONNE EN OUTRE que les arguments écrits concernant les frais et intérêts soient présentés au plus tard le 20 décembre 2000.

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