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[2001] 3 C.F. 384

T-1569-99

2001 CFPI 231

Le Commissaire à l’information du Canada (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (défendeur)

et

Philip W. Pirie (codéfendeur)

Répertorié : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration) (1re inst.)

Section de première instance, juge Dawson Edmonton, 22 janvier; Toronto, 22 mars 2001.

Accès à l’information — Contrôle judiciaire de la décision de ne pas communiquer, en vertu des art. 19 et 20 de la Loi sur l’accès à l’information, le nom des personnes ayant exprimé des opinions au sujet du directeur dans le cadre d’un examen administratif ayant entraîné son congédiement, ainsi que les opinions dont la communication risquait de révéler l’identité de personnes interrogées — L’art. 19(1) permet de refuser de communiquer les « renseignements personnels » au sens de l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels — L’art. 19(2) autorise la communication de renseignements personnels dans les cas où la communication est conforme à l’art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels — Examen de la disposition liminaire et les paragraphes e), f), i), et j) de la définition contenue à l’art. 3 — Demande rejetée, sauf en ce qui concerne l’identité des cadres responsables d’empêcher le harcèlement ou d’appliquer la politique de harcèlement qui ont été interrogés, de même que leurs opinions consignées qui n’ont pas encore été divulguées, qui devrait être divulguées — Le pouvoir discrétionnaire prévu à l’art. 19(2) n’a pas été exercé de façon inappropriée — Les notes non divulguées n’ont pas été utilisées contre le directeur puisqu’elles n’ont été en la possession du Ministère qu’après le congédiement — La partie qui cherche à éviter la communication de renseignements en se fondant sur l’art. 20(1)c), et d) doit faire la preuve d’un risque vraisemblable de préjudice probable — Compte tenu que la seule preuve présentée qui permette à la Cour de conclure à un préjudice constitue une preuve par ouï-dire irrecevable, la preuve d’un risque vraisemblable de préjudice probable est insuffisante pour que la communication soit refusée.

Protection des renseignements personnels — Contrôle judiciaire de la décision de ne pas communiquer en vertu des art. 19 et 20 de la Loi sur l’accès à l’information, le nom des personnes ayant exprimé des opinions au sujet du directeur dans le cadre d’un examen administratif ayant entraîné son congédiement, ainsi que les opinions dont la communication risquait de révéler l’identité de personnes interrogées — L’art. 19(2) autorise de refuser la communication de renseignements personnels dans les cas où celle-ci est conforme à l’art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels — D’après la disposition liminaire de la définition de l’expression « renseignements personnels », les idées et opinions d’un individu au sujet du directeur constituent des renseignements personnels qui le concernent — Celles-ci constituent également des renseignements personnels touchant la personne qui les a exprimées, si cette personne est identifiable — Examen de la liste des exemples contenus aux paragraphes e), f), et i) — La décision de ne pas divulguer le nom de la personne qui a émis l’opinion serait bien fondée si la divulgation de son nom révélait des renseignements à son sujet — L’alinéa j) écarte de l’expression « renseignements personnels » les renseignements concernant un cadre ou un employé d’une institution fédérale portant sur son poste ou ses fonctions, notamment son nom lorsque celui-ci figure sur un document établi au cours de son emploi — L’objet est d’exempter seulement les renseignements relatifs aux postes et non ceux concernant une personne en particulier — Le ministre ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que les renseignements ne relevaient pas des exceptions prévues à l’alinéa j) concernant les noms et opinions des individus chargés d’empêcher le harcèlement en milieu de travail, mais les noms des employés n’ayant pas cette responsabilité ne sont pas des renseignements reliés à leur poste ou à leur fonction mais constituent des renseignements reliés essentiellement aux individus eux-mêmes — En ce qui concerne les employés non-cadres, les renseignements demandés ne relèvent pas de l’alinéa j).

Interprétation des lois — Art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (définition de l’expression « renseignements personnels ») — Le Commissaire à l’information a allégué qu’en raison de l’exclusion spécifique prévue à l’alinéa h), l’absence de mention de l’exclusion du nom d’un individu à l’alinéa g) indique qu’un individu identifiable ne peut pas anonymement exprimer ses idées ou opinions sur un autre individu — Cette façon d’interpréter la Loi ne s’applique pas dans un cas où le préambule de la définition est censé constituer la source première de son interprétation, et où l’énumération qui suit ne constitue qu’une liste d’exemples — Le Commissaire à l’information a allégué que le manuel du Conseil du Trésor sur la protection des renseignements personnels et des données avait une valeur convaincante — La Cour ne s’estime pas liée par une interprétation qui ne constitue que l’opinion du Conseil du Trésor ou de ses cadres — L’interprétation de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information adoptée par la C.S.C. dans l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances) n’est pas compatible avec celle du manuel.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration portant que les noms des personnes ayant exprimé, dans le cadre d’un examen administratif, leurs idées ou leurs opinions au sujet de celui qui à l’époque était le directeur du Service de traitement centralisé (STC) du défendeur à Vegreville (Alberta), ainsi que les opinions dont la communication permettrait d’identifier la personne interrogée, sont soustraits à la communication en vertu des articles 19 et 20 de la Loi sur l’accès à l’information.

Après avoir été saisi d’allégations de comportement discriminatoire et de harcèlement au sein du STC, le défendeur a retenu les services d’un spécialiste de l’extérieur, TLS, pour recueillir des renseignements au sujet de la culture organisationnelle et également pour faire ressortir les idées des employés sur les mesures à prendre afin de valoriser le respect en milieu de travail. Avant la tenue des entrevues, TLS a informé les employés que les entrevues seraient confidentielles, et qu’elle avait convenu avec Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) de ne pas lui dévoiler le contenu des entrevues. Le rapport de TLS devait être le résumé de ses constatations, et les remarques des participants devaient demeurer anonymes. Cette assurance de confidentialité n’était apparemment pas applicable aux directeurs. Peu après l’établissement du rapport, le directeur en a reçu copie, il a été démis de ses fonctions sur-le-champ, et la proposition qui lui avait été faite antérieurement pour un poste à Winnipeg a été retirée. La requête du directeur pour obtenir l’accès aux notes prises lors des entrevues a fait en sorte que ces notes se sont retrouvées entre les mains du CIC. Après que deux documents lui eurent été communiqués, le directeur a porté plainte auprès du Commissaire à l’information parce que l’accès aux documents lui avait été refusé indûment. D’autres documents ont subséquemment été communiqués au directeur. Le Commissaire a recommandé la communication d’autres renseignements, et CIC a fini par communiquer des documents dans lesquels figuraient des opinions exprimées au sujet du directeur, à l’exclusion du nom des personnes interrogées en entrevue et des renseignements relatifs aux postes qu’elles occupaient. De façon similaire, lorsque la communication des renseignements risquait de révéler l’identité de la personne interrogée, tous les passages dans lesquels des renseignements sur la personne interrogée étaient entremêlés à ses idées ou à ses opinions au sujet du directeur ont été retranchés des documents communiqués.

Le paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information exige que soit refusée la communication de « renseignements personnels » au sens de l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. L’expression « renseignements personnels », définie à l’art. 3, s’entend des renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, définition suivie d’une liste d’exemples à ses alinéas a) à i) et d’exclusions à ses alinéas j) à m). L’alinéa 19(2)c) autorise la communication de renseignements personnels dans les cas où la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le sous-alinéa 8(2)m)(ii) autorise la communication de renseignements lorsque l’individu concerné en tirerait un avantage certain. Le paragraphe 20(1) de la Loi sur l’accès à l’information interdit la communication de renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement, selon l’alinéa c), de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers, ou selon l’alinéa d), d’entraver des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins.

Les questions en litige étaient de savoir 1) si le défendeur était bien fondé de refuser la communication en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information; 2) si le défendeur avait tenu compte, de manière adéquate, du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information et du sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels; et 3) si le défendeur était bien fondé de refuser la communication en vertu des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi sur l’accès à l’information.

Jugement : la demande doit être rejetée, sauf en ce qui concerne tous les cadres ayant comme responsabilité d’empêcher le harcèlement sur le lieu de travail ou comme fonction d’appliquer la politique de harcèlement qui ont été interrogés, dont l’identité doit être communiquée de même que toutes leurs opinions ou idées consignées qui n’ont pas encore été divulguées.

1) Suivant les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), s’agissant de l’interprétation de la définition de l’expression « renseignements personnels » qui figure à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et selon la disposition liminaire de cette définition, les idées et les opinions d’un individu au sujet du directeur, ainsi que le fait que l’idée ou l’opinion appartienne à cet individu, constitueraient des renseignements personnels concernant le directeur. Toutefois, le fait d’avoir une opinion, et l’opinion en soi, constitueraient également des renseignements personnels touchant l’individu concerné, si celui-ci était identifiable. Puisqu’il est essentiel d’interpréter les termes d’une loi dans leur contexte global, il est donc nécessaire d’examiner la liste des exemples afin d’assurer que cette conclusion cadre bien avec le reste de la définition. Suivant l’alinéa e), l’expression « renseignements personnels » comprend les opinions ou les idées personnelles, sauf celles qui portent sur un autre individu. Ainsi, bien que les opinions ou idées personnelles d’un individu identifiable constituent des renseignements personnels concernant cet individu, il en va tout autrement lorsque les opinions ou les idées portent sur un autre individu. Quant à l’alinéa g), il confirme à nouveau l’intention du législateur et il inclut également dans l’expression « renseignements personnels » les idées ou opinions d’un autre individu portant sur l’individu concerné. En conséquence, l’opinion d’un individu au sujet du directeur constitue un renseignement personnel qui concerne ce dernier. Il est vrai que ni l’alinéa e) ni l’alinéa g) ne traite du nom de la personne qui a émis l’opinion, mais cela ne signifie pas que de tels renseignements ne sont pas des renseignements personnels. Le fait que les renseignements ne soient pas visés par les exemples n’a pas d’importance si les renseignements sont autrement visés par la disposition liminaire de la définition. L’alinéa i) traite expressément du nom d’un individu. Il en découle que le nom d’un individu identifiable est un renseignement personnel le concernant, soit lorsque le nom est mentionné avec d’autres renseignements personnels concernant l’individu, soit lorsque la divulgation du nom révélerait des renseignements (sans que ces renseignements ne soient nécessairement personnels) au sujet de cet individu. Le nom d’une personne qui a émis une opinion constitue un renseignement personnel à son sujet s’il est mentionné avec d’autres renseignements personnels le concernant. Toutefois, puisque l’opinion de cette personne au sujet du directeur n’est pas un renseignement personnel rattaché à cette autre personne, le nom de la personne qui a émis l’opinion n’est pas en soi un renseignement personnel qui la concerne, compte tenu de la première partie de l’alinéa i). Suivant la deuxième partie de l’alinéa i), la décision de ne pas divulguer le nom de la personne qui a émis l’opinion serait bien fondée si la divulgation de son nom révélait des renseignements à son sujet. La divulgation des noms des personnes interrogées révélerait des renseignements à leur sujet de la façon prévue dans la deuxième partie de l’alinéa i), à savoir leur participation à l’examen administratif.

Le Commissaire à l’information a allégué qu’en raison de l’exclusion spécifique à l’alinéa h), l’absence de toute mention de l’exclusion du nom d’un individu à l’alinéa g) devrait être considérée comme exprimant l’intention du Parlement de faire en sorte qu’un individu identifiable ne puisse pas anonymement exprimer ses idées ou ses opinions sur un autre individu. Cette façon d’interpréter la loi ne s’applique pas dans un cas où le préambule de la définition est censé constituer la source première de son interprétation, et où l’énumération qui suit ne constitue qu’une liste d’exemples. Deuxièmement, le Commissaire à l’information a fait valoir que le manuel du Conseil du Trésor avait une valeur convaincante. Toutefois, la Cour ne s’est pas estimée liée par une interprétation qui ne constitue que l’opinion non contraignante du Conseil du trésor ou de ses cadres. L’interprétation de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information que la Cour suprême du Canada a adoptée dans l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances) n’est pas compatible avec celle du manuel.

L’alinéa j) exclut de la définition de l’expression « renseignements personnels », les renseignements concernant un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notamment son nom lorsque celui-ci figure sur un document qu’il a établi au cours de son emploi. Il fallait donc répondre à la question de savoir si les renseignements constituaient des renseignements personnels fournis au cours d’un emploi. L’objet de l’alinéa j) est d’exempter seulement les renseignements relatifs aux postes et non ceux concernant une personne en particulier. Prenant en considération les conditions d’application de l’alinéa j), il a fallu faire une distinction entre les employés qui occupent des postes de cadre avec certaines responsabilités et fonctions, et les autres employés. En ce qui concerne les noms et les opinions des individus chargés d’empêcher le harcèlement en milieu de travail ou d’appliquer la politique de harcèlement, le ministre ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que ces renseignements ne relevaient pas des exceptions prévues à l’alinéa j) de la définition de l’expression « renseignements personnels ». En ce qui concerne les employés n’ayant pas cette responsabilité, leurs noms ne sont pas des renseignements reliés à leur poste ou à leur fonction, mais constituent plutôt des renseignements reliés essentiellement aux individus eux-mêmes. En ce qui concerne cette catégorie d’employés non-cadres, les renseignements demandés ne relèvent pas de l’alinéa j).

2) Lorsque le ministre exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère le sous-alinéa 8(2)m)(i), il est toujours tenu d’examiner s’il est dans l’intérêt public de divulguer des renseignements personnels, toutefois lorsqu’une demande de divulgation lui est faite, il doit à tout le moins examiner l’affaire. Il refuse d’exercer sa compétence s’il omet de le faire. Le décideur a déclaré sous serment avoir pris en considération les exceptions prévues au paragraphe 19(2) et avoir décidé qu’aucune des dispositions de l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’appliquait. Le Commissaire à l’information a fait valoir que la possibilité que le directeur a eue de réfuter le rapport a été limitée par la façon dont le rapport lui a été fourni. Le directeur a reçu copie du rapport et a eu l’occasion d’y répondre en présentant des observations écrites au sous- ministre. Les notes non divulguées n’avaient pas été utilisées contre lui puisque ces notes n’ont été en la possession du Ministère qu’après le dépôt de sa plainte. Le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 19(2) n’a pas été exercé de façon inappropriée.

3) La partie qui cherche à éviter la communication de renseignements en se fondant sur les dispositions prévues aux alinéas 20(1)c) et d) doit faire la preuve « d’un risque vraisemblable de préjudice probable ». La seule preuve pertinente présentée à la Cour consistait en une lettre provenant d’un directeur de TLS qui exprimait ses inquiétudes quant au risque que l’entreprise soit compromise si elle ne peut pas rester fidèle à sa promesse de garder le contenu des entrevues confidentiel. Cette lettre constituait toutefois une preuve par ouï-dire irrecevable. La preuve d’un risque vraisemblable de préjudice probable était donc insuffisante pour que la communication soit refusée sur la base des alinéas 20(1)c) et d).

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 2, 16(1)c), 17, 19, 20, 48.

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 2, 3 « renseignements personnels » (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144), 8(2)m)(ii), 71(1)c).

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 81(1), 369, 394(1).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403; (1997), 148 D.L.R. (4th) 385; 46 Admin. L.R. (2d) 155; 213 N.R. 161; Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services) (1990), 67 D.L.R. (4th) 315; 107 N.R. 89 (C.A.F.).

DÉCISION CITÉE :

Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 3 C.F. 320; (1993), 19 Admin. L.R. (2d) 230; 50 C.P.R. (3d) 253; 64 F.T.R. 62 (1re inst.).

DOCTRINE

Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1983.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision du ministre selon laquelle les noms des personnes ayant exprimé, dans le cadre d’un examen administratif, leurs idées ou leurs opinions au sujet de celui qui à l’époque était le directeur du Service de traitement centralisé de Vegreville, ainsi que les opinions dont la communication permettrait d’identifier la personne interrogée, ont été soustraits à la communication en vertu des articles 19 et 20 de la Loi sur l’accès à l’information. Demande rejetée, sauf en ce qui concerne tous les cadres ayant comme responsabilité d’empêcher le harcèlement sur le lieu de travail ou comme fonction d’appliquer la politique de harcèlement qui ont été interrogés, dont l’identité doit être communiquée de même que toutes leurs opinions ou idées consignées qui n’ont pas encore été divulguées.

ONT COMPARU :

Daniel Brunet et Emily McCarthy pour le demandeur.

Christopher M. Rupar pour le défendeur.

Philip W. Pirie, codéfendeur, pour son propre compte.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Le Commissaire à l’information du Canada, Ottawa, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendu par

[1]        Le juge Dawson : Le litige, dans la présente demande de contrôle judiciaire, porte sur la question de savoir si la communication des parties de notes d’entrevue ainsi que les noms des personnes qui ont exprimé leurs idées et leurs opinions au sujet du codéfendeur, M. Pirie, dans le cadre d’un examen administratif effectué au Service de traitement centralisé du défendeur à Vegreville (Alberta), a à bon droit été refusée à M. Pirie en vertu des articles 19 et 20 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1.

LES FAITS

[2]        La présente demande découle de la requête présentée par M. Pirie pour obtenir [traduction] « tous les documents officiels, notamment les notes des entrevues effectuées dans le cadre de l’examen administratif du STC de Vegreville, préparés par TLS Enterprises » (TLS).

[3]        Des allégations de comportement discriminatoire et de harcèlement au STC du défendeur à Vegreville (Alberta) ont incité le défendeur à demander à TLS, spécialiste de l’extérieur, [traduction] « de faire l’examen de la culture organisationnelle, ainsi que des valeurs et des infrastructures en place au STC de Vegreville dans une perspective visant à valoriser le respect de tous en milieu de travail ». La façon de procéder, précisée par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), devait être [traduction] « conçue pour recueillir des renseignements au sujet de la culture organisationnelle, des valeurs et des infrastructures en place, et également pour faire ressortir les idées des employés sur les mesures à prendre afin de valoriser le respect de tous en milieu de travail. Les employés seront appelés à préciser ce qui, à leurs yeux, revêt de l’importance pour que le respect en milieu de travail soit valorisé, et leurs commentaires seront utilisés pour élaborer une définition du respect en milieu de travail au sein du STC ».

[4]        Dans le cadre de son mandat, TLS a effectué des entrevues en avril, en mai et en juin de l’année 1996. Avant la tenue des entrevues, les employés ont été informés que les entrevues seraient confidentielles, et que TLS avait convenu avec le CIC qu’elle rédigerait des notes d’entrevue, mais qu’elle n’en dévoilerait le contenu à personne au sein du CIC. Le rapport de TLS devait être le résumé de ses constatations, et les remarques des participants devaient demeurer anonymes. Cette assurance de confidentialité n’était apparemment pas applicable à M. Pirie ni aux autres directeurs.

[5]        Les employés du STC de Vegreville ont eu la possibilité de se porter volontaire aux entrevues. De plus, quelques personnes ont été sélectionnées au hasard pour des entrevues, et TLS avait convié certaines personnes à des entrevues lorsqu’elle jugeait que certains secteurs, du milieu de travail du STC de Vregreville, étaient sous-représentés. L’examen s’est terminé le 30 juin 1996, et le rapport final de TLS a été remis au CIC le 1er juillet 1996. Le rapport a ensuite été rendu public.

[6]        Le 10 juillet 1996 en avant-midi, M. Pirie, directeur du STC de Vegreville à cette époque, a reçu une copie du rapport de TLS. Plus tard dans l’après-midi, vers 2 heures, lors d’une réunion prévue pour discuter du rapport, M. Pirie a été informé qu’il était démis sur-le-champ de ses fonctions de directeur du STC de Vegreville. M. Pirie affirme avoir été également informé, à la même réunion, qu’en raison des problèmes signalés dans le rapport de TLS, un poste à Winnipeg qui lui avait été proposé antérieurement ne lui était plus offert.

[7]        Dans une requête adressée à CIC en date du 31 juillet 1996, M. Pirie a sollicité l’accès aux notes prises lors des entrevues réalisées par TLS. Cette requête a eu pour résultat que les notes d’entrevue se sont retrouvées entre les mains du CIC, alors que jusque-là elles avaient été en la possession de TLS. Après que deux des documents demandés lui eurent été communiqués, M. Pirie a porté plainte auprès du Commissaire à l’information, alléguant que l’accès aux documents lui avait été refusé indûment. Le CIC a subséquemment communiqué à M. Pirie d’autres documents.

[8]        Le 30 mars 1999, le Commissaire à l’information a fait rapport des résultats de l’enquête menée au sujet de la plainte, et il a recommandé la communication des renseignements suivants :

i) les idées ou les opinions exprimées au sujet de M. Pirie;

ii) l’identité de ceux qui avaient exprimé ces idées ou opinions;

iii) les idées ou opinions, quelles qu’elles soient, émises par des fonctionnaires dans le cadre de leurs fonctions.

[9]        Le 11 juin 1999, le CIC a communiqué d’autres documents dans lesquels figuraient des opinions exprimées au sujet de M. Pirie. Toutefois, le nom des personnes interrogées en entrevue ainsi que les renseignements relatifs aux postes qu’elles occupaient au STC de Vegreville n’ont pas été communiqués. De façon similaire, lorsque la communication des renseignements risquait de révéler l’identité de la personne interrogée, tous les passages dans lesquels des renseignements sur la personne interrogée étaient entremêlés à ses idées ou à ses opinions au sujet de M. Pirie, ont été retranchés des documents communiqués à ce dernier. La non-communication des documents s’appuyait sur les dispositions prévues à l’alinéa 16(1)c), à l’article 17, et aux paragraphes 19(1) et 20(1) de la Loi sur l’accès à l’information.

[10]      Par conséquent, les renseignements toujours en litige ont trait aux noms des personnes interrogées par TLS et à leurs opinions, dans la mesure où la communication de ces renseignements a été refusée parce qu’ils permettraient d’identifier les personnes interrogées.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]      Le défendeur n’invoque plus les articles 16 et 17 de la Loi sur l’accès à l’information. En conséquence, le demandeur soulève trois questions se rapportant à la décision du ministre défendeur de refuser la communication :

1) Le défendeur s’est-il acquitté de son fardeau d’établir qu’il était bien fondé de refuser la communication, totale ou partielle, des documents demandés, en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information?

2) Le défendeur a-t-il tenu compte, de manière adéquate, du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information et du sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21?

3) Le défendeur était-il bien fondé de refuser la communication en vertu des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi sur l’accès à l’information?

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[12]      Les articles 19 et 20 de la Loi sur l’accès à l’information sont ainsi libellés :

19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :

a) l’individu qu’ils concernent y consent;

b) le public y a accès;

c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

a) des secrets industriels de tiers;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

(2) Le paragraphe (1) n’autorise pas le responsable d’une institution fédérale à refuser la communication de la partie d’un document qui donne les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou pour son compte, sauf si les essais constituent une prestation de services fournis à titre onéreux mais non destinés à une institution fédérale.

(3) Dans les cas où, à la suite d’une demande, il communique, en tout ou en partie, un document qui donne les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement, le responsable d’une institution fédérale est tenu d’y joindre une note explicative des méthodes utilisées pour effectuer les essais.

(4) Pour l’application du présent article, les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement ne comprennent pas les résultats d’essais préliminaires qui ont pour objet la mise au point de méthodes d’essais.

(5) Le responsable d’une institution fédérale peut communiquer tout document contenant les renseignements visés au paragraphe (1) si le tiers que les renseignements concernent y consent.

(6) Le responsable d’une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document contenant les renseignements visés aux alinéas (1)b), c) et d) pour des raisons d’intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l’environnement; les raisons d’intérêt public doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers : pertes ou profits financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations qu’il mène en vue de contrats ou à d’autres fins.

[13]      La définition de « renseignements personnels » contenue à l’article 3 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144] de la Loi sur la protection des renseignements personnels est la suivante :

3. […]

« renseignements personnels » Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment :

a) les renseignements relatifs à sa race, à son origine nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son âge ou à sa situation de famille;

b) les renseignements relatifs à son éducation, à son dossier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents professionnels ou à des opérations financières auxquelles il a participé;

c) tout numéro ou symbole, ou toute autre indication identificatrice, qui lui est propre;

d) son adresse, ses empreintes digitales ou son groupe sanguin;

e) ses opinions ou ses idées personnelles, à l’exclusion de celles qui portent sur un autre individu ou sur une proposition de subvention, de récompense ou de prix à octroyer à un autre individu par une institution fédérale, ou subdivision de celle-ci visée par règlement;

f) toute correspondance de nature, implicitement ou explicitement, privée ou confidentielle envoyée par lui à une institution fédérale, ainsi que les réponses de l’institution dans la mesure où elles révèlent le contenu de la correspondance de l’expéditeur;

g) les idées ou opinions d’autrui sur lui;

h) les idées ou opinions d’un autre individu qui portent sur une proposition de subvention, de récompense ou de prix à lui octroyer par une institution, ou subdivision de celle-ci, visée à l’alinéa e), à l’exclusion du nom de cet autre individu si ce nom est mentionné avec les idées ou opinions;

i) son nom lorsque celui-ci est mentionné avec d’autres renseignements personnels le concernant ou lorsque la seule divulgation du nom révélerait des renseignements à son sujet;

toutefois, il demeure entendu que, pour l’application des articles 7, 8 et 26, et de l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information, les renseignements personnels ne comprennent pas les renseignements concernant :

j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notamment :

(i) le fait même qu’il est ou a été employé par l’institution,

(ii) son titre et les adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail,

(iii) la classification, l’éventail des salaires et les attributions de son poste,

(iv) son nom lorsque celui-ci figure sur un document qu’il a établi au cours de son emploi,

(v) les idées et opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de son emploi;

k) un individu qui, au titre d’un contrat, assure ou a assuré la prestation de services à une institution fédérale et portant sur la nature de la prestation, notamment les conditions du contrat, le nom de l’individu ainsi que les idées et opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de la prestation;

l) des avantages financiers facultatifs, notamment la délivrance d’un permis ou d’une licence accordés à un individu, y compris le nom de celui-ci et la nature précise de ces avantages;

m) un individu décédé depuis plus de vingt ans.

ANALYSE

(i) Le défendeur s’est-il acquitté de son fardeau d’établir qu’il était bien fondé de refuser la communication, totale ou partielle, des documents demandés en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information?

[14]      L’article 48 de la Loi sur l’accès à l’information indique clairement qu’il incombe au ministre défendeur d’établir que son refus de communiquer les documents est justifié dans le cadre de cette Loi.

[15]      Pour décider si le refus du ministre était justifié, je me reporte dès le départ à l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, où la Cour suprême du Canada s’est penchée sur les grands principes généraux d’interprétation applicables à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et sur l’interprétation à donner à la définition de « renseignements personnels » prévue à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[16]      Tous les membres de cette Cour se sont entendus sur la façon d’aborder l’interprétation de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et ils ont convenu que, selon les faits de l’espèce, les noms sur les feuilles de présence étaient des « renseignements personnels » au sens de l’expression définie à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, les membres de la Cour ne partageaient pas le même avis sur la question de savoir s’il y avait une obligation de communiquer les renseignements visés à l’alinéa 3j) de cette Loi.

[17]      Les principes suivants, énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Dagg, sont pertinents eu égard aux questions soulevées dans la présente demande :

i) Il faut mettre à exécution également les objets qui sous-tendent la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels (au paragraphe 51);

ii) Bien que le droit d’accès à l’information constitue la règle générale, l’exception touchant aux renseignements personnels ne doit pas recevoir une interprétation restreinte, et « dans la mesure où il est visé par la définition de « renseignements personnels », contenue à l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le droit à la vie privée l’emporte sur le droit d’accès à l’information » (au paragraphe 48);

iii) Pour décider si des renseignements sont des « renseignements personnels », il faut tenir compte des objets des deux lois (au paragraphe 55);

iv) La définition de « renseignements personnels » a un sens large et la disposition liminaire de la définition « [l]es renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable » doit servir de principale source d’interprétation (au paragraphe 68);

v) Une fois qu’il a été jugé qu’un document relève de la disposition liminaire de la définition de l’expression « renseignements personnels », il n’est pas nécessaire qu’il corresponde à l’un des exemples précis donnés aux alinéas 3a) à i) de la définition (au paragraphe 77);

(vi) L’alinéa 3i) de la définition prévoit que le nom d’une personne est un renseignement personnel si la seule divulgation du nom révélerait des renseignements au sujet de la personne concernée. Il n’y a aucune exigence voulant que les renseignements révélés soient « personnels » (au paragraphe 85).

[18]      Appliquant ces principes, je fais remarquer que la Loi sur l’accès à l’information a pour objet, suivant son paragraphe 2(1), d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, et les exceptions indispensables à ce droit sont précises et limitées. La Loi sur la protection des renseignements personnels a pour objet, suivant son article 2, de compléter la législation canadienne en matière de protection de renseignements personnels relevant des institutions fédérales et de droit d’accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent.

[19]      Je me tourne à présent vers la disposition liminaire générale de la définition de l’expression « renseignements personnels » qui figure à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. À mon avis, par le seul sens large de la définition, les idées et les opinions d’un individu au sujet de M. Pirie, ainsi que le fait que l’idée ou l’opinion appartienne à cet individu, constitueraient des renseignements personnels concernant M. Pirie. De plus, le fait d’avoir une opinion, et l’opinion en soi, constitueraient également des renseignements personnels touchant l’individu concerné, si celui-ci était identifiable.

[20]      Cependant, comme il est signalé dans l’ouvrage de E. A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1983), à la page 87 :

[traduction] De nos jours, il n’y a qu’un seul principe ou méthode [d’interprétation de la loi]; il faut interpréter les termes d’une loi dans leur contexte global selon le sens grammatical et ordinaire qui s’harmonise avec l’économie et l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[21]      Il est donc nécessaire d’examiner le reste de la définition de l’expression « renseignements personnels », soit la liste des exemples, afin d’assurer que la conclusion susmentionnée, laquelle est strictement fonction de la disposition liminaire de la définition, cadre bien avec le reste de la définition.

[22]      D’emblée, trois alinéas sont pertinents : il s’agit des alinéas e), f) et i).

[23]      À l’alinéa e), le législateur a clairement dit que si les opinions ou idées personnelles d’un individu identifiable constituent, dans le cadre la disposition liminaire générale, des renseignements personnels concernant cet individu, il en va tout autrement lorsque les opinions ou les idées portent sur un autre individu.

[24]      Quant à l’alinéa g), il confirme à nouveau l’intention du législateur, et il est la réciproque de l’alinéa e). L’alinéa g) stipule clairement que l’opinion d’un individu au sujet de quelqu’un, en l’espèce M. Pirie, devient ou constitue un renseignement personnel concernant M. Pirie.

[25]      Bien qu’ils traitent de la teneur des opinions ou des idées d’un individu, les alinéas e) et g) ne parlent pas du fait qu’il s’agit de l’idée ou de l’opinion d’un individu identifiable. Toutefois, le fait que ni l’alinéa e) ni le g) ne traite du nom ou de l’identité de la personne qui a émis l’idée ou l’opinion, ne signifie pas que de tels renseignements ne sont pas des renseignements personnels. Comme l’a signalé la Cour suprême dans l’arrêt Dagg, le fait que les renseignements ne soient pas visés par les exemples donnés à la définition n’a pas d’importance si les renseignements sont autrement visés par la disposition liminaire générale de la définition.

[26]      L’un des alinéas de la définition de « renseignements personnels » traite expressément du nom d’un individu. Il s’agit de l’alinéa i). Il en découle que le nom d’un individu identifiable est un renseignement personnel le concernant dans au moins l’une des deux situations suivantes : premièrement, lorsque le nom est mentionné avec d’autres renseignements personnels concernant l’individu; et deuxièmement, lorsque la divulgation du nom révélerait des renseignements (sans que ces renseignements soient nécessairement des renseignements personnels) au sujet de cet individu.

[27]      Si l’on applique l’alinéa i) de la définition de renseignements personnels, le nom d’une personne qui a émis une opinion ou une idée constituera un renseignement personnel à son sujet, au sens de l’alinéa i), s’il est mentionné avec d’autres renseignements personnels le concernant. Puisque l’opinion de cette personne au sujet de M. Pirie n’est pas un renseignement personnel rattaché à cette autre personne, le nom de la personne qui a émis l’idée ou l’opinion n’est pas en soi un renseignement personnel qui la concerne, compte tenu de la première partie de l’alinéa i).

[28]      Cependant, le nom de la personne qui a émis l’idée ou l’opinion est un renseignement personnel qui la concerne lorsque, suivant la deuxième partie de l’alinéa i), la seule divulgation de son nom révélerait des renseignements à son sujet.

[29]      Sans tenir compte, pour le moment, de l’incidence de l’alinéa j) de l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il découle de l’analyse faite précédemment que la décision de ne pas divulguer à M. Pirie le nom de la personne qui a émis l’idée ou l’opinion, serait bien fondée si la divulgation de son nom révélait des renseignements à son sujet.

[30]      En l’espèce, le ministre défendeur soutient que la divulgation du nom des personnes qui ont exprimé leurs idées et opinions au sujet de M. Pirie aurait pour effet de révéler des renseignements personnels à leur sujet, à savoir leur participation à l’examen administratif.

[31]      Le Commissaire à l’information répond que cette interprétation permettrait à un ministère de refuser de divulguer le nom des témoins dans le cadre d’un examen ou d’une enquête administratifs auxquels n’auraient pas participé tous les employés. Cela serait contraire à l’objet de la Loi, particulièrement dans le contexte du sous-alinéa 16(1)c)(ii) de la Loi sur l’accès à l’information, qui prévoit une exception à la communication de l’identité d’une source de renseignements confidentielle. Le Commissaire à l’information fait également valoir que la divulgation du nom de la personne interrogée ne révèle pas de renseignements personnels à son sujet.

[32]      À mon avis, on peut répondre de la façon suivante aux préoccupations du Commissaire à l’information sur ces points. Premièrement, quant à savoir si cette interprétation, sur le plan des principes, permet à juste titre à un ministère de taire le nom des témoins, cela dépendra de l’interprétation qui sera donnée à l’alinéa j) de la définition de renseignements personnels, où le Parlement a exprimé son intention quant aux renseignements personnels concernant les cadres et les employés des institutions fédérales. Deuxièmement, la dernière partie de l’alinéa 3i) n’exige pas que la divulgation du nom d’un individu révèle des renseignements personnels le concernant. Elle exige simplement que la divulgation du nom d’un individu révèle des renseignements à son sujet.

[33]      Par conséquent, la question est de savoir si le seul fait de divulguer les noms des personnes interrogées révèle des renseignements à leur sujet. Dans l’arrêt Dagg, l’opinion minoritaire, à laquelle les juges majoritaires ont souscrit, a conclu que la divulgation des noms figurant sur une feuille de présence révélerait des renseignements et à n’en pas douter, des renseignements personnels sur des individus identifiables. Il s’agissait de renseignements concernant la présence de certains employés sur leur lieu de travail certains jours en particulier.

[34]      Par analogie, j’estime qu’en l’espèce la divulgation des noms des personnes interrogées révélerait des renseignements à leur sujet de la façon prévue dans la deuxième partie de l’alinéa 3i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Étant donné que les employés du CTD n’ont pas tous participé à cet examen administratif, les renseignements ainsi divulgués permettraient d’identifier ceux qui y ont participé.

[35]      Cette question étant réglée, il reste à déterminer dans le cadre du paragraphe 19(1), si l’exception prévue à l’alinéa 3j) de la définition de « renseignements personnels » de la Loi sur la protection des renseignements personnels s’applique en l’espèce.

[36]      Avant d’examiner cette question, la Cour doit se pencher sur deux arguments présentés par le Commissaire à l’information, selon lesquels la divulgation des noms des personnes interrogées ne révélerait pas de renseignements personnels à leur sujet. Le premier argument est qu’étant donné l’exclusion spécifique du nom de l’arbitre à l’alinéa h) de la définition, l’absence de toute mention de l’exclusion du nom d’un individu à l’alinéa g) de la définition devrait être considérée comme exprimant l’intention du Parlement de faire en sorte qu’un individu identifiable ne puisse pas anonymement exprimer ses idées ou ses opinions sur un autre individu. Même si cet argument paraît convaincant à première vue, à mon avis, cette façon d’interpréter la loi ne s’applique pas dans un cas où le préambule de la définition est censé constituer la source première de son interprétation, et l’énumération qui suit, ne constituer qu’une liste d’exemples.

[37]      Deuxièmement, le Commissaire à l’information fait valoir que conformément à l’alinéa 71(1)c) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le Conseil du Trésor a publié un manuel sur la protection des renseignements personnels et des données qui prévoit ceci :

L’article 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit qu’une institution fédérale peut refuser la communication de renseignements personnels qui portent sur un autre individu que celui qui fait la demande.

[…]

Cette exception ne vise pas le nom d’une troisième source de renseignements au sujet d’un individu (par exemple, la source d’une opinion ou d’une critique sur le travail d’un individu) sauf celui d’un arbitre ou d’un juge dans le cas d’une subvention, d’une récompense ou d’un prix, conformément aux alinéas 3e) et h), octroyé aux institutions énumérées à l’article 3 du Règlement. Sauf dans les dispositions prévues aux alinéas 3e) et h) de la Loi, le nom de la source et les renseignements ou l’opinion au sujet de l’individu fournis par la source ne peuvent faire l’objet d’une exception en vertu de cette disposition.

[38]      Le Commissaire à l’information allègue que l’interprétation d’une loi faite par l’organisme administratif responsable de sa mise en œuvre et de son application constitue une source convaincante quant à l’objet ou au sens de la loi, et peut ainsi aider la Cour dans son interprétation. Il fait référence à la décision du juge Rothstein, maintenant juge d’appel, dans Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 3 C.F. 320 (1re inst.), à la page 341.

[39]      La Cour ne s’estime pas liée par une interprétation qui, aussi convaincante soit-elle, ne constitue que l’opinion non contraignante du Conseil du Trésor ou de ses cadres. En l’espèce, je conclus que l’approche interprétative de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information adoptée par la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Dagg n’est pas compatible avec celle du manuel du Conseil du Trésor cité précédemment.

[40]      J’examinerai maintenant la question de savoir si la divulgation est obligatoire en vertu de l’alinéa 3j) de la définition de « renseignements personnels », ici reproduit par souci de commodité, et qui prévoit que les renseignements personnels ne comprennent pas les renseignements concernant :

3. […]

j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notamment :

(i) le fait même qu’il est ou a été employé par l’institution,

(ii) son titre et les adresse et numéro de téléphone de son lieu de travail,

(iii) la classification, l’éventail des salaires et les attributions de son poste,

(iv) son nom lorsque celui-ci figure sur un document qu’il a établi au cours de son emploi,

(v) les idées et opinions personnelles qu’il a exprimées au cours de son emploi; […]

[41]      En l’espèce, il s’agit de savoir si les renseignements en litige peuvent être considérés comme les idées et les opinions personnelles qu’un individu a exprimées au cours de son emploi, et si ces renseignements tombent sous la définition du préambule de l’alinéa 3j).

[42]      Dans l’arrêt Dagg au paragraphe 94, les juges majoritaires de la Cour Suprême du Canada ont examiné l’objet de l’alinéa 3j) et du sous-alinéa 3j)(iii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et ils ont souscrit à l’opinion des juges minoritaires selon laquelle l’objet est :

[…] d’exempter seulement les renseignements relatifs aux postes et non ceux concernant telle ou telle personne. Les renseignements relatifs au poste ne sont donc pas des « renseignements personnels », bien qu’ils puissent incidemment révéler quelque chose au sujet des personnes nommées. Par contre, les renseignements qui concernent principalement des personnes elle-même ou la manière dont elles choisissent d’accomplir les tâches qui leur sont confiées sont des « renseignements personnels ».

Les juges majoritaires ont conclu que les feuilles de présences fournissaient des renseignements qui permettaient de faire une évaluation générale du temps requis pour un poste ou une fonction en particulier, de telle sorte qu’il s’agissait de renseignements « qui sont relatifs » au poste ou à la fonction de l’individu et par conséquent, que ces renseignements tombaient sous la définition du préambule de l’alinéa 3j).

[43]      En l’espèce, considérant les conditions d’application de l’alinéa 3j), j’estime qu’il faut faire une distinction entre les employés qui occupent des postes de cadre avec certaines responsabilités et fonctions, et les autres employés.

[44]      En ce qui concerne les cadres, les avocats du Commissaire à l’information ont fait remarquer que les noms de plusieurs personnes interrogées ont été communiqués à M. Pirie, de même que les notes prises lors de ces entrevues. Cette communication était justifiée, de l’avis du ministre parce que dans tous les cas, les noms et les informations communiqués ne concernaient que des « cadres » ayant la responsabilité de prévenir le harcèlement en milieu de travail ou d’assurer l’application de la politique en matière de harcèlement. Les renseignements ont donc été considérés comme étant des idées et opinions personnelles exprimées au cours de l’emploi. Le bien-fondé de cette opinion n’a pas été contesté dans la présente instance.

[45]      La représentante du ministre a reconnu en contre-interrogatoire que sept cadres supérieurs du CTD de Vegreville ont été interrogés dans le cadre de l’examen administratif, mais qu’elle ignorait qui ils étaient, quel poste ils occupaient ou quel était leur rôle. Elle ne savait pas qui a remplacé M. Pirie pendant son absence. Plus précisément, elle a affirmé que [traduction] « dès qu’il apparaissait clair que le rôle d’un individu et ce, particulièrement à la direction générale, était de prévenir le harcèlement en milieu de travail, son identité était dévoilée ». La représentante du ministre a répondu par la négative à la question suivante : [traduction] « Et vous dites que vous n’êtes pas au courant de la structure de gestion, que vous ne savez pas qui à cette époque, faisait partie des cadres, qui n’en faisait pas partie et qui parmi ces personnes a été interrogé? »

[46]      Il incombe au ministre d’établir qu’un document ne relève pas de l’exception prévue à l’alinéa 3j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels (voir Dagg, au paragraphe 90).

[47]      Me fondant sur le témoignage évoqué précédemment, je conclus qu’en ce qui concerne les noms et les opinions des individus qui étaient chargés d’empêcher le harcèlement en milieu de travail ou à tout le moins d’appliquer la politique de harcèlement au STC de Vegreville, le ministre ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir que ces renseignements ne relevaient pas des exceptions prévues à l’alinéa 3j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[48]      En ce qui concerne les employés du STC à Vegreville n’ayant pas comme responsabilité d’empêcher le harcèlement en milieu de travail, je conclus que leurs noms ne sont pas des renseignements reliés à leur poste ou à leur fonction, mais constituent plutôt des renseignements reliés essentiellement aux individus eux-mêmes. Il s’ensuit qu’en ce qui concerne cette catégorie d’employés non-cadres, les renseignements demandés ne relèvent pas de l’alinéa 3j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je suis arrivé à cette conclusion en me basant sur les considérations suivantes :

(i) un examen du rapport de TLS montre qu’il a aussi été question de racisme dans la communauté de Vegreville (on y trouve par exemple des détails sur les agissements racistes à l’endroit des enfants des employés à l’école ou à bord de l’autobus scolaire). Cela dépasse les questions concernant le lieu de travail.

(ii) d’anciens employés ont été interrogés;

(iii) la participation à l’examen administratif était facultative même si certains employés ont été invités à participer;

(iv) les noms des personnes interrogées n’ont été transmis au CIC qu’après la plainte de M. Pirie. Cela démontre, je crois, que les noms n’ont pas été demandés pour des fins professionnelles.

(ii) Le défendeur a-t-il tenu compte, de manière adéquate, du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information et du sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

[49]      Par souci de commodité, l’alinéa 19(2)c) de la Loi sur l’accès à l’information et le sous-alinéa 8(2)m)(ii) de la Loi sur la protection des renseignements personnels sont ici retranscrits :

19. […]

(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :

[…]

c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[…]

8. […]

(2) Sous réserve d’autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

[…]

m) communication à toute autre fin dans les cas où, de l’avis du responsable de l’institution :

[…]

(ii) l’individu concerné en tirerait un avantage certain.

[50]      La détermination de la norme de contrôle appropriée est essentielle à tout examen de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

[51]      À ce sujet, dans l’arrêt Dagg, les juges majoritaires de la Cour Suprême ont fait le commentaire suivant au paragraphe 16 :

Deuxièmement, compte tenu de la conclusion que les renseignements doivent être communiqués, il n’est pas nécessaire que j’examine si le Ministre a commis une erreur en exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu du par. 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information et de l’art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En général, je souscris à la conclusion du juge La Forest qu’une décision discrétionnaire du Ministre, fondée sur le sous-al. 8(2)m)(i), ne doit pas être examinée selon une norme de révision de novo. Il suffit peut-être de faire remarquer que le Ministre n’est pas tenu d’examiner s’il est dans l’intérêt public de divulguer des renseignements personnels. Toutefois, lorsqu’une demande de divulgation lui est faite, il doit exercer ce pouvoir discrétionnaire au moins en examinant l’affaire. S’il refuse ou omet de le faire, le Ministre se trouve à refuser d’exercer la compétence dont lui seul est investi.

[52]      Le juge La Forest, au nom des juges minoritaires, a dit ceci au paragraphe 111 :

Le fait qu’un pouvoir prévu par la loi soit discrétionnaire ne signifie pas, évidemment, qu’une décision fondée sur ce pouvoir échappe à la surveillance des tribunaux. On peut toujours alléguer qu’il y a eu abus du pouvoir discrétionnaire. La norme de contrôle à appliquer a été énoncée par le juge McIntyre dans Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pp. 7 et 8 :

C’est […] une règle bien établie que les cours ne doivent pas s’ingérer dans l’exercice qu’un organisme désigné par la loi fait d’un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s’est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l’objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[53]      Ni le demandeur ni M. Pirie n’ont présenté une preuve de mauvaise foi, d’injustice ou de prise en compte de considérations inappropriées.

[54]      Le décideur a déclaré sous serment avoir pris en considération les exceptions prévues au paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information et décidé qu’aucune des dispositions de l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s’appliquait.

[55]      La seule lacune signalée par le Commissaire à l’information est que le décideur n’était pas au courant de la façon dont le rapport de TLS avait été utilisé contre M. Pirie. On a fait valoir que la possibilité que M. Pirie a eue de réfuter les commentaires faits à son sujet dans ce rapport a été [traduction] « limitée par la façon dont le défendeur a choisi de le lui fournir ».

[56]      Le rapport de TLS a été transmis à M. Pirie. Celui-ci a eu l’occasion d’y répondre en présentant des observations écrites au sous-ministre. De plus, la personne qui a rendu la décision a déclaré sous serment, dans la partie publique de son contre-interrogatoire, qu’au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire, elle savait que les notes non divulguées n’avaient pas été utilisées contre M. Pirie puisque ces notes n’ont été en la possession du Ministère qu’après le dépôt de la plainte de M. Pirie.

[57]      Vu ce témoignage, et avec toute la retenue dont la Cour doit faire preuve à l’égard de la décision, je ne peux conclure que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information a été exercé de façon inappropriée.

(iii) Le défendeur était-t-il bien-fondé de refuser la communication en vertu des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi sur l’accès à l’information?

[58]      Par souci de commodité, ces paragraphes sont retranscrits :

20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

[…]

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

[59]      Dans l’arrêt Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services) (1990), 67 D.L.R. (4th) 315 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a examiné les alinéas c) et d) du paragraphe 20(1) de la Loi sur l’accès à l’information et a conclu qu’un partie cherchant à éviter la communication de renseignements en se fondant sur ces dispositions doit faire la preuve « d’un risque vraisemblable de préjudice probable ». Ce risque d’un préjudice probable ne peut pas être fondé sur des conjectures ou sur une simple possibilité.

[60]      La seule preuve pertinente présentée à la Cour consiste en une lettre provenant d’un directeur de TLS jointe comme pièce à l’affidavit du décideur. TLS a écrit cette lettre dans le but d’exprimer ses inquiétudes : sa principale préoccupation était envers les membres du personnel [traduction] « qui nous ont parlé avec honnêteté avec l’assurance que leurs commentaires seraient confidentiels ». La deuxième préoccupation de TLS avait trait à l’entreprise elle-même. Sa directrice affirmait que la perspective de nouveaux contrats pour TLS [traduction] « sera compromise si, alors que nous assurons aux individus la confidentialité de leurs commentaires, qu’ils nous confient en toute honnêteté leur perception des événements contre l’assurance que cela restera confidentiel, cet accord est ensuite rompu ». La directrice a aussi exprimé sa crainte que la violation de la promesse de confidentialité compromette gravement la capacité de TLS à enquêter sur des questions systémiques. En conclusion de sa lettre, la directrice demande que [traduction] « dans l’intérêt des employés du STC de même que pour permettre aux organisations de combattre le harcèlement systémique, les notes d’entrevue demeurent confidentielles ».

[61]      J’accepte la prétention de l’avocat du Commissaire à l’information selon laquelle cette lettre constitue une preuve par oui-dire irrecevable qui contrevient au paragraphe 81(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) [DORS/98-106].

[62]      La preuve d’un risque vraisemblable de préjudice probable est donc insuffisante pour que la communication soit refusée sur la base des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi sur l’accès à l’information.

CONCLUSION

[63]      Pour les motifs précédemment exposés, je ne suis pas convaincue que la demande de contrôle judiciaire doive être accueillie, sauf dans la mesure où j’ai conclu que l’identité de tous les cadres ayant comme responsabilité d’empêcher le harcèlement sur le lieu de travail ou comme fonction d’appliquer la politique de harcèlement qui ont été interrogés, devrait être communiquée à M. Pirie, de même que toutes leurs opinions ou idées consignées qui ne lui ont pas encore été divulguées.

[64]      Dans la mesure où la demande du demandeur est accueillie sur ce point, j’ordonne, conformément au paragraphe 394(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), que le demandeur rédige un projet d’ordonnance donnant effet à ma décision. Ce projet devra être approuvé quant à sa forme, par l’avocat du défendeur. Dans le cas où les parties n’arrivent pas à s’entendre sur la forme de l’ordonnance, une requête pour jugement selon la règle 369 devra être présentée.

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