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[2001] 1 C.F. 495

A-211-98

A-213-98

A-214-98

Novopharm Ltd. et Apotex Inc. (co-appelantes)

c.

The Wellcome Foundation Limited, Glaxo Wellcome Inc., Interpharm Inc. et Allen Barry Shechtman (intimés)

Répertorié : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (C.A.)

Cour d’appel, juges Rothstein, Sexton et Malone, J.C.A.—Toronto, 6 et 7 septembre; Ottawa, 26 octobre 2000.

Brevets — Contrefaçon — Validité — Paternité de l’invention — L’inventeur est la personne qui a eu une idée nouvelle ou qui a découvert une nouvelle chose et qui lui donne sa forme pratique — Les personnes qui exécutent les tests ne sont pas nécessairement les inventeurs — L’omission de nommer un coïnventeur dans la pétition relative à un brevet ne constitue pas une « allégation importante » qui n’est pas conforme à la vérité, propre à entraîner l’invalidité du brevet — Tant qu’un inventeur peut démontrer l’utilité ou une prédiction valable à l’époque où le brevet est contesté, le brevet ne sera pas invalidé pour défaut d’utilité — Une norme d’utilité plus élevée n’est pas exigée pour les inventions de produits pharmaceutiques par rapport aux autres catégories d’inventions — Les allégations d’évidence, d’absence de nouveauté, d’ambiguïté et de divulgation insuffisante ne sont pas fondées — L’invention en l’espèce est un nouvel usage pour une substance connue (AZT utilisée pour le traitement du SIDA) et non une méthode de traitement médical — Le brevet ne porte que sur le nouvel usage du composé — Les revendications relatives à la prophylaxie ne sont pas ambiguës.

Pratique — Intérêts — La délivrance de la déclaration satisfait à l’obligation de donner un avis écrit de la demande d’intérêts — La partie dont le brevet est contrefait a droit aux intérêts avant jugement et après jugement, sous réserve du pouvoir discrétionnaire conféré aux juges de la Section de première instance par les lois applicables — L’intérêt ne doit être utilisé ni comme sanction ni comme récompense mais doit faire partie des dommages-intérêts accordés pour réparer le préjudice — Pour calculer le montant des intérêts, il faut notamment tenir compte de la façon dont l’instance s’est déroulée.

Le brevet en cause concernait l’utilisation de l’AZT pour le traitement du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) qui cause le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA). En 1984, les scientifiques de Glaxo Wellcome Inc. (Glaxo) ont découvert que l’AZT pouvait servir dans le traitement du VIH. La demande de brevet relative à la nouvelle utilisation de l’ancien composé AZT a été présentée au United Kingdom Patent Office (bureau des brevets du Royaume-Uni) en mars 1985. Pendant que l’on s’affairait à préparer l’ébauche de la demande de brevet, Glaxo a demandé de l’aide à l’extérieur et a envoyé de l’AZT à deux médecins travaillant pour le National Institute of Health, les Drs Broder et Mitsuya, afin qu’ils en vérifient l’efficacité contre le VIH, sans toutefois leur préciser le nom de la substance. Les médecins ont confirmé l’efficacité de l’AZT contre le VIH en février 1985. Le brevet canadien a été délivré en juin 1988. Dans les deux brevets, seuls les cinq scientifiques de Glaxo sont désignés comme inventeurs. Les Drs Broder et Mitsuya ne sont pas nommés à titre de coïnventeurs.

La Cour a été saisie des appels et des appels incidents interjetés contre un jugement de la Section de première instance portant que le brevet de Glaxo était valide, que certaines des revendications étaient valides et d’autres invalides, qu’Apotex et Novopharm (A & N) ont contrefait les revendications jugées valides, qu’il était interdit à A & N de vendre le médicament zidovudine (AZT) sous forme posologique et condamnant A & N à payer des dommages-intérêts à la Wellcome Foundation Ltd. et à Glaxo.

A & N ont soutenu que le brevet était invalide pour les motifs suivants : 1) l’omission de nommer deux inventeurs dans la demande de brevet constituait une assertion inexacte importante; 2) l’invention n’était pas achevée à la date du dépôt de la demande de brevet au Royaume-Uni; 3) étant donné que Glaxo a formellement admis que la date de l’invention était le 6 février 1985, le juge de première instance a commis une erreur en concluant que la date de l’invention était le 16 mars 1985 ou en acceptant une preuve se rapportant à l’invention, postérieure au 6 février 1985; 4) l’invention revendiquée était évidente et dépourvue de caractère de nouveauté; 5) les termes techniques utilisés dans le brevet étaient ambigus; 6) la divulgation faite dans le brevet ne fournissait pas une description adéquate de l’invention revendiquée, de son fonctionnement et de la manière de l’utiliser; 7) l’invention revendiquée portait sur un traitement médical et était donc non brevetable. Si le brevet était jugé valide, A & N ont soutenu que certaines revendications étaient invalides pour les motifs suivants : 1) l’AZT n’était pas un nouveau composé et les revendications non limitées à l’usage du composé ne représentaient pas une invention; 2) les revendications d’un usage prophylactique de l’AZT étaient ambiguës et n’étaient pas décrites dans la divulgation. Enfin, A & N ont prétendu que Glaxo n’avait pas la qualité requise pour exercer une action en contrefaçon parce qu’elle n’était pas licenciée de la titulaire du brevet, la Wellcome Foundation Ltd.

Glaxo a soutenu que le juge de première instance avait commis une erreur en jugeant invalides 1) les revendications relatives à l’usage de l’AZT dans le traitement ou la prophylaxie de toutes les infections rétrovirales humaines pour le motif que leur portée était trop vaste; 2) les revendications pour le traitement ou la prophylaxie d’une « infection liée au SIDA » qu’il a, à tort, jugées ambiguës. Glaxo a également soutenu que le juge de première instance avait commis une erreur en refusant de lui permettre de choisir entre des dommages-intérêts et la restitution des bénéfices, et en imposant des dommages-intérêts à titre de réparation requise pour la contrefaçon parce que sa décision se fonde sur une considération non pertinente. Enfin, Glaxo a soutenu que le juge de première instance n’avait pas abordé la question des intérêts et qu’elle devrait avoir droit à des intérêts avant jugement et après jugement.

Arrêt : l’appel relatif aux revendications non limitées à l’usage de l’AZT est accueilli, et toutes ces revendications sont déclarées invalides. Les appels incidents relatifs aux intérêts avant jugement ou après jugement sont accueillis. À tous autres égards, l’appel et les appels incidents sont rejetés.

Coïnventeurs et assertion inexacte importante Il s’agissait d’une question sans précédent. Les Drs Broder et Mitsuya n’étaient pas les coïnventeurs, mais même s’ils l’avaient été, l’omission de le mentionner dans la demande de brevet n’aurait pas constitué une allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, suffisante pour invalider le brevet.

Pour être considéré comme l’inventeur d’une invention, il faut être la personne qui a eu une idée nouvelle ou qui a découvert une nouvelle chose qui constitue l’invention, et il faut être la personne qui donne à l’idée conçue ou à la découverte sa forme pratique. Les Drs Broder et Mitsuya n’ont pas eu l’idée d’utiliser l’AZT contre le VIH, mais sont intervenus pour aider les scientifiques de Glaxo qui avaient eu cette idée. Une personne ne devient pas un inventeur parce qu’elle exécute des tests pour démontrer l’utilité d’une invention.

Quoi qu’il en soit, l’omission de nommer un coïnventeur dans une pétition relative à un brevet ne constitue pas une « allégation importante » qui n’est pas conforme à la vérité, suffisante pour invalider un brevet. Le fait que le demandeur soit l’inventeur ou l’un des coïnventeurs est sans conséquence pour le public, puisque ce fait ne touche ni la durée ni le fond du brevet ni même le fait d’y avoir droit : Proctor & Gamble Co. c. Bristol-Myers Canada Ltd. (1978), 39 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.).

Achèvement de l’invention Le fait que les tests qui ont démontré l’utilité n’étaient pas terminés lorsque la demande de brevet a été déposée au R.-U. n’avait aucune incidence sur la validité du brevet. La décision de notre Cour dans l’affaire Ciba-Geigy c. Commissaire des brevets (1982), 65 C.P.R. (2d) 73 consacre la proposition selon laquelle même si une invention constitue une spéculation à la date de priorité revendiquée dans le brevet, le brevet ne sera pas invalide si cette spéculation se révèle valide à l’époque de la contestation du brevet. Conclure qu’on ne peut présenter une preuve de l’utilité réelle après la date de priorité exigerait d’un tribunal qu’il ferme les yeux sur les progrès scientifiques constants et priverait les brevetés du droit de se fier à des intuitions qui si souvent mènent à de grandes découvertes.

Comme il n’a pas été contesté qu’en réalité, l’AZT est utile pour traiter le VIH, le brevet satisfaisait au critère d’« utilité véritable ». Comme l’Accord de libre-échange nord-américain et l’Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce interdisent toute discrimination quant au domaine technologique, on ne peut pas exiger une norme d’utilité plus élevée pour les inventions de produits pharmaceutiques par rapport aux autres catégories d’inventions.

Aveu formel Glaxo n’a pas fait d’aveu formel en plaidant que l’invention avait été créée au plus tard le 6 février 1985. Bien que des aveux formels soient faits pour éviter d’avoir à en faire la preuve à l’audience, une bonne partie de l’audience a été consacrée à la date de l’invention. De plus, la date de l’invention est une question qu’il appartient exclusivement au juge de première instance de trancher.

Évidence et nouveauté Le caractère évident est une question de fait, et notre Cour ne peut intervenir dans la décision du juge de première instance à cet égard à moins qu’il n’ait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de la preuve ou une erreur de droit. Il n’y avait aucune erreur de droit permettant de modifier les conclusions auxquelles il est parvenu sur la question de l’évidence. Il est important de prendre garde aux dangers de l’analyse a posteriori : chaque invention est évidente après qu’elle a été faite.

Quant à la nouveauté, l’invention était la découverte de l’utilité de l’AZT dans le traitement ou la prophylaxie du SIDA. Il s’agissait de l’usage nouveau d’une substance connue. La découverte d’un usage nouveau pour des composés connus est brevetable : Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets, [1982] 2 R.C.S. 536. Le juge de première instance a correctement conclu que le caractère de nouveauté ne faisait pas défaut aux revendications.

Ambiguïté La conclusion du juge de première instance selon laquelle il n’y avait aucune ambiguïté s’appuyait entièrement sur la preuve. Il n’a commis aucune erreur manifeste et dominante qui permettrait de modifier sa décision.

Divulgation insuffisante Le juge de première instance a correctement conclu que le brevet en cause fournissait aux personnes versées dans l’art toute l’information nécessaire pour faire usage de l’invention revendiquée. Il a eu raison de conclure que la divulgation ne s’adressait pas aux médecins qui prescrivent l’AZT et que le mémoire descriptif n’avait pas à donner de renseignements détaillés quant à la prescription du médicament.

Traitement médical Bien que les méthodes de traitement médical ne puissent faire l’objet d’un brevet, l’invention en l’espèce résidait dans la découverte d’un nouvel usage pour une substance connue et non dans une méthode de traitement médical.

Revendications non liées à l’usage Lorsqu’un nouveau composé est inventé, l’inventeur a droit à un brevet englobant tous les usages du composé. Toutefois, lorsque le composé n’est pas nouveau, le brevet ne portera que sur le nouvel usage découvert. Le juge de première instance a commis une erreur lorsqu’il a conclu que la revendication 1 et les revendications qui en dépendent sont valides. Il a commis une erreur après avoir conclu que le brevet, pris dans son ensemble, limiterait l’exclusivité de Glaxo à l’usage de l’AZT pour les infections rétrovirales humaines. Toutefois, la revendication 1 n’étant pas ambiguë, il ne convient pas d’avoir recours à la divulgation pouvant limiter la portée afin de la sauver.

Revendications relatives à la prophylaxie Le juge de première instance a correctement conclu que les revendications se rapportant à l’usage prophylactique n’étaient pas plus larges que l’invention revendiquée ou divulguée, qu’elles n’étaient pas ambiguës et qu’elles étaient en conséquence valides. Qu’il s’agisse de prévention ou de traitement, le rôle de l’AZT consiste à « bloquer l’élongation de la chaîne » pour prévenir la transmission du VIH ou, si le sujet (ou le fœtus) est déjà atteint, pour réduire la charge virale à des niveaux indétectables. Même s’il était vrai que l’utilisation de l’AZT à des fins prophylactiques n’était pas connue des inventeurs lorsque la demande de brevet a été déposée, cela ne rendrait pas un tel usage non brevetable. L’utilité doit être établie lorsque le commissaire des brevets le demande ou dans le cadre d’une demande d’invalidation d’un brevet contestant l’utilité de celui-ci. En l’espèce, le juge de première instance disposait d’une preuve d’utilité dans la prévention de la transmission du VIH de mère à fœtus ou de l’infection des travailleurs de la santé s’étant piqués avec des aiguilles.

Qualité pour ester en justice A & N ont soutenu que Glaxo n’avait pas le droit de poursuivre pour contrefaçon parce qu’elle n’était pas licenciée de la titulaire du brevet, la Wellcome Foundation Ltd. Glaxo n’a produit aucune licence écrite lors de l’instruction, mais a soutenu que la licence était implicite. Des éléments de preuve indiquaient que Glaxo et Wellcome avaient toutes deux comme politique d’accorder des licences non écrites à des filiales et de n’exiger un document écrit que lorsque la filiale n’était pas détenue en propriété exclusive. Généralement, les filiales jouissaient implicitement de licences exclusives, et cette pratique est encore observée maintenant. Le juge de première instance a correctement conclu que les pratiques d’octroi de licence du groupe Glaxo Wellcome Inc. faisait en sorte que Glaxo pouvait revendiquer un droit de brevet, qu’elle était une personne se réclamant de la brevetée au sens du paragraphe 55(1) de la Loi sur les brevets et qu’elle avait, par conséquent, qualité pour intenter une action. En l’espèce, la brevetée s’adresse à la Cour comme codemanderesse et appuie la revendication de Glaxo. Lorsque la brevetée et la personne se réclamant de celle-ci sont toutes deux parties à l’action, sont affiliées parce que toutes deux détenues par la même société mère et ont le même intérêt relativement au litige — la brevetée appuyant la demande de la personne se réclamant d’elle — il est surprenant que des arguments techniques relatifs à la qualité pour agir soient avancés comme moyen de défense à une action en contrefaçon.

L’omission d’enregistrer la licence au Bureau des brevets n’a pas entraîné la nullité de l’action en contrefaçon de Glaxo. Il ressort de la lecture du paragraphe 50(2) et de l’article 51 de la Loi que le but de l’enregistrement visé au paragraphe 50(2) est notamment de garantir la priorité à l’encontre de cessionnaires subséquents. L’omission d’enregistrer prive le cessionnaire de la priorité à l’encontre des cessionnaires subséquents et, pour ce qui est des rapports entre ceux-ci, une cession non enregistrée est nulle et de nul effet. Toutefois, rien n’indique que l’omission d’enregistrer rende la cession nulle à tous autres égards. En ce qui a trait plus précisément au cas qui nous occupe, aucune disposition de la Loi sur les brevets ne prévoit que le contrefacteur présumé puisse invoquer le non-enregistrement d’une licence pour se défendre contre une action en contrefaçon introduite par les licenciés.

Revendications relatives à toutes les infections rétrovirales Le juge de première instance n’a pas commis d’erreur en tirant la conclusion de fait que les revendications concernant l’usage de l’AZT pour le traitement ou la prophylaxie des infections rétrovirales humaines étaient trop vastes, qu’elles n’avaient pas la même portée que l’invention et qu’elles étaient spéculatives. Le travail des inventeurs était presque essentiellement orienté vers la recherche d’un traitement du VIH et non des autres rétrovirus humains.

« Infection liée au SIDA » Le juge de première instance a correctement conclu que les revendications faisant état d’une « infection liée au SIDA » étaient ambiguës. Elles pouvaient viser l’infection à VIH elle-même ou une infection opportuniste se déclarant par suite de l’affaiblissement du système immunitaire par le VIH. Rien dans la divulgation du brevet ne suggérait une interprétation plus large que celle de l’utilisation thérapeutique ou prophylactique de l’AZT contre le SIDA, mentionnée à la revendication 22.

Intérêts En accordant des dommages-intérêts à Glaxo, le juge de première instance n’a pas abordé la question du droit de Glaxo à des intérêts. Glaxo demande maintenant des intérêts avant jugement et après jugement sous le régime des articles 36 et 37 de la Loi sur la Cour fédérale.

En vertu de ces deux articles, les intérêts sont régis par le droit de la province dans laquelle le fait générateur de l’action est survenu, mais lorsque le fait générateur est survenu dans plus d’une province ou hors d’une province, les intérêts avant jugement sont calculés conformément à la Loi sur la Cour fédérale. En l’espèce, il n’était pas clair si le fait générateur était survenu uniquement en Ontario ou dans plus d’une province. Même si elle n’a pas expressément demandé des intérêts avant jugement et après jugement dans ses actes de procédure ou à l’instruction, Glaxo est admise à demander qu’ils soient compris dans l’adjudication des dommages-intérêts. La délivrance de la déclaration satisfait à l’obligation de donner un avis écrit de la demande d’intérêts sous le régime du paragraphe 128(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires et de l’alinéa 36(2)b) de la Loi sur la Cour fédérale. Glaxo a droit aux intérêts avant jugement et après jugement sous réserve du pouvoir discrétionnaire conféré aux juges de la Section de première instance par les lois applicables. L’intérêt ne doit être utilisé ni comme sanction ni comme récompense mais doit faire partie des dommages-intérêts accordés pour réparer le préjudice. Pour calculer le montant des intérêts, il faut notamment tenir compte de la façon dont l’instance s’est déroulée. Le pouvoir discrétionnaire de déterminer le taux d’intérêt et la période pendant laquelle il courra constitue un moyen pour les tribunaux d’encadrer le déroulement des litiges en ce que cela incite les demandeurs à instituer leur action avec diligence et de contraindre les défendeurs coupables à régler.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique, 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2, art. 1709(7).

Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Annexe 1C de l’Accord de Marrakesh instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakesh, au Maroc, le 15 avril 1994, art. 27.

Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange nord-américain, L.C. 1993, ch. 44, art. 10.

Loi de mise en œuvre de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce, L.C. 1994, ch. 47, art. 8.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 36 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 9), 37 (mod., idem).

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 2 « invention », 34(1)b), 38 (mod. par L.R.C. 1985 (3e suppl.), ch. 33, art. 13), 50(2) (mod., idem, art. 20), 51, 53, 55(1) (mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 48).

Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43, art. 128, 129, 130.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Christiani and Nielsen v. Rice, [1930] R.C.S. 443; [1930] 4 D.L.R. 401; Ernest Scragg & Sons Ltd. v. Leesona Corp., [1964] R.C.É. 649; (1964), 45 C.P.R. 1; Gerrard Wire Tying Machine Co. v. The Cary Mfg. Co., [1926] R.C.É. 170; Kellogg Company v. Helen L. Kellogg, [1942] R.C.É. 87; [1942] 4 D.L.R. 737; (1942), 2 C.P.R. 131; Re May & Baker and Ciba Ltd. (1948), 65 R.P.C. 225; Procter & Gamble Co. c. Bristol-Myers Canada Ltd. (1978), 39 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.); conf. par (1979) 42 C.P.R. (2d) 33; 28 N.R. 273 (C.A.F.); Ciba-Geigy AG c. Commissaire des brevets (1982), 65 C.P.R. (2d) 73; 42 N.R. 587 (C.A.F.); Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Ltd. (1984), 81 C.P.R. (2d) 39 (C.F. 1re inst.); Beloit Can. Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1986), 7 C.I.P.R. 205; 8 C.P.R. (3d) 289; 64 N.R. 287 (C.A.F.); Creations 2000 Inc. v. Canper Industrial Products Ltd. (1990), 34 C.P.R. (3d) 178; 124 N.R. 161 (C.A.F.); Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets, [1982] 2 R.C.S. 536; (1982), 142 D.L.R. (3d) 117; 67 C.P.R. (2d) 1; 44 N.R. 541; Beecham Canada Ltd. et al. v. Procter & Gamble Co. (1982), 61 C.P.R. (2d) 1; 40 N.R. 313 (C.A.F.); Electric Chain Co. of Canada Ltd. v. Art Metal Works et al., [1933] R.C.S. 581; [1933] 4 D.L.R. 240; R. c. Marshall (1985), 13 Admin. L.R. 195; 60 N.R. 180 (C.A.F.); Walker v. Murray (1978), 9 C.P.C. 78 (H.C. Ont.); Sedgewick v. Metropolitan Toronto Zoological Society (1978), 22 O.R. (2d) 254 (H.C.); conf. par (1980), 28 O.R. (2d) 222 (C.A.); Royal Bank v. Roland Home Improvements Ltd. (1994), 17 B.L.R. (2d) 108; 74 O.A.C. 250 (C.A. Ont.); Graham v. Rourke (1990), 75 O.R. (2d) 622; 74 D.L.R. (4th) 1; 40 O.A.C. 301 (C.A.); Irvington Holdings Ltd. v. Black et al. and two other actions (1987), 58 O.R. (2d) 449; 35 D.L.R. (4th) 641; 14 C.P.C. (2d) 229; 20 O.A.C. 390; Stelco Inc. v. Royal Insurance Co. of Canada (1997), 34 O.R. (3d) 263; 45 C.C.L.I. (2d) 106; 101 O.A.C. 89 (C.A.); John Maryon International Ltd et al. v. New Brunswick Telephone Co., Ltd. (1982), 43 N.B.R. (2d) 469; 141 D.L.R. (3d) 193; 24 C.C.L.T. 146 (C.A.); Pickett v British Rail Engineering Ltd, [1979] 1 All ER 774 (H.L.); Panchaud Freres S.A. v. R. Pagnan & Fratelli, [1974] 1 Lloyd’s Rep. 394 (C.A.); Baud Corporation, N.V. v. Brook, [1979] 1 R.C.S. 677; (1979), 14 A.R. 407, 97 D.L.R. (3d) 300; [1979] 3 W.W.R. 93; 10 C.P.C. 166; 25 N.R. 451; Spencer v. Rosati et al. (1985), 50 O.R. (2d) 661; 1 C.P.C. (2d) 301; 9 O.A.C. 119 (C.A.); Armak Chemicals Ltd. v. Canadian National Railway Co. (1991), 5 O.R. (3d) 1; 84 D.L.R. (4th) 326; 4 C.P.C. (3d) 280; 52 O.A.C. 188 (C.A.).

DISTINCTION FAITE D’AVEC :

May & Baker Limited et al. v. Boots Pure Drug Company Limited (1950), 67 R.P.C. 23 (H.L.); Société des Usines Chimiques Rhône-Poulenc et al. v. Jules R. Gilbert Ltd. et al. (1967), 35 Fox Pat. C. 174 (C. de l’É.); conf. par [1968] R.C.S. 950; (1968), 69 D.L.R. (2d) 353; 55 C.P.R. 207; Hoechst Pharmaceuticals of Canada Ltd. et al. v. Gilbert & Company et al., [1965] 1 R.C.É. 710; (1964), 50 C.P.R. 26; conf. par [1966] R.C.S. 189; (1965), 50 C.P.R. 54; Boehringer Sohn, C. H. v. Bell-Craig Ltd., [1962] R.C.É. 201; (1962), 39 C.P.R. 201; conf. par [1963] R.C.S. 410; (1963), 41 D.L.R. (2d) 611; 41 C.P.R. 1; Tennessee Eastman Co. et al. c. Commissaire des brevets, [1974] R.C.S. 111; (1972), 33 D.L.R. (3d) 459; 8 C.P.R. (2d) 202; Imperial Chemical Industries Ltd. c. Commissaire des brevets, [1986] 3 C.F. 40 (1986), 9 C.P.R. (3d) 289; 67 N.R. 121 (C.A.); Windsurfing Int. Inc. v. Trilantic Corp. (1985), 7 C.I.P.R. 281; 8 C.P.R. (3d) 241; 63 N.R. 218 (C.A.F.).

DÉCISIONS CITÉES :

Burroughs Wellcome Co. v. Barr Laboratories Inc., 828 F.Supp. 1208 (E.D.N.C. 1993); conf. par 40 F.3d 1223 (Fed. Cir. 1994); Lawson c. Commissaire des brevets (1970), 62 C.P.R. 101 (C. de l’É.).

DOCTRINE

Fox, Harold G. The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4th ed. Toronto : Carswell, 1969.

Frost, Robert. Treatise on the Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4th ed. London : Stevens and Haynes, 1912.

Hughes and Woodley on Patents, loose-leaf ed., Toronto : Butterworths.

Nouveau Petit Robert. Montréal : DICOROBERT Inc. 1993, « prophylaxie ».

Sopinka, John et al. The Law of Evidence in Canada, 2nd ed. Toronto : Butterworths, 1999.

Waddams, S. M. The Law of Damages, 3rd ed. Toronto : Canada Law Book, 1997.

Waldron, M. A. The Law of Interest in Canada. Scarborough, Ont. : Carswell, 1992.

APPELS et appels incidents d’un jugement de la Section de première instance (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 79 C.P.R. (3d) 193; 145 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.)) portant que le brevet relatif à l’utilisation de l’AZT pour le traitement et la prophylaxie du SIDA était valide, que certaines des revendications de ce brevet sont valides et d’autres invalides, que les revendications jugées valides ont été contrefaites, qu’une injonction devrait être prononcée contre les contrefacteurs et qu’Apotex et Novopharm devraient être condamnées à payer des dommages-intérêts. Appels et appels incidents accueillis en partie.

ONT COMPARU :

Carol E. Hitchman et Warren N. Sprigings pour l’appelante Novopharm Ltd.

Harry B. Radomski, Richard E. Naiberg et David M. Scrimger pour l’appelante Apotex Inc.

Patrick E. Kierans, Peter J. Stanford, Brian R. Daley et Kenneth E. Sharpe pour les intimés.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hitchman & Sprigings, Toronto, pour l’appelante Novopharm Ltd.

Goodman Phillips & Vineberg, Toronto, pour Apotex Inc.

Ogilvy Renault, Toronto, pour les intimés.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        La Cour : La Cour est saisie des appels et des appels incidents interjetés contre un jugement prononcé par le juge Wetston de la Section de première instance de la Cour fédérale le 25 mars 1998. Dans ce jugement, le juge a conclu que le brevet canadien no 1238277, propriété de la Wellcome Foundation Limited, est valide; que certaines des revendications de ce brevet sont valides et d’autres invalides, et qu’Apotex Inc. et Novopharm Limited (A & N) ont contrefait les revendications jugées valides. Par ailleurs, le juge a également interdit à A & N et à Interpharm Inc. d’importer, de fabriquer, d’utiliser, d’annoncer, de promouvoir, d’offrir en vente et de vendre le médicament zidovudine (AZT) sous forme posologique et a condamné A & N à payer des dommages-intérêts à la Wellcome Foundation Limited et à Glaxo Wellcome Inc. (Glaxo).

Questions soulevées par l’appel

[2]        A & N soutiennent que le brevet est invalide pour les motifs suivants :

Question 1 —  l’omission de nommer deux inventeurs dans la demande de brevet entraîne la nullité du brevet pour assertion inexacte importante;

Question 2 —  l’invention n’était pas achevée le 16 mars 1985, date du dépôt de la demande de brevet au Royaume-Uni;

Question 3 —  étant donné que Glaxo a formellement admis que la date de l’invention était le 6 février 1985, le juge Wetston a commis une erreur en concluant que la date de l’invention était le 16 mars 1985 ou en acceptant une preuve se rapportant à l’invention, postérieure au 6 février 1985;

Question 4 —  l’invention revendiquée est évidente et dépourvue de caractère de nouveauté;

Question 5 —  les termes techniques utilisés dans le brevet englobent plus d’un composé et sont donc ambigus;

Question 6 —  la divulgation faite dans le brevet ne fournit pas une description adéquate de l’invention revendiquée, de son fonctionnement et de la manière de l’utiliser;

Question 7 —  l’invention revendiquée porte sur un traitement médical et est donc non brevetable.

[3]        Si le brevet est jugé valide, A & N soutiennent que certaines revendications sont invalides pour les motifs suivants :

Question 8 —  l’AZT n’est pas un nouveau composé et les revendications non limitées à l’usage du composé ne représentent pas une invention;

Question 9 —  les revendications d’un usage prophylactique de l’AZT sont ambiguës et ne sont pas décrites dans la divulgation.

[4]        Enfin, A & N prétendent que Glaxo Wellcome Inc. n’a pas la qualité requise pour exercer une action en contrefaçon pour le motif suivant :

Question 10 — elle n’est pas licenciée de la titulaire du brevet, la Wellcome Foundation Limited.

Questions soulevées par l’appel incident

[5] Glaxo soutient que le juge Wetston a commis une erreur en jugeant invalides :

Question 1 —  les revendications relatives à l’usage de l’AZT dans le traitement ou la prophylaxie de toutes les infections rétrovirales humaines au motif que leur portée était trop vaste parce qu’il a, à tort, refusé d’accepter la preuve forte étayant l’utilité de l’AZT dans toutes les infections rétrovirales;

Question 2 —  les revendications pour le traitement ou la prophylaxie d’une « infection liée au SIDA » qu’il a, à tort, jugées ambiguës.

[6]        Glaxo soutient également que le juge Wetston a commis une erreur :

Question 3 —  en refusant de permettre à Glaxo de choisir entre des dommages-intérêts et la restitution des bénéfices et en imposant des dommages-intérêts à titre de réparation requise pour la contrefaçon, parce que sa décision se fonde sur une considération non pertinente.

[7]        Enfin, Glaxo soutient :

Question 4 —  que le juge Wetston n’a pas abordé la question des intérêts et qu’elle devrait avoir droit à des intérêts avant jugement et après jugement.

L’APPEL

LE JUGE SEXTON, J.C.A.

Question 1 — Coïnventeurs et assertion inexacte importante

A & N prétendent que le brevet est invalide pour le motif suivant :

1.         l’omission de nommer deux inventeurs dans la demande de brevet entraîne la nullité du brevet pour assertion inexacte importante;

Faits se rapportant à l’invention et à la paternité de l’invention

[8]        Au début des années 80, Glaxo cherchait à découvrir un traitement pour le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA)[1]. Afin de savoir si un composé pourrait servir de traitement pour le SIDA, Glaxo a d’abord soumis des composés à des essais sur des virus de cellules murines semblables au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) responsable du SIDA[2].

[9]        En juillet 1984, quatre scientifiques de Glaxo ont commencé à soumettre certains produits chimiques à des essais faisant appel à une sélection de rétrovirus murins. Des virus murins sont des virus qu’on retrouve chez la souris. Les rétrovirus constituent une famille de virus distincte, à laquelle appartient le VIH.

[10]      Les scientifiques de Glaxo ont concentré leurs efforts de recherche sur une catégorie de composés chimiques connus sous le nom d’analogues nucléosidiques, croyant que ces composés inhiberaient l’activité des rétrovirus. À un certain moment avant le 16 novembre 1984, Glaxo a décidé de tester l’un de ces analogues nucléosidiques sur des rétrovirus murins. Le composé chimique en question avait été synthétisé en 1964 en tant que remède possible contre le cancer[3]. On l’appelle la 3’-azido-3’-désoxythymidine et il est maintenant plus connu sous le nom d’AZT. La protection d’un brevet n’a jamais été demandée pour l’AZT.

[11]      Le 16 novembre 1984, les scientifiques de Glaxo ont découvert que l’AZT avait « éradiqu[é] entièrement » les rétrovirus murins testés[4]. Le 19 novembre, le Dr Rideout, une scientifique de Glaxo dont le nom apparaît sur le brevet, s’est mise à penser que l’AZT pourrait servir dans le traitement du VIH. À l’audience, lorsqu’on lui a demandé de se reporter en arrière, à l’époque où elle avait appris les résultats des tests du 16 novembre, le Dr Rideout a répondu :

[traduction] C’était lundi matin, le 19 novembre. Je venais d’entrer au travail par l’entrée principale, j’ai traversé le hall et je me dirigeais vers l’ascenseur principal quand j’ai vu Sandy Lehrman [une coïnventrice de l’AZT] qui se dirigeait vers le même ascenseur. Elle m’a dit : « Tu ne devineras jamais, je voulais te dire que Marty [Martha St. Clair, une coïnventrice de l’AZT] a procédé à un test vendredi et l’un des composés que tu avais envoyés a éliminé le virus à 1 millionième de mole ». Et elle a voulu me préciser ce que c’était, mais je lui ai dit : « Ne me le dis pas, je vais te le dire ». Et je lui ai demandé : « le 509U81? » [le terme utilisé chez Glaxo pour nommer l’AZT] et elle m’a répondu : « C’est ça ». Nous étions contentes, nous nous sommes félicitées […]. L’ascenseur est arrivé. Nous riions et nous gloussions, et nous sommes montées. Elle est descendue à son étage, je suis descendue au mien et je me suis dirigée vers le laboratoire […] Andy Freeman était là et je lui ai dit que le test avait eu lieu, que le 509U81 avait été testé, que Sandy m’avait dit qu’il avait vidé la plaque— même s’il fallait le refaire et j’ai simplement ajouté : « On a trouvé à quoi le composé peut servir chez les humains »[5].

[12]      À partir de décembre 1984, Glaxo a commencé à travailler au développement de l’AZT en vue de procéder à des essais cliniques. Après une réunion où les cinq scientifiques de Glaxo désignés comme inventeurs dans le brevet visé par le présent appel ont discuté de la recherche en cours sur l’AZT, le Dr Rideout a écrit, dans une note, que « [s]ur le plan éthique, les médecins de [Glaxo] ne pourront taire l’activité d’un tel composé bien longtemps »[6]. De toute évidence, elle pensait que l’AZT serait efficace contre le VIH.

[13]      En janvier 1985, Glaxo a commencé la préparation de sa demande de brevet. Une scientifique de Glaxo a communiqué avec l’agent des brevets de Glaxo « pour lui dire qu’il serait sans doute bien avisé de présenter une demande de brevet immédiatement »[7]. Dans son témoignage, le Dr David Barry, un coïnventeur de l’AZT, a indiqué qu’il [traduction] « préconisait de passer au brevetage de toute urgence » et qu’il « continuait d’insister [auprès des agents des brevets] sur la question du moment opportun du dépôt de [la demande] et sur la rapidité avec laquelle il fallait que ce soit fait »[8].

[14]      Une ébauche de demande de brevet était prête le 6 février 1985[9]. Elle contenait la description complète d’une nouvelle utilisation de l’ancien composé AZT, incluant des détails sur la posologie. L’ébauche de demande était pratiquement identique à la demande de brevet définitive déposée le 16 mars 1985.

[15]      Le 4 février 1985, pendant que l’on s’affairait à préparer l’ébauche de la demande de brevet, Glaxo a envoyé ce qu’elle savait être de l’AZT aux Drs Broder et Mitsuya, deux médecins travaillant pour le National Institute of Health (le NIH), afin qu’ils en vérifient l’efficacité contre le VIH. Toutefois, au moment où elle leur a envoyé le composé à tester, Glaxo n’a pas précisé aux médecins son nom ou sa structure chimique.

[16]      Glaxo a demandé aux médecins de tester l’activité du composé identifié uniquement comme étant le composé « S » contre le VIH en se servant d’une lignée cellulaire humaine de laboratoire mise au point par les Drs Broder et Mitsuya[10]. Glaxo a procédé ainsi parce qu’elle voulait savoir si l’AZT était efficace contre le VIH, comme elle le soupçonnait, et parce qu’elle ne possédait pas les installations nécessaires pour tester les composés sur le VIH lui-même[11]. Au moment où l’échantillon leur a été envoyé, ni le Dr Broder ni le Dr Mitsuya ne connaissaient le nom du composé ou sa structure chimique, et ils ne savaient pas qu’il s’agissait d’un analogue nucléosidique. Comme je l’ai mentionné précédemment, le composé «S » était en fait l’AZT.

[17]      Le 21 février 1985, le Dr Broder a informé Glaxo que le composé, alors non identifié, manifestait une activité contre le VIH in vitro (c’est-à-dire contre des cellules contenues dans un tube d’essai, par opposition à des cellules dans un être humain vivant)[12]. Ce n’est pas avant le 1er mars 1985 que Glaxo a informé le Dr Broder que le composé que lui et le Dr Mitsuya avaient soumis à des tests était de l’AZT. Glaxo a fait valoir qu’aucune preuve n’a été produite pour démontrer qu’elle attendait d’avoir les résultats des Drs Broder et Mitsuya avant de demander un brevet.

[18]      Après les résultats positifs signalés par le Dr Broder, Glaxo a présenté une demande de brevet au United Kingdom Patent Office (bureau des brevets du Royaume-Uni), réclamant la date de priorité du 16 mars 1985. Le 14 mars 1986, Glaxo a déposé une demande de brevet canadien, réclamant la date de priorité du 16 mars 1985, en raison de la demande déposée antérieurement au Royaume-Uni[13]. Le 21 juin 1988, Glaxo a obtenu le brevet canadien no 1,238,277 (le brevet ‘277)[14]. Dans les deux brevets, seuls les cinq scientifiques de Glaxo sont désignés comme inventeurs. Les deux scientifiques du NIH, les Drs Broder et Mitsuya, ne sont pas nommés à titre de coïnventeurs.

[19]      Ces faits relativement simples ont donné lieu à près de dix ans de contestation, tant au Canada qu’aux États-Unis. Le litige a pris naissance le 5 décembre 1990, lorsque A & N ont intenté une action au Canada demandant à la Cour de déclarer que le brevet ‘277 de Glaxo était invalide et que leurs produits AZT génériques ne constituaient pas une contrefaçon de ce brevet[15].

[20]      Le 16 octobre 1991, Glaxo a intenté une action contre Apotex, alléguant (entre autres) que les produits proposés par Apotex contrefaisaient diverses revendications contenues dans le brevet ‘277[16]. Le 20 décembre 1993, Glaxo a intenté une action en contrefaçon contre Novopharm[17]. À la suite d’une ordonnance, les trois actions ont été jointes pour instruction commune.

[21]      À l’audience, A & N ont invoqué plusieurs arguments pour tenter de démontrer que le brevet ‘277 est invalide. Ces arguments sont repris au paragraphe 2 des présents motifs.

[22]      Le juge de première instance a accepté l’argument d’A& N selon lequel Glaxo aurait dû nommer les Drs Broder et Mitsuya à titre de coïnventeurs de l’AZT. Il a conclu, toutefois, que l’omission de mentionner les Drs Broder et Mitsuya à titre de coïnventeurs n’avait pas constitué une allégation non conforme à la vérité suffisamment importante pour invalider le brevet aux termes de l’article 53 de la Loi sur les brevets[18].

[23]      Ayant jugé que de nombreuses revendications du brevet étaient valides, le juge de première instance a conclu qu’A & N avaient contrefait ces revendications.

Le droit de la paternité de l’invention

[24]      Le système des brevets confère au propriétaire/ inventeur le droit exclusif de fabriquer, d’utiliser et de vendre une invention. Le monopole ainsi octroyé au breveté a pour effet pratique d’exclure tous les autres du commerce de l’invention. Pour obtenir ce monopole, bien sûr, il faut que le brevet divulgue réellement une invention au sens que lui donne l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[25]      Peut-être que la manière la plus efficace de contester un brevet est d’affirmer qu’il ne révèle aucune invention. Une telle prétention a pour effet de concentrer une grande partie des débats en droit des brevets sur les polémiques qui existent sur ce qui constitue ou non une invention.

[26]      Comme il fallait s’y attendre, les milieux judiciaire et universitaire ont accordé une attention soutenue à la question de l’invention au cours du siècle qui vient de s’écouler. Cette question a même été soulevée dans la présente affaire.

[27]      En revanche, la question de la paternité de l’invention, à savoir qui est l’inventeur, a fait beaucoup moins l’objet de discussion. La plupart du temps, dans notre système de droit des brevets, la question de l’identité de l’inventeur est éclipsée par celle de l’invention. Dans le présent cas, toutefois, la question de la paternité de l’invention ne saurait être passée sous silence.

[28]      La question de la paternité de l’invention se pose en l’espèce pour deux raisons : la première, parce que le juge de première instance a conclu que les Drs Broder et Mitsuya étaient des coïnventeurs et la deuxième, parce qu’A& N prétendent que l’omission de nommer les Drs Broder et Mitsuya à titre de coïnventeurs dans le brevet constitue une assertion inexacte importante qui devrait invalider le brevet. Ceci étant, nous devons porter notre attention sur la question de la paternité de l’invention.

[29]      Pour traiter cette partie de l’appel, j’ai décidé d’effectuer un examen en deux étapes. Je commencerai par examiner le droit applicable en matière de paternité de l’invention afin de déterminer si les Drs Broder et Mitsuya sont des coïnventeurs. Puis, j’apprécierai si l’omission de nommer des coïnventeurs dans le brevet constitue une assertion inexacte importante propre à invalider le brevet. Cette façon d’aborder le sujet donne à la Cour l’occasion de revoir et de commenter le droit actuel en matière de paternité de l’invention.

[30]      L’article 2 de la Loi sur les brevets définit une invention de la manière suivante :

2. […]

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

Pour être considéré comme l’inventeur d’une invention, il faut remplir deux conditions : i) il faut être la personne qui a eu une idée nouvelle ou qui a découvert une nouvelle chose qui constitue l’invention; et ii) il faut être la personne qui donne à l’idée conçue ou à la découverte sa forme pratique.

[31]      Le simple fait d’avoir une idée n’est donc pas une invention à moins d’être combinée au second élément qui consiste à donner à cette idée une forme pratique qui sert à prouver que l’acte mental d’invention a eu lieu à une certaine date. Toutefois, pour attribuer une date à une invention, le fait de donner à une idée sa forme pratique ne va pas jusqu’à la formalité de la demande de brevet. La date à laquelle une invention est conçue ou découverte est plutôt [traduction] « la date à laquelle l’inventeur peut prouver qu’il a énoncé pour la première fois, par écrit ou verbalement, une description qui fournit les moyens de fabriquer ce qui est inventé »[19]. En d’autres termes, l’invention doit être [traduction] « présentée sous une forme définie et pratique »[20].

[32]      Il ressort nettement de tout ce qui précède que, pour qu’une personne soit considérée comme un inventeur, l’invention qu’on cherche à protéger par un brevet doit avoir pris naissance dans l’esprit de l’inventeur. Comme l’explique Robert B. Frost, dans son ouvrage intitulé Letters Patent for Inventions[21], [traduction] « une personne ne sera pas considérée comme le véritable et premier inventeur si elle n’a pas elle-même réalisé l’invention, ou si l’idée de cette invention ne vient pas, à l’origine, de son esprit »[22]. De même, comme l’indique le président Maclean dans l’affaire Gerrard Wire Tying Machines Co. v. The Cary Mfg. Co.[23], un véritable inventeur [traduction] « ne doit pas avoir emprunté [l’idée] à quelqu’un d’autre »[24]. Quant à M. Fox, il indique que :

[traduction] Pour pouvoir être l’inventeur, celui qui demande un brevet doit avoir inventé la chose lui-même, et non à la suite de la suggestion faite par un autre ou à la suite d’une lecture. Si cette chose était déjà utilisée par le public, si elle était déjà mise à sa disposition, si le demandeur lui-même n’a pas réalisé l’invention ou si elle n’a pas pris naissance dans son esprit, il ne peut, en droit, être considéré comme l’inventeur[25].

Enfin, dans l’ouvrage intitulé Hughes and Woodley on Patents[26], les auteurs expliquent que [traduction] « le fait de soumettre un problème à un autre pour trouver une solution n’est pas un acte d’invention »[27]. Il ressort donc qu’en droit, un inventeur est la (ou les) personne(s) dont l’idée ou la découverte donne naissance à l’invention qui fait l’objet de la demande de brevet. Ainsi, il devrait être également évident qu’une personne qui n’a pas eu l’idée ou n’a pas découvert la chose n’est pas un inventeur.

[33]      La personne à laquelle on demande de procéder à un acte purement mécanique pour vérifier si une invention va fonctionner, dans un cas où [traduction] « dans son ensemble, l’enchaînement des idées mises en branle […] a été celui d’autres personnes »[28], ne sera pas traitée comme étant un inventeur. Si une personne se contente de vérifier les prédictions de quelqu’un d’autre, elle n’est pas un inventeur[29]. En statuant autrement, la Cour découragerait l’inventeur d’obtenir de l’aide pour réaliser l’invention ou bien elle le forcerait à partager les fruits de l’invention avec ceux dont il aurait retenu les services pour l’aider. Dans le premier cas, il en résulterait des retards indus dans l’accès du public à d’importantes inventions. Dans le deuxième cas, l’incitatif économique qui vise l’invention et qui fait partie intégrante du système de brevets s’en trouverait diminué. Ni l’une ni l’autre de ces situations ne sont souhaitables du point de vue du public.

Broder et Mitsuya étaient-ils des coïnventeurs?

[34]      Je ne crois pas que les faits démontrent que les Drs Broder et Mitsuya satisfont à la définition juridique de la paternité de l’invention.

[35]      Les Drs Broder et Mitsuya n’ont pas pensé à utiliser l’AZT pour traiter le SIDA. Pour reprendre les termes de M. Frost qui sont cités ci-dessus, [traduction] « l’idée de cette invention ne vient pas, à l’origine, de [leur] esprit ». L’idée vient de l’esprit des scientifiques de Glaxo. Autrement dit, [traduction] « dans son ensemble, l’enchaînement des idées mises en branle […] a été celui d’autres personnes »[30], plus précisément celui des cinq scientifiques de Glaxo qui sont nommés comme étant les coïnventeurs de l’AZT. À vrai dire, dans une entente de non divulgation qu’il a signée et dans laquelle il s’engageait à mener les tests, le Dr Broder a convenu de rendre les services pour le compte de Glaxo[31]. Ainsi, les Drs Broder et Mitsuya n’ont pas eu l’idée d’utiliser l’AZT contre le VIH, mais sont intervenus pour aider les scientifiques de Glaxo qui avaient eu cette idée.

[36]      Il y a lieu de faire remarquer que dans les poursuites parallèles au présent appel qui ont été engagées aux États-Unis, dans lesquelles Barr Laboratories, Inc. (un membre du groupe Apotex), Novopharm, Inc. et Novopharm Ltd. ont contesté des brevets américains similaires pour le motif que les Drs Broder et Mitsuya auraient été des coïnventeurs de l’AZT, la Cour d’appel des États-Unis, circuit fédéral a conclu que [traduction] « les scientifiques du NIH n’étaient pas des inventeurs conjoints de ces inventions »[32]. Ce qui revient à dire que ce qui fait l’objet de l’invention a été conçu sans l’aide des Drs Broder et Mitsuya.

[37]      Le juge de première instance a conclu que les Drs Broder et Mitsuya n’ont pas su de quel composé il s’agissait avant le 1er mars 1985, après avoir communiqué les résultats positifs des tests in vitro qu’ils avaient exécutés. Si Glaxo ne leur avait pas dit que le composé qu’ils avaient testé était l’AZT, les Drs Broder et Mitsuya auraient pu ne jamais savoir que le brevet qui fait l’objet du présent litige vise le composé qu’ils ont testé.

[38]      Le Dr Mitsuya a lui-même indiqué, dans son témoignage, qu’en 1984 et 1985, il pensait que les didésoxynucléosides, dont fait partie l’AZT, [traduction] « étaient probablement nocifs pour les cellules humaines »[33]. Le juge de première instance signale cet aspect du témoignage du Dr Mitsuya au paragraphe 261 de ses motifs, lorsqu’il indique que le Dr Mitsuya souscrivait, semble-t-il, à l’opinion selon laquelle « les didésoxynucléosides étaient trop toxiques pour être utilisés dans le traitement de maladies humaines ».

[39]      En 1985, les Drs Broder et Mitsuya connaissaient suffisamment bien les questions liées aux brevets pour demander un brevet relativement à un médicament appelé suramine destiné à traiter le VIH[34]. Ils ont même, à la suite de leurs travaux avec l’AZT, obtenu des brevets pour deux médicaments appelés ddC et ddI, des médicaments qu’ils ont, selon une conclusion du juge de première instance, « découverts dans le cadre de leurs travaux sur l’AZT »[35]. Malgré leur connaissance de l’importance des droits de brevet constatés par les brevets qu’ils détenaient pour leur suramine, leur ddC et leur ddI, aucun de ces médecins n’a revendiqué de droit sur le brevet de Glaxo.

[40]      Dans une lettre qu’il a écrite, le Dr Broder confirme que le NIH [traduction] « n’ayant pas de brevet sur les inventions liées à l’AZT, il ne peut faire valoir un droit de propriété pouvant servir de base à un accord de production ou de mise en marché avec [Glaxo] pour le développement de l’AZT »[36]. Les Drs Broder ou Mitsuya n’ont jamais affirmé qu’ils étaient les coïnventeurs de l’utilisation de l’AZT contre le VIH.

[41]      En résumé, je ne crois pas que les faits étayent la conclusion selon laquelle les Drs Broder et Mitsuya sont les coïnventeurs de l’utilisation de l’AZT contre le VIH. Ils ne sont pas à l’origine de l’idée d’utiliser l’AZT contre le VIH. Les deux médecins ont accepté d’effectuer des essais sur une substance inconnue d’eux pour le compte de Glaxo. Leur contribution n’a pas fait d’eux des inventeurs, et elle n’a ni influencé ni diminué le statut des scientifiques de Glaxo à titre d’inventeurs de l’utilisation de l’AZT contre le VIH.

[42]      Le juge de première instance a conclu que les Drs Broder et Mitsuya étaient coïnventeurs de l’AZT parce que l’utilité de l’invention de Glaxo n’a pas été démontrée avant le 16 mars 1985, après que les médecins eurent signalé à Glaxo que les tests in vitro avaient été couronnés de succès.

[43]      Compte tenu de l’arrêt Christiani and Nielsen v. Rice dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que la date à laquelle une invention est découverte est [traduction] « la date à laquelle l’inventeur peut prouver qu’il a énoncé pour la première fois, par écrit ou verbalement, une description qui fournit les moyens de fabriquer ce qui est inventé »[37] et compte tenu du fait qu’une ébauche de demande de brevet qui prévoyait les moyens d’utiliser l’AZT contre le VIH était prête le 6 février 1985, avant que les résultats des Drs Broder et Mitsuya n’aient été complets, la date de l’invention est le 6 février 1985, comme le prétend Glaxo.

[44]      Toutefois, à mon avis, étant donné que j’ai conclu que les Drs Broder et Mitsuya n’étaient pas les coïnventeurs de l’AZT utilisée dans le traitement ou la prophylaxie du VIH, il n’est pas nécessaire de décider si l’invention a été achevée le 6 février 1985 ou le 16 mars 1985. Quelle que soit la date de l’invention, la question de la paternité de l’invention qu’A & N ont soulevée dans l’appel doit échouer parce que les Drs Broder et Mitsuya ne sont pas des coïnventeurs.

[45]      En résumé, lorsque le juge de première instance a conclu que les Drs Broder et Mitsuya étaient des coïnventeurs de l’AZT, je pense qu’il a confondu le concept de l’identité des inventeurs et celui de la date de la création de l’invention. Ce n’est pas simplement parce que des personnes autres que les inventeurs ont exécuté des tests pour démontrer l’utilité de l’invention que ces personnes deviennent des inventeurs.

Article 53 de la Loi sur les brevets : L’omission de nommer un coïnventeur constitue-t-elle une « allégation importante » qui n’est pas conforme à la vérité propre à entraîner l’invalidité du brevet?

[46]      Dans l’éventualité où je commettrais une erreur en concluant que les Drs Broder et Mitsuya ne sont pas les coïnventeurs de l’AZT, je vais examiner la question de savoir si l’omission de nommer un coïnventeur dans la pétition relative à un brevet constitue, au sens de l’article 53 de la Loi sur les brevets, une « allégation importante » suffisante pour invalider un brevet. L’article 53 est ainsi libellé :

53. (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

(2) S’il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d’une erreur involontaire, et s’il est prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais. Le brevet est réputé valide quant à la partie de l’invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit.

[47]      Je souscris à la décision du juge de première instance selon laquelle l’omission de nommer un coïnventeur dans une demande de brevet ne constitue pas une « allégation importante » qui n’est pas conforme à la vérité, suffisante pour invalider un brevet conformément à l’article 53 de la Loi sur les brevets. Comme le juge Addy l’a statué dans l’affaire Procter & Gamble Co. c. Bristol-Myers Canada Ltd.[38], « le fait que le demandeur soit l’inventeur ou l’un des coïnventeurs est sans conséquence pour le public, puisque ce fait ne touche ni la durée ni le fond du brevet ni même le fait d’y avoir droit »[39]. J’estime que le juge de première instance a donc conclu à juste titre que l’omission de nommer un coïnventeur dans une pétition relative à un brevet ne constitue pas une « allégation importante » qui entraîne l’invalidité d’un brevet conformément à l’article 53 de la Loi sur les brevets.

[48]      L’examen de la prétention d’A&N selon laquelle l’omission de nommer un coïnventeur est une assertion inexacte importante conduisant à l’invalidité fait ressortir l’illogisme de cette proposition. Si cette omission constituait une assertion inexacte importante, un véritable inventeur qui ne serait pas nommé dans un brevet serait privé de tout recours lui permettant de partager le monopole de son invention. En effet, si l’argument d’A & N était fondé, toute action que cet inventeur engagerait entraînerait l’invalidité du brevet et lui coûterait sa part du monopole de l’invention. Il faut qu’il soit exact de dire, contrairement à ce que prétendent A & N, qu’un tel inventeur dont le nom n’apparaît pas au brevet voudrait plutôt être reconnu comme coïnventeur afin de pouvoir récolter les profits découlant d’un brevet valide. Aussi, l’omission de nommer un inventeur ne constitue pas une violation de l’article 53 et cette partie de l’appel d’A & N échoue.

Question 2 — Achèvement de l’invention

A & N soutiennent que le brevet est invalide pour le motif suivant :

2.         l’invention n’était pas achevée le 16 mars 1985, date du dépôt de la demande de brevet au Royaume-Uni

[49]      Je vais maintenant aborder la prétention d’A & N selon laquelle l’invention de Glaxo n’était pas achevée le 16 mars 1985. Cette prétention revient à dire que, parce qu’à la date du dépôt le 16 mars 1985, les tests visant à démontrer l’utilité de l’invention n’étaient pas terminés, le brevet est invalide. Pour étayer cette proposition, A & N s’appuient fortement sur une phrase tirée de l’affaire Ciba-Geigy AG c. Commissaire des brevets[40], dans laquelle le juge en chef Thurlow a statué qu’« il ne faut pas confondre la prévisibilité des réactions chimiques et la prévisibilité des effets pharmacologiques et de l’utilité pharmacologique des nouvelles substances »[41]. À partir de cet énoncé et en citant diverses décisions comme May& Baker Limited et al. v. Boots Pure Drug Company Limited[42]; Société des Usines Chimiques Rhône-Poulenc et al. v. Jules R. Gilbert Ltd. et al.[43]; Hoechst Pharmaceuticals of Canada Ltd. et al. v. Gilbert & Company et al.[44]; et Boehringer Sohn, C. H. c. Bell-Craig Ltd.[45], elles ont élaboré une proposition voulant qu’un composé pharmaceutique ne puisse constituer une invention tant qu’il n’a pas été testée sur des êtres humains. Selon elles, ces décisions consacrent la proposition selon laquelle, en l’absence de tels tests, il ne peut y avoir de « prédiction valable » propre à établir une invention. Comme l’AZT n’avait pas été testée sur des êtres humains vivants à la date de priorité du brevet du 16 mars 1985, A & N soutiennent que Glaxo ne pouvait savoir que l’AZT serait efficace dans le traitement ou la prophylaxie du VIH et, par conséquent, que le brevet ‘277 est invalide.

[50]      D’après moi, la décision de notre Cour dans l’affaire Ciba-Geigy consacre la proposition selon laquelle même si une invention constitue une spéculation à la date de priorité revendiquée dans le brevet, le brevet ne sera pas invalide si cette spéculation se révèle valide à l’époque de la contestation du brevet. Dans l’affaire Ciba-Geigy, notre Cour a statué que « si ce qu’indique le mémoire descriptif de brevet était une simple spéculation ou une prédiction, il faut conclure, une fois que la spéculation ou la prédiction ont été confirmées, qu’elles étaient bien fondées au moment où elles ont été faites »[46]. Toujours dans l’affaire Ciba-Geigy, notre Cour a rejeté la proposition voulant que celui qui demande un brevet [traduction] « ne devrait pas être autorisé à s’arroger des revendications qui se fondent sur quelque chose qui a été fait après le dépôt de la demande et non dans le cadre de la divulgation originale »[47].

[51]      En d’autres termes, tant qu’un inventeur peut démontrer l’utilité ou une prédiction valable à l’époque où le brevet est contesté, le brevet ne sera pas invalidé pour défaut d’utilité. L’utilité doit être établie au moment où le commissaire des brevets exige qu’elle soit démontrée ou, dans le cadre de procédures judiciaires, quand la validité du brevet est contestée pour ce motif. Le commissaire peut exiger que l’utilité d’un brevet soit démontrée conformément à l’article 38 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 13] de la Loi, qui permet au commissaire de requérir d’un demandeur qu’il « fourni[sse] […] des échantillons des ingrédients [d’une composition de matières] et de la composition, en suffisante quantité aux fins d’expérience ».

[52]      Conclure qu’on ne peut présenter une preuve de l’utilité réelle après la date de priorité pour démontrer qu’une invention satisfait aux exigences de la Loi sur les brevets entraînerait des résultats illogiques. À titre d’exemple, supposons que, le 10 décembre 1903, Wilbur et Orville Wright ont obtenu un brevet pour un aéroplane et que, à cette date, ni l’un ni l’autre frère n’ont réussi à faire voler l’aéroplane ou n’ont pu affirmer être en mesure de valablement prédire qu’une machine plus lourde que l’air pouvait voler. Supposons en outre qu’une semaine plus tard, les frères Wright ont réussi à faire voler leur aéroplane. Si leur brevet avait été contesté par la suite et si ceux qui le contestaient avaient présenté le témoignage non contredit d’un expert démontrant que, le 10 décembre 1903, des machines plus lourdes que l’air ne pouvaient pas voler, leur brevet serait-il invalide même si tout le monde pouvait admettre qu’à l’époque où le brevet était contesté de telles machines pouvaient voler? À mon avis, conclure ainsi exigerait d’un tribunal qu’il ferme les yeux sur les progrès scientifiques constants et priverait les brevetés du droit de se fier à des intuitions qui si souvent mènent à de grandes découvertes. Pour reprendre les termes du Dr Rideout, une des coïnventeurs de l’AZT, [traduction] « des réactions instinctives et intuitives » combinées à des « réactions viscérales »[48], s’appuyant sur une preuve réelle d’utilité à l’époque où le brevet est contesté, ne seraient pas suffisantes pour étayer un brevet.

[53]      Les décisions que citent A & N à l’appui de la proposition selon laquelle tous les produits pharmaceutiques doivent invariablement être testés sur des êtres humains vivants avant qu’une date de priorité puisse être demandée dans un brevet ne sont pas susceptibles d’application au présent appel. Premièrement, comme le juge de première instance l’a statué, ces décisions abordent la question de la « prédiction valable », une doctrine qui ne s’applique qu’aux cas où seulement quelques-uns des composés revendiqués ont été testés, mais où bon nombre ne l’ont pas été même à l’époque où le brevet est contesté. De telles exigences en matière de tests ne s’appliquent tout simplement pas lorsque, à l’époque de la contestation du brevet, il y a des preuves d’une véritable utilité (c’est-à-dire que le produit pharmaceutique remplit les promesses du brevet). Lorsqu’une telle utilité est démontrée, il est inutile de revenir à la doctrine de la « prédiction valable » et les expérimentations requises pour faire de telles prédictions. Comme A & N ne contestent pas qu’en réalité l’AZT est utile pour traiter le VIH, le brevet ‘277 satisfait au critère d’utilité véritable.

[54]      Enfin, si dans l’affaire Ciba-Geigy, la Cour a eu l’intention de statuer qu’il faut exiger une norme d’utilité plus élevée pour les inventions de produits pharmaceutiques, par opposition aux autres inventions, cela s’explique peut-être par le fait que la décision Ciba-Geigy a précédé l’énonciation des obligations internationales du Canada dans l’Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le gouvernement des États-Unis du Mexique [le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2] et l’Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Annexe 1C de l’Accord de Marrakesh instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakesh, au Maroc, le 15 avril 1994. Or ces deux traités, qui ont été intégrés à notre droit interne[49], interdisent toute discrimination quant au domaine technologique[50]. Par conséquent, la présente Cour ne peut pas exiger une norme d’utilité plus élevée pour les inventions de produits pharmaceutiques par rapport aux autres catégories d’inventions.

Question 3 — Aveu formel

A & N soutiennent que le brevet est invalide pour le motif suivant :

3.         Étant donné que Glaxo a formellement admis que la date de l’invention était le 6 février 1985, le juge Wetston a commis une erreur en concluant que la date de l’invention était le 16 mars 1985 ou en acceptant une preuve se rapportant à l’invention, postérieure au 6 février 1985;

[55]      En appel, Apotex a fait valoir que le juge de première instance avait commis une erreur en ne tenant pas compte du prétendu « aveu formel » fait par Glaxo reconnaissant que l’invention aurait été créée au plus tard le 6 février 1985. Apotex fait valoir qu’il n’était pas permis au juge de première instance de s’écarter des actes de procédure de Glaxo de manière à conclure que le brevet ‘277 établissait l’utilité le 16 mars 1985.

[56]      À mon avis, Glaxo n’a pas fait d’aveu formel simplement en plaidant que l’invention avait été créée au plus tard le 6 février 1985. Premièrement, des aveux formels sont faits [traduction] « pour éviter d’avoir à en faire la preuve à l’audience »[51]. Le fait qu’une bonne partie de l’audience ait été consacrée à la date de l’invention montre que l’acte de procédure de Glaxo ne constituait pas un aveu formel. Deuxièmement, la date de l’invention est une question qu’il appartient exclusivement au juge de première instance de trancher. Dans l’affaire Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Ltd.[52], le juge Strayer (tel était alors son titre) a rejeté un argument semblable à celui qu’avance maintenant Apotex, en statuant :

[traduction] Le dossier ne contient pas un tel aveu formel et l’avocat de la partie demanderesse a insisté sur le fait qu’un tel aveu n’avait été fait que pour les besoins de la détermination des antériorités. Il me semble qu’il est loisible à la Cour de tirer sa propre conclusion sur la date de l’invention et, quoi qu’il en soit, j’estime que je devrais interpréter les termes de la Loi sur les brevets pour déterminer le moment de l’invention d’une manière compatible avec le libellé de ce texte de loi[53].

[57]      J’estime que les observations du juge Strayer s’appliquent tout autant au présent appel.

LE JUGE MALONE, J.CA.

Question 4 — Évidence et nouveauté

A & N soutiennent que le brevet est invalide pour le motif suivant :

4.         l’invention revendiquée est évidente et dépourvue de caractère de nouveauté

[58]      Novopharm a fait valoir que le recours à l’AZT pour traiter ou prévenir le SIDA relevait de l’évidence compte tenu des articles publiés en 1974 et en 1978 par M. Ostertag et par M. Krieg. Apotex n’a fait aucune observation à ce sujet; elle a toutefois soutenu que le brevet n’aurait pas dû être octroyé à cause de l’absence de nouveauté.

[59]      Notre Cour a défini les concepts d’« évidence » et de « nouveauté » de la façon suivante :

[…] l’évidence est une attaque contre un brevet en raison de son absence de valeur inventive. Celui qui conteste la validité du brevet dit en fait « N’importe qui aurait pu faire cela ». Celui qui plaide l’antériorité ou l’absence de nouveauté présume pour sa part qu’une invention a effectivement eu lieu mais il allègue qu’elle a été divulguée au public avant que soit présentée la demande de brevet. Le reproche est le suivant : Votre invention est astucieuse mais elle était déjà connue[54].

Évidence

[60]      En matière d’évidence, il faut déterminer si la personne versée dans l’art mais dénuée d’inventivité serait, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment de l’invention, directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C’est un critère difficile à satisfaire[55].

[61]      Le caractère évident est une question de fait, et notre Cour ne peut intervenir dans la décision du juge de première instance à cet égard à moins qu’il n’ait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de la preuve ou une erreur de droit[56]. Il faut prendre garde au danger inhérent de l’analyse a posteriori consistant à considérer rétrospectivement une invention comme évidente alors qu’elle ne l’était pas au moment où elle a été faite.

[62]      Lors de l’instruction, quatre experts ont été entendus sur la question du caractère évident de l’invention : deux pour Glaxo et deux pour A & N. Dans la décision Beloit Can. Ltée/Ltd. c. Valmet Oy[57], précitée, le juge Hugessen a fait état du soin qu’il fallait porter aux témoignages d’experts en cette matière :

Bien que, à mon avis, le témoignage d’un expert soit à juste titre recevable même quand il porte sur une question « décisive » comme l’évidence de l’invention, il me semble qu’il doit être considéré avec beaucoup de soins.

Une fois qu’elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l’infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « j’aurais pu faire cela »; avant d’accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l’avez-vous pas fait? »

[63]      Il ressort clairement des motifs du juge de première instance que ce dernier, en examinant l’état de la technique antérieure, a pris en considération le témoignage de chacun des experts en virologie sur la question de l’évidence et a appliqué les critères appropriés pour conclure que les réalisations antérieures, prises individuellement ou collectivement, n’auraient pas amené un technicien compétent mais dépourvu d’imagination à cette invention sans expérimentations excessives. Cette appréciation des témoignages d’experts n’est pas « manifestement erronée ». Il s’agit de conclusions que le juge pouvait raisonnablement tirer sur le fondement de la preuve présentée. Je ne relève aucune erreur de droit permettant de modifier les conclusions auxquelles il est parvenu sur la question de l’évidence.

Nouveauté

[64]      Apotex, semblant tenir pour acquis que le brevet revendique l’exclusivité relativement à l’AZT, avance qu’il n’y avait rien de nouveau dans la combinaison de l’AZT avec un excipient connu. Cependant, les revendications valides du brevet se rapportent à l’usage, elles portent sur l’usage nouveau d’une substance connue.

[65]      Dans l’arrêt Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets[58], la Cour suprême du Canada a statué qu’était brevetable l’usage nouveau de composés connus. En l’espèce, l’invention réside dans la découverte de l’utilité de l’AZT dans le traitement ou la prophylaxie du SIDA. Le juge de première instance a correctement conclu que le caractère de nouveauté ne faisait pas défaut aux revendications.

Question 5 — Ambiguïté

A & N soutiennent que le brevet est invalide pour le motif suivant :

5.         les termes techniques utilisés dans le brevet englobent plus d’un composé et sont donc ambigus;

[66]      A & N ont soutenu, lors de l’instruction comme en appel, que les termes « 3-azido-3-désoxythymidine » employés dans le mémoire descriptif du brevet étaient trop vastes ou ambigus. Elles ont fait valoir qu’une personne versée dans l’art ne pouvait pas, à la lecture dudit mémoire dans son ensemble, découvrir la structure du composé ainsi décrit. Elle ajoute, en corollaire, que les termes employés dans le brevet pouvaient s’appliquer à deux composés déterminés.

[67]      Après avoir entendu les témoins experts, le juge de première instance a conclu qu’une personne versée dans l’art et désireuse de comprendre la divulgation et d’en suivre les instructions serait en mesure de réaliser la synthèse de l’AZT[59]. En outre, la preuve établit clairement que les termes en cause ne s’appliquaient qu’à un composé. D’après l’analyse que j’en fais, le raisonnement du juge s’appuie entièrement sur la preuve, et je ne puis faire autrement que conclure qu’il n’a commis aucune erreur manifeste et dominante qui permettrait de modifier sa décision en appel.

Question 6 — Divulgation insuffisante

A & N soutiennent que le brevet est invalide pour le motif suivant :

6.         la divulgation faite dans le brevet ne fournit pas une description adéquate de l’invention revendiquée, de son fonctionnement et de la manière de l’utiliser;

[68]      Apotex a affirmé que la divulgation ne renfermait pas assez de renseignements pour qu’un médecin puisse traiter des patients à l’AZT. A & N ont toutes deux soutenu que la divulgation du mécanisme d’action de l’AZT ne permettait pas d’étayer la revendication d’un usage prophylactique.

[69]      L’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les brevets énonce que le demandeur doit, dans son mémoire descriptif, exposer clairement le mode de composition d’une substance « dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention […] de confectionner, construire, composer ou utiliser l’objet de l’invention ». Je suis d’avis que le juge de première instance a correctement conclu que le brevet en cause fournissait aux personnes versées dans l’art ou la science toute l’information nécessaire pour faire usage de l’invention revendiquée.

[70]      Les médecins traitants cités par toutes les parties ont reconnu que pour prescrire un médicament, ils n’en consultent pas le brevet. Ils se fient plutôt à la monographie du produit, à la littérature médicale et à leur expérience[60]. Il s’ensuit donc que le juge de première instance a eu raison de conclure que la divulgation ne s’adressait pas aux médecins qui prescrivent l’AZT et que le mémoire descriptif n’avait pas à donner de renseignements détaillés quant à la prescription du médicament.

[71]      Le brevet renferme des divulgations sur l’usage de l’AZT dans la prophylaxie du VIH. Le mémoire descriptif expose la méthode de réalisation de formulations pouvant être utilisées pour l’administration prophylactique de l’AZT. Le brevet donne quelque 18 exemples de formulation. En conséquence, force m’est de conclure que l’argument de l’insuffisance du mémoire descriptif ou de l’examen de la question par le juge n’est pas fondé. Le juge de première instance n’a donc pas commis d’erreur en concluant à la suffisance de la divulgation au sens de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les brevets.

LE JUGE ROTHSTEIN, J.C.A.

Question 7 — Traitement médical

A & N soutiennent que le brevet est invalide pour le motif suivant :

7.         l’invention revendiquée porte sur un traitement médical et est donc non brevetable.

[72]      Dans l’arrêt Tennessee Eastman Co. et al. c. Commissaire des brevets[61], la Cour suprême du Canada a jugé non brevetables des méthodes de traitement médical et chirurgical. A & N ont prétendu que les revendications d’un brevet concernant l’usage d’un produit pharmaceutique constituent des méthodes de traitement médical et ne peuvent donc faire l’objet d’un brevet. Le juge Wetston a repoussé cet argument.

[73]      Dans son arrêt Shell Oil[62], la Cour suprême du Canada a eu l’occasion de revenir sur la décision Tennessee Eastman et d’énoncer des principes directeurs sur cette question. Le juge Wilson, commentant, à la page 555, la décision Lawson c. Commissaire des brevets[63], a signalé que la distinction entre ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas repose sur la question de savoir si la demande se rapporte à des compétences professionnelles ou bien au commerce ou à l’industrie.

[74]      La question qui se pose en l’espèce est celle de l’usage d’une formulation pharmaceutique—un produit commercialisable incontestablement lié au commerce et à l’industrie. Le juge Wetston a conclu que l’invention résidait dans la découverte d’un nouvel usage pour une substance connue et non dans l’élaboration d’une méthode de traitement médical, et je partage ses vues.

[75]      Novopharm prétend que le juge Wetston aurait décidé à tort de ne pas appliquer la décision Imperial Chemical Industries Ltd. c. Commissaire des brevets[64]. Dans cette dernière affaire, notre Cour, appliquant l’arrêt Tennessee, a maintenu la décision du Commissaire de refuser une demande de brevet décrivant l’invention comme « une méthode de nettoyage des dents »[65]. Elle a convenu avec le commissaire que l’un des principaux objets du brevet concernait une méthode de traitement médical. Toutefois, comme le juge Wetston a conclu, en suivant l’arrêt Shell Oil, que l’objet du brevet en cause n’est pas une méthode de traitement médical mais l’usage d’un composé connu comme produit commercialisable, Imperial Chemical ne s’applique pas en l’espèce. Il convient également de signaler qu’il n’est pas fait mention de l’arrêt Shell Oil dans la décision Imperial Chemical.

Question 8 — Revendications non liées à l’usage

Si le brevet est jugé valide, A & N soutiennent que certaines revendications sont invalides pour le motif suivant :

8.         l’AZT n’est pas un nouveau composé et les revendications non limitées à l’usage du composé ne représentent pas une invention;

[76]      Diverses revendications ne comportent aucune mention expresse de l’usage de l’AZT. Le juge Wetston a estimé que ces revendications étaient brevetables. Il affirme, au paragraphe 284 :

Il faut lire les revendications et la divulgation comme un tout. Toute la divulgation se rapporte à l’utilisation de l’AZT comme médicament pour le traitement ou la prophylaxie des infections rétrovirales humaines. À cet égard, je ne puis admettre qu’une formulation pharmaceutique contenant de l’AZT avec un excipient ne fournisse pas un moyen d’administrer le médicament dans un but thérapeutique, et la revendication 1 n’est donc pas trop vaste.

[77]      La revendication 1 porte sur :

[traduction] Une formulation pharmaceutique comprenant comme principe actif […] [l’AZT] ainsi qu’un excipient acceptable.

[78]      A & N soutiennent que les revendications relatives à l’AZT non limitées à l’usage sont non-brevetables parce que l’AZT, en tant que composé, n’est pas nouveau puisqu’il a été mis au point en 1964.

[79]      Au paragraphe 283, le juge Wetston reconnaît ce qui suit :

Si […] la revendication est assez vaste pour couvrir une invention portant sur des médicaments antibactériens ou anticancéreux, maintenir la revendication impliquerait une modification injustifiée.

[80]      Il ressort du libellé de la revendication 1 que celle-ci n’est pas liée à un usage. Il s’agit d’une revendication relative à un produit—une formulation pharmaceutique. Or, la preuve établit que l’AZT était un composé connu, déjà synthétisé et testé en 1964. Au paragraphe 20, le juge Wetston a écrit :

Il est admis que l’AZT était un composé connu, préalablement synthétisé et testé par Jerome Horwitz du Detroit Institute of Cancer Research en 1964, dans le cadre de recherches sur des remèdes possibles contre le cancer chez l’homme. Les recherches sur les applications anticancéreuses de l’AZT n’ont finalement pas été poursuivies. Glaxo effectuait également des recherches sur l’utilisation de ce produit comme traitement antibactérien. Bien que certains tests initiaux aient été effectués, Glaxo a décidé d’abandonner ses travaux sur ce type d’application.

[81]      Lorsqu’un nouveau composé est inventé, l’inventeur a droit à un brevet englobant tous les usages du composé. Lorsque le composé n’est pas nouveau, toutefois, le brevet ne portera que sur le nouvel usage découvert. Le maintien de la revendication 1 et des revendications qui en dépendent équivaudrait à octroyer à Glaxo une brevet relatif à un composé qui n’était pas nouveau, c’est-à-dire qui n’était pas une invention.

[82]      Glaxo invoque l’arrêt Shell Oil[66] à l’appui de sa prétention voulant qu’il soit possible d’octroyer un brevet pour un composé qui n’est pas nouveau même si l’usage de ce composé n’est pas mentionné dans la revendication. Or, il est manifeste, à la lecture de la revendication en cause dans cet arrêt—portant sur un « régulateur de croissance végétale »—que celle-ci décrit un usage déterminé. Le libellé de la revendication définit implicitement l’usage. Cet arrêt n’est donc d’aucun secours pour Glaxo.

[83]      Toutefois, même s’il était possible d’affirmer que les mots « formulation pharmaceutique » supposent un usage pharmaceutique, cet « usage » non défini et non appliqué est connu depuis 1964. Ce qui est nouveau, c’est l’usage particulier de l’AZT contre le VIH. C’est ce qui a été inventé en 1985, et c’est seulement cet usage de la formulation pharmaceutique qui est brevetable.

[84]      Le juge Wetston semble avoir été d’avis que le brevet, pris dans son ensemble, limiterait l’exclusivité de Glaxo à l’usage de l’AZT pour les infections rétrovirales humaines. Toutefois, la revendication 1 n’étant pas ambiguë, il ne convient pas d’avoir recours à la divulgation pour en limiter la portée afin de la sauver[67].

[85]      J’estime donc, en toute déférence, que le juge Wetston a commis une erreur lorsqu’il a conclu que la revendication 1 et les revendications qui en dépendent sont valides. Ces revendications sont invalides.

Question 9 — Revendications relatives à la prophylaxie

Si le brevet est jugé valide, A & N soutiennent que certaines revendications sont invalides pour le motif suivant :

9.         les revendications d’un usage prophylactique de l’AZT sont ambiguës et ne sont pas décrites dans la divulgation.

[86]      Le juge Wetston a conclu que les revendications se rapportant à l’usage prophylactique de l’AZT ne sont pas plus larges que l’invention revendiquée ou divulguée, qu’elles ne sont pas ambiguës et qu’elles sont, en conséquence, valides. Selon moi, il ne s’est pas trompé.

[87]      Le sens du mot « prophylaxie » n’est pas ambigu, contrairement à ce que prétendent A & N. Ce mot veut dire « [m]éthode visant à protéger contre une maladie, à prévenir une maladie » (Nouveau Petit Robert, 1993)—en l’espèce, l’infection à VIH. En revanche, le mot « traitement », tel qu’il est employé dans le brevet, s’entend d’une mesure de lutte contre la maladie après que le sujet en est atteint (c.-à-d. le virus du SIDA).

[88]      Le juge Wetston a relevé des divergences d’opinion entre les experts quant à la signification de prophylaxie. À la lecture des conclusions qu’il a tirées relativement à leur témoignage, toutefois, il appert que leur désaccord ne portait pas sur la signification de ce terme mais concernait seulement les circonstances dans lesquelles l’administration de l’AZT serait considérée comme une mesure prophylaxique ou comme un traitement. Il semble en effet que les experts ne se soient pas entendus sur la question de savoir si le recours à l’AZT pour prévenir la transmission du SIDA de la mère au fœtus ou pour empêcher un travailleur de la santé ayant été piqué par une aiguille de contracter l’infection relevait de la prophylaxie ou du traitement.

[89]      Lorsque le fœtus n’est pas infecté alors que la mère l’est, l’administration d’AZT au fœtus relève clairement de la prophylaxie. Si le fœtus est infecté, l’utilisation de l’AZT constitue un traitement, pour lui comme pour la mère. De même, la prise d’AZT par un travailleur qui s’est piqué sur une aiguille mais qui n’est pas infecté constitue une intervention prophylactique, alors que s’il est infecté, il s’agit d’un traitement.

[90]      A & N font valoir que l’AZT n’est pas efficace pour prévenir la transmission de l’infection d’un sujet infecté à un sujet non infecté lors de rapports sexuels non protégés. Même si c’est le cas, il ne s’ensuit pas que le mot prophylaxie soit ambigu. Tout simplement, l’AZT ne prévient pas efficacement tous les types de transmission du VIH.

[91]      Qu’il s’agisse de prévention ou de traitement, le rôle de l’AZT consiste à « bloquer l’élongation de la chaîne » pour prévenir la transmission du VIH ou, si le sujet (ou le fœtus) est déjà atteint, pour réduire la charge virale à des niveaux indétectables. L’argument d’A & N relatif à l’ambiguïté est donc rejeté.

[92]      A & N citent l’extrait suivant du mémoire descriptif :

[traduction] Il est entendu que le choix de la voie d’administration varie selon l’état et l’âge du patient, la nature de l’infection et le principe actif choisi. [Non souligné dans l’original.]

et, affirmant que ce libellé suppose une infection préexistante, soutiennent que l’usage prophylactique de l’AZT excède donc la portée de la divulgation et ne pouvait avoir été envisagé par les inventeurs. Cependant, le mémoire descriptif expose, dans le même paragraphe, que l’AZT peut être administré aux humains pour la prophylaxie ou le traitement des infections rétrovirales. Le contexte dans lequel le mot « infection » est utilisé est celui du traitement ou de la prévention de l’infection, c’est-à-dire de l’usage thérapeutique ou prophylactique de l’AZT.

[93]      A & N soutiennent que l’utilisation de l’AZT à des fins prophylactiques n’était pas connue des inventeurs lorsque la demande de brevet a été déposée et que, par conséquent, un tel usage n’est pas brevetable. Toutefois, comme l’a indiqué le juge Sexton, J.C.A. au paragraphe 52 des présents motifs, l’utilité doit être établie lorsque le commissaire des brevets le demande ou dans le cadre d’une demande d’invalidation d’un brevet contestant l’utilité de celui-ci. Le juge Wetston disposait d’une preuve d’utilité dans la prévention de la transmission du VIH de mère à fœtus ou de l’infection des travailleurs de la santé s’étant piqués avec des aiguilles.

[94]      Le juge Wetston pouvait donc à bon droit conclure que les revendications relatives à l’usage prophylactique de l’AZT étaient valides.

Question 10 — Qualité pour ester en justice

A & N prétendent que Glaxo Wellcome Inc. n’a pas la qualité requise pour exercer une action en contrefaçon, pour le motif suivant :

10.       elle n’est pas licenciée de la titulaire du brevet, la Wellcome Foundation Limited.

[95]      A & N mettent en question le droit de Glaxo Wellcome Inc. (GWI) de poursuivre pour contrefaçon, en faisant valoir qu’aucun élément de preuve n’établit que GWI peut se réclamer de la brevetée, Wellcome Foundation Ltd., comme l’exige le paragraphe 55(1) [mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 48] de la Loi. Cette disposition est ainsi conçue :

55. (1) Quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté et toute personne se réclamant de celui-ci du dommage que cette contrefaçon leur a fait subir après l’octroi du brevet.

[96]      GWI n’a produit aucune licence écrite lors de l’instruction, mais a soutenu que la licence était implicite. Elle a affirmé pouvoir faire remonter à la brevetée ses droits relatifs au brevet de trois façons différentes : comme filiale de la brevetée, comme membre du groupe de sociétés comprenant la brevetée, contrôlées par Glaxo Wellcome Inc., du Royaume-Uni, et, subsidiairement, comme agent de vente de la brevetée.

[97]      Le juge de première instance a entendu et accepté des témoignages détaillés présentés par Wellcome et Glaxo au sujet de l’histoire de ces sociétés et de leurs pratiques jusqu’à leur fusion au mois de décembre 1995. Elles ont soumis, au sujet des licences, des éléments de preuve indiquant que Glaxo et Wellcome avaient toutes deux comme politique d’accorder des licences non écrites à des filiales et de n’exiger un document écrit que lorsque la filiale n’était pas détenue en propriété exclusive. Généralement, les filiales jouissaient implicitement de licences exclusives, et cette pratique est encore observée maintenant.

[98]      Le juge Wetston a conclu que les pratiques d’octroi de licence du groupe Glaxo Wellcome Inc. faisaient en sorte que GWI pouvait revendiquer un droit de brevet, qu’elle était une personne se réclamant de la brevetée au sens du paragraphe 55(1) de la Loi sur les brevets et qu’elle avait, par conséquent, qualité pour intenter une action. Je ne relève aucune erreur dans l’analyse du juge de première instance.

[99]      Peut-être est-il indiqué de faire remarquer qu’en l’espèce, la présumée titulaire de licence n’est pas la seule à ester en justice pour contrefaçon de brevet, la brevetée également s’adresse à la Cour comme codemanderesse et appuie la revendication de GWI. Il est difficile de concevoir ce qu’on pourrait demander de plus. Lorsque la brevetée et la personne se réclamant de celle-ci sont toutes deux parties à l’action, sont affiliées parce que toutes deux détenues par la même société mère et ont le même intérêt relativement au litige—la brevetée appuyant la demande de la personne se réclamant d’elle—il est surprenant, c’est le moins qu’on puisse dire, que des arguments techniques relatifs à la qualité pour agir soient avancés comme moyen de défense à une action en contrefaçon.

[100]   Un autre argument a aussi été soumis relativement au droit de poursuivre. A & N ont en effet avancé que l’omission d’enregistrer la licence au Bureau des brevets entraîne la nullité de l’action en contrefaçon de GWI. Le paragraphe 50(2) [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 33, art. 20] de la Loi énonce ce qui suit :

50. […]

(2) Toute cession de brevet et tout acte de concession ou translatif du droit exclusif d’exécuter et d’exploiter l’invention brevetée partout au Canada et de concéder un tel droit à des tiers sont enregistrés au Bureau des brevets selon ce que le commissaire établit.

Il faut rapprocher l’obligation d’enregistrer une licence qui est énoncée au paragraphe 50(2) de l’article 51, qui dit :

51. Toute cession en vertu des articles 49 ou 50 est nulle et de nul effet à l’égard d’un cessionnaire subséquent, à moins que l’acte de cession n’ait été enregistré, aux termes de ces articles, avant l’enregistrement de l’acte sur lequel ce cessionnaire subséquent fonde sa réclamation.

Il appert de ces deux articles que le but de l’enregistrement visé au paragraphe 50(2) est notamment de garantir la priorité à l’encontre de cessionnaires subséquents. L’omission d’enregistrer prive le cessionnaire de la priorité à l’encontre des cessionnaires subséquents et, pour ce qui est des rapports entre ceux-ci, une cession non enregistrée est « nulle et de nul effet ». Toutefois, rien n’indique que l’omission d’enregistrer rende la cession nulle à tous autres égards.

[101]   Selon la maxime expressio unius est exclusio alterius, la mention de l’un implique l’exclusion de l’autre. Cela signifie en l’occurrence que, puisque le législateur a dit qu’une cession non enregistrée est nulle et de nul effet à l’égard des cessionnaires opposés, elle n’est pas nulle de façon générale ou à d’autres égards. Il est donc incorrect d’interpréter le paragraphe 50(2) comme étant une disposition générale dont l’effet est de rendre toutes les licences non enregistrées nulles par présomption. Cette conclusion est conforme à une remarque de la Cour suprême du Canada dans Electric Chain Co. of Canada Ltd. v. Art Metal Works et al.[68], selon laquelle il n’est pas évident que le paragraphe 50(2) rende une cession nulle et de nul effet en cas de défaut d’enregistrement.

[102]   En ce qui a trait plus précisément au cas qui nous occupe, aucune disposition de la Loi sur les brevets ne prévoit que le contrefacteur présumé puisse invoquer le non-enregistrement d’une licence pour se défendre contre une action en contrefaçon introduite par le licencié. En conséquence, si le cessionnaire est le bénéficiaire d’une licence valide, comme je l’ai conclu en l’espèce, le défaut d’enregistrer cette licence ne saurait écarter le droit du cessionnaire d’ester en justice pour contrefaçon du brevet. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’intervenir dans la décision du juge de première instance quant au droit de GWI d’intenter une action et d’obtenir réparation pour contrefaçon de brevet.

L’APPEL INCIDENT

Question 1 — Revendications relatives à toutes les infections rétrovirales

Glaxo soutient que le juge Wetston a commis une erreur en jugeant invalides :

1.         les revendications relatives à l’usage de l’AZT dans le traitement ou la prophylaxie de toutes les infections rétrovirales humaines au motif que leur portée était trop vaste parce qu’il a, à tort, refusé d’accepter la preuve forte étayant l’utilité de l’AZT dans toutes les infections rétrovirales;

[103]   Le brevet comporte des revendications concernant l’usage de l’AZT pour le traitement ou la prophylaxie des infections rétrovirales humaines. Le juge Wetston a tiré la conclusion de fait que ces revendications étaient trop vastes, qu’elles n’avaient pas la même portée que l’invention et qu’elles étaient spéculatives. Il a accepté l’argument selon lequel le travail des inventeurs était presque essentiellement orienté vers la recherche d’un traitement du VIH et non des autres rétrovirus humains. Dans son appel incident, Glaxo soutient que cette conclusion du juge de première instance est une erreur manifeste et dominante.

[104]   Glaxo se reporte à la déposition d’un témoin cité par A & N, M. Hiroaki Mitsuya, chercheur au National Institute of Health, lequel, à la demande de Glaxo, a effectué des tests in vitro sur des rétrovirus humains. En contre-interrogatoire, M. Mitsuya a reconnu qu’il avait cosigné une étude affirmant que l’AZT avait potentiellement des propriétés antivirales efficaces contre des rétrovirus humains autres que le VIH[69]. Glaxo soutient maintenant que cette étude, réalisée par un expert dans le domaine visé par l’invention en cause, établit de façon probante la validité des revendications relatives aux rétrovirus humains.

[105]   À l’appui de cette prétention, Glaxo invoque la décision Windsurfing Int. Inc. c. Trilantic Corp.[70] et, plus particulièrement, le principe « Newman Darby », pour soutenir que le témoignage d’une personne aussi versée en la matière que M. Mitsuya, lequel travaillait dans le domaine visé par le brevet, devrait démontrer que les revendications de Glaxo relativement à l’usage thérapeutique et prophylactique de l’AZT contre les rétrovirus humains étaient des prédictions valables, et que ces revendications étaient, par conséquent, valides. Le principe Newman Darby, invoqué par Glaxo, ne porte que sur la preuve du caractère évident et non, comme Glaxo le prétend, sur le statut privilégié du témoignage d’un spécialiste compétent. Ce principe ne peut donc aider Glaxo.

[106]   J’estime que le juge Wetston n’a laissé de côté aucun des éléments de preuve que Glaxo invoque maintenant. Je suis également d’avis que le juge Wetston disposait d’éléments de preuve le justifiant de conclure que les rétrovirus humains autres que le VIH se prêtaient mal à un traitement à l’AZT. Je ne puis relever dans cette conclusion aucune erreur manifeste et dominante.

Question 2 — « infection liée au SIDA »

Glaxo soutient que le juge Wetston a commis une erreur en jugeant invalides :

2.         les revendications pour le traitement ou la prophylaxie d’une « infection liée au SIDA » qu’il a, à tort, jugées ambiguës.

[107]   La revendication 23 du brevet est ainsi libellée :

[traduction] Une formulation pharmaceutique composée d’une quantité de […] (AZT) efficace pour le traitement ou la prophylaxie d’une infection liée au SIDA, ainsi que d’un excipient acceptable.

[108]   Le juge Wetston a conclu que cette revendication était ambiguë. Au paragraphe 316, il écrit :

Selon les témoignages des experts d’A & N, lesquels n’ont pas été contredits par Glaxo, une personne versée dans l’art ou la science en cause aurait interprété l’expression « infection liée au SIDA » comme ayant deux sens possibles : soit une des infections opportunistes associées à l’infection à VIH ou simplement l’infection à VIH. Personne ne conteste le fait que les inventeurs n’ont pas inventé un traitement contre les infections liées au SIDA. L’AZT traite directement l’infection à VIH, et il n’y a rien dans la divulgation ni dans les revendications qui porte à croire que le médicament aidera à traiter les infections opportunistes associées à la maladie.

[109]   Glaxo ne prétend pas que les faits exposés par le juge Wetston sont incorrects. D’autres revendications, en outre, mentionnent l’AZT « pour le traitement ou la prophylaxie du SIDA » (p. ex. la revendication 22). Elle soutient que les revendications 22 et 23 ont trait à la même infection, c’est-à-dire que la revendication 23 fait double emploi, mais que la redondance n’est pas un motif d’invalidation de revendication.

[110]   Je conviens avec le juge Wetston que les revendications faisant état d’une « infection liée au SIDA » sont ambiguës. Elles peuvent viser l’infection à VIH elle-même ou une infection opportuniste se déclarant par suite de l’affaiblissement du système immunitaire par le VIH. Rien dans la divulgation du brevet ne suggère une interprétation plus large que celle de l’utilisation thérapeutique ou prophylactique de l’AZT contre le SIDA, mentionnée à la revendication 22. Le juge Wetston, par conséquent, a correctement conclu que la revendication 23 et les revendications en dépendant étaient invalides.

Question 3 — Restitution des bénéfices ou dommages- intérêts

Glaxo soutient que le juge Wetston a commis une erreur :

3.         en refusant de permettre à Glaxo de choisir entre des dommages-intérêts et la restitution des bénéfices et en imposant des dommages-intérêts à titre de réparation requise pour la contrefaçon, parce que sa décision se fonde sur une considération non pertinente.

[111]   Dans l’argumentation qu’elle a soumise à notre Cour, Glaxo indique que si la Cour est d’avis qu’elle a droit de demander des intérêts avant jugement et des intérêts après jugement, sa demande d’être autorisée à choisir entre la restitution des bénéfices d’A & N et ses propres dommages-intérêts pourra être considérée comme abandonnée. Vu la conclusion de notre Cour au sujet des intérêts, l’examen de cette question est inutile. Par conséquent, la réparation à laquelle Glaxo a droit, comme l’a déterminé le juge Wetston, est l’attribution de dommages-intérêts.

Question 4 — Intérêts

Glaxo soutient :

4.         que le juge Wetston n’a pas abordé la question des intérêts et qu’elle devrait avoir droit à des intérêts avant jugement et après jugement.

[112]   En accordant des dommages-intérêts à Glaxo, le juge Wetston n’a pas abordé la question des intérêts. Glaxo demande maintenant des intérêts avant jugement et après jugement sous le régime des articles 36 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 9] et 37 [mod., idem] de la Loi sur la Cour fédérale[71].

[113]   A & N font valoir que parce que Glaxo a négligé de demander les intérêts dans sa déclaration ou à l’instruction, le juge Wetston n’a pas commis d’erreur en n’examinant pas la question des intérêts et que, par conséquent, il convient de rejeter sa demande à cet égard. Je ne partage pas cet avis.

[114]   Aux termes du paragraphe 36(1) de la Loi sur la Cour fédérale, les intérêts avant jugement sont régis par le droit de la province dans laquelle le fait générateur de l’action est survenu. Le paragraphe 36(2), toutefois, énonce que lorsque le fait générateur est survenu dans plus d’une province ou hors d’une province, les intérêts avant jugement sont calculés conformément aux paragraphes 36(2) à (5) de la Loi. Les paragraphes 37(1) et (2) édictent une règle parallèle relativement aux intérêts sur jugement. La preuve indique que le fait générateur a pu se produire en Ontario ou dans plus d’une province.

[115]   Il s’agit donc de déterminer quelles sont les dispositions législatives applicables : les articles 128 à 130 de la Loi sur les tribunaux judiciaires[72] de l’Ontario ou les paragraphes 36(2) à (5) et 37(2) de la Loi sur la Cour fédérale. À l’examen du dossier, il ne semble pas qu’aient été déposés des éléments de preuve établissant clairement si le fait générateur est survenu uniquement en Ontario ou dans plus d’une province. En effet, car A & N fabriquent leurs produits en Ontario, mais elles peuvent fort bien les vendre dans plus d’une province. Il n’est donc pas possible, à ce stade, de déterminer quelles dispositions s’appliquent.

[116]   Dans les deux cas, A & N affirment que les intérêts avant jugement doivent être demandés dans la déclaration. Le paragraphe 36(2) de la Loi sur la Cour fédérale est ainsi libellé :

36. […]

(2) Dans toute instance devant la Cour et dont le fait générateur n’est pas survenu dans une province ou dont les faits générateurs sont survenus dans plusieurs provinces, les intérêts avant jugement sont calculés au taux que la Cour estime raisonnable dans les circonstances et :

[…]

b) si la somme n’est pas déterminée, depuis la date à laquelle le créancier a avisé par écrit le débiteur de sa demande jusqu’à la date de l’ordonnance de paiement.

De la même façon, le paragraphe 128(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario prévoit ce qui suit :

128. (1) La personne qui a droit à une ordonnance de paiement d’une somme d’argent a le droit de demander que l’ordonnance lui accorde des intérêts sur cette somme, calculés au taux d’intérêt antérieur au jugement, depuis la date à laquelle la cause d’action a pris naissance jusqu’à la date de l’ordonnance. [Non souligné dans l’original.]

[117]   Selon A & N, il découle de la présence des mots « claim » et « demander » dans les dispositions précitées que la partie désireuse d’obtenir des intérêts avant jugement doit en faire expressément la demande dans sa déclaration. Comme Glaxo ne l’a pas fait, elle ne peut prétendre maintenant à ce type d’intérêt. En toute déférence, ce n’est pas là l’état du droit.

[118]   Dans l’affaire R. c. Marshall[73], le juge Heald, J.C.A. a cité en les approuvant des décisions ontariennes statuant que le [traduction] « droit de réclamer de l’intérêt découle du droit qu’a une personne d’obtenir jugement en sa faveur quant au capital, que la demande d’intérêt comme telle peut être faite à ce moment-là et qu’il n’est pas nécessaire qu’elle le soit avant »[74]. Comme le libellé de la version anglaise du paragraphe 36(2) de la Loi sur la Cour fédérale s’apparente à celui de la disposition analogue de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario, il doit de toute évidence être interprété de la même façon. En l’espèce, le processus a été scindé, et les dommages-intérêts doivent être déterminés à une seconde étape de l’instance. Le droit de Glaxo à des dommages-intérêts a été reconnu à la première étape. Les intérêts peuvent donc être demandés à tout moment jusqu’à la détermination définitive des dommages-intérêts.

[119]   Par conséquent, que le fait générateur soit survenu en Ontario ou dans plus d’une province, Glaxo est admise à demander que des intérêts avant jugement et après jugement soient compris dans l’adjudication des dommages-intérêts, même si elle ne les a pas expressément demandés dans ses actes de procédure ou à l’instruction. La délivrance de la déclaration satisfait à l’obligation de donner un avis écrit de la demande d’intérêts sous le régime du paragraphe 128(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires et de l’alinéa 36(2)b) de la Loi sur la Cour fédérale[75].

[120]   Les intérêts avant jugement ne constituent pas un poste particulier de dommages-intérêts mais font implicitement partie de l’ensemble de la réclamation, c’est pourquoi il n’est pas nécessaire de les demander expressément dans la déclaration. Les intérêts découlent en effet de la perte principale[76]. Il s’ensuit que les intérêts avant jugement doivent être considérés comme un élément de la réparation accordée à la personne lésée[77].

[121]   Comme l’a écrit l’un des principaux auteurs ayant traité de la question des intérêts : [traduction] « L’opinion prévalante au sein de la Commission de réforme du droit et de la communauté universitaire, aujourd’hui, est que les intérêts avant jugement constituent bien un élément du processus d’indemnisation »[78]. Ainsi, l’octroi d’intérêts dans le cadre de l’adjudication de dommages-intérêts ne fait que refléter le principe fondamental du droit en cette matière qui est de replacer la partie lésée dans la position où elle se serait trouvée si elle n’avait pas subi le préjudice[79].

[122]   Plus précisément, l’octroi d’intérêts avant jugement et après jugement a deux fins. Il indemnise la partie demanderesse quant au coût de l’argent réclamé et il [traduction] « prive l’auteur du préjudice d’un avantage inattendu qui, autrement, lui reviendrait »[80]. Ou, comme le juge Finlayson l’a signalé dans l’affaire Irvington Holdings Ltd. v. Black et al. and two other actions, [traduction] « l’intérêt représente le coût de l’argent pour l’emprunteur de la même façon qu’il représente son rendement pour le prêteur ou l’investisseur »[81].

[123]   Cela étant, Glaxo a droit aux intérêts avant jugement et après jugement, que le fait générateur soit survenu en Ontario ou dans plus d’une province, sous réserve du pouvoir discrétionnaire conféré aux juges de la Section de première instance par les lois applicables. Dans l’un ou l’autre cas, toutefois, je me tournerais vers le principe reconnu de longue date en jurisprudence anglo-canadienne, selon lequel l’intérêt ne doit être utilisé ni comme sanction ni comme récompense mais doit faire partie des dommages-intérêts accordés pour réparer le préjudice[82]. En cela, je souscris à l’affirmation du maître des rôles Denning dans la décision Panchaud Freres S.A. v. R. Pagnan & Fratelli[83], selon laquelle l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’octroyer des intérêts [traduction] « doit s’attacher à placer, à tout le moins financièrement, la partie demanderesse dans la position où elle se serait trouvée si elle n’avait pas subi la perte »[84].

[124]   Pour calculer le montant des intérêts, le juge de première instance devra notamment tenir compte de la façon dont l’instance s’est déroulée (paragraphe 36(5) de la Loi sur la Cour fédérale et alinéa 130(2)f) de la Loi sur les tribunaux judiciaires). La disposition ontarienne mentionne explicitement la conduite qui « aurait pu avoir pour effet d’abréger ou de prolonger indûment la durée de l’instance ». D’aucuns estiment que le pouvoir discrétionnaire de déterminer le taux d’intérêt et la période pendant laquelle il courra constitue un moyen pour les tribunaux d’encadrer le déroulement des litiges et d’éviter les indemnisations inappropriées[85]. Plus particulièrement, on considère qu’il incitera les demandeurs à instituer leur action avec diligence pour que leur droit à des intérêts ne soit pas ralenti[86]. Inversement, le pouvoir discrétionnaire d’octroyer des intérêts en tenant compte du déroulement des procédures devrait contraindre les défendeurs coupables à régler[87]. Le déroulement de l’instance ne devrait entrer en ligne de compte dans l’octroi d’intérêts que pour la fixation de la date à compter de laquelle ceux-ci courront ou cesseront de courir et de leur taux. C’est donc dire que le pouvoir discrétionnaire conféré aux tribunaux en cette matière n’abolit pas la maxime énonçant que l’octroi d’intérêts est de nature compensatoire et non punitive[88].

[125]   Compte tenu du pouvoir discrétionnaire dont la Cour dispose en matière d’intérêts avant jugement et après jugement sous le régime des dispositions fédérales ou des dispositions de l’Ontario, les parties auront la possibilité de produire des éléments de preuve au sujet des intérêts, si elles l’estiment nécessaire et pertinent, lors de l’étape de l’évaluation des dommages-intérêts devant la Section de première instance.

DISPOSITIF

[126]   L’appel relatif aux revendications non limitées à l’usage de l’AZT est accueilli, et toutes ces revendications sont déclarées invalides. À tous autres égards, les appels sont rejetés. Vu le degré substantiel de succès remporté par Wellcome Foundation Limited et Glaxo Wellcome Inc., celles-ci ont droit à un mémoire de dépens unique, payable à part égale par Apotex Inc. et Novopharm Limited.

[127]   Les appels incidents relatifs aux intérêts avant jugement et après jugement sont accueillis. Wellcome Foundation Limited et Glaxo Wellcome Inc. sont admises à demander des intérêts avant jugement et après jugement sur les dommages-intérêts qu’Apotex Inc. et Novopharm devront leur verser. La Section de première instance établira le montant de ces intérêts en même temps qu’elle évaluera les dommages-intérêts. Les parties pourront présenter les éléments de preuve qu’elles jugeront pertinents pour le calcul des intérêts. L’appel incident relativement à la restitution des bénéfices est abandonné; il est donc rejeté. À tous autres égards, l’appel incident est rejeté. Il ne sera adjugé aucuns dépens relativement à l’appel incident.

[128]   Les originaux signés du jugement et des motifs seront versés au dossier A-211-98. Des copies conformes du jugement et des motifs seront versées aux dossiers A-213-98 et A-214-98.



[1]  (1998), 79 C.P.R. (3d) 193 (C.F. 1re inst.), au par. 17.

[2]  Ibid., au par. 18. Le juge de première instance désigne les virus de cellules murines par les noms de « virus de la leucémie de Friend » et de « virus du sarcome Harvey ». La méthodologie utilisée par Glaxo est décrite aux par. 113 et 114 des motifs du juge de première instance.

[3]  Ibid., au par. 20.

[4]  Ibid., au par. 18.

[5]  Transcription de l’audience, vol. VI, onglet 52, à la p. 40 (non souligné dans l’original).

[6]  Précité, note 1, au par. 123.

[7]  Ibid., au par. 25.

[8]  Transcription de l’audience, vol. IV, onglet 33, aux p. 155 et 156.

[9]  Ibid.

[10]  Le juge de première instance a décrit le test spécialisé mis au point par les Drs Broder et Mitsuya comme étant la « lignée cellulaire ATH8 », un test que les médecins ont finalement breveté (précité, note 1, au par. 126).

[11]  Ibid., au par. 17.

[12]  Ibid., au par. 170.

[13]  Ibid., au par. 26.

[14]  Ibid., au par. 1.

[15]  Ibid., au par. 4. Dans une action parallèle, le 14 mai 1991, Burroughs Wellcome Co. a engagé contre Barr Laboratories Inc. des poursuites en contrefaçon de ses brevets américains. Burroughs Wellcome Co. a par la suite intenté des poursuites similaires contre Novopharm et le National Institute of Health. Ces actions ont été réunies dans l’affaire Burroughs Wellcome Co. v. Barr Laboratories Inc., 828 F. Supp. 1208 (E.D.N.C. 1993), dans laquelle le tribunal a conclu que les brevets de Burroughs Wellcome avaient été contrefaits. Cette décision a fait l’objet d’un appel et a été largement confirmée à 40 F.3d 1223 (Fed. Cir. 1994).

[16]  Ibid., au par. 5.

[17]  Ibid., au par. 6.

[18]  L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 2.

[19]  Christiani and Nielsen v. Rice, [1930] R.C.S. 443, à la p. 456.

[20]  Ernest Scragg & Sons Ltd. v. Leesona Corp., [1964] R.C.É. 649, à la p. 651.

[21]  Robert Frost, Treatise on the Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, vol. 1, 4e éd. (Londres: Stevens and Haynes, 1912).

[22]  Ibid., à la p. 15.

[23]  [1926] R.C.É. 170.

[24]  Ibid., à la p. 180.

[25]  H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd. (Toronto: Carswell, 1969), à la p. 225.

[26]  R. T. Hughes & J. H. Woodley, Hughes and Woodley on Patents, éd. à feuilles mobiles (9e parution, avril 2000) (Toronto: Butterworths).

[27]  Ibid., § 94.

[28]  Kellogg Company v. Helen L. Kellogg, [1942] R.C.É. 87, à la p. 97.

[29]  Re May & Baker Ltd. and Ciba Ltd. (1948), 65 R.P.C. 255, à la p. 281 ([traduction] « la découverte de leurs qualités utiles doit être faite par l’inventeur, par opposition à la simple vérification par ce dernier de prédictions antérieures ».)

[30]  Précité, note 28, à la p. 97.

[31]  Lettre d’entente conclue entre Burroughs Wellcome Co. et Samuel Broder, M.D., en date du 17 octobre 1984. [traduction] (« Compte tenu de la nature de la divulgation et des services que vous serez peut-être appelé à rendre pour notre compte [c’est-à-dire pour Burroughs Wellcome Co.], tous ces renseignements doivent demeurer confidentiels »). (Non souligné dans l’original.)

[32]  Burroughs Wellcome Co. v. Barr Laboratories Inc., précité, note 15, à la p. 1231.

[33]  Transcription de l’audience, vol. III, onglet 19, aux p. 154 à 156.

[34]  Demande de brevet internationale WO 86/02266, en date du 24 avril 1986.

[35]  Précité, note 1, au par. 106.

[36]  Lettre de Samuel Broder, M.D., adressée à l’Honorable Ted Weiss, le 29 novembre 1989.

[37]  Précité, note 19, à la p. 456.

[38]  (1978), 39 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst); conf. par (1979), 42 C.P.R. (2d) 33 (C.A.F.).

[39]  Ibid., à la p. 157.

[40]  (1982), 65 C.P.R. (2d) 73 (C.A.F.).

[41]  Ibid., à la p. 77.

[42]  (1950), 67 R.P.C. 23 (H.L.).

[43]  (1967), 35 Fox Pat. C. 174 (C. de l’É.); conf. par [1968] R.C.S. 950.

[44]  [1965] 1 R.C.É. 710; conf. par [1966] R.C.S. 189.

[45]  [1962] R.C.É. 201; conf. par [1963] R.C.S. 410.

[46]  Précité, note 40, à la p. 77.

[47]  Ibid., à la p. 78.

[48]  Transcription de l’audience, vol. VI, onglet 52, à la p. 41.

[49]  Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange nord-américain, L.C. 1993, ch. 44, art. 10. Loi de mise en œuvre de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce, L.C. 1994, ch. 47, art. 8.

[50]  L’art. 27 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce prévoit que « des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d’origine de l’invention, au domaine technologique » (non souligné dans l’original). L’art. 1709(7) de l’ALÉNA reprend pratiquement le même libellé.

[51]  J. Sopinka, S.N. Lederman & A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd. (Toronto: Butterworths, 1999).

[52]  (1984), 81 C.P.R. (2d) 39 (C.F. 1re inst.).

[53]  Ibid., aux p. 66 et 67.

[54]  Beloit Can. Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1986), 7 C.I.P.R. 205 (C.A.F.), à la p. 210.

[55]  Ibid., aux p. 210 et 211.

[56]  Creations 2000 Inc. c. Canper Industrial Products Ltd. (1990), 34 C.P.R. (3d) 178 (C.A.F.), à la p. 183.

[57]  Précitée, note 54, à la p. 212.

[58]  [1982] 2 R.C.S. 536.

[59]  Précité, note 1, aux par. 330 à 357.

[60]  Ibid., aux par. 307 et 322.

[61]  [1974] R.C.S. 111.

[62]  Précité, note 58.

[63]  (1970), 62 C.P.R. 101 (C. de l’É).

[64]  [1986] 3 C.F. 40 (C.A.).

[65]  Ibid., à la p. 42.

[66]  Précité, note 58.

[67]  Voir Beecham Canada Ltd. et al. c. Procter & Gamble Co. (1982), 61 C.P.R. (2d) 1 (C.A.F.), à la p. 11.

[68]  [1933] R.C.S. 581, à la p. 585.

[69]  Le juge Wetston a traité de cette étude au par. 299 de son jugement.

[70]  (1985), 7 C.I.P.R. 281 (C.A.F.).

[71]  L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications.

[72]  L.R.O. 1990, ch. C.43, et ses modifications.

[73]  (1985), 13 Admin. L.R. 195 (C.A.F.), à la p. 198.

[74]  Walker v. Murray (1978), 9 C.P.C. 78 (H.C. Ont.).

[75]  Sedgewick v. Metropolitan Toronto Zoological Society (1978), 22 O.R. (2d) 254 (H.C.); conf. par (1980), 28 O.R. (2d) 222 (C.A.).

[76]  Royal Bank v. Roland Home Improvments Ltd. (1994), 17 B.L.R. (2d) 108 (C.A. Ont.), au par. 18.

[77]  Graham v. Rourke (1990), 75 O.R. (2d) 622 (C.A.), à la p. 629.

[78]  M. A. Waldron, The Law of Interest in Canada (Scarborough: Carswell, 1992), à la p. 128.

[79]  S. M. Waddams, The Law of Damages, 3e éd. (Toronto: Canada Law Book, 1997), à la p. 436.

[80]  Précité, note 78, aux p. 129 et 130.

[81]  (1987), 58 O.R. (2d) 449 (C.A.), à la p. 487.

[82]  Stelco Inc. v. Royal Insurance Co. of Canada (1997), 34 O.R. (3d) 263 (C.A.); John Maryon International Ltd. et al. v. New Brunswick Telephone Co., Ltd. (1982), 43 N.B.R. (2d) 469 (C.A.); Pickett v British Rail Engineering Ltd, [1979] 1 All ER 774 (H.L.).

[83]  [1974] 1 Lloyd’s Rep. 394 (C.A.).

[84]  Ibid., à la p. 411.

[85]  Précité, note 78, aux p. 128 à 154.

[86]  ;Baud Corporation N.V. c. Brook, [1979] 1 R.C.S. 677, aux p. 679 et 680.

[87]  Spencer v. Rosati et al. (1985), 50 O.R. (2d) 661 (C.A.).

[88]  Armak Chemicals Ltd. v. Canadian National Railway Co. (1991), 5 O.R. (3d) 1 (C.A.).

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