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[2001] 2 C.F. 551

A-924-97

Beston Chemical Corporation, Inc. (appelante)

c.

Paramount Enterprises International, Inc. (intimée)

A-929-97

China Ocean Shipping (Group) Co. (Cosco), Guangzhou Ocean Shipping Company (Cosco Guangzhou) et le navire An Xin Jiang (appelants) (défendeurs)

c.

Paramount Enterprises International, Inc. (intimée) (demanderesse)

Répertorié : Paramount Enterprises International, Inc. c. An Xin Jiang (Le) (C.A.)

Cour d’appel, juges Décary, Létourneau et Noël, J.C.A.—Québec, 18 octobre; Ottawa, 15 décembre 2000.

Compétence de la Cour fédérale — Section de première instance — Dans une charte-partie, l’expéditeur a convenu avec l’affréteur de charger la cargaison sur le navire Len Speer et de la transporter de la Chine au Québec — L’expéditeur a décidé de confier le transport à un autre armateur et de charger la cargaison sur un autre navire, le An Xin Jiang — L’affréteur a déposé une déclaration d’action in rem et in personam pour violation de la charte-partie — Un mandat de saisie a été délivré contre la cargaison et contre le navire An Xin Jiang — Une action in rem ne peut être intentée contre un navire et contre une cargaison — Une instance in rem s’applique uniquement aux navires et aux cargaisons qui sont l’objet d’une action à l’égard de laquelle la Cour a compétence — En vertu de l’art. 43(2) de la Loi sur la Cour fédérale, l’action in rem n’est possible dans un champ de compétence visé par l’art. 22 de la Loi que si elle « port[e]» sur le navire ou la cargaison — Le navire An Xin Jiang n’est pas l’objet du contrat sur lequel se fondait l’affréteur — Il n’y a aucun lien de causalité entre l’action et le navire et la cargaison.

Droit maritime — Contrats — L’affréteur a déposé une déclaration d’action in rem et in personam contre l’expéditeur pour violation de la charte-partie — Un mandat de saisie a été délivré contre la cargaison et contre le navire — L’affréteur a invoqué la compétence de la Cour en matière maritime, décrite à l’art. 22(2)i) de la Loi sur la Cour fédérale — Le navire et la cargaison sont-ils « l’objet » ou « la cause » de l’action? — Le navire saisi n’est pas l’objet du contrat sur lequel se fondait l’affréteur — Il n’y a aucun lien entre l’action et le navire et la cargaison saisis — Ces derniers ne sont pas « l’objet » de l’action.

Il s’agit de deux appels et d’un appel incident interjetés contre une décision de la Section de première instance selon laquelle la Cour fédérale ne pouvait pas connaître d’une action in rem à l’égard du navire saisi, mais qu’elle y était autorisée en ce qui concerne la cargaison qui a également été saisie. En mars 1997, l’expéditeur, Beston Chemical Corporation, Inc., a convenu avec l’affréteur Paramount Enterprises International, Inc., dans une charte-partie sous la forme Conlinebooking, de charger des explosifs à bord du navire Len Speer et de les transporter de la Chine au port de Grande-Anse au Québec. Peu après, Beston a informé Paramount que la cargaison ne serait pas chargée sur le navire Len Speer, et que le transport des marchandises serait confié à un autre armateur, Cosco, et effectué sur un autre navire, le An Xin Jiang. Paramount a déposé une déclaration d’action in rem et in personam dans laquelle elle allègue la violation de la charte-partie et l’ingérence indue d’un tiers dans la charte-partie. Un mandat de saisie a donc été délivré contre la cargaison et contre le navire An Xin Jiang. Pour éviter la saisie du navire, Cosco a donné une lettre de garantie qui a été remplacée ultérieurement par un cautionnement fourni par la Banque de Nouvelle-Écosse. Deux mois plus tard, elle a présenté une requête en vertu des alinéas 419(1)a), c) et f) des anciennes Règles de la Cour fédérale en vue d’obtenir la radiation de la déclaration d’action in rem contre le navire et contre la cargaison, l’annulation du mandat de saisie, et la remise à Cosco, pour qu’elle l’annule, de la lettre de garantie délivrée le 6 juin 1997. La question qui fait l’objet du présent appel est de savoir si la Cour fédérale, dans l’exercice de sa compétence en matière maritime, pouvait connaître d’une action in rem à l’égard du navire et de la cargaison qui ont été saisis.

Arrêt : les appels sont accueillis et l’appel incident est rejeté.

Une requête en radiation fondée sur l’alinéa 419(1)a) ne peut être accueillie que s’il est clair et évident que la plaidoirie ne révèle aucune cause raisonnable d’action. On a soutenu que l’action in rem n’est pas possible lorsque les biens saisis ne sont pas ce sur quoi « port[e] » l’action au sens du paragraphe 43(2) de la Loi sur la Cour fédérale. La compétence maritime de la Cour qu’invoque Paramount est celle énoncée à l’alinéa 22(2)i) de la Loi, soit « une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte-partie ». L’expression « in rem » décrit non pas la « compétence maritime » de la Cour, mais un mode d’exercice de cette compétence. C’est la procédure plutôt que la cause d’action qui est visée en l’espèce. Une action in rem peut être intentée contre un navire ou une cargaison, mais on doit toujours déterminer dans quelles circonstances on peut y avoir recours. La procédure in rem en l’espèce ne peut viser qu’un navire ou une cargaison qui sont l’objet d’une action à l’égard de laquelle la Cour a compétence. Le paragraphe 43(2) de la Loi ne permet pas une action dans tous les cas où la Cour a par ailleurs compétence en vertu de l’article 22; il ne le permet que si l’action « port[e] » sur le navire ou la cargaison. Il faut que l’on puisse dire que c’est l’utilisation de ce navire ou le transport de cette cargaison qui justifie l’action in rem prise contre le bien saisi. Le navire An Xin Jiang n’est pas l’objet du contrat sur lequel se fondait Paramount. Il n’a en tant que tel causé aucun dommage, il n’a bénéficié d’aucun avantage et il n’a été impliqué dans aucun incident qui soient liés à l’action. Le délit d’ingérence indue qui aurait été commis par Cosco, se rapportait en fait à la violation d’une charte-partie. Permettre la saisie du navire An Xin Jiang serait permettre la saisie de tout navire appartenant à un défendeur, qu’un navire soit ou non en cause dans l’action. Il n’y avait pas, entre l’action et le navire et la cargaison saisi, un lien de causalité qui permettrait de dire que le navire ou la cargaison sont « l’objet » de l’action. S’il y avait un lien de causalité entre l’action et le navire et la cargaison saisis, il était simplement accidentel ou fortuit.

Paramount s’est opposée à ce que la Cour se prononce sur la validité du cautionnement, prétendant que cette garantie n’est pas une « plaidoirie » susceptible d’être radiée en vertu de la Règle 419. En première instance, la Cour peut habituellement, dans le cadre d’une requête en radiation, ordonner l’annulation d’un mandat de saisie et d’un cautionnement sans que ne se pose la question de savoir si ce sont là des « plaidoiries ». Bien qu’il émane d’un tiers et fasse état d’arrangements contractuels qui ne participent pas des plaidoiries, le cautionnement fait néanmoins partie intégrante de l’action in rem. Dès lors que tombe l’action contre le navire, l’action contre le cautionnement doit tomber aussi, et le cautionnement doit être remis à celui qui l’a donné tout comme le navire aurait été remis à son propriétaire. La prétention de Paramount selon laquelle le cautionnement rédigé conformément aux Règles de la Cour pourrait s’étendre à l’action in personam est incompatible avec la procédure établie par ces Règles.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Administration of Justice Act, 1956 (R.-U.), 1956, ch. 46.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2 « droit maritime canadien », 22, 43 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 12).

Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e suppl.), ch. 10.

Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 419, 1002 (mod. par DORS/79-57, art. 17), 1003 (mod., idem, art. 18; 92-726, art. 12; 94-41, art. 7), 1005 (mod. par DORS/94-41, art. 8), 1006 (mod. par DORS/79-57, art. 19), formule 35.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règles 477, 481, 486, 487, formule 486A.

Revised Regulation (1984) under the Insurance (Motor Vehicle) Act, B.C. Reg. 447/83, art. 79(1) (mod. par B.C. Reg. 335/84, ann., art. 19; 379/85, ann., no 31).

Supreme Court Act, 1981 (R.-U.), 1981, ch. 54.

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Amos c. Insurance Corp. of British Columbia, [1995] 3 R.C.S. 405; (1995), 127 D.L.R. (4th) 618; [1995] 9 W.W.R. 305; 10 B.C.L.R. (3d) 1; 31 C.C.L.I. (2d) 1; [1995] I.L.R. 1-3232; 13 M.V.R. (3d) 302; 186 N.R. 150.

DÉCISION EXAMINÉE :

Margem Chartering Co. Inc. c. Bocsa (Le), [1997] 2 C.F. 1001; (1997), 127 F.T.R. 161 (1re inst.).

DÉCISIONS CITÉES :

Paramount Enterprises International Inc. c. An Xin Jiang (Le) (1997), 146 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.); Mount Royal/Walsh Inc. c. Jensen Star (Le), [1990] 1 C.F. 199 (1989), 99 N.R. 42 (C.A.); Cormorant Bulk-Carriers Inc. c. Canficorp (Overseas Projects) Ltd. (1984), 54 N.R. 66 (C.A.F.); Armada Lines Ltd. c. Chaleur Fertilizers Ltd., [1997] 2 R.C.S. 617; (1997), 148 D.L.R. (4th) 217; 213 N.R. 228; Corostel Trading c. Le Catalina (1986), 6 F.T.R. 233 (C.F. 1re inst.); Industrie Chimique Italia Centrale S.P.A. c. Le Choko Star (1987), 10 F.T.R. 258 (C.F. 1re inst.); Domtar Inc. c. Lineas De Navigation Gema S.A., [1997] A.C.F. no 447 (1re inst.) (QL); Société par actions « Oceangeotechnology » c. 1201 (Le), [1994] 2 C.F. 265 (1994), 72 F.T.R. 211 (1re inst.); Scandia Shipping Agencies Inc. c. Le Alam Veracruz (1997), 148 F.T.R. 164 (C.F. 1re inst.); Westview Sable Fish Co. et autres c. Le navire « Neekis » (1986), 31 D.L.R. (4th) 709; 6 F.T.R. 235 (C.F. 1re inst.); Antares Shipping Corp. c. Le navire « Capricorn », [1977] 2 R.C.S. 422; (1976), 65 D.L.R. (3d) 105; 7 N.R. 518; Freighters (Steamship Agents) Co. c. Le navire « Number Four », [1983] 1 C.F. 852; (1982), 48 N.R. 321 (C.A.).

DOCTRINE

Oxford English Dictionary, Vol. X, Oxford : Clarendon Press, 1970. « subject ».

Oxford Hachette Dictionary, English-French, Oxford Superlex Three in One, CD-ROM (version 1.1), Oxford University Press, 1994-1996.

APPELS et APPEL INCIDENT interjetés contre une décision de la Section de première instance ((1997), 147 F.T.R. 162) selon laquelle la Cour fédérale, dans l’exercice de sa compétence en matière maritime, ne pouvait connaître d’une action in rem à l’égard du navire saisi, mais qu’elle y était autorisée en ce qui concerne la cargaison. Appels accueillis, appel incident rejeté.

A-924-97

ONT COMPARU :

John G. O’Connor pour l’appelante.

Louis Buteau pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Langlois, Gaudreau, Québec, pour l’appelante.

Sproule, Castonguay, Pollack, Montréal, pour l’intimée.

A-929-97

ONT COMPARU :

Guy Vaillancourt pour les appelants (défendeurs).

Louis Buteau pour l’intimée (demanderesse).

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Guy Vaillancourt, Québec, pour les appelants (défendeurs).

Sproule, Castonguay, Pollack, Montréal, pour l’intimée (demanderesse).

Voici les motifs du jugement rendus en français par

[1]        Le juge Décary, J.C.A. : L’objet de ces appels est de déterminer si, dans l’exercice de sa compétence en matière maritime, la Cour fédérale peut entretenir une action réelle (in rem) à l’égard du navire et de la cargaison qui ont été saisis. Le protonotaire Morneau, dans une décision publiée à (1997), 146 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.) a conclu que non; Mme le juge Tremblay-Lamer, dans une décision publiée à (1997), 147 F.T.R. 162 (C.F. 1re inst.), a conclu que non en ce qui a trait au navire et que oui en ce qui a trait à la cargaison. Je suis d’avis, pour les raisons qui suivent, que l’action in rem n’était permise ni contre le navire ni contre la cargaison.

LES FAITS

[2]        Les faits sont d’autant plus simples que nous en sommes au stade d’une requête en radiation présentée en vertu de l’ancienne Règle 419 des Règles de la Cour fédérale, C.R.C., 1978, ch. 663 (les Règles). Les voici, réduits à leur strict minimum.

[3]        En mars 1997, l’affréteur Paramount Enterprises International Inc. (Paramount) et l’expéditeur Beston Chemical Corporation, Inc., China North Chemical Industries Corporation et China Xinshidai Company, (toutes trois désignées ci-après sous l’appellation Beston) convenaient d’un contrat d’affrètement sous la forme Conlinebooking. En vertu de cette charte-partie, Beston devait charger à bord du navire Len Speer des lots d’explosifs et les transporter du port de Tianjin-Xingang, en Chine, au port de Grande-Anse, au Québec.

[4]        Paramount prit les arrangements nécessaires pour que son navire, le Len Speer, arrive au port de chargement entre le 10 et le 12 avril 1997. Entre-temps, Beston informait Paramount, le 25 mars 1997, que la cargaison ne serait pas chargée sur le Len Speer et que le transport serait plutôt confié à un autre armateur China Ocean Shipping (Group) Co. (Cosco) et Guangzhou Ocean Shipping Company (Cosco Guangzhou), (toutes deux désignées ci-après sous l’appellation Cosco) et effectué sur un navire appartenant à cet autre armateur, le An Xin Jiang.

[5]        Le 9 mai 1997, Paramount dépose au greffe de cette Cour une déclaration d’action in rem et in personam. Cette déclaration allègue deux causes d’action, l’une, de nature contractuelle : bris de la charte-partie, d’où l’action in personam contre Beston et in rem contre la cargaison qu’on dit lui appartenir, et l’autre, de nature délictuelle : délit d’ingérence indue par un tiers dans le contrat d’affrètement, d’où l’action délictuelle in personam contre Cosco et in rem contre son navire An Xin Jiang. Un mandat de saisie est en conséquence émis le jour même contre la cargaison et contre le navire An Xin Jiang.

[6]        Pour éviter la saisie du navire, Cosco donne, le 6 juin 1997, une lettre de garantie émise par la United Kingdom Mutual Steamship Assurance Association (Bermuda) Limited et remplacée, le surlendemain, par une garantie d’exécution émise par la Banque de Nouvelle-Écosse.

[7]        Le 20 août 1997, Cosco présente une requête en vertu des paragraphes 419(1)a), c) et f) des anciennes Règles. Les conclusions que recherchent cette requête sont les suivantes : radier la déclaration in rem contre le navire et contre la cargaison, annuler le mandat de saisie et remettre à Cosco, pour qu’elle l’annule, la lettre de garantie émise le 6 juin 1997 ou toute autre garantie qui lui aurait été substituée. Le protonotaire, je l’ai déjà dit, a accueilli la requête dans sa totalité; le juge a refusé de radier l’action in rem contre la cargaison et d’annuler la lettre de garantie. Beston et Cosco en ont appelé de la décision du juge d’autoriser la continuation de l’action in rem contre la cargaison (les dossiers A-924-97 et A-929-97). Paramount a déposé un appel incident dans le dossier A-924-97 à l’encontre de la décision du juge de mettre fin à l’action in rem contre le navire. Les présents motifs disposeront des deux appels et de l’appel incident.

LA REQUÊTE EN RADIATION

[8]        Le débat, devant le protonotaire et devant le juge, paraît n’avoir porté que sur l’alinéa 419(1)a) des Règles, soit l’absence de cause raisonnable d’action, même si la requête de Cosco s’appuyait également sur l’alinéa 419(1)c), soit le fait que l’action in rem était « scandaleuse, futile ou vexatoire », et sur l’alinéa 419(1)f), soit le fait que l’action in rem constituait « par ailleurs un emploi abusif des procédures de la Cour ». Paramount soutient que les allégations visant les alinéas 419(1)c) et f) ont été abandonnées devant le protonotaire et n’ont pas été plaidées devant le juge. La lecture des motifs de jugement de l’un et de l’autre me laisse croire qu’en effet le débat n’a porté que sur l’alinéa 419(1)a). De toute façon, vu la conclusion à laquelle j’en suis arrivé, il n’aurait pas été nécessaire que je me prononce sur les alinéas 419(1)c) et f).

[9]        Il est bien établi qu’une requête en radiation fondée sur l’alinéa 419(1)a) ne peut être accueillie que s’il est clair et évident que la plaidoirie visée ne divulgue aucune cause raisonnable d’action. Ce qui est allégué, ici, c’est que l’action in rem n’est pas possible lorsque les biens saisis, dans les circonstances décrites dans la déclaration et tenues pour avérées, ne sont pas ce sur quoi « porte » l’action au sens du paragraphe 43(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, telle que modifiée (la Loi). C’est là une question à laquelle la Cour doit répondre par un oui ou par un non. Selon la réponse donnée, il sera « clair et évident » qu’il y a, ou qu’il n’y a pas, possibilité d’action in rem dans les circonstances.

[10]      L’intimée Paramount a soutenu lors de l’audience que la Cour devait tenir pour avérée l’application du droit américain en l’espèce puisqu’il y avait une allégation en ce sens dans la déclaration. C’est là, à mon avis, pousser un peu loin le principe qui veut que dans le cadre d’une requête en radiation fondée sur l’alinéa 419(1)a) des Règles, les faits allégués sont tenus pour avérés. Il est vrai qu’en termes de preuve le droit étranger est un « fait » que la partie qui l’allègue doit prouver, mais je ne vois pas comment la Cour pourrait décider de la présente requête sur la base d’un droit américain qu’elle n’est pas censée connaître d’office et dont le contenu précis, pour les fins du présent litige, n’a même pas été défini dans la requête. Pour les fins de l’application de l’alinéa 419(1)a), l’allégation d’application d’un droit étranger est à mon avis assimilable à une allégation de droit qui n’est pas prouvée et dont la Cour n’a pas à tenir compte.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[11]      Sont principalement en jeu dans cet appel l’article 22 de la Loi qui définit la compétence maritime de la Cour et l’article 43 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 12] qui définit le mode d’exercice de cette compétence. Je ne reproduis que les extraits les plus pertinents de ces articles.

22. (1) La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les cas—opposant notamment des administrés—où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d’une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence.

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), la Section de première instance a compétence dans les cas suivants :

[…]

i) une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte-partie;

[…]

43. (1) Sous réserve du paragraphe (4), la Cour peut, aux termes de l’article 22, avoir compétence en matière personnelle dans tous les cas.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Cour peut, aux termes de l’article 22, avoir compétence en matière réelle dans toute action portant sur un navire, un aéronef ou d’autres biens, ou sur le produit de leur vente consigné au tribunal.

(3) Malgré le paragraphe (2), la Cour ne peut exercer la compétence en matière réelle prévue à l’article 22, dans le cas des demandes visées aux alinéas 22(2)e), f), g), h), i), k), m), n), p) ou r), que si, au moment où l’action est intentée, le véritable propriétaire du navire, de l’aéronef ou des autres biens en cause est le même qu’au moment du fait générateur.

[…]

(8) La compétence de la Cour peut, aux termes de l’article 22, être exercée en matière réelle à l’égard de tout navire qui, au moment où l’action est intentée, appartient au véritable propriétaire du navire en cause dans l’action.

REMARQUES PRÉLIMINAIRES

[12]      La compétence maritime de la Cour dans la présente affaire n’est pas remise en question. Quel que soit le sort de la requête en radiation, la procédure continuera sur une base personnelle.

[13]      Paramount a reconnu en première instance et dans son mémoire que la compétence maritime de la Cour sur laquelle elle s’appuyait en l’espèce, aussi bien en ce qui a trait à la cause d’action contractuelle qu’en ce qui a trait à la cause d’action délictuelle, était celle décrite à l’alinéa 22(2)i), soit : « une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte-partie ». Je note au passage que Paramount n’allègue pas détenir de privilège maritime sur la cargaison.

[14]      Il faut se méfier de l’emploi, à l’article 43, des mots « compétence en matière réelle » (« jurisdiction […] in rem », dans le texte anglais). Il n’y a pas, à proprement parler, de « compétence en matière réelle » ou de « compétence in rem ». Ainsi qu’il ressort clairement du texte anglais du paragraphe 43(2) et des textes français et anglais du paragraphe 43(3), l’expression « in rem » qualifie, non pas la compétence de la Cour, qui est la « compétence maritime » décrite à l’article 22, mais un mode d’exercice de cette compétence. La Règle 1002 [mod. par DORS/79-57, art. 17] (maintenant la règle 477 [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106]) dit d’ailleurs que « Les actions sont de deux sortes, les actions in rem et les actions in personam ». J’utiliserai par conséquent l’expression « action in rem » pour décrire la procédure utilisée, expression que je préfère, par ailleurs, à celle d’« action en matière réelle » ou d’« action réelle » qui ne véhicule pas tout le passé et toute la portée de cette procédure en droit maritime.

[15]      Quand Cosco allègue que la déclaration « ne révèle aucune cause raisonnable d’action » au sens de l’alinéa 419(1)a), elle allègue au fond que la procédure utilisée, soit l’action in rem, ne peut l’être dans les circonstances et qu’en conséquence cette procédure doit être écartée d’emblée. C’est la procédure plutôt que la cause d’action qui est ici visée, et il est depuis toujours permis de recourir à l’alinéa 419(1)a) pour mettre de côté une action ou partie d’une action qui est vouée à l’échec, quel que soit par ailleurs son bien-fondé, pour la simple raison que la procédure utilisée n’est pas autorisée par la loi.

[16]      Il est acquis qu’en utilisant les mots « autres biens » (« other property ») au paragraphe 43(2), le législateur entendait viser, notamment, une cargaison. Une action in rem peut donc être intentée contre un navire ou contre une cargaison. Encore faut-il déterminer, et c’est l’objet du litige, en quelles circonstances semblable action peut-elle être dirigée contre un navire ou contre une cargaison.

« L’OBJET » OU « LA CAUSE » DE L’ACTION

[17]      La demande de radiation sera accueillie s’il est démontré que le navire et la cargaison ne sont pas l’objet (« the subject of ») de l’action au sens du paragraphe 43(2), et ce, dans le contexte d’une action « fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire […] notamment par charte-partie » (alinéa 22(2)i) de la Loi). Il n’est en effet pas possible de dissocier la procédure par laquelle s’exerce la compétence en droit maritime de la compétence elle-même et d’ainsi accroître par la procédure utilisée la compétence par ailleurs dévolue à la Cour. La procédure in rem ne peut en l’espèce viser qu’un navire ou une cargaison qui sont l’objet d’une action à l’égard de laquelle la Cour a compétence. Aussi, bien que les mots « action portant sur » au paragraphe 43(2) de la Loi et, mieux encore dans le texte anglais, « the subject of the action », soient les mots-clefs qu’il nous faille interpréter, nous devons les examiner en fonction du champ de compétence applicable dans un cas donné.

[18]      J’ai dit préférer le texte anglais, « the subject of the action », au texte français « action portant sur », parce que, au paragraphe 43(3), cette même expression anglaise est rendue en français par « navire […] en cause ». Le point commun des variantes dans les textes français, est, me semble-t-il, que cette disposition vise le navire ou la cargaison qui sont l’objet ou la cause du litige. Je note que selon le Oxford Hachette Dictionary, English-French, Oxford Superlex Three in One, CD-ROM (version 1.1), Oxford University Press, 1994-1996, le mot « subject » se traduit, dans ce contexte, par « objet ». Puisque j’en suis aux dictionnaires, autant dire tout de suite que le mot « subject » est notamment défini, dans The Oxford English Dictionary, Vol. X, Oxford, Clarendon Press, 1970, comme [traduction] « 9. Une chose ou une personne donnant lieu à un sentiment ou un acte précis, etc.; un motif, une cause ».

[19]      Les procureurs des appelantes ont fait grand état du concept de « droit maritime canadien » tel qu’il est défini à l’article 2, de l’historique de l’action in rem, de la relation entre l’action in rem contre la cargaison et le privilège maritime et du Supreme Court Act, 1981 (R.-U.), 1981, ch. 54 (ci-après « Supreme Court Act, 1981 »).

[20]      Vu les conclusions auxquelles j’en arrive, il ne sera pas vraiment nécessaire pour trancher ce litige de sortir du cadre des articles 22 et 43 de la Loi. Le droit de procéder in rem a été codifié dans la Loi sur la Cour fédérale et bien que l’histoire de la procédure in rem soit utile en ce qu’elle permet d’en mieux comprendre la nature et les effets, elle n’est pas déterminante dans l’interprétation d’un texte législatif—le paragraphe 43(2) de la Loi—qui est de droit nouveau et qui utilise une expression inédite, « action portant sur », « the subject of the action ». De plus, la Loi sur la Cour fédérale de 1970 [S.R.C. 1970 (2e suppl.), ch. 10] comporte des différences telles dans les dispositions qui nous concernent par rapport à l’Administration of Justice Act, 1956 (R.-U.), 1956, ch. 46 et à son successeur, le Supreme Court Act, 1981, qu’il serait téméraire de nous inspirer aveuglément du droit anglais, ainsi que le notait le juge Marceau dans Mount Royal/Walsh Inc. c. Jensen Star (Le), [1990] 1 C.F. 199 (C.A.), aux pages 208 et 209.

[21]      L’article 43 de la Loi, je l’ai déjà dit, définit comment cette Cour peut exercer sa compétence maritime.

[22]      Le paragraphe 43(2) ne permet pas l’action in rem dans tous les cas où la Cour a par ailleurs compétence en vertu de l’article 22. Si tel avait été le cas, le législateur eut utilisé à l’égard de l’action in rem les termes généraux qu’il a utilisés au paragraphe 43(1) à l’égard de l’action in personam. Le texte même du paragraphe 43(2) indique que l’action in rem n’est possible, par définition dans un champ de compétence visé par l’article 22, que si l’action « porte » sur le navire ou la cargaison (j’exclus, pour simplifier la formulation, l’aéronef ou les biens autres que la cargaison).

[23]      En l’espèce, la compétence de la Cour qu’invoque Paramount est celle décrite à l’alinéa 22(2)i), soit « une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte-partie ». Les parties s’accordent à dire, ici, que la réclamation de Paramount se fonde sur semblable convention et qu’en conséquence la Cour a compétence, qu’elle peut exercer par voie d’action in personam aux termes du paragraphe 43(1). Peut-on dire de cette réclamation qui se « fonde » sur une charte-partie, qu’elle « porte » sur le navire et la cargaison, de manière à permettre un recours in rem? Dit autrement, le navire et la cargaison sont-ils « l’objet » ou « la cause » de l’action?

[24]      Les mots « fondée », « arising out », à l’alinéa 22(2)i) ont une large portée. (voir Cormorant Bulk-Carriers Inc. c. Canficorp (Overseas Projects) Ltd. (1984), 54 N.R. 66 (C.A.F.), à la page 78). Les mots « portant sur », « subject of », au paragraphe 43(2) ont un sens plus limité. Ils supposent que le bien saisi soit « en cause » dans l’action (comme le dit si bien le paragraphe 43(3)), donc qu’il y ait une connexité certaine entre le bien saisi et la cause d’action. Il faut, à mon avis, que l’on puisse dire que c’est l’utilisation de ce navire ou le transport de cette cargaison qui justifie l’action in rem prise contre le bien saisi.

[25]      Cette interprétation est renforcée par celle qu’a récemment donnée la Cour Suprême du Canada de l’expression « arises out of the ownership, use or operation of a vehicule » à l’article 79 de la Revised Regulation (1984) under the Insurance (Motor Vehicle) Act [B.C. Reg 447/83, mod par B.C. Reg. 335/84, ann., art. 19; 379/85, ann., no 31] de la Colombie-Britannique, dans Amos c. Insurance Corp. of British Columbia, [1995] 3 R.C.S. 405. Pour le juge Major, en effet, l’expression « découle de » « est plus générale que l’expression « causé par » et doit recevoir une interprétation plus libérale » (au paragraphe 21). Le test qu’il propose, au paragraphe 17 de ses motifs, me paraît applicable, avec les adaptations de circonstance bien sûr, aux actions fondées sur le transport de marchandises à bord d’un navire :

Existe-t-il un lien de causalité (pas nécessairement direct ou immédiat) entre les blessures de l’appelant et la propriété, l’utilisation ou la conduite de son véhicule, ou le lien entre les blessures et la propriété, l’utilisation ou la conduite du véhicule est-il simplement accidentel ou fortuit?

[26]      Appliquons maintenant ce principe aux circonstances de cette affaire.

[27]      L’action in rem de Paramount contre le An Xian Jiang est fondée sur une allégation de nature délictuelle d’ingérence indue par le propriétaire de ce navire (Cosco) dans un contrat d’affrètement visant un autre navire, le Len Speer, conclu entre Beston et Paramount. Le An Xin Jiang n’est pas l’objet du contrat sur lequel se fonde Paramount. Le An Xin Jiang en tant que tel n’a causé aucun dommage, il n’a reçu aucun bénéfice et il n’a été impliqué dans aucun incident qui soient reliés à l’action. Il est arrêté uniquement parce qu’il se trouve à appartenir à Cosco, l’auteur allégué du délit d’ingérence et à transporter la cargaison qui appartient à Beston, l’expéditeur, l’auteur allégué du bris de contrat. Le délit d’ingérence est en réalité relié au bris d’une charte-partie et l’action de Paramount contre Cosco, si elle doit réussir, réussira peu importe que le transport convenu entre Paramount et Beston ait eu lieu, et, s’il a eu lieu, peu importe le navire sur lequel ce transport a été effectué. Quand le Parlement a voulu qu’un navire « innocent » puisse être saisi, il a précisé que ce serait dans les seuls cas où ce navire appartenait au propriétaire du navire « en cause dans l’action » (paragraphe 43(8) de la Loi). Permettre la saisie du navire An Xin Jiang, en l’espèce, serait permettre l’arrestation de tout navire appartenant à un défendeur quand bien même aucun navire ne serait en cause dans l’action.

[28]      L’action in rem de Paramount contre la cargaison de Beston est fondée sur une allégation de nature contractuelle de non-exécution par Beston d’un contrat de charte-partie. Il est vrai que ce contrat visait cette cargaison, mais le seul lien qui existe entre l’action et la cargaison est le fait que c’est cette cargaison qui aurait été transportée si le contrat avait été respecté. Or le contrat n’a pas été respecté, le transport n’a jamais commencé, la cargaison n’est pas grevée d’un privilège maritime et Paramount n’a jamais été en possession de la cargaison. La cargaison en tant que telle n’a causé aucun dommage, elle n’a bénéficié d’aucun avantage et elle n’a été impliquée dans aucun incident qui soient reliés à l’action. L’action pour bris de contrat, si elle doit réussir, réussira peu importe que la cargaison ait été par la suite transportée ou non et peu importe, si elle a été transportée, le navire sur lequel elle l’aura été. Permettre la saisie de la cargaison, en l’espèce, serait permettre la saisie de tout bien appartenant à un défendeur quand bien même aucun bien ne serait en cause dans l’action.

[29]      Bref, j’en arrive à la conclusion qu’il n’y a pas, entre l’action et le navire et la cargaison saisis, ce « lien de causalité » qui permettrait de dire de ce navire ou de cette cargaison qu’ils sont « l’objet » de l’action ou qu’ils sont « en cause » dans l’action. L’objet de l’action est la charte-partie et les agissements personnels des défendeurs. Si lien il y a entre l’action et le navire et la cargaison saisis, il est « simplement accidentel ou fortuit », pour reprendre les mots du juge Major.

LE MANDAT DE SAISIE ET LA GARANTIE D’EXÉCUTION

[30]      Dans sa requête en radiation, Cosco a demandé que soit annulé le mandat de saisie du navire et de la cargaison et que lui soit remise, pour fin d’annulation, la lettre de garantie émise par la United Kingdom Mutual Steamship Assurance Association (Bermuda) Limited. Cette lettre, on le sait, a été remplacée par une garantie d’exécution émise par la Banque de Nouvelle-Écosse.

[31]      Paramount s’objecte à ce que la Cour se prononce sur la validité de la garantie d’exécution. Cette garantie, en effet, ne serait pas une « plaidoirie » susceptible d’être radiée en vertu de la Règle 419 et comme elle s’étendrait en l’espèce, par-delà l’action in rem, à l’action in personam, il ne serait pas approprié d’en traiter dans le cadre d’une requête en radiation de la seule action in rem.

[32]      Il semble être de pratique courante, en première instance, de demander à la Cour et d’obtenir, dans le cadre d’une requête en radiation, l’annulation du mandat de saisie et du cautionnement sans que ne se pose la question de savoir si ce sont là des « plaidoiries ». (Voir Armada Lines Ltd. c. Chaleur Fertilizers Ltd., [1997] 2 R.C.S. 617, à la page 620; Corostel Trading c. Le Catalina (1986), 6 F.T.R. 233 (C.F. 1re inst.); Industrie Chimique Italia Centrale S.P.A. c. Le Choko Star (1987), 10 F.T.R. 258 (C.F. 1re inst.); Domtar Inc. c. Lineas De Navigation Gema S.A., [1997] A.C.F. no 447 (1re inst.) (QL); Société par actions « Oceangeotechnology » c. 1201 (Le), [1994] 2 C.F. 265 (1re inst.); Scandia Shipping Agencies Inc. c. Le Alam Veracruz (1997), 148 F.T.R. 164 (C.F. 1re inst.); Westview Sable Fish Co. et autres c. Le navire « Neekis » (1986), 31 D.L.R. (4th) 701 (C.F. 1re inst)).

[33]      Le seul, selon la jurisprudence qui nous a été soumise, à s’interroger sur cette question est le protonotaire Hargrave, dans Margem Chartering Co. Inc. c. Bocsa (Le), [1997] 2 C.F. 1001 (1re inst.). Il s’agissait, dans cette affaire, d’une demande de radiation de la déclaration in rem et d’annulation du mandat de saisie. Le protonotaire s’est dit d’avis que le mandat de saisie n’était pas une « plaidoirie » et que la Règle 419 ne pouvait être invoquée pour en demander l’annulation. Il ajoutait cependant, au paragraphe 20, ce qui suit :

Par conséquent, étant donné que la Cour a compétence pour délivrer un mandat en vertu de sa loi habilitante, elle doit aussi être investie d’une compétence inhérente ou implicite en matière de procédure qui lui permet d’annuler un mandat lorsque celui-ci constitue un emploi abusif de ses procédures.

[34]      Je ne crois pas qu’il soit vraiment nécessaire d’invoquer la compétence inhérente de la Cour, à tout le moins en ce qui a trait au mandat de saisie. Ce dernier, en effet, est un document de la Cour émis en vertu de la Règle 1003 [mod. par DORS/79-57, art. 18; 92-726, art. 12; 94-41, art. 7] (maintenant la règle 481) dans l’exercice de la compétence maritime dévolue à la Cour. Dès lors qu’il est décidé que l’action in rem n’était pas permise, il s’ensuit que le mandat ne pouvait pas être émis et qu’il est nul ab initio. La Cour, au stade d’une requête en radiation de la procédure in rem, ne fait que constater que l’accessoire, soit le mandat de saisie, doit suivre le sort du principal, soit la procédure in rem.

[35]      La situation est différente quand il s’agit de la garantie d’exécution, laquelle n’émane pas de la Cour mais d’un tiers et fait état d’arrangements contractuels qui ne participent pas des plaidoiries. Cela dit, il n’en reste pas moins que cette garantie fait partie intégrante de la procédure in rem de la Cour. Le mandat de saisie, c’est la Règle 1003 (maintenant règle 481) qui le dit, ne peut être décerné que dans une action in rem. La garantie est donnée dans des conditions établies par la Règle 1005 [mod. par DORS/94-41, art. 8] (maintenant règle 486) et selon une formule prescrite par cette Règle, la formule 35 (maintenant règle 486A). C’est elle, aussi, qui permet à la Cour, à la Règle 1006 [mod. par DORS/79-57, art. 19] (maintenant règle 487), de délivrer la mainlevée de la saisie.

[36]      La garantie d’exécution est un moyen imposé par les Règles de la Cour pour obtenir, dans une action in rem, la libération du navire (ou de la cargaison). Il est acquis, selon la jurisprudence, que cette garantie « représente » ou « remplace » le bien saisi (voir, Antares Shipping Corp. c. Le navire « Capricorn », [1977] 2 R.C.S. 422, à la page 454; Freighters (Steamship Agents) Co. c. Le navire « Number Four », [1983] 1 C.F. 852 (C.A.), à la page 859). Dès lors que tombe l’action contre le navire, l’action contre la garantie doit tomber aussi, et la garantie doit tout autant être remise à celui qui l’a donnée que le navire avait dû être remis à son propriétaire. La garantie est devenue sans objet et la Cour doit pouvoir ordonner qu’elle soit retournée au même titre qu’elle pouvait, en vertu de l’alinéa 1006(2)e) des règles (maintenant 487(1)d)) ordonner la levée de la saisie des biens sur « rejet de l’action dans laquelle les biens ont été saisis ». Ce serait, autrement, permettre qu’un bien demeure saisi en dépit de la mainlevée et de la nullité de la saisie.

[37]      La prétention de Paramount à l’effet que la garantie d’exécution rédigée conformément aux Règles de la Cour pourrait s’étendre à l’action in personam est tout simplement incompatible avec le mécanisme établi par les Règles. Pour que Paramount ait raison, il faudrait qu’elle plaide que dans le cadre d’une action in rem qu’elle n’avait pas le loisir d’instituer, elle aurait soutiré du propriétaire des biens saisis une garantie supérieure à celle que la loi prescrit. Je ne crois pas que ce soit là ce que Paramount plaide, car cela équivaudrait à plaider l’usage des règles de la Cour à des fins impropres ou abusives.

DISPOSITIF

[38]      Je serais d’avis d’accueillir les deux appels avec dépens, de rejeter l’appel incident avec dépens, de renverser en partie le jugement de première instance, d’accorder aux appelantes leurs dépens en première instance et de rétablir l’ordonnance du protonotaire Morneau en date du 30 septembre 1997.

Le juge Létourneau, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Noël, J.C.A. : Je suis d’accord.

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