Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[2001] 2 C.F. 502

A-391-97

Eli Lilly & Company et Eli Lilly Canada, Inc. (appelantes) (demanderesses)

c.

Novopharm Limited (intimée) (défenderesse)

A-392-97

Eli Lilly & Company et Eli Lilly Canada, Inc. (appelantes) (demanderesses)

c.

Nu-Pharm Inc. (intimée) (défenderesse)

A-393-97

Eli Lilly & Company et Eli Lilly Canada, Inc. (appelantes) (demanderesses)

c.

Apotex Inc. (intimée) (défenderesse)

Répertorié : Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (C.A.)

Cour d’appel, juges Desjardins, Sexton et Sharlow, J.C.A.—Toronto, 16, 17, 18, 19 et 20 octobre; Ottawa, 19 décembre 2000.

Marques de commerce — Contrefaçon — Commercialisation trompeuse — La question porte sur le point de savoir si la taille, la forme et la couleur de capsules de médicament ont acquis une signification secondaire — Risque de confusion — Examen et application de l’arrêt de la C.S.C. Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc. au sujet de l’imitation frauduleuse — La clientèle visée comprend les patients, non les seuls professionnels — Les règles générales de l’action en imitation frauduleuse s’appliquent au marché des médicaments délivrés sur ordonnance sans distinction ou exception — L’apparence d’un médicament délivré sur ordonnance peut constituer un droit de marque de commerce, mais non lorsque, comme en l’espèce, il n’est pas établi que l’apparence constitue un caractère distinctif du produit — Examen en obiter du transfert de droits de marque et de la concession de licence.

Eli Lilly Canada Inc. est une filiale à cent pour cent de la société américaine Eli Lilly et les deux sociétés vendent du chlorhydrate de fluoxétine sous le nom de marque Prozac. Lilly Canada a commercialisé le Prozac en vertu d’un accord de licence passé avec Lilly U.S. En 1996, après l’expiration du brevet du Prozac, les intimées ont lancé sur le marché des produits d’apparence similaire. Devant la Section de première instance, les appelantes ont prétendu que les intimées avaient fait passer leurs capsules de chlorhydrate de fluoxétine générique pour des produits de la marque Prozac des appelantes. Le juge de première instance a indiqué que le litige portait sur la question de savoir si l’apparence de la capsule de fluoxétine de Lilly était caractéristique et constituait une indication de sa source ou de son origine commerciale, et si l’utilisation par les défenderesses d’une capsule d’apparence similaire était susceptible de semer la confusion. Mme le juge Reed a conclu que les appelantes n’avaient pas établi que la taille, la forme et la couleur de fluoxétine de la marque Prozac avaient acquis une signification secondaire ni que la vente de leur produit par les intimées était de nature à causer de la confusion. Elle a également conclu qu’il n’existait pas d’accord de licence valide autorisant l’utilisation de la taille, de la forme et de la couleur des capsules de Prozac à titre de marque de commerce. Il s’agit d’un appel de cette décision.

Arrêt : l’appel est rejeté.

La question fondamentale est de décider si le juge de première instance a appliqué de manière correcte la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120 et les règles en matière de commercialisation trompeuse. Se pose aussi une question incidente, qui consiste à savoir si le juge de première instance a commis une erreur dans son appréciation des accords de licence entre les appelantes.

Dans l’arrêt Ciba-Geigy, la Cour suprême a confirmé les trois éléments nécessaires dans une action en commercialisation trompeuse et a fait observer que le fabricant doit éviter de créer une confusion dans l’esprit du public par une présentation identique à celle d’un produit qui a acquis une notoriété propre en raison de sa présentation. La C.S.C. a également signalé que, si le premier intéressé est le concurrent lésé par l’acte déloyal de commercialisation trompeuse, les litiges en matière de concurrence déloyale concernent l’intérêt public : la protection des consommateurs. Elle a fait observer que les sociétés pharmaceutiques sont limitées dans le choix d’éléments caractéristiques pour la présentation de leurs produits : il ne leur reste que la forme, la taille et la couleur. Infirmant la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Ayerst, McKenna & Harrison, Inc. v. Apotex Inc. (1983), 41 O.R. (2d) 366 (C.A.), qui avait limité aux professionnels de la santé la clientèle visée par les médicaments délivrés sur ordonnance, la C.S.C. a jugé que les patients/clients devaient être compris dans la clientèle visée, avec les médecins, dentistes et pharmaciens.

L’arrêt Ciba-Geigy établit deux propositions : la clientèle visée dans le domaine pharmaceutique comprend le patient et les règles générales de l’action en commercialisation trompeuse s’appliquent au marché des médicaments délivrés sur ordonnance sans distinction ou exception. On ne peut dire que la C.S.C. est d’avis que l’apparence d’un médicament délivré sur ordonnance constitue dans chaque cas un droit de marque de commerce. Une preuve pertinente doit le démontrer dans les circonstances de chaque espèce.

Le litige entre les parties porte sur l’inclusion ou l’exclusion des patients potentiels et du grand public de la clientèle visée par une action en commercialisation trompeuse de médicaments d’ordonnance. Le juge de première instance n’a pas mal appliqué l’arrêt Ciba-Geigy et ne s’est pas fondé sur des considérations erronées en droit. En effet, elle a jugé que l’ampleur de la « clientèle visée » n’importait pas puisque la présentation n’était pas devenue suffisamment associée au produit pour créer de la confusion avec les produits des intimées. Il lui était loisible, en tant que juge du fait, de conclure que les appelantes n’avaient pas rempli les conditions exigées pour l’action en commercialisation trompeuse.

Bien qu’il ne soit pas nécessaire de décider si le juge de première instance a interprété correctement le paragraphe 50(1) de la Loi, la Cour traite la question, vu l’importance de la question et comme le juge de première instance s’est prononcé sur ce point. Les accords de 1991 et de 1995 ainsi que le paragraphe 50(1) de la Loi réfutent totalement l’argument des intimées que l’emploi par Lilly Canada des droits de marque allégués de Lilly U.S. n’était pas couvert par une licence et que la prétention des appelantes aurait dû être rejetée pour cette raison. Le paragraphe 50(1) de la Loi, édicté en 1993, doit s’interpréter à la lumière des dispositions antérieures relatives à l’usager inscrit. Ces dispositions exigeaient du licencié qu’il soit un usager inscrit si la marque de commerce était déposée. La situation que le nouveau paragraphe 50(1) visait à réformer était le caractère restrictif de la loi en vigueur à l’époque concernant la cession des droits visant les marques de commerce et l’autorisation de s’en servir. La nouvelle disposition a aboli la notion d’usager inscrit. Les intimées ont invoqué l’affaire Robert Crean & Co., Ltd. v. Dobbs & Co., [1930] R.C.S. 307, mais cette décision constitue l’une des raisons pour lesquelles une modification de la Loi a été édictée.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de 1986 sur la réglementation des prix des médicaments délivrés sur ordonnance, L.O. 1986, ch. 28, art. 4(2).

Loi sur la concurrence déloyale, 1932, S.C. 1932, ch. 38.

Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27.

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 7b), 50(1) (mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 69).

Loi sur les marques de commerce, S.C. 1952-53, ch. 49, art. 57.

Règl. de l’Ont. 690/86.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120; (1992), 95 D.L.R. (4th) 385; 44 C.P.R. (3d) 289; 143 N.R. 241; 58 O.A.C. 321; Perry v. Truefitt (1842), 6 Beav. 66; 49 E.R. 749; Oxford Pendaflex Canada Ltd. c. Korr Marketing Ltd. et autres, [1982] 1 R.C.S. 494; (1982), 134 D.L.R. (3d) 271; 64 C.P.R. (2d) 1; 20 C.C.L.T. 113; 41 N.R. 553; Stein et autres c. « Kathy K » et autres (Le navire), [1976] 2 R.C.S. 802; (1975), 62 D.L.R. (3d) 1; 6 N.R. 359; Caterpillar Tractor Co. v. Clark Equipment Co. (1980), 61 C.P.R. (2d) 92 (C.O.M.C.); Memorex Corp. v. Memotec Data Inc. (1989), 24 C.P.R. (3d) 264 (C.O.M.C.); Lancôme Parfums et Beauté c. House of Devonshire (1991), 38 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Mark’s Work Wearhouse Ltd. v. Governor & Co. of Adventurers of England Trading into Hudson’s Bay (1980), 15 C.P.R. (3d) 376 (B.R. Alb.); 487497 Ontario Ltd. v. Heintzman (1989), 26 C.P.R. (3d) 369; 25 C.I.P.R. 314 (H.C. Ont.); Walt Disney Productions v. Fantasyland Hotel Inc. (1994), 56 C.P.R. (3d) 129 (B.R. Alb.); Walt Disney Productions v. Triple Five Corp. (1994), 53 C.P.R. (3d) 129 (C.A. Alb.); Sun Life Assurance Co. of Canada v. Sunlife Juice Co. (1988), 22 C.P.R. (3d) 244; 20 C.I.P.R. 87 (H.C. Ont.); Roche Products Ltd. v. Berk Pharmaceuticals Ltd., [1973] R.P.C. 473; Apotex Inc. v. Wellcome Foundation Ltd., [2000] A.C.F. n 1770 (C.A.) (QL).

DÉCISION NON SUIVIE :

Robert Crean & Co., Ltd. v. Dobbs & Co., [1930] R.C.S. 307.

DÉCISIONS CITÉES :

Ayerst, McKenna & Harrison, Inc. v. Apotex Inc. (1983), 41 O.R. (2d) 366; 146 D.L.R. (3d) 93; 72 C.P.R. (2d) 57 (C.A.); Hodkingson & Corby Ltd. v. Wards Mobility Services Ltd., [1995] F.S.R. 169 (Ch. D.); Parke, Davis & Co. v. Empire Laboratories Ltd., [1964] R.C.S. 351; (1964), 45 D.L.R. (2d) 97; 43 C.P.R. 1; J.B. Williams Co. v. H. Bronnley & Co. (1909), 26 R.P.C. 765; TGI Friday’s of Minnesota, Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1999), 241 N.R. 362 (C.A.F.).

DOCTRINE

Canada. Commission de la révision de la loi sur les marques de commerce. Rapport de la Commission de révision de la loi sur les marques de commerce, le 20 janvier 1953. Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1953.

Hughes, Roger T. Hughes on Trade Marks, édition à feuilles mobiles. Toronto : Butterworths.

Nadeau, André et Richard Nadeau. Traité pratique de la responsabilité civile délictuelle. Montréal : Wilson & Lafleur, 1971.

APPELS de la décision de la Section de première instance (Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1997), 73 C.P.R. (3d) 371; 130 F.T.R. 1) rejetant la prétention des appelantes que les intimées avaient fait passer leurs capsules de chlorhydrate de fluoxétine générique pour des capsules de chlorhydrate de fluoxétine de la marque Prozac des appelantes. Appels rejetés.

ONT COMPARU :

James D. Kokonis, Anthony George Creber, Charles Beale et Patrick S. Smith pour les appelantes.

Harry B. Radomski, Richard E. Naiberg et David M. Scrimger pour les intimées Apotex et Nu-Pharm.

Douglas N. Deeth et Diane M. LaCalamita pour l’intimée Novopharm.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Lafleur, Henderson, Toronto, pour les appelantes.

Goodman Phillips & Vineberg, Toronto, pour les intimées Apotex et Nu-Pharm.

Deeth Williams Wall, Toronto, pour l’intimée Novopharm.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Desjardins, J.C.A. : Les appelantes veulent faire infirmer un jugement de la Section de première instance[1] rejetant leurs prétentions que les intimées avaient fait passer les capsules de leur médicament générique de chlorhydrate de fluoxétine pour des capsules de chlorhydrate de fluoxétine de la marque Prozac, en contravention à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi)[2]. Mme le juge de première instance a conclu que les appelantes n’avaient pas établi que la taille, la forme et la couleur de leurs capsules de chlorhydrate de fluoxétine de la marque Prozac avaient acquis une signification secondaire—que les consommateurs n’associaient pas l’apparence des capsules de Prozac à Lilly ou à une autre source particulière—ni que la vente par les intimées des capsules de leur médicament générique de chlorhydrate de fluoxétine était de nature à causer de la confusion au Canada. Elle a également conclu qu’il n’existait pas d’accord de licence valide entre Eli Lilly & Company et Eli Lilly Canada Inc., ni entre Eli Lilly Canada Inc. et deux autres sociétés, Pharmascience et 115013 Canada Inc., autorisant l’utilisation de la taille, de la forme et de la couleur des capsules de Prozac à titre de marque de commerce.

[2]        La question à trancher est de savoir si le juge de première instance a commis une erreur en rendant cette décision.

I           Les faits

[3]        L’appelante Eli Lilly Canada Inc. (Lilly Canada) est une filiale à cent pour cent de l’appelante Eli Lilly and Company (Lilly U.S.). Les deux sociétés vendent du chlorhydrate de fluoxétine sous le nom de marque Prozac. Lilly U.S. a fait l’invention du chlorhydrate de fluoxétine (la fluoxétine), premier médicament d’une nouvelle génération d’antidépresseurs.

[4]        Lilly Canada a commercialisé le Prozac au Canada en vertu d’un accord de licence passé en 1976 avec Lilly U.S. Le 1er janvier 1991, cet accord a été remplacé par un nouvel accord, qui conférait à Lilly Canada le droit de fabriquer, de distribuer et de vendre certains produits spécifiés de Lilly U.S., dont le Prozac. L’accord autorisait aussi Lilly Canada à utiliser un certain nombre de marques de commerce, noms de marque, marques maison et autres désignations spécifiés appartenant à Lilly U.S. Le nom de marque « Prozac » était inscrit à l’annexe pertinente (l’annexe B), de même que les dessins et emballages de divers autres produits de Lilly, mais aucune mention n’y était faite de la taille, de la forme et de la couleur des capsules de Prozac. L’accord de 1991 ne donnait pas à Lilly Canada le droit de concéder de sous-licence. Il spécifiait également qu’il contenait la totalité de l’accord intervenu entre les parties— qu’aucun engagement, accord ou déclaration verbal ne s’appliquait à son objet—et que toute modification ne pouvait être apportée que par écrit[3]. Lilly U.S. est propriétaire de l’enregistrement au Canada de la marque de commerce afférente à la marque verbale Prozac. Il est reconnu que Prozac est une marque déposée de Lilly U.S.

[5]        Les produits en cause dans les appels sont les capsules de 10 et 20 mg de fluoxétine de la marque Prozac. La capsule de 20 mg de Prozac, mise en marché au Canada en 1989, est moitié verte, moitié crème. La capsule de 10 mg de Prozac, lancée sur le marché canadien en 1993, est moitié verte et moitié gris pâle. Il existe un nombre restreint de tailles de capsules normalisées pour les médicaments délivrés sur ordonnance; plus le chiffre est élevé, plus la capsule est petite. La taille et la forme des capsules doivent les rendre faciles à consommer. Lilly a choisi une capsule de taille 3 pour les deux formes posologiques de 10 mg et de 20 mg. Quant à la forme de la capsule utilisée par Lilly, elle diffère de la forme normale à un seul égard : bien que l’extrémité de la coiffe de la capsule de Lilly soit sphérique, l’extrémité du corps, elle, est fuselée. Les capsules portent les inscriptions « Prozac » et « Lilly » en plus de la posologie et d’un numéro d’identification. « Lilly » est écrit en caractères stylisés[4].

[6]        Lilly Canada avait le monopole sur la fourniture de la fluoxétine au Canada entre 1989 et le 20 mars 1996, date d’expiration du brevet de Lilly U.S. De 1990 à 1995, Lilly Canada a vendu pour plus de quatre cents millions de dollars de fluoxétine de la marque Prozac au Canada. Les appelantes ont dépensé plus de vingt-deux millions de dollars pour la promotion du produit. Le médicament a fait la manchette des médias et son importance dans le traitement de la dépression a été largement publicisée. L’apparence de la capsule (aussi appelée sa présentation) a fait la couverture des magazines nationaux.

[7]        En prévision de l’expiration du brevet, le 20 mars 1996, Lilly a décidé de commercialiser sa fluoxétine sous une forme générique en plus de continuer d’en vendre sous le nom de marque Prozac. Des démarches en ce sens ont été entreprises en mars 1995. Le 30 juin 1995, Lilly Canada a conclu un accord avec Pharmascience et 115013 Canada Inc. (collectivement désignées PMS par le juge de première instance) pour la distribution et la vente des versions génériques de certains produits de Lilly, notamment la fluoxétine.

[8]        À la fin d’octobre 1995, Lilly U.S. et Lilly Canada ont signé une modification de l’accord de janvier 1991. Cette modification confirmait que Lilly Canada avait toujours été autorisée par Lilly U.S. à utiliser l’apparence des produits de Lilly U.S. qui avaient été et étaient vendus au Canada. L’annexe B de l’accord de 1991 a été modifiée pour ajouter [traduction] « la présentation, c’est-à-dire la couleur, la forme, la taille et les autres signes distinctifs »[5] de l’apparence du Prozac. L’accord de 1991 a aussi été modifié (avec effet rétroactif au 30 juin 1995) pour autoriser Lilly Canada à octroyer à PMS une sous- licence pour les droits dont elle était titulaire conformément à l’accord de 1991. Enfin, le 10 novembre 1995, Lilly Canada a accordé à PMS le droit d’utiliser l’apparence de la fluoxétine de Lilly.

[9]        Selon l’accord avec PMS, Lilly Canada régissait tous les aspects de la fabrication, de la distribution, de la promotion et de la vente de PMS-fluoxétine. Le produit est pratiquement identique à la fluoxétine de la marque Prozac. Il est produit par Lilly sur la même chaîne de fabrication que le Prozac. La seule différence entre les deux réside dans les inscriptions qui sont apposées, « trade dress licd », la forme posologique et le numéro d’identification.

[10]      La PMS-fluoxétine a fait son apparition sur le marché canadien le 1er décembre 1995. Lilly Canada vendait le produit dans le milieu hospitalier. PMS le vendait aux pharmaciens avec le soutien des efforts de commercialisation de Lilly Canada auprès des médecins et des pharmaciens.

[11]      Les intimées, Novopharm, Apotex et Nu-Pharm, sont des sociétés qui fabriquent des versions génériques de la fluoxétine.

[12]      Le jour suivant l’expiration du brevet, le 21 mars 1996, la Section de première instance prononçait une injonction provisoire empêchant les intimées d’adopter pour leurs produits de chlorhydrate de fluoxétine des présentations identiques ou similaires à la présentation du Prozac. L’injonction provisoire a été remplacée par une injonction interlocutoire le 26 avril 1996. Par la suite, chacune des intimées a mis en vente des produits de fluoxétine dont les capsules étaient différentes (entièrement crèmes pour la forme posologique de 20 mg de fluoxétine et entièrement grises pour la forme posologique de 10 mg). L’injonction interlocutoire a été annulée par la Cour le 25 septembre 1996, après quoi les intimées ont changé la présentation de leurs capsules et commencé à les commercialiser sous une présentation similaire à celle du Prozac. Il y avait certaines différences dans la présentation. Premièrement, tous les produits des intimées avaient la forme normale des capsules avec des extrémités sphériques. Les formes posologiques de 20 mg étaient toutes vendues dans des capsules de taille 3 et les formes posologiques de 10 mg commercialisées par Apotex et Nu-Pharm adoptaient la capsule de taille 4, plus petite. Ensuite, les inscriptions étaient différentes sur les produits génériques de fluoxétine. Tous les produits génériques portaient en caractères d’imprimerie les deux seules mentions de la désignation de la société et de la forme posologique (c’est-à-dire NOVO 20, APO 10, etc.). Le juge de première instance a estimé que les différences « ne sont évidentes que lorsque les capsules sont examinées de près »[6].

[13]      L’instruction de l’action a commencé le 4 novembre 1996, quelques semaines seulement après le lancement sur le marché des produits d’apparence similaire des intimées.

II          La décision attaquée

[14]      Le procès a duré cinq mois et exigé quarante-deux jours d’audiences. Le juge de première instance a rejeté l’action et accordé les dépens aux défenderesses. Les motifs du jugement ont été exposés de manière approfondie et détaillée, notamment en ce qui concerne les conclusions de fait et la crédibilité des témoins qui ont déposé devant le tribunal.

[15]      Le juge de première instance a résumé comme suit la question à trancher[7] :

Le litige porte sur la question de savoir si l’apparence de la capsule de fluoxétine de Lilly est caractéristique et constitue une indication de sa source ou de son origine commerciale, et si l’utilisation par les défenderesses d’une capsule d’apparence similaire est susceptible de semer la confusion.

a)         Le marché visé

[16]      Le juge de première instance a estimé que le marché visé se composait à la fois des clients potentiels et actuels du produit, médecins, pharmaciens et patients. Elle a reconnu que les professionnels de la santé ne prescrivent ou ne délivrent pas les médicaments en fonction de leur présentation. Elle s’est concentrée sur les témoignages des patients actuels et potentiels. Elle a énuméré certains facteurs qui rendaient difficile la prise en compte de ce marché (en particulier sa prise en compte à un moment déterminé). Parmi ces facteurs, elle a mentionné le pourcentage de la population (de l’ordre de 15 %) qui souffrira de dépression à un moment ou l’autre de sa vie, le caractère imprévisible et récidivant de la maladie, la diversité des méthodes thérapeutiques disponibles et la durée du traitement avec l’antidépresseur. Ces facteurs, a-t-elle dit, « rendent difficile, sinon impossible, la détermination des consommateurs potentiels »[8] et la « clientèle actuelle de la fluoxétine change de jour en jour et peut différer considérablement entre deux périodes consécutives de six à neuf mois »[9]. En fin de compte, le juge de première instance n’a rejeté aucune partie de la preuve présentée au motif que le marché ciblé n’aurait pas été le bon. Elle a estimé que la valeur à accorder à la preuve devait plutôt être fonction des questions posées et du groupe à qui ces questions avaient été posées[10].

b)         La preuve

[17]      Le preuve déposée a consisté en 51 rapports d’experts et 62 dépositions de témoins, dont des médecins, pharmaciens et utilisateurs de Prozac. Les éléments de preuve de quatre études distinctes ont principalement retenu l’attention. L’une de ces études, conçue par le Dr Heeler pour le compte de Lilly, n’a porté que sur des personnes ayant allégué qu’on leur avait prescrit ou qu’elles avaient utilisé un antidépresseur au cours des cinq années précédentes. Selon le témoignage des experts et à la lumière de sa propre évaluation de la conception de l’étude, le juge de première instance a conclu que l’étude comportait de graves défauts, notamment le caractère tendancieux de l’ordre des questions posées. Elle a admis que l’étude offrait comme avantage de faire appel à la reconnaissance visuelle des personnes enquêtées, en leur présentant réellement une capsule vert et crème. Elle a néanmoins conclu[11] :

Toutefois, les défauts qu’elle comporte sont si importants qu’ils en compromettent l’utilité. À cet égard, par exemple, la conclusion du Dr Heeler selon laquelle la renommée de Prozac porte non seulement sur le nom de marque mais aussi sur l’apparence de la capsule constitue un cheminement logique que les données n’étayent pas.

[18]      Les autres études comportaient certains désavantages intrinsèques, en particulier la taille plus grande de l’échantillon et le recours à la méthode mnémotechnique plutôt qu’à la capacité de reconnaître une présentation. Mais le juge de première instance a conclu qu’elles avaient été conçues et présentées de manière professionnelle. Les échantillons étaient larges, mais les études étaient conçues de manière à permettre l’analyse de sous-groupes, tels que le « groupe des personnes qui connaissent Prozac » (personnes ayant indiqué qu’elles-mêmes ou des membres de leur famille avaient pris du Prozac) et le « groupe des personnes renseignées sur Prozac » (personnes qui avaient eu une expérience liée au Prozac). Une de ces études avait interrogé des personnes réputées vivre dans un foyer où l’un des membres de la famille avait consulté un médecin au cours des 12 derniers mois pour une dépression (sous-groupe désigné « l’échantillon des anxieux »). Au sein de cet ensemble, l’étude avait isolé et analysé un plus petit groupe de personnes ayant été en contact avec le Prozac parce qu’il avait été prescrit à un membre de leur famille, à un de leurs amis ou à un de leurs proches parents (« personnes ayant prétendu avoir été en contact avec Prozac »)[12]. À partir de l’examen de ces études, le juge de première instance a extrapolé leurs résultats pour en dégager des conclusions de fait sur le marché actuel et potentiel qu’elle jugeait pertinent.

c)         La présentation distinctive et son association avec la source

[19]      Le juge de première instance a entendu les intimées témoigner qu’elles avaient décidé de copier l’apparence des capsules de la société innovatrice pour des motifs de mise en marché. Elles ont affirmé qu’au Canada, l’apparence des médicaments d’ordonnance est associée au genre de médicament et à la forme posologique[13]. Le juge a noté qu’au Canada, il y a des décennies que les produits génériques commercialisés se présentent de la même couleur, de la même taille et de la même forme que le produit de la société innovatrice[14].

[20]      Les parties ne contestent pas la conclusion du juge de première instance que d’un point de vue pharmaceutique ou de « biodisponibilité », les produits de toutes les parties sont interchangeables. Les ingrédients inactifs et la composition de la capsule de gélatine peuvent varier selon les fabricants et les pourcentages d’ingrédients actifs, différer d’une capsule à l’autre ou entre les lots selon les tolérances que s’imposent les fabricants. Cependant, la Direction générale de la protection de la santé du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social a reconnu que les produits génériques de fluoxétine étaient équivalents à la fluoxétine de la marque Prozac. Divers organismes de santé provinciaux ont également reconnu que ces produits étaient interchangeables. Le juge de première instance a jugé que les différences, le cas échéant, sont tellement infimes qu’il est exact d’affirmer que ces médicaments sont les mêmes[15].

[21]      Elle a conclu que la capsule bicolore d’un médicament délivré sur ordonnance ne constituait pas en soi un caractère fondamentalement distinctif. En effet, la preuve déposée devant la Cour avait établi que le Lithane, médicament parfois prescrit comme complément du traitement de la dépression, se présentait sous forme de capsules vert et jaune et que le Librium, un anxiolytique, était vendu en capsules vert et jaune sous la forme posologique de 20 mg. Tout en reconnaissant que les tons de vert et de jaune ne sont pas les mêmes que ceux du Prozac, le juge de première instance a conclu qu’il n’y a rien d’essentiellement distinctif dans les couleurs choisies pour le produit Prozac[16].

[22]      S’agissant de savoir si les consommateurs associaient l’apparence des capsules à une seule source ou origine du produit, le juge de première instance a considéré que la preuve déposée était fiable et elle a décidé[17] :

La Cour ne peut conclure des faits exposés ci-dessus que les demanderesses ont établi que l’apparence de la capsule a acquis, sur le marché, la réputation requise à titre de caractère distinctif de leur produit. [Souligné dans l’original.]

[23]      Elle a jugé que lorsque le marché attribuait une signification à l’apparence des capsules, il l’associait à la nature des médicaments et à leur effet thérapeutique et non à leur source ou origine commerciale[18].

d)         La confusion

[24]      Le juge de première instance a conclu qu’il n’y avait aucune preuve de confusion déposée devant la Cour. Elle a passé en revue les divers groupes de patients susceptibles d’être induits en erreur par l’apparence similaire des capsules. Elle a écrit[19] :

La Cour ne peut conclure que les demanderesses ont prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le fait que les défenderesses vendent de la fluoxétine dans des capsules similaires aux leurs est susceptible d’entraîner un important risque de confusion.

[25]      Elle a également conclu[20] :

L’apparence de la capsule des défenderesses n’a pas pour effet d’amener le consommateur à demander ses produits plutôt que ceux des demanderesses. [Souligné dans l’original.]

e)         Les accords de licence

[26]      Le juge de première instance a consacré une partie des motifs à l’analyse des accords de licence conclus entre les appelantes, en vue de décider notamment si Lilly U.S. avait concédé par licence à Lilly Canada l’emploi de la présentation du Prozac et, si cette dernière avait à son tour accordé une licence à PMS. Elle a jugé, en se fondant sur une lecture rigoureuse du libellé de l’accord de 1991 entre Lilly U.S. et Lilly Canada, que l’accord de licence ne concédait pas à Lilly Canada le droit d’utiliser la présentation. En l’absence de preuve suffisante sur la structure des relations entre Lilly U.S. et sa filiale canadienne, elle a refusé de conclure que l’utilisation de la présentation par Lilly Canada bénéficierait à la société mère. Elle a statué que la preuve ne l’autorisait pas à déduire l’existence d’une licence portant sur l’utilisation de la présentation à titre de marque de commerce. Elle a rejeté l’interprétation donnée par les appelantes au paragraphe 50(1) [mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 69] de la Loi sur les marques de commerce et conclu que la modification de l’accord en 1995 n’éliminait pas le défaut de l’accord de 1991. Enfin, elle a jugé que l’utilisation d’une présentation identique par PMS, même accordée par licence, annihilerait le caractère distinctif de l’utilisation faite par Lilly Canada.

II          Les questions soulevées

[27]      La question fondamentale que soulève le présent appel est de décider si le juge de première instance a appliqué et, le cas échéant, si elle l’a fait de manière correcte, l’arrêt de la Cour suprême du Canada Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc.[21] et les règles en matière de commercialisation trompeuse. Se pose aussi une question incidente, qui consiste à savoir si le juge de première instance a commis une erreur dans son appréciation des accords de licence entre les deux appelantes et entre l’une d’elles et PMS.

III         La position des appelantes

[28]      Les appelantes soutiennent que le litige donne à la Cour une première occasion d’appliquer l’arrêt de la Cour suprême du Canada Ciba-Geigy, sur l’utilisation par un fabricant de produits pharmaceutiques génériques, d’une présentation similaire à celle qui a été introduite sur le marché par l’inventeur du médicament. Elles ont prétendu que le juge de première instance n’avait pas seulement omis de prendre en considération ou d’appliquer la décision de la Cour suprême, mais qu’elle l’avait écartée.

[29]      Les appelantes font valoir que l’affaire Ciba-Geigy ne se résume pas au principe que, dans une action pour commercialisation trompeuse de médicaments délivrés sur ordonnance, les patients doivent être compris dans la clientèle visée. Le juge de première instance aurait donc commis une erreur en ne suivant pas la directive de la Cour suprême dans l’application de la loi en matière de commercialisation trompeuse dans le domaine pharmaceutique, à savoir que le patient a un choix et que ce choix doit faire l’objet d’une protection et d’un mécanisme de contrôle. Elles soutiennent que la Cour suprême a statué que, comme le patient n’a pas d’accès direct au produit, il est d’autant plus nécessaire qu’il puisse exercer une sorte de contrôle sur celui qu’on lui fournit et que la première information qui parvient au patient lorsqu’on lui délivre le médicament d’ordonnance réside dans son apparence. La présentation doit par conséquent être protégée pour permettre au patient d’exercer son droit de choix. Il s’ensuit que les fabricants concurrents ont l’obligation de ne pas employer de présentations similaires.

IV        Analyse

[30]      Il me faut donc commencer mon analyse par un examen de l’arrêt de la Cour suprême Ciba-Geigy.

a)         L’arrêt Ciba-Geigy

[31]      L’affaire Ciba-Geigy portait sur des actions pour commercialisation trompeuse intentées par une société innovatrice, Ciba-Geigy, qui produisait un médicament délivré sur ordonnance sous le nom de marque « Lopresor », pour les cas d’hypertension faible ou modérée. Les poursuites visaient Apotex Inc. et Novopharm Ltd., qui fabriquaient des versions génériques de la même formulation pharmaceutique dont l’apparence était identique au produit de marque. Les comprimés avaient la même présentation—forme, taille et couleur—que ceux de Ciba-Geigy. Apotex Inc. et Novopharm Ltd. ont déposé des motions pour jugement sommaire à la Cour suprême de l’Ontario en réponse aux actions en commercialisation trompeuse. Subsidiairement, Apotex Inc. et Novopharm Ltd. ont demandé que la Cour se prononce sur la question de droit suivante[22] :

[traduction] […] en ce qui concerne la commercialisation des médicaments délivrés sur ordonnance, un demandeur, dans une action en prétendue commercialisation trompeuse d’un médicament délivré sur ordonnance, doit établir que la conduite reprochée risque de semer la confusion dans l’esprit des médecins et des pharmaciens lorsqu’ils doivent choisir de prescrire ou de délivrer soit le produit du demandeur, soit celui du défendeur.

[32]      Le juge des requêtes a refusé les motions mais répondu affirmativement à la question de droit. Ciba-Geigy a interjeté appel auprès de la Cour d’appel de l’Ontario. Selon son argumentation, le juge de première instance avait commis une erreur en excluant les patients, consommateurs des médicaments. La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel. L’autorisation de former un pourvoi a été accordée par la Cour suprême du Canada.

[33]      Le juge Gonthier, au nom de la Cour suprême du Canada, a défini la question de la manière suivante[23] :

Cette Cour doit déterminer si, lors d’une action en passing-off portant sur l’aspect de médicaments délivrés sur ordonnance, le demandeur peut prétendre que le public touché par un risque de confusion comprend, outre les médecins, dentistes et pharmaciens, les patients, consommateurs des médicaments, ou bien se limite exclusivement aux professionnels de la santé concernés.

[34]      Au cours de son analyse, le juge Gonthier a passé en revue les principes généraux de l’action en commercialisation trompeuse dégagés par les tribunaux dès 1842, dans l’affaire Perry v. Truefitt[24] où il était déclaré :

[traduction] […] [u]ne personne ne saurait vendre ses produits en les faisant passer pour ceux d’une autre personne.

[35]      Il a confirmé les trois éléments nécessaires dans une action en commercialisation trompeuse : 1) l’existence d’un achalandage ou d’une réputation attachés, dans l’esprit du public acheteur, à des produits ou services qui, associés à une présentation, sont devenus distinctifs des produits ou services du demandeur, 2) une représentation trompeuse au public qui l’amène ou est susceptible de l’amener à croire que les produits ou services d’une personne sont ceux du demandeur et 3) des dommages effectifs ou possibles pour le demandeur[25].

[36]      S’agissant du premier élément[26], le juge Gonthier a renvoyé à l’affaire Oxford Pendaflex Canada Ltd. c. Korr Marketing Ltd. et autres[27], qui précisait que dans toute action en commercialisation trompeuse, le demandeur, pour avoir gain de cause, doit établir que son produit a acquis une notoriété propre. Il a signalé que les exigences de l’action en commercialisation trompeuse avaient légèrement évolué depuis et déclaré[28] :

Un fabricant doit donc éviter de créer, volontairement ou non, une confusion dans l’esprit du public par une présentation identique à celle d’un produit qui a acquis une notoriété propre en raison de sa présentation.

[37]      Il a rappelé que, dans les systèmes juridiques anglo-saxons, le premier intéressé est le concurrent lésé par l’acte déloyal de commercialisation trompeuse, mais que les litiges en matière de concurrence déloyale concernent l’intérêt public, précisément la protection des consommateurs[29]. Il a examiné le marché « [e]n dehors du domaine des produits pharmaceutiques »[30] et il a déclaré, après avoir cité Nadeau et Nadeau[31], que la confusion doit être évitée envers « quiconque a un rapport réel ou potentiel, proche ou éloigné avec le produit »[32]. Il a souligné que l’expression « consommateurs ultimes » était en voie de disparition dans la jurisprudence et que le mot « public » était privilégié de plus en plus.

[38]      Il a ensuite appliqué les principes en matière de commercialisation trompeuse au domaine pharmaceutique, formulant l’observation préliminaire suivante[33] :

Il n’est pas nécessaire d’insister sur les buts de l’action en passing-off dans ce domaine car ils sont essentiellement les mêmes que ceux que je viens d’examiner. En adaptant les principes énoncés aux cas comme celui qui intéresse cette Cour, cela amène à dire que des laboratoires concurrents doivent éviter de fabriquer et commercialiser des médicaments dont l’apparence est tellement similaire que cela sème la confusion dans l’esprit de la clientèle. [Non souligné dans l’original.]

[39]      Il a fait observer que les sociétés pharmaceutiques sont limitées dans le choix d’éléments caractéristiques pour la présentation de leurs produits. En effet, comme les pharmaciens achètent les produits en vrac et les délivrent au public dans des récipients standard, transparents et anonymes, la seule façon d’attirer l’attention des patients sur l’origine du produit réside dans les capsules ou les comprimés eux-mêmes. Comme les comprimés sont petits, peu d’inscriptions lisibles peuvent y être apposées. Il ne reste que la forme, la taille et la couleur des produits pour les distinguer. La taille et la forme des médicaments ne peuvent dépendre de la seule imagination puisqu’elles doivent correspondre à des exigences fonctionnelles dues à certaines réalités physiologiques, en particulier l’ingestion et la digestion. Quant aux couleurs, à cause notamment de la taille restreinte des produits, les combinaisons qui pourraient être originales ou caractéristiques sont également relativement limitées.

[40]      Le juge Gonthier a ensuite défini la clientèle visée par les produits pharmaceutiques[34]. L’action en commercialisation trompeuse vise de toute évidence à protéger les fabricants. Mais elle vise également, a-t-il dit, ceux qui « achètent » ou « consomment » les produits. « Comme le patient n’a pas d’accès direct au produit », a-t-il dit, « il est d’autant plus nécessaire qu’il puisse exercer une sorte de contrôle sur celui qu’on lui fournit »[35]. Il a noté que dans le domaine des médicaments délivrés par ordonnance, la première information qui parvient au patient lorsqu’on lui délivre le produit est son apparence.

[41]      Il a examiné la législation applicable, notamment la Loi de 1986 sur la réglementation des prix des médicaments délivrés sur ordonnance[36] et le Règlement de l’Ontario sur la réglementation des prix des médicaments[37], en notant que si le médecin, par exemple, indique simplement sur l’ordonnance le nom commercial « Lopresor », le pharmacien a le choix de donner un produit interchangeable. Toutefois, a-t-il dit, le patient peut exercer lui-même l’option, comme l’affirme le paragraphe 4(2) de la Loi de l’Ontario :

4. […]

(2) Si une ordonnance prescrit la préparation d’un produit de remplacement en particulier, le préposé à la préparation, sur demande de la personne pour qui le produit a été prescrit ou de celle qui présente l’ordonnance, prépare à sa place un autre produit qui est désigné comme pouvant le remplacer. [Soulignement ajouté par le juge Gonthier.]

[42]      La Loi de l’Ontario oblige d’ailleurs le pharmacien à avertir le consommateur, le patient, de la possibilité qu’il a de manifester sa volonté quant au produit qu’il souhaite obtenir. Le devoir d’information du pharmacien est rempli par l’exposition d’un avis visible à cet effet. Le juge Gonthier en a donc conclu que les patients avaient le choix. Ils avaient besoin, au même titre que les autres consommateurs, d’information et de protection. Il a ensuite déclaré[38] :

Ne pas l’inclure dans la clientèle visée par l’action en passing-off lui enlève, à mon avis, une partie de ses droits de citoyen. On le prive de moyens de se protéger lui-même en personne avertie. Dans le cadre des Travaux de l’association Henri Capitant sur la protection des consommateurs, le professeur Lilkoff dit :

La législation canadienne sur les aliments et drogues date depuis le 1er janvier 1875 mais ce n’est que depuis 1968 que le ministère de la Santé a voulu adopter un rôle plus ouvert pour la protection du consommateur. Cette loi est destinée à protéger le consommateur contre les produits dangereux pour la santé et contre la publicité trompeuse et la fraude dans l’emploi et la vente d’aliments, drogues, cosmétiques et d’instruments thérapeutiques.

(« Rapport sur la protection du consommateur en droit pénal canadien », dans Travaux de l’association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, t. 24, La protection des consommateurs (1975), 331, aux pp. 338 et 339.)

Quand la Loi actuelle (Loi sur les aliments et drogues) dit au par. 9(1) : « Il est interdit d’étiqueter, d’emballer, de traiter, de préparer ou de vendre une drogue—ou d’en faire la publicité—d’une manière fausse, trompeuse ou mensongère ou susceptible de créer une fausse impression quant à sa nature, sa valeur, sa quantité, sa composition, ses avantages ou sa sûreté » (je souligne) rien ne permet d’affirmer qu’elle s’adresse exclusivement aux professionnels de la santé.

[43]      Le juge Gonthier a fini par conclure que les patients/clients devaient être pris en compte avec les médecins, dentistes et pharmaciens. Il a statué dans l’ordonnance rendue par la Cour[39] :

[…] en ce qui concerne la commercialisation des médicaments délivrés sur ordonnance, un demandeur, dans une action en prétendue commercialisation trompeuse d’un médicament délivré sur ordonnance, doit établir que la conduite reprochée risque de semer la confusion dans l’esprit des médecins ou des pharmaciens, ou dans celui des patients clients, lorsqu’ils doivent choisir de prescrire, de délivrer ou de demander soit le produit du demandeur, soit celui du défendeur. [Non souligné dans l’original.]

[44]      La Cour suprême du Canada a en effet infirmé une décision antérieure de la Cour d’appel de l’Ontario dans Ayerst, McKenna & Harrison, Inc. v. Apotex Inc.[40], qui avait limité aux professionnels de la santé la clientèle visée par les médicaments délivrés sur ordonnance.

[45]      Sous le titre « (iv) Le domaine des médicaments délivrés sur ordonnance est un marché comme les autres », le juge Gonthier a déclaré[41] :

Comme je l’ai mentionné auparavant, un fabricant qui veut réussir dans une action en passing-off doit habituellement démontrer que son produit a acquis une notoriété propre auprès de la clientèle, du public et que le produit concurrent entraîne un risque de confusion dans l’esprit du public. Il n’y a aucune raison pour que l’approche soit autre lorsque le producteur ou le fabricant est un laboratoire pharmaceutique. Le milieu des produits pharmaceutiques délivrés sur ordonnance n’est pas si fondamentalement différent des autres sphères d’activités commerciales qu’il faille le soumettre à des règles spéciales. Les tribunaux n’ont aucune raison, en droit, de priver les laboratoires pharmaceutiques des moyens de preuve accessibles aux autres industries. [Non souligné dans l’original.]

[46]      Le juge Gonthier a cité la jurisprudence et la doctrine. La jurisprudence rapportée est importante en l’espèce parce que, dans chaque jugement, le résultat final a changé en fonction de la preuve présentée. Il a conclu sur le sujet[42] :

Que la présentation des médicaments soit associée à leur effet plutôt qu’à leur origine commerciale est une question de faits dont l’examen doit être laissé au juge des faits, comme cela se passe dans les autres domaines commerciaux. Cela ne signifie absolument pas, en droit, qu’il faille limiter la preuve aux médecins, pharmaciens et dentistes. [Non souligné dans l’original.]

[47]      À mon avis, l’arrêt Ciba-Geigy établit deux propositions. La première est que la clientèle visée ou l’univers pertinent dans le domaine pharmaceutique comprend le patient. Le juge Gonthier, toutefois, ne dit pas clairement si le « patient » s’entend seulement de la personne à qui l’on a prescrit un médicament d’ordonnance, qui l’achète, qui est appelée à consommer la capsule et qui se trouve alors en mesure de faire un choix selon la législation applicable. L’ordonnance prononcée à la fin des motifs semble indiquer que le juge Gonthier avait en tête ce premier sens, car il a utilisé des mots comme « patients/clients » et « demander ». Mais le juge Gonthier a déclaré ailleurs que le terme « patient » pouvait aussi s’entendre de « quiconque a un rapport réel ou potentiel, proche ou éloigné avec le produit »[43] et de toute personne que la Loi sur les aliments et drogues [L.R.C. (1985), ch. F-27] vise à protéger[44]. Il a fait allusion à cette catégorie plus large quand il a renvoyé à « Nadeau et Nadeau » dans le contexte général de l’action en commercialisation trompeuse et quand, parlant du domaine pharmaceutique en particulier, il a cité l’étude du professeur Lilkoff sur la protection des consommateurs.

[48]      La seconde proposition établie par l’arrêt Ciba-Geigy, c’est que les règles générales de l’action en commercialisation trompeuse s’appliquent au marché des médicaments délivrés sur ordonnance sans distinction ou exception. En d’autres termes, les similitudes de forme, de taille ou de couleur d’une capsule peuvent fonder une action en commercialisation trompeuse si les trois conditions nécessaires sont remplies. Mais l’arrêt Ciba-Geigy ne permet pas d’affirmer que les fabricants de produits pharmaceutiques ne peuvent pas, au départ, adopter la présentation de capsules déjà commercialisées[45]. Selon l’arrêt Ciba-Geigy, ils ne peuvent le faire dans le cas où le médicament délivré sur ordonnance a acquis un caractère distinctif et que la copie du médicament est susceptible de créer de la confusion.

[49]      Si le juge Gonthier a longuement exposé l’état de la situation dans le domaine pharmaceutique, je ne puis pour autant conclure, comme les appelantes le suggèrent, que la Cour suprême du Canada est d’avis que l’apparence d’un médicament délivré sur ordonnance constitue dans chaque cas un droit de marque de commerce. Une preuve pertinente doit le démontrer dans les circonstances de chaque espèce.

b)         L’application de l’arrêt Ciba-Geigy au jugement porté en appel

[50]      Le juge de première instance a souligné que l’arrêt Ciba-Geigy « revêt une importance capitale pour la présente espèce »[46]. Elle ne l’a pas écarté. La véritable question qui se pose maintenant est de savoir si elle l’a appliqué correctement. Je chercherai en premier lieu à trancher si elle a correctement défini la clientèle visée. Puis j’examinerai comment elle applique la décision Ciba-Geigy à l’action en commercialisation trompeuse.

i)          La clientèle visée

[51]      Le litige entre les parties porte sur l’inclusion ou l’exclusion des patients potentiels et du grand public de la clientèle visée par une action en commercialisation trompeuse de médicaments d’ordonnance. Les appelantes prétendent que le juge de première instance a commis une erreur dans la définition de la clientèle visée. Cette clientèle, soutiennent-elles, comprend les patients qui utilisent actuellement la fluoxétine. Elle inclut aussi, dans la catégorie des clients potentiels, les personnes qui ont souffert de dépression et qui ont consulté un médecin. Toutefois, selon elles, elle ne comprend pas le reste du public, contrairement au parti adopté par le juge de première instance.

[52]      Si la définition des appelantes du marché potentiel était correcte, elle entraînerait l’exclusion de cette partie du public qui aurait pu être exposée au battage publicitaire qui a accompagné la commercialisation du Prozac, qui pourrait être prédisposée à la dépression ou dont un membre de la famille ou un ami pourrait l’être, et qui pourrait penser devoir consulter un médecin sur son état de santé. Ce groupe peut raisonnablement être considéré parmi les clients potentiels de la fluoxétine en général, et du Prozac comme option. Il est vrai que ces personnes n’ont pas demandé un « choix ». Mais elles tombent potentiellement dans cette catégorie. Elles sont incontestablement aussi parmi les personnes que veut protéger la Loi sur les aliments et drogues à laquelle le juge Gonthier s’est référé.

[53]      Le juge de première instance a mentionné des statistiques indiquant « que quinze pour cent des Canadiens souffriront de dépression à un moment ou à un autre de leur vie. Bon nombre d’entre eux peuvent ne jamais faire appel à une aide médicale. Parmi ceux qui le feront, tous ne seront pas traités au moyen de médicaments délivrés sur ordonnance […] Une proportion de ceux qui recevront une ordonnance prendront un antidépresseur autre que la fluoxétine »[47]. Compte tenu de ces considérations et du volume de publicité que l’introduction sur le marché du Prozac a suscité, le juge de première instance avait certainement le loisir, vu les circonstances particulières de l’espèce, de conclure que ces conditions rendaient difficile, sinon impossible, la détermination des clients potentiels[48]. Il devenait en effet difficile de décider quelles personnes, parmi le grand public, étaient des clients potentiels. Le juge de première instance a toutefois pris soin d’étudier les résultats des études menées à la fois sur le grand public et sur des sous-groupes tels que « les personnes qui sont renseignées sur Prozac », « les personnes qui connaissent Prozac », « l’échantillon des anxieux » et « les personnes ayant prétendu avoir été en contact avec Prozac ». Au terme d’un examen de ces quatre études, elle a conclu[49] :

Dans l’ensemble, les résultats de l’enquête ne révèlent que très peu d’éléments prouvant que les gens associent les mêmes couleurs de capsule à une même source, très peu d’éléments prouvant qu’ils associent la marque Prozac aux couleurs réelles de la capsule de Prozac, et très peu d’éléments prouvant qu’ils associent les couleurs vert et jaune pâle de la capsule à la marque Prozac.

[54]      Par conséquent, que la clientèle visée soit une catégorie étroite, selon la position des appelantes, ou une catégorie plus large comprenant notamment les patients potentiels, n’importe pas en l’espèce. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle est arrivé le juge de première instance. Ses conclusions de fait ne comportent aucune « erreur manifeste et dominante »[50].

ii)         L’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce

[55]      En ce qui concerne l’apparence ou la présentation, les appelantes prétendent qu’elles ont donné à leurs capsules une présentation spécifique qui constitue un caractère distinctif de leurs marchandises et que leurs marchandises sont connues sur le marché et ont acquis une réputation en raison de ce caractère[51]. Elles affirment que les couleurs de leurs capsules, vert et crème, vert et gris pâle, étaient uniques sur le marché des antidépresseurs en 1989 (à l’exception du Lithane, qui est parfois présenté comme un complément au traitement de la dépression, et du Librium, qui est un anxiolytique)[52]. En adoptant les mêmes couleurs, disent-elles, les intimées ont créé une situation susceptible de causer de la confusion.

[56]      Le juge de première instance a conclu, en fait, que les appelantes n’avaient pas établi que l’apparence de la capsule avait acquis, sur le marché, la réputation requise à titre de caractère distinctif de leur produit[53]. Elle a statué qu’une grande partie des consommateurs qui ont déjà pris le produit des appelantes et qui font préparer une nouvelle ordonnance ou qui obtiennent le renouvellement d’une ordonnance existante associent l’apparence de la capsule avec la nature du médicament et non avec sa source ou son origine commerciale[54]. Elle a ajouté[55] :

La ressemblance entre les produits des défenderesses et ceux des demanderesses n’est pas susceptible de semer la confusion chez ces consommateurs.

[57]      Sa conclusion de fait n’appelle pas une intervention de la Cour.

iii)        « Important » risque de confusion

[58]      Les appelantes contestent également la conclusion du juge de première instance sur l’absence d’un « important risque de confusion », critère juridique qui n’est pas correct à leurs yeux. Elles soulignent à juste titre que le terme « important » ne figure pas à l’alinéa 7b) de la Loi. La jurisprudence en matière de commercialisation trompeuse, toutefois, exige une preuve de confusion qui excède le seuil minimal. Le juge de première instance a fondé ses affirmations « qu’une conclusion de possibilité de confusion doit s’appuyer sur une certaine preuve » et que « [l]e degré de possibilité de confusion qu’il faut établir pour étayer une action en commercialisation trompeuse varie selon les faits de chaque affaire » sur des interprétations correctes de la jurisprudence citée.

[59]      Il n’y a pas de formule magique pour décider du seuil à atteindre. Ainsi, la jurisprudence contient des expressions comme [traduction] « important risque de confusion »[56], [traduction] « pas de risque raisonnable de confusion »[57], « véritable risque de confusion »[58], « nombre important »[59] (de clients potentiels susceptibles d’être induits en erreur) et « pourcentage important »[60].

[60]      L’approche du juge de première instance est également confirmée par un extrait de la décision dans Roche Products Ltd. c. Berk Pharmaceuticals Ltd., [1973] R.P.C. 473, citée par la Cour suprême dans Ciba-Geigy[61] :

[…] Il faut tout d’abord établir qu’un nombre important de patients ont été amenés à associer le produit de la demanderesse, en raison de sa couleur, de sa forme, de sa taille, de son numéro, de sa cannelure sur un côté, et d’une inscription sur l’autre, à un fabricant ou à une source commerciale. [Souligné dans l’original.]

[61]      Il ressort clairement de la décision du juge de première instance qu’elle a correctement résolu la question de savoir si la preuve avait établi un risque de confusion dépassant le seuil minimal.

[62]      Je conclus que, dans l’ensemble, le juge de première instance a correctement interprété la loi et qu’il lui était loisible, en tant que juge du fait, de conclure que les appelantes n’avaient pas rempli les conditions exigées pour l’action en commercialisation trompeuse.

iv)        L’article 50 de la Loi sur les marques de commerce

[63]      Le juge de première instance a statué qu’aucun accord de licence entre Lilly U.S. et sa filiale canadienne Lilly Canada ne concédait à celle-ci le droit d’utiliser l’apparence de la capsule à titre de marque de commerce.

[64]      Comme j’arrive à la conclusion que les appelantes ne peuvent prétendre à aucun droit de marque sur la taille, la forme et la couleur de leurs capsules de Prozac, je n’ai pas à me prononcer sur l’interprétation correcte ou erronée de la loi par le juge de première instance, et en particulier du paragraphe 50(1). Cependant, vu l’importance de la question et comme le juge de première instance s’est prononcé sur ce point, je vais traiter la question.

[65]      Je ne souscris pas à la conclusion du juge de première instance. Je conclus que l’accord de 1991 passé entre Lilly U.S. et Lilly Canada et, s’il subsistait un doute, l’accord de 1995 ainsi que le paragraphe 50(1) de la Loi réfutent totalement l’argument des intimées que l’emploi par Lilly Canada des droits de marque allégués de Lilly U.S. n’était pas couvert par une licence et que la prétention des appelantes aurait dû être rejetée pour cette raison.

[66]      La déclaration exposait que Lilly U.S. était propriétaire des droits de marque de commerce sur l’apparence de la capsule. Or Lilly U.S. n’était pas une titulaire enregistrée de l’apparence de la capsule au Canada. Seule Lilly Canada vendait du Prozac au Canada.

[67]      Les avocats des appelantes prétendent que l’utilisation par Lilly Canada des droits de marque de commerce allégués de Lilly U.S. était faite en vertu de la licence concédée par l’accord de 1976, puis par l’accord de 1991 entre Lilly U.S. et Lilly Canada. De toute façon, disent-ils, toute faille potentielle avait été corrigée par la modification de novembre 1995 apportée à l’accord de 1991, interprétée à la lumière du paragraphe 50(1) de la Loi. L’accord de 1995 devait « confirmer » que Lilly Canada était et avait toujours été licenciée par Lilly pour utiliser la présentation, c’est-à-dire la couleur, la forme et la taille des produits de Lilly qui avaient été et étaient vendus au Canada par Lilly Canada.

[68]      À mon avis, on peut raisonnablement affirmer que l’accord de 1991, antérieur à l’adoption du paragraphe 50(1) de la Loi le 9 juin 1993[62], autorisait Lilly Canada par voie de licence à utiliser les droits de marque de commerce allégués sur les capsules de Prozac et que la « confirmation » de l’accord de 1995 n’était pas nécessaire.

[69]      Le premier attendu de cet accord définit le sens des termes [traduction] « produits de Lilly » :

[traduction] 1. Lilly affirme et certifie qu’elle a le droit exclusif d’octroyer des licences autorisant la licenciée à fabriquer, à faire fabriquer, à utiliser et à vendre certains produits, y compris le droit d’utiliser au Canada certains brevets, marques de commerce, formules, inventions, procédés, dessins ou autres données scientifiques ou techniques (brevetables ou non brevetables) se rapportant à ces produits et à leur préparation, fabrication, conditionnement et emballage, ces produits étant désignés aux présentes comme les « produits de Lilly », expression qui s’entend des produits qui seront vendus au Canada sous les marques de commerce, les noms de marque ou les autres désignations appartenant à Lilly ou utilisés par elle.

[70]      L’article premier de l’accord prévoit ensuite :

[traduction] Article 1.1 Sous réserve des conditions du présent accord, Lilly désigne Lilly Canada à titre de distributeur autorisé des produits de Lilly au Canada.

Article 1.2 Lilly accorde à Lilly Canada une sous-licence non exclusive (sans droit de concession d’autres sous-licences sauf autorisation écrite ultérieure de Lilly) en vertu des demandes de brevet et des brevets canadiens énumérés à l’annexe A ci-jointe (modifiée à l’occasion avec le consentement mutuel des parties) pour fabriquer, faire fabriquer, utiliser, vendre ou importer les produits de Lilly dont la préparation est visée par les demandes de brevet et les brevets.

Article 1.3 Lilly accorde aussi à Lilly Canada le droit et l’autorisation d’appliquer aux produits de Lilly les marques maison, marques de commerce, noms de marque et autres désignations des produits de Lilly établis par Lilly, énumérés à l’annexe B ci-jointe (modifiée à l’occasion avec le consentement mutuel des parties), lesquels ne seront appliqués qu’aux produits de Lilly vendus sous l’étiquette de Lilly ou de Lilly Canada. Les produits de Lilly vendus sous ces marques maison, marques de commerce, noms de marque et autres désignations seront conformes aux normes que Lilly peut établir à l’occasion pour les caractéristiques et la qualité des produits.

Article 1.4 Lilly divulguera à Lilly Canada tous les renseignements sur les produits de Lilly, et lui accordera une licence non exclusive l’autorisant à fabriquer, à faire fabriquer, à utiliser et à vendre des produits de Lilly aux fins de leur distribution au Canada. Ces renseignements comprendront des formules, des procédés, des dessins et d’autres données scientifiques et techniques, notamment la préparation, la fabrication et la composition des produits en formes pharmaceutiques, l’étiquetage et l’emballage des produits de Lilly, les dessins techniques et plans de fabrication, spécifications, diagrammes, instructions relatives à la construction et à l’exploitation des installations de production et toutes les autres données scientifiques et techniques que Lilly est autorisée à divulguer à leur sujet, lesquelles sont désignées […] [Non souligné dans l’original.]

[71]      Conformément au paragraphe 1.4 de l’article premier, Lilly U.S. s’engageait à divulguer à Lilly Canada des renseignements complets sur les produits de Lilly et à lui accorder une licence non exclusive en vue de vendre les produits de Lilly au Canada. Ces renseignements comprenaient non seulement le mode de préparation, de fabrication et de composition des produits en formes pharmaceutiques, mais aussi l’étiquetage et l’emballage de ces produits. À mes yeux, il n’y a pas lieu de limiter l’étiquetage et l’emballage aux flacons; ils doivent aussi comprendre la taille, la forme et la couleur spécifiques des capsules.

[72]      Dans le cas où pareille interprétation serait trop large, le paragraphe 50(1) règle définitivement la question.

[73]      L’article 50 prévoit en effet :

50. (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial—ou partie de ceux-ci—ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

(2) Pour l’application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire. [Je souligne.]

[74]      Le juge de première instance a déclaré[63] :

Il ne fait aucun doute que Lilly U.S. contrôlait l’emploi par Lilly Canada de l’apparence de la capsule et qu’elle avait enjoint cette dernière d’utiliser les capsules vert et crème et les capsules vert et gris. Lilly U.S. contrôlait aussi le produit de fluoxétine qui serait vendu dans ces capsules. Cette situation ne signifie pas, pour autant, que cette société avait enjoint d’utiliser l’apparence de la capsule comme marque de commerce. Par analogie, prenons le cas où une société mère enjoint à une filiale d’utiliser un certain type de contenant en carton, d’une certaine solidité et d’une certaine forme, pour l’expédition du produit. Même si la société mère exige de sa filiale d’utiliser ces contenants et lui donne des renseignements sur la façon de les fabriquer, cela ne signifie pas que la filiale utilise ce contenant comme marque de commerce.

[75]      Sa conclusion portant que « Lilly U.S. contrôlait l’emploi par Lilly Canada de l’apparence de la capsule et qu’elle avait enjoint cette dernière d’utiliser les capsules vert et crème et les capsules vert et gris » est cruciale pour l’application de l’article 50 de la Loi.

[76]      Le paragraphe 50(1) de la Loi doit s’interpréter à la lumière des dispositions antérieures relatives à l’usager inscrit. Ces dispositions exigeaient du licencié qu’il soit un usager inscrit si la marque de commerce était déposée. Elles sont entrées en vigueur le 1er juillet 1954[64] à la suite du Rapport de la Commission de révision de la Loi sur les marques de commerce présenté au Secrétaire d’État du Canada[65]. La Commission avait été nommée le 28 octobre 1947 pour réviser la Loi sur la concurrence déloyale, 1932 [S.C. 1932, ch. 38]. Elle a soumis un projet de loi qui a été ensuite adopté par le Parlement avec quelques modifications mineures[66].

[77]      Dans son Rapport, la Commission exposait les dispositions de la loi existante en matière de cession et de concession de licence de marques de commerce ainsi que les raisons des modifications qu’elle jugeait nécessaires. L’extrait suivant donne une idée de la situation que le projet de loi visait à réformer[67] :

28. Cession des droits visant les marques de commerce et autorisation de les employer

Les opinions qui nous ont été communiquées étaient presque unanimes à condamner le caractère restrictif de la loi actuellement en vigueur concernant la cession des droits visant les marques de commerce et l’autorisation de s’en servir. En vertu du principe classique de la loi concernant les marques de commerce, une marque de commerce est destinée à fournir à l’acheteur éventuel une idée de la provenance commerciale des marchandises. Tant qu’on s’en est tenu à ce principe, toute solution de continuité dans la voie indiquant l’origine des marchandises était censée invalider la marque de commerce. Ainsi, toute cession d’une marque de commerce sans l’achalandage de toute l’entreprise intéressée aux marchandises en liaison avec lesquelles la marque de commerce est employée et toute autorisation de s’en servir accordée à d’autres que le propriétaire de la marque de commerce rendaient la marque, aux yeux de la loi, non distinctive, donc invalide et utilisable par tout le monde. (Voir, par exemple, Bowden Wire Ltd. c. Bowden Brake Co. (1914); 31 R.P.C. 385; Pinto c. Badman (1891), 8 R.P.C. 181; In re Vulcan Trade Mark (1914), 22 D.L.R. 214, 15 Ex. C.R. 265; 24 D.L.R. 621, 51 S.C.R. 411; Robert Crean & Co. c. Dobbs & Co., [1930] 3 D.L.R. 22, S.C.R. 307).

Les tribunaux se sont efforcés d’atténuer la sévérité qui résultait de l’interprétation rigoureuse de cette règle. (Siegel Kahn Co. of Canada Ltd. c. Peggy Sage Inc., [1935], Ex. C.R. 1; Good Humor Corp. of America c. Good Humor Food Products Ltd. et al., [1937], 4 D.L.R. 145, Ex. C.R. 61; Magazine Repeating Razor Co. of Canada et al. c. Schick Shaver Ltd., [1939], 2 D.L.R. 17, Ex. C.R. 108; [1940], 3 D.L.R. 129, S.C.R. 465). La nécessité de transmettre les droits propres à une marque de commerce uniquement lorsqu’ils sont accompagnés de l’achalandage de l’entreprise en liaison avec les marchandises à l’égard desquelles la marque de commerce a été enregistrée, a pris force de loi en vertu du paragraphe (2) de l’article 44 de la Loi sur la concurrence déloyale, 1932. Mais on tend de plus en plus à abandonner la théorie d’après laquelle les marques de commerce doivent indiquer l’origine. On en est venu à reconnaître petit à petit que ce principe s’inspire du sens commun moins qu’on ne le croyait. Cela est manifeste lorsqu’on considère qu’une marque de commerce peut indiquer un fabricant à titre de personne distincte, l’endroit de fabrication, une certaine provenance naturelle, une certaine qualité, ou une formule secrète. Une marque de commerce n’indique pas uniquement, il s’en faut, la provenance et la propriété. L’évolution récente des pratiques commerciales a démontré que le public s’intéresse moins à la provenance qu’au maintien de la qualité, du genre et du type. Les règles qui valaient au temps où les relations commerciales étaient aussi simples qu’étroites révèlent maintenant nombre de lacunes et d’inconséquences lorsqu’il faut les adapter aux circonstances découlant de la pratique et de l’usage commercial d’aujourd’hui. La thèse d’après laquelle il faut indiquer l’origine ne tient plus lorsqu’une entreprise passe à un nouveau venu ou change de mains, du fait de la méthode moderne de transmission des valeurs. Il nous a donc semblé qu’il n’y avait aucune raison d’entraver la transmission ou l’emploi d’une marque de commerce par des règles ou des restrictions artificielles et désuètes. Ce qui nous confirme d’autant plus dans cet avis, c’est qu’un grand nombre de marques de commerce maintenant enregistrées au Canada perdraient nécessairement toute validité, dût-on les examiner à la lumière de son usage commercial. Nombre de filiales canadiennes de sociétés étrangères ont employé leurs marques de commerce de façon à les rendre invalides, même si elles n’ont aucunement trompé ni lésé le public acheteur. Ces faits nous ont portés à approfondir cet aspect du sujet. La thèse d’après laquelle les marques de commerce doivent être librement cédées d’après leur seule fonction, qui consiste à offrir une garantie de qualité plutôt qu’une indication de provenance est de plus en plus reconnue parmi les juristes non seulement de notre pays, mais surtout de l’Europe continentale. (Voir, par exemple, Martin-Achard, La Cession Libre de la Marque, Genève, 1946). Nous avons donc cru qu’il y avait lieu de sonder l’opinion publique sur ce point, ce qui nous a permis de constater la majorité écrasante de ceux qui appuient la suppression de ces restrictions artificielles et qui favorisent l’autorisation restreinte de marques de commerce. [Non souligné dans l’original.]

[78]      Les dispositions sur l’usager inscrit soulevaient aussi des difficultés[68]. La notion d’usager inscrit a été abolie le 9 juin 1993 et remplacée par le paragraphe 50(1).

[79]      Les appelantes fondent leur argumentation sur l’accord de 1991 et sur le caractère rétroactif du paragraphe 50(1) de la Loi, établi par les mots « et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux [l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque dans ce pays] du propriétaire ». Elles prétendent que la formulation expresse de l’article 50 de la Loi vise son caractère rétroactif de sorte que toute utilisation sous licence conforme à l’article 50, y compris une utilisation antérieure à l’adoption de la Loi, bénéficie au propriétaire de la marque de commerce. En outre, elles affirment que le juge de première instance a commis une erreur en ne reconnaissant pas que, même si l’accord de 1991 n’accordait pas spécifiquement une licence à l’égard de la marque de commerce, la directive d’utiliser la présentation du produit constituait une licence verbale. Elles s’appuient sur l’affaire TGI Friday’s of Minnesota, Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce)[69] où la Cour a statué que l’article 50, en plus d’être rétroactif, comprend une licence verbale d’utilisation de la marque.

[80]      Je n’accepte pas la conclusion du paragraphe suivant de la décision du juge de première instance[70] :

À l’origine, les droits liés aux marques de commerce ne pouvaient être transférés si l’achalandage de l’entreprise ne l’était pas lui aussi. On considérait qu’agir de la sorte aurait trompé le public quant à la source des marchandises et anéanti la marque de commerce. Cette situation a été modifiée en 1954, par l’inclusion des dispositions sur l’usager inscrit dans la Loi sur les marques de commerce. Le droit d’utiliser la marque de commerce d’un autre n’anéantissait pas les droits en question si cette utilisation était autorisée au moyen d’une licence attribuée par leur titulaire et si cette licence était enregistrée. Ce système présentait lui aussi des difficultés. Il arrivait que des licences soient accordées, mais que leur enregistrement soit négligé ou retardé. C’est dans ce contexte que l’article 50 a été adopté. Les dispositions déterminatives de celui-ci visent à corriger la situation lorsqu’une licence existe, mais n’a pas été enregistrée. Cette disposition n’assimile pas une utilisation antérieure à l’octroi d’une licence à une utilisation qui s’applique au profit du titulaire. [Non souligné dans l’original.]

[81]      Le juge de première instance n’a aucunement tenu compte de la directive d’utilisation de la présentation donnée par Lilly U.S. à Lilly Canada, et du contrôle gardé par Lilly U.S., élément qui était explicite dans l’accord de 1991 et fondamental pour l’effet rétroactif du paragraphe 50(1) de la Loi. De plus, le paragraphe 50(2) s’applique précisément à l’utilisation sous licence par PMS de la même présentation. Comme je l’ai mentionné précédemment, PMS a vendu les capsules des appelantes soutenue par les efforts de commercialisation de Lilly Canada auprès des médecins et des pharmaciens[71].

[82]      La position des intimées repose sur deux raisons que je ne puis accepter. Les intimées font valoir qu’il n’est fait mention nulle part dans l’accord de l’attribution d’un droit sur la forme, la taille et la couleur de la capsule de fluoxétine. Le paragraphe 1.3 de l’article premier de l’accord établit de manière claire, soutiennent elles, que seuls les éléments énumérés à l’annexe A ont été cédés. J’estime que cette interprétation de l’accord de 1991 est trop rigide. À titre de contrat, un accord doit refléter les intentions des parties. À l’époque où l’accord de 1991 a été conclu, les parties ne savaient pas que la loi pourrait un jour reconnaître à titre de marque de commerce la forme, la taille et la couleur d’une capsule de médicament. Cette notion a été introduite par l’arrêt de la Cour suprême du Canada Ciba-Geigy, le 29 octobre 1992. Cependant, les termes qu’elles utilisent peuvent raisonnablement recevoir l’interprétation que je leur ai donnée.

[83]      La seconde raison invoquée par les intimées est le jugement Robert Crean & Co., Ltd. v. Dobbs & Co.[72] Cette décision, mentionnée dans le Rapport de la Commission de révision de la Loi sur les marques de commerce, figure précisément parmi la jurisprudence que la législation de 1954 visait à renverser.

Conclusion

[84]      Ayant conclu qu’il était loisible au juge de première instance de rejeter l’action en commercialisation trompeuse, je suis d’avis de rejeter les appels et d’adjuger les dépens aux intimées.

Sexton, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

Sharlow, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.



[1]  Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1997), 73 C.P.R. (3d) 371 (C.F. 1re inst.) (Mme le juge Reed).

[2]  L.R.C. (1985), ch. T-13.

[3]  Supra, note 1, aux p. 415 et 416.

[4]  Ibid., aux p. 392 et 393.

[5]  Annexe commune, vol. IV, à la p. 446.

[6]  Supra, note 1, à la p. 393.

[7]  Ibid., à la p. 411.

[8]  Ibid., à la p. 395.

[9]  Ibid., à la p. 394.

[10]  Ibid., à la p. 395.

[11]  Ibid., à la p. 396.

[12]  Ibid., aux p. 397 à 399.

[13]  Ibid., à la p. 392.

[14]  Ibid., à la p. 382.

[15]  Ibid., à la p. 391.

[16]  Ibid., à la p. 392.

[17]  Ibid., à la p. 422.

[18]  Ibid., à la p. 423.

[19]  Ibid.

[20]  Ibid., à la p. 421.

[21]  [1992] 3 R.C.S. 120.

[22]  Ibid., à la p. 126.

[23]  Ibid., à la p. 128.

[24]  (1842) 6 Beav. 66; 49 E.R. 749, à la p. 752.

[25]  Supra, note 21, à la p. 132.

[26]  Ibid.

[27]  [1982] 1 R.C.S. 494.

[28]  Supra, note 21, à la p. 133.

[29]  Ibid., à la p. 136.

[30]  Ibid., à la p. 140 [non souligné dans l’original.]

[31]  Nadeau et Nadeau, Traité pratique de la responsabilité civile délictuelle (Montréal : Wilson& Lafleur, 1971).

[32]  Supra, note 21, à la p. 141.

[33]  Ibid., aux p. 141 et 142.

[34]  Non souligné dans l’original.

[35]  Supra, note 21, à la p. 147.

[36]  L.O. 1986, ch. 28.

[37]  Règl. de l’Ont. 690/86. Il faut noter que trois ans après l’arrêt Ayerst, McKenna & Harrison, Inc. v. Apotex Inc. (1983), 41 O.R. (2d) 366 (C.A.), la Loi de 1986 sur la réglementation des prix des médicaments délivrés sur ordonnance (Ontario) a pris effet et reconnu aux patients en dehors des hôpitaux le droit de demander un produit interchangeable.

[38]  Supra, note 21, aux p. 152 et 153.

[39]  Ibid., à la p. 157.

[40]  (1983), 41 O.R. (2d) 366 (C.A.).

[41]  Supra, note 21, à la p. 152.

[42]  Ibid., à la p. 156.

[43]  Ibid., à la p. 141.

[44]  Ibid., à la p. 153.

[45]  Hodkingson & Corby Ltd. v. Wards Mobility Services Ltd., [1995] F.S.R. 169 (Ch. D.).

[46]  Supra, note 1, à la p. 379.

[47]  Ibid., à la p. 393.

[48]  Ibid., à la p. 395.

[49]  Ibid., à la p. 399.

[50]  Stein et autres c. « Kathy K » et autres (Le navire), [1976] 2 R.C.S. 802, à la p. 808.

[51]  Voir Parke, Davis & Co. v. Empire Laboratories Ltd., [1964] R.C.S. 351; J.B. Williams Co. v. H. Bronnley & Co. (1909), 26 R.P.C. 765, à la p. 771.

[52]  Supra, note 1, à la p. 392.

[53]  Ibid., à la p. 422.

[54]  Ibid., à la p. 392.

[55]  Ibid., à la p. 423.

[56]  Caterpillar Tractor Co. v. Clark Equipment Co. (1980), 61 C.P.R. (2d) 92 (C.O.M.C.), à la p. 101.

[57]  Memorex Corp. v. Memotec Data Inc. (1989), 24 C.P.R. (3d) 264 (C.O.M.C.) aux p. 267, 270 et 271.

[58]  Lancôme Parfums et Beauté c. House of Devonshire (1991), 38 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.), aux p. 437 et 439; Mark’s Work Wearhouse Ltd. v. Governor & Co. of Adventurers of England Trading into Hudson’s Bay (1980), 15 C.P.R. (3d) 376 (B.R. Alb.), aux p. 379 et 380; Memorex Corp. c. Memotec Data Inc. (1989), 24 C.P.R. (3d) 264, (C.O.M.C.), aux p. 267 et 271; 487497 Ontario Ltd. et al. v. Heintzman (1989), 26 C.P.R. (3d) 369 (H.C. Ont.) aux p. 372 et 373.

[59]  Walt Disney Productions v. Fantasyland Hotel Inc. (1994), 56 C.P.R. (3d) 129 (B.R. Alb.) à la p. 204; R. T. Hughes, Hughes on Trade Marks, art. 77, à la p. 682; Walt Disney Productions v. Triple Five Corp. (1994), 53 C.P.R. (3d) 129 (C.A. Alb.), aux p. 142 à 144.

[60]  Sun Life Assurance Co. of Canada v. Sunlife Juice Co. (1988), 22 C.P.R. (3d) 244 (H.C. Ont.), à la p. 250.

[61]  Supra, note 21, à la p. 154.

[62]  L.C. 1993, ch. 15, art. 69, entré en vigueur le 9 juin 1993.

[63]  Supra, note 1, à la p. 417.

[64]  S.C. 1952-53, ch. 49, art. 57.

[65]  Canada. Commission de révision de la loi sur les marques de commerce. Rapport de la Commission de révision de la loi sur les marques de commerce, le 20 janvier 1953.

[66]  H. Fox, The Canadian Law of Trade-Marks and Unfair Competition, 3d ed. (Carswell : Toronto, 1972), à la p. 9.

[67]  Supra, note 65, aux p. 42 et 43.

[68]  Voir R. T. Hughes, Hughes on Trade Marks, édition à feuilles mobiles (Toronto, Butterworths), à la p. 570.

[69]  (1999), 241 N.R. 362 (C.A.F.).

[70]  Supra, note 1, à la p. 418.

[71]  Il me semble indiqué de renvoyer à l’observation de la Cour dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2000] A.C.F. no 1770 (C.A.F.) (QL), au par. 99 :

Peut-être est-il indiqué de faire remarquer qu’en l’espèce, la présumée titulaire de licence n’est pas la seule à ester en justice pour contrefaçon de brevet, la brevetée également s’adresse à la Cour comme codemanderesse et appuie la revendication de GWI. Il est difficile de concevoir ce qu’on pourrait demander de plus. Lorsque la brevetée et la personne se réclamant de celle-ci sont toutes deux parties à l’action, sont affiliées parce que toutes deux détenues par la même société mère et ont le même intérêt relativement au litige—la brevetée appuyant la demande de la personne se réclamant d’elle—il est surprenant, c’est le moins qu’on puisse dire, que des arguments techniques relatifs à la qualité pour agir soient avancés comme moyen de défense à une action en contrefaçon.

[72]  [1930] R.C.S. 307.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.