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[2001] 2 C.F. 608

A-514-99

2001 CAF 14

Lerric Investments Corp. (appelante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié : Lerric Investments Corp. c. Canada (C.A.)

Cour d’appel, juge en chef Richard et juges Rothstein et Malone, J.C.A.—Toronto, 1er février; Ottawa, 9 février 2001.

Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions — Déductions accordées aux petites entreprises — Une société de placement immobilier qui investit dans une coentreprise ou une autre forme d’entreprise en copropriété constitue-t-elle une « entreprise de placement désignée » ou une « entreprise exploitée activement » au sens des art. 125(7)a) et e)(i) de la LIR — On ne peut attribuer des fractions d’employés à plein temps d’entreprises en copropriété ou de coentreprises à une société exploitée en copropriété ou en coentreprise pour satisfaire à l’obligation d’avoir « plus de cinq employés à plein temps ».

Le contribuable détenait des participations dans huit complexes résidentiels, dont elle était propriétaire avec d’autres copropriétaires ou co-entrepreneurs. Le but principal de l’entreprise de l’appelante était de tirer un revenu de biens sous la forme de loyers. La seule question en litige est celle de savoir si l’entreprise de l’appelante est une « entreprise de placement désignée » au sens de l’alinéa 125(7)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Dans l’affirmative, l’entreprise de l’appelante ne répond pas à la définition d’« entreprise exploitée activement » à l’alinéa 125(7)a) et elle n’a pas droit à la déduction accordée aux petites entreprises par le paragraphe 125(1). Il s’agit de savoir si les employés d’une coentreprise ou d’une autre forme d’entreprise en copropriété dont une société déterminée est un des coentrepreneurs ou des copropriétaires sont visés par la disposition suivante du sous-alinéa 125(7)e)(i) : « emploie dans l’entreprise tout au long de l’année plus de cinq employés à plein temps ». Le concept d’entreprise de placement désignée a été introduit dans la loi dans le but d’établir qu’« activement » signifie vraiment activement et qu’il importe que les tribunaux tiennent bien compte de ce terme de la Loi. Cette nouvelle disposition législative avait donc pour objet de faire en sorte que l’entreprise d’une société investissant dans des biens locatifs ne soit pas considérée comme exploitée « activement » sans que l’activité de cette entreprise justifie l’emploi de plus de cinq employés à plein temps.

Le juge de la Cour de l’impôt a rejeté la méthode proposée par le Bulletin d’interprétation IT-73R5 au motif qu’attribuer des fractions d’employés à un co-entrepreneur ou copropriétaire débordait le cadre de la réalité. Le contribuable a interjeté appel de cette décision.

Arrêt : l’appel est rejeté.

La question qui se pose est celle de savoir si le sous-alinéa 125(7)e)(i) s’applique lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, l’entreprise est exploitée dans le cadre d’une coentreprise ou d’une autre forme de copropriété pour laquelle les employés travaillent au lieu de travailler directement pour la société. Les mots-clés sont « la société emploie ». Ils supposent une relation directe entre la société, en tant qu’employeur, et les employés en cause. On ne peut compter le même employé deux ou trois fois. Attribuer plus de cinq employés à une société simplement parce qu’elle détient une participation dans une entreprise en copropriété ou une coentreprise qui emploie plus de cinq employés, c’est faire fi du contexte dans lequel les mots « la société emploie » sont employés à l’alinéa 125(7)e). Le libellé de l’alinéa 125(7)e) ne permet pas non plus de retenir une formule de répartition fondée sur la participation que détient chaque propriétaire ou coentrepreneur. Ce sont les copropriétaires ou les coentrepreneurs conjointement, et non indépendamment, qui emploient les employés. Aucun des copropriétaires ou des coentrepreneurs ne peut prétendre qu’il emploie individuellement les employés ou une fraction des employés. Tout ce qu’ils peuvent affirmer c’est qu’ils sont responsables d’un pourcentage du salaire de chaque employé. Même si cette disposition est susceptible de mener à des résultats illogiques, la Cour est tenue d’interpréter la loi telle qu’elle est rédigée.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 125(1) (mod. par S.C. 1984, ch. 45, art. 40; 1988, ch. 55, art. 102), (7)a) (mod. par S.C. 1984, ch. 45, art. 40), e) (mod., idem).

JURISPRUDENCE

DÉCISION ÉCARTÉE :

Canada c. Hughes & Co. Holdings Ltd., [1994] 2 C.T.C. 170; (1994), 94 DTC 6511; 80 F.T.R. 243 (C.F. 1re inst.).

DOCTRINE

Canada. Ministère du Revenu national. Impôt. Bulletin d’interprétation, IT-73R5, 5 février 1997.

APPEL d’une décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt (Lerric Investments Corp. c. Canada (1999), 99 DTC 755) a rejeté l’appel interjeté par le contribuable de cotisations relatives à ses années d’imposition 1990, 1991 et 1992 dans lesquelles la déduction accordée aux petites entreprises par le paragraphe 125(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu lui avait été refusée. L’appel est rejeté.

ONT COMPARU :

Theodor Kerzner, c.r., pour l’appelante.

Marie-Thérèse Boris pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kerzner, Papazian, MacDermid, Toronto, pour l’appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Rothstein, J.C.A. : La Cour statue sur l’appel d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt par lequel le juge Bowman (maintenant juge en chef adjoint) a rejeté l’appel interjeté par l’appelante à l’égard de ses années d’imposition 1990, 1991 et 1992 [(1999), 99 DTC 755]. La seule question en litige est celle de savoir si l’entreprise de l’appelante est une « entreprise de placement désignée » au sens de l’alinéa 125(7)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (mod. par S.C. 1984, ch. 45, art. 40]. Dans l’affirmative, l’entreprise de l’appelante ne répond pas à la définition d’« entreprise exploitée activement » à l’alinéa 125(7)a) [mod., idem] et elle n’a pas droit à la déduction accordée aux petites entreprises par le paragraphe 125(1) [mod., idem; L.C. 1988, ch. 55, art. 102].

[2]        Voici le sous-alinéa 125(7)e)(i), dans sa rédaction en vigueur à l’époque en cause :

125. (7) […]

e) « entreprise de placement désignée » exploitée par une corporation dans une année d’imposition désigne une entreprise (autre qu’une entreprise exploitée par une caisse de crédit ou une entreprise de location de biens autres que des biens immobiliers) dont le but principal est de tirer un revenu de biens (notamment des intérêts, des dividendes, des loyers ou des redevances) à moins

(i) que la corporation n’emploie dans l’entreprise tout au long de l’année plus de cinq employés à plein temps, ou

LES FAITS

[3]        Je ne peux faire une meilleure narration des faits pertinents que celle que le juge de première instance a donnée dans son exposé concis que je reproduis ici [aux paragraphes 3 à 10] :

Il est admis que le but principal de l’entreprise de l’appelante était de tirer un revenu de biens sous la forme de loyers. Il s’agit uniquement de déterminer si l’appelante employait tout au long de chacune des trois années en question plus de cinq employés à plein temps.

L’appelante détenait des participations dans huit complexes résidentiels, dont elle était propriétaire avec d’autres copropriétaires ou co-entrepreneurs. Elle n’exploitait aucune de ces entreprises à titre d’associé d’une société de personnes.

Le tableau suivant indique le nombre d’employés à plein temps qui étaient employés à chacun des complexes par les coentreprises dans lesquelles l’appelante détenait une participation; il indique aussi le pourcentage de participation détenu par l’appelante :

Coentreprise

Nombre d’employés à plein temps

Pourcentage de participation

Sheridan Twins

4

16,67

The Diplomat Apartments

2

20,00

Humber Park Apartments

2

15,00

Lyon Manor

1

25,00

839 Roselawn

1

50,00

Ivory Towers

1

17,50

Hyland Park Apartments

1

15,00

Rhona Towers

3

20,00

Ce tableau s’applique à 1990. Pour 1991 et 1992, les pourcentages restent les mêmes, sauf que le complexe Humber Park Apartments avait trois employés en 1991 et quatre en 1992.

Si l’on applique le pourcentage de participation détenu dans chaque complexe au nombre d’employés à chaque complexe, il en résulte une attribution théorique, à la société Lerric, d’une partie d’employé à plein temps.

Pour 1990, le calcul fait par l’appelante se présente comme suit :

Coentreprise

Nombre d’employés à plein temps

Pourcentage de participation

Nombre attribué à Lerric

Sheridan Twins

4

16,67

0,67

The Diplomat Apartments

2

20,00

0,40

Humber Park Apartments

2

15,00

0,30

Lyon Manor

1

25,00

0,25

839 Roselawn

1

50,00

0,50

Ivory Towers

1

17,50

0,18

Hyland Park Apartments

1

15,00

0,15

Rhona Towers

3

20,00

0,60

Lerric

2

100,00

2,00

Nombre total d’employés

à plein temps

5,05

Pour 1991 et 1992, la proportion change légèrement, car le complexe Humber Park Apartments avait trois employés en 1991 et quatre en 1992. Ainsi, le nombre attribué à Lerric à l’égard de Humber Park pour ces deux années était de 0,45 et de 0,60 respectivement, soit une attribution totale passant à 5,20 et à 5,35.

Outre les employés travaillant aux divers complexes, deux employés travaillaient à plein temps pour l’appelante.

[4]        Devant la Cour de l’impôt, l’appelante a invoqué le paragraphe 16 du Bulletin d’interprétation, IT-73R5 :

16. Par exemple, lorsque deux sociétés exploitent une entreprise à titre d’associés à parts égales d’une société de personnes qui emploie plus de cinq employés à plein temps, on considère, pour l’application de l’alinéa a) de la définition d’« entreprise de placement déterminée » donnée au paragraphe 125(7), que chaque associé emploie plus de cinq employés à plein temps. Par contre, lorsque les sociétés exploitent l’entreprise dans le cadre d’une coentreprise ou d’une autre forme de copropriété, le nombre total d’employés à plein temps qui travaillent pour l’entreprise doit être réparti entre les différents copropriétaires de celle-ci au prorata de leurs pourcentages respectifs de participation à l’entreprise.

QUESTION EN LITIGE

[5]        Au vu des faits du présent appel, la question en litige est celle de savoir si les employés d’une coentreprise ou d’une autre forme d’entreprise en copropriété dont une société déterminée est un des coentrepreneurs ou des copropriétaires sont visés par la disposition suivante du sous-alinéa 125(7)e)(i) : « la corporation […] emploie dans l’entreprise tout au long de l’année plus de cinq employés à plein temps. »

MOTIFS DU JUGE DE PREMIÈRE INSTANCE

[6]        Le juge de première instance a reconnu qu’il était difficile de déterminer si la disposition en question s’applique au cas qui nous occupe et comment elle s’y applique. Il a par conséquent examiné l’économie de la loi. Aux paragraphes 23 et 24 de ses motifs, il expose l’objet et le but de la disposition en question. Je suis d’accord avec ses explications.

Il semble que le concept d’entreprise de placement désignée ait été une réaction à certaines décisions des tribunaux assimilant à une entreprise exploitée activement presque toute entreprise commerciale d’une société, si peu activement qu’elle ait été exploitée et même lorsqu’elle était exploitée à contrat par des entrepreneurs indépendants, qui n’étaient pas des employés (voir, par exemple : The Queen v. Cadboro Bay Holdings Ltd., 77 DTC 5115 (C.F. 1re inst.); The Queen v. Rockmore Investments Ltd., 76 DTC 6157; E.S.G. Holdings Limited v. The Queen, 76 DTC 6158; The Queen v. M.R.T. Investments Ltd., 76 DTC 6158).

Il en est résulté l’introduction du concept d’entreprise de placement désignée, dont le but était d’établir qu’«activement » signifiait vraiment activement et qu’il importait que les tribunaux tiennent bien compte de ce terme de la Loi. Cette nouvelle disposition législative avait donc pour objet de veiller à ce que l’entreprise d’une société investissant dans des biens locatifs ne soit pas considérée comme exploitée « activement » sans que l’activité de cette entreprise justifie l’emploi de plus de cinq employés à plein temps.

[7]        Le juge a ensuite conclu que l’appelante employait deux employés à plein temps et qu’elle partageait les frais relatifs à 15 autres. Il a rejeté la méthode proposée par le Bulletin d’interprétation, IT-73R5 pour la raison suivante [au paragraphe 26] :

Attribuer des fractions d’employés (0,15 à 0,67) à un co-entrepreneur ou copropriétaire m’apparaît comme débordant le cadre de la réalité, et je serais étonné que l’auteur du bulletin, qui qu’il soit, ait envisagé la situation qui nous intéresse ici.

[8]        Il a finalement conclu que chaque cas était un cas d’espèce et que les sociétés de placement immobilier qui investissent dans une coentreprise ou une autre forme d’entreprise en copropriété ne devaient pas toujours être exclues du sous-alinéa 125(7)e)(i). Il s’est toutefois dit d’avis qu’il était nécessaire de [paragraphe 27] « tirer la ligne là où le bon sens le dicte ». Il a rejeté l’appel de l’appelante.

ANALYSE

[9]        L’article 125 établit une distinction entre les entreprises actives et les entreprises inactives. Seules les premières sont admissibles à la déduction accordée aux petites entreprises. Normalement, une entreprise dont les revenus proviennent principalement de biens est considérée comme une entreprise inactive et n’est donc pas admissible à la déduction. Le sous-alinéa 125(7)e)(i) prévoit une exception à cette règle et permet à une société qui tire un revenu de biens de se prévaloir de la déduction accordée aux petites entreprises si cette société est suffisamment active. Son nombre d’employés est un des indices qui permet de mesurer son degré d’activité. Ainsi que le juge Bowman l’a expliqué, l’obligation pour la société d’employer plus de cinq employés à plein temps sert simplement de critère visant à s’assurer qu’une société est suffisamment active pour avoir droit à la déduction.

[10]      Pour reprendre la formule employée par le juge de première instance au paragraphe 16 de sa décision, la question fondamentale qui est posée au sous-alinéa 125(7)e)(i) est celle de savoir si une société est suffisamment active pour avoir plus de cinq employés. Toutefois, avant d’aborder la question du degré d’activité, il faut d’abord se demander quelles sont les personnes que la société emploie dans son entreprise.

[11]      Le sous-alinéa 125(7)e)(i) est clair lorsqu’il s’agit d’une société qui exploite sa propre entreprise. Si la société emploie dans son entreprise tout au long de l’année plus de cinq employés à plein temps, elle remplit la condition prévue au sous-alinéa 125(7)e)(i).

[12]      Toutefois, la question qui se pose en l’espèce est celle de savoir s’il est possible de considérer que le sous-alinéa 125(7)e)(i) s’applique si l’entreprise d’une société est exploitée par l’intermédiaire d’une entreprise en copropriété ou d’une coentreprise et si les employés travaillent pour l’entreprise en copropriété ou la coentreprise plutôt que de travailler directement pour la société.

[13]      Il y a deux méthodes qui permettent de considérer que la société emploie plus de cinq employés à plein temps au sens du sous-alinéa 125(7)e)(i). Suivant la première, comme une entreprise en copropriété ou une coentreprise n’est pas une entité juridique distincte et séparée de ses copropriétaires ou de ses coentrepreneurs, chaque employé peut être considéré comme l’employé de chaque copropriétaire ou de chaque coentrepreneur. En d’autres termes, cet argument implique que le même employé peut être un employé à plein temps de chaque copropriétaire ou coentrepreneur. Pour les années d’imposition en cause, ce raisonnement aurait eu pour effet d’attribuer entre 15 et 17 employés à plein temps à Lerric, selon l’année d’imposition considérée. Je ne crois pas que ce raisonnement soit compatible avec le libellé du sous-alinéa 125(7)e)(i), si on situe celui-ci dans son contexte.

[14]      Les mots-clés de la disposition en question sont « la société emploie ». À mon avis, compte tenu du contexte de l’alinéa 125(7)e), qui vise à mesurer le degré d’activité de l’entreprise, cette expression cruciale suppose une relation directe entre la société, en tant qu’employeur, et les employés en cause. Si une société emploie des employés à plein temps, je ne vois pas comment, dans le contexte de l’alinéa 125(7)e), le même employé qui fournit un service unique peut simultanément être employé à plein temps par un autre employeur auquel il fournit exactement le même service. Ce raisonnement suppose que l’on compte le même employé deux fois, trois fois et même plus. Attribuer plus de cinq employés à une société simplement parce qu’elle détient une participation dans une entreprise en copropriété ou une coentreprise qui emploie plus de cinq employés, c’est faire fi du contexte dans lequel les mots « la société emploie » sont employés à l’alinéa 125(7)e).

[15]      L’autre raisonnement qui permettrait de considérer individuellement des employés à plein temps comme les employés d’un copropriétaire ou d’un coentrepreneur est celui qu’on applique lorsque leur emploi est attribué à chaque copropriétaire ou coentrepreneur selon une formule de répartition fondée sur la participation que détient le propriétaire ou le coentrepreneur concerné. Pour les années d’imposition en cause, on attribuerait ainsi à Lerric entre 5,05 et 5,35 employés à plein temps, selon l’année d’imposition considérée.

[16]      Cette méthode de répartition ne souffre pas des même lacunes que la première méthode, suivant laquelle on compte deux fois ou plusieurs fois les même employés, de sorte que le même employé est considéré comme l’employé à temps plein de plusieurs employeurs. En outre, comme le juge de première instance l’a conclu, sur le plan mathématique, elle répond au critère numérique prévu au sous-alinéa 125(7)e)(i) (c.-à-d. présence de plus de cinq employés).

[17]      Je ne crois cependant pas que la méthode de la répartition soit envisagée par le sous-alinéa 125(7(e)(i). Ainsi que je l’ai déjà dit, cette disposition vise une société unique qui emploie plus de cinq employés à plein temps. Il n’y a rien dans cette disposition qui permette de penser que le législateur envisageait de permettre à des employeurs différents de se répartir ou de se partager le même employé.

[18]      Je ne suis pas convaincu du bien-fondé de l’opinion exprimée dans la décision Canada c. Hughes & Co. Holdings Ltd., [1994] 2 C.T.C. 170, au paragraphe 37, suivant laquelle l’obligation pour une société d’employer « plus de cinq employés à plein temps » signifie qu’elle doit avoir au moins six employés à plein temps et qu’elle ne satisfait pas à cette exigence si elle emploie cinq employés à plein temps et un employé à temps partiel. Il suffit que l’employeur emploie plus de cinq employés à temps plein. J’estime toutefois qu’une méthode suivant laquelle on attribue des fractions d’employés à plein temps d’entreprises en copropriété ou de coentreprises à une société exploitée en copropriété ou en coentreprise pour satisfaire à l’obligation d’avoir « plus de cinq employés à plein temps » reviendrait à interpoler dans le texte de la loi des mots que le législateur n’y a pas mis.

[19]      L’appelante, non sans raison, demande qui emploie les employés qui travaillent dans une entreprise en copropriété ou dans une coentreprise si ce n’est chacun des copropriétaires ou des coentrepreneurs. L’appelante estime que l’entreprise en copropriété ou la coentreprise n’est pas une entité juridique distincte et que, par conséquent, les employés doivent être employés par chacun des copropriétaires ou des coentrepreneurs.

[20]      La réponse du ministre—réponse que je dois accepter—est que ce sont les copropriétaires ou les coentrepreneurs conjointement, et non indépendamment, qui emploient les employés. Aucun des copropriétaires ou des coentrepreneurs ne peut prétendre qu’il emploie individuellement les employés ou une fraction des employés. Ils peuvent affirmer que, conformément au contrat de copropriété ou de coentreprise, ils sont responsables d’un pourcentage du salaire de chaque employé. Cet état de fait ne donne toutefois pas lieu à l’affectation de fractions d’employés ou à la réunion de ces fractions pour satisfaire au critère du nombre d’employés prévu au sous-alinéa 125(7)e)(i).

[21]      Le ministre affirme que cette disposition constitue un critère arbitraire de mesure du degré d’activité d’une entreprise et qui n’est peut-être adapté à tous les contextes qui donneraient légitimement droit à la déduction. Je suis forcé de donner raison au ministre sur ce point. Il n’est pas difficile d’interpréter des anomalies de telle manière que l’application ou la non-application du sous-alinéa 125(7)e)(i) à des entreprises en copropriété ou à des coentreprises mène à des résultats illogiques. Toutefois, le fait d’appliquer une règle arbitraire à des cas non prévus par la règle aura cet effet en raison même de ce caractère arbitraire. Quoi qu’il en soit, la Cour est tenue d’interpréter la loi telle qu’elle est rédigée.

[22]      L’appel sera rejeté avec dépens.

Le juge en chef Richard : Je suis du même avis.

Le juge Malone, J.C.A. : Je suis du même avis.

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