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     A-117-00

    2001 CAF 236

Barrie Public Utilities, Essex Public Utilities Commission, Guelph Hydro, Innisil Hydro, Leamington Public Utilities Commission, Markham Hydro Electric Commission, Mississauga Hydro Electric Commission, Niagara-On-The-Lake Hydro Electric Commission, The Hydro Electric Commission of North Bay, Oakville Hydro, Orillia Water, Light and Power, Perth Public Utilities Commission, Richmond Hill Hydro Electric Commission, Shelburne Hydro, Stoney Creek Hydro-Electric Commission, Stratford Public Utility Commission, Toronto Hydro-Electric Commission (autrefois Hydro Electric Commission of the City of North York and the Public Utilities Commission of the City of Scarborough), Waterloo North Hydro et Kitchener-Wilmot Hydro (appelantes)

c.

L'Association canadienne de télévision par câble (intimée)

et

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Saskatchewan Power Corporation et le Procureur général du Nouveau-Brunswick (intervenants)

Répertorié: Barrie Public Utilitiesc. Assoc. canadienne de télévision par câble (C.A.)

Cour d'appel, juges Desjardins, Rothstein et Sharlow, J.C.A.--Toronto, 13 et 14 juin; Ottawa, 13 juillet 2001.

Interprétation des lois -- L'art. 43(5) de la Loi sur les télécommunications permet au fournisseur de services au public, lorsqu'il ne peut avoir accès à la structure de soutènement d'une ligne de transmission construite sur une voie publique ou un autre lieu public, de demander au CRTC le droit d'y accéder -- Appel d'une ordonnance rendue par le CRTC accordant aux câblodistributeurs l'accès aux poteaux appartenant à des services publics d'électricité réglementés au palier provincial -- L'interprétation de l'expression «ligne de transmission» doit être justifiée sur le plan de la vraisemblance, de l'efficacité et de l'acceptabilité -- L'expression «ligne de transmission» peut avoir un sens général, ce qui comprend les lignes de transmission servant à la distribution de l'électricité, et un sens technique (lignes de haute tension transportant de l'électricité sur de grandes distances avec des pertes mineures) -- En général, il existe une présomption selon laquelle les mots ont un sens non technique à moins que le contexte n'exige le contraire -- Il faut donner une interprétation atténuée à l'art. 43(5) -- Le CRTC a donné une interprétation atténuée à l'expression «fournisseur de services au public» et à l'expression «ligne de transmission», selon ce qui est nécessaire afin d'assurer le respect des limites constitutionnelles et juridictionnelles de ses attributions -- Le CRTC n'a pas donné une interprétation atténuée uniforme aux mots en question -- Le Parlement est réputé ne pas vouloir adopter une interprétation atténuée souple lorsqu'il ne le dit pas expressément -- L'expression «fournisseur de services au public» se rapporte nécessairement au demandeur qui cherche à obtenir l'accès plutôt qu'à la personne assujettie à la compétence réglementaire du CRTC -- Étant donné que le Parlement doit avoir voulu que le sens de pareille expression ne soit pas limité, l'expression «ligne de transmission» doit s'entendre d'une ligne de transmission construite par des entreprises assujetties à la compétence du CRTC, à savoir les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution -- Cette interprétation est étayée par l'art. 43 dans son ensemble -- Le libellé similaire d'autres dispositions indique fortement que le Parlement songeait aux mêmes lignes de transmission, c'est-à-dire aux lignes de transmission d'une entreprise canadienne ou d'une entreprise de distribution -- La présomption à l'encontre de la redondance n'est pas convaincante -- L'argument selon lequel en employant, à l'art. 43(5), des mots différents de ceux qui sont employés ailleurs à l'égard des lignes de transmission, le Parlement voulait dire une chose différente ne tient pas compte du rapport existant entre l'art. 43(5) et le reste de l'art. 43 -- On laisse implicitement entendre, à moins que le contexte n'exige une interprétation contraire, que les lignes de transmission dont il est question dans une disposition subséquente du même article sont assorties d'une restriction similaire (présomption de cohérence) -- La présomption n'a pas été réfutée -- L'art. 43(5) ne devrait pas donner un sens entièrement nouveau à l'expression -- Le texte de l'art. 43(5) et le texte qui le suit après l'art. 43(4) montrent que le Parlement ne voulait probablement pas que l'accès aux structures de soutènement de lignes de transmission existantes soit une considération susceptible d'entraîner le refus du CRTC d'autoriser la construction -- Les objectifs d'une politique ne confèrent pas des pouvoirs qui ne sont pas prévus par les lois habilitantes -- L'historique législatif étaye cette interprétation.

Télécommunications -- Appel d'une décision rendue par le CRTC en vertu de l'art. 43(5) de la Loi sur les télécommunications accordant aux cablôdistributeurs l'accès aux poteaux appartenant à des services publics d'électricité réglementés au palier provincial conformément à un tarif annuel fixe par poteau -- L'art. 43(5) permet au fournisseur de services au public, lorsqu'il ne peut avoir accès à la structure de soutien d'une ligne de transmission construite sur une voie publique ou un autre lieu public, de demander au CRTC le droit d'y accéder -- Dans le contexte de l'art. 43(5) et de l'art. 43 dans son ensemble et compte tenu de l'historique législatif, l'expression «ligne de transmission» figurant à l'art. 43(5) se rapporte uniquement aux lignes de transmission de l'entreprise canadienne et de l'entreprise de distribution -- Les objectifs des politiques énoncés dans la Loi sur les télécommunications et dans la Loi sur la radiodiffusion ne sont mis en oeuvre que conformément aux pouvoirs conférés par ces lois -- Les politiques elles-mêmes ne confèrent pas la compétence voulue -- Il serait possible d'assurer l'efficience et d'éviter le dédoublement des infrastructures au moyen d'ententes ou au moyen de la réglementation par les commissions provinciales de services publics -- L'art. 43(5) ne confère pas au CRTC le pouvoir de réglementer l'accès et les conditions d'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission appartenant aux appelantes.

Droit administratif -- Appels prévus par la loi -- Appel d'une décision rendue par le CRTC en vertu de l'art. 43(5) de la Loi sur les télécommunications accordant aux câblodistributeurs l'accès aux poteaux appartenant à des services publics d'électricité réglementés au palier provincial conformément à un tarif annuel fixe par poteau -- Approche pragmatique et fonctionnelle adoptée à l'égard de la détermination de la norme de contrôle -- La question de savoir si l'expression «lignes de transmission» figurant à l'art. 43(5) se rapporte uniquement aux lignes de transmission de l'entreprise canadienne et de l'entreprise de distribution, comme à l'art. 43(2), (3) et (4), ou si elle comprend toutes les lignes de transmission est une question d'interprétation légale et une question de droit -- Elle met en cause l'étendue du pouvoir de réglementation du CRTC -- La détermination de cette question a une importance en tant que précédent -- Le Parlement ne voulait pas laisser la détermination de pareille question à l'appréciation exclusive du CRTC -- D'autres facteurs étayent cette conclusion: le droit d'appel reconnu par la loi sur autorisation, en ce qui concerne une question de droit, et la nature de la question, qui ne relève pas de l'expertise du CRTC -- La norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte.

Il s'agissait d'un appel d'une ordonnance rendue par le CRTC en vertu du paragraphe 43(5) de la Loi sur les télécommunications, accordant aux câblodistributeurs l'accès aux poteaux appartenant aux appelantes conformément à un tarif annuel fixe par poteau. Les appelantes sont des services publics d'électricité réglementés au palier provincial qui distribuent de l'électricité dans diverses municipalités de l'Ontario. Aux fins de l'exploitation de leur entreprise, les appelantes érigent et entretiennent des structures de soutènement, principalement des poteaux, qui servent à soutenir des câbles électriques aériens. Les membres de l'Association intimée fournissent des services de câblodistribution à plus de 7 millions de ménages. Le paragraphe 43(5) permet au fournisseur de services au public, lorsqu'il ne peut avoir accès à la structure de soutien d'une ligne de transmission construite sur une voie publique ou un autre lieu public, de demander au CRTC le droit d'y accéder. Le CRTC a statué que la «ligne de transmission», telle que cette expression est définie dans les dictionnaires ordinaires, comprend les lignes servant à la distribution de l'électricité. Le sens de l'expression n'a pas été limité, comme il l'a été à l'égard d'autres dispositions de l'article 43, à une ligne de transmission de l'entreprise canadienne (par définition, une entreprise de télécommunications comme une compagnie de téléphone) ou de l'entreprise de distribution (soit, dans ce cas-ci, l'entreprise d'un câblodistributeur). De l'avis du CRTC, l'historique législatif qui a mené à l'adoption du paragraphe 43(5) étayait l'idée selon laquelle la disposition devrait être interprétée d'une façon libérale de façon à inclure les structures de soutènement de tous les services publics, y compris celles des appelantes et des autres services publics d'électricité. Selon le CRTC, cette interprétation était étayée par les objectifs de la politique de télécommunication énoncés à l'article 7 de la Loi sur les télécommunications et par les objectifs de la politique de radiodiffusion énoncés à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion ainsi que par l'intérêt public général, comme les conséquences environnementales et esthétiques associées à un dédoublement inutile des infrastructures.

Il s'agissait de savoir si le paragraphe 43(5) confère au CRTC le pouvoir d'accorder aux entreprises de câblodistribution l'accès aux poteaux appartenant à des services publics d'électricité réglementés par la province.

Arrêt: l'appel doit être accueilli.

Le paragraphe 43(5) n'autorisait pas le CRTC à rendre la décision Télécom CRTC 99-13.

La détermination de la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision d'un tribunal administratif comporte l'application de l'approche pragmatique et fonctionnelle, selon laquelle il s'agit essentiellement de savoir si le législateur voulait que la question soulevée par la disposition relève de la décision exclusive du tribunal administratif. La question de savoir si l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) se rapporte uniquement aux lignes de transmission de l'entreprise canadienne et de l'entreprise de distribution ou à toutes les lignes de transmission, indépendamment de la question de savoir à qui elles appartiennent, est une question d'interprétation légale; il s'agit donc d'une question de droit. S'il est conclu que l'expression «ligne de transmission» comprend toutes les lignes de transmission, indépendamment de la question de savoir à qui elles appartiennent, cela permettrait au CRTC d'ordonner l'accès aux structures de soutènement des services d'électricité qui ne seraient pas par ailleurs assujettis à la compétence du Conseil. Étant donné que la décision en l'espèce met en cause l'étendue du pouvoir de réglementation du CRTC et qu'elle aura une importance en tant que précédent, on ne saurait croire que le Parlement ait voulu laisser la détermination de pareille question à l'appréciation exclusive du CRTC. Étant donné la question d'interprétation légale ici en cause, le droit d'appel reconnu par la loi sur autorisation en ce qui concerne une question de droit et la nature de la question, qui ne relève pas de l'expertise du CRTC, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer est celle de la décision correcte.

Les mots figurant au paragraphe 43(5) doivent être interprétés dans leur contexte de façon à arriver à une interprétation de l'expression «ligne de transmission» qui est justifiée sur le plan de la vraisemblance, de l'efficacité et de l'acceptabilité. Selon les appelantes, les services publics d'électricité reconnaissent la distinction à faire entre les lignes de transmission, qui sont des lignes de haute tension transportant de l'électricité sur de grandes distances avec des pertes mineures, et les lignes de distribution, qui transportent l'électricité d'une façon relativement peu efficace sur de courtes distances. Les structures de soutènement ici en cause sont les poteaux qui soutiennent ce que les services publics d'électricité appellent des «lignes de distribution» plutôt que des «lignes de transmission». L'expression «ligne de transmission», interprétée littéralement et isolément, peut avoir l'un ou l'autre sens. En général, lorsque des mots peuvent avoir soit un sens technique soit un sens non technique, la Cour présumera que c'est le sens non technique qu'il faut adopter à moins que le contexte n'exige le contraire.

Ni l'expression «fournisseur de services au public» ni l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) ne sont assorties de conditions. Étant donné que, de toute évidence, le paragraphe 43(5) ne confère pas au CRTC le pouvoir d'autoriser l'accès à des poteaux soutenant des lignes de transmission dès qu'un fournisseur demande l'accès à ces poteaux (ce qui excéderait la compétence fédérale et la compétence du CRTC), il faut donner une interprétation atténuée au paragraphe 43(5). Le CRTC a donné une interprétation atténuée à l'expression «fournisseur de services au public» et à l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) sur une base individualisée, selon ce qui est nécessaire afin d'assurer le respect des limites constitutionnelles et juridictionnelles de ses attributions. L'interprétation atténuée d'une disposition législative visant à assurer le respect des limites juridictionnelles constitue une stratégie acceptable, mais le CRTC n'a pas donné une interprétation atténuée uniforme aux mots en question. Il ne pourrait pas être conclu que cette interprétation atténuée souple, qui dépend des faits d'affaires individuelles, soit celle que le Parlement entendait adopter puisque celui-ci ne l'a pas expressément dit.

De plus, l'expression «fournisseur de services au public» figurant au paragraphe 43(5) se rapporte au demandeur qui cherche à obtenir l'accès plutôt qu'à la personne assujettie à la compétence réglementaire du CRTC, c'est-à-dire à la personne à l'encontre de laquelle l'ordonnance d'accès est rendue. Dans ce contexte, il n'y a pas lieu d'appliquer des restrictions juridictionnelles ou constitutionnelles à l'expression. Il est raisonnable de conclure que le Parlement voulait que le sens de l'expression «fournisseur de services au public» ne soit pas limité. Par conséquent, l'expression «ligne de transmission» doit s'entendre d'une ligne de transmission construite par des entreprises assujetties à la compétence du CRTC, à savoir les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution, et ne peut pas comprendre les lignes de transmission des appelants.

Cette interprétation est étayée par le contexte de l'article 43 dans son ensemble. Aux paragraphes 43(2), (3) et (4), les lignes de transmission en question sont clairement celles qui doivent être construites, entretenues ou exploitées par l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution sur une voie publique ou dans un autre lieu public. Le paragraphe 43(5) ne se rapporte pas à l'octroi aux entreprises canadiennes ou aux entreprises de distribution de l'autorisation de construire des lignes de transmission, mais plutôt à l'accès par des fournisseurs de services au public aux structures de soutènement de lignes de transmission déjà construites sur une voie publique ou dans un autre lieu public. Toutefois, la formule «ligne de transmission construite sur une voie publique ou un autre lieu public» figurant au paragraphe 43(5) ressemble remarquablement aux mots décrivant les lignes de transmission visées aux paragraphes 43(2), (3) et (4). La description similaire des lignes de transmission indique fortement que le Parlement songeait, en ce qui concerne toutes les dispositions en cause, aux mêmes lignes de transmission, c'est-à-dire aux lignes de transmission d'une entreprise canadienne ou d'une entreprise de distribution.

L'argument selon lequel l'accès à des lignes de transmission par les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution est déjà prévu et qu'il ne faut pas présumer que le Parlement a édicté une disposition redondante a été rejeté. En premier lieu, le paragraphe 43(5) autorise le CRTC à accorder l'accès aux structures de soutènement des entreprises de distribution, soit une chose sur laquelle le CRTC n'aurait pas compétence en l'absence du paragraphe 43(5). En second lieu, le paragraphe 43(5) prévoit expressément que le CRTC a compétence pour accorder l'accès aux structures de soutènement des entreprises canadiennes. Il n'était pas clair qu'en l'absence du paragraphe 43(5), le CRTC aurait eu pareil pouvoir.

L'intimée a affirmé qu'en employant, au paragraphe 43(5), des mots différents de ceux qui sont employés ailleurs à l'égard des lignes de transmission, le Parlement doit avoir voulu dire une chose différente. Cet argument ne tenait pas compte du rapport existant entre le paragraphe 43(5) et le reste de l'article 43. Lorsque, dans les dispositions antérieures, les lignes de transmission sont celles de l'entreprise canadienne ou de l'entreprise de distribution, on laisse implicitement entendre, à moins que le contexte n'exige une interprétation contraire, que les lignes de transmission dont il est question dans une disposition subséquente du même article sont assorties d'une restriction similaire. C'est ce qui est connu sous le nom de présomption de cohérence. Puisque les paragraphes 43(2), (3) et (4) traitent dans chaque cas des lignes de transmission construites par l'entreprise canadienne ou par l'entreprise de distribution sur une voie publique ou dans un autre lieu public, la mention au paragraphe 43(5) d'une ligne de transmission construite sur une voie publique ou dans un autre lieu public doit se rapporter à la même ligne de transmission. La présomption de cohérence n'a pas été réfutée. Enfin, si le Parlement avait voulu que le CRTC soit autorisé à permettre l'accès à toutes sortes de lignes de transmission, y compris celles des services publics d'électricité, il aurait probablement inséré dans la loi une disposition autonome en ce sens. Il ne se serait pas contenté d'ajouter un paragraphe à la fin d'un article qui traite exclusivement des lignes de transmission d'entreprises canadiennes et d'entreprises de distribution.

Le texte du paragraphe 43(5) et le texte qui le suit après le paragraphe 43(4) montrent que le Parlement ne voulait probablement pas que l'accès aux structures de soutènement de lignes de transmission existantes soit une considération susceptible d'entraîner le refus du CRTC d'autoriser la construction en vertu du paragraphe 43(4). Si c'était le cas, le paragraphe 43(5) n'exigerait pas la présentation d'une demande d'accès en vue de déclencher la compétence du CRTC. La loi prévoirait qu'en examinant une demande présentée par une entreprise canadienne ou par une entreprise de distribution aux fins de la construction en vertu du paragraphe 43(4), le CRTC pourrait soit rendre une ordonnance autorisant la construction soit veiller à éviter toute entrave abusive à la jouissance des lieux par le public en rendant une ordonnance selon laquelle l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution doit avoir accès aux structures de soutènement de lignes de transmission existantes.

Il n'appartient pas à la Cour d'approuver ou de condamner les objectifs d'une politique. Toutefois, le CRTC n'a pas un pouvoir absolu de mettre en oeuvre ces politiques. Le pouvoir du CRTC est établi en vertu des lois et d'autres textes législatifs pertinents et le CRTC ne peut mettre en oeuvre les objectifs des politiques énoncés dans ces lois que conformément aux pouvoirs et aux fonctions qui lui sont conférés en vertu de ces lois. Les politiques elles-mêmes ne confèrent pas la compétence voulue au CRTC et elles ne peuvent pas servir à fonder l'exercice d'un pouvoir qui n'a pas été conféré au CRTC par les lois. Le paragraphe 43(5) ne confère pas au CRTC le pouvoir d'autoriser l'accès aux structures de soutènement de toutes les lignes de transmission. Les politiques de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion doivent donc être mises en oeuvre par le CRTC compte tenu de cette restriction.

Il est possible d'assurer l'efficience et d'éviter le dédoublement des infrastructures sans que le CRTC possède la compétence voulue pour rendre des ordonnances d'accès aux lignes de transmission des services publics d'électricité soit au moyen d'ententes avec pareils services soit au moyen d'un accès réglementé par les commissions provinciales de services publics. Si les services publics d'électricité sont en mesure de permettre l'installation sur leurs structures de soutènement des lignes de transmission des entreprises canadiennes et s'il n'existe aucune raison d'ordre technique de ne pas le faire, il semble logique pour ces services publics de permettre pareil accès à un tarif qui leur est acceptable et que les entreprises estiment que cela est préférable à la construction de leurs propres structures de soutènement.

Enfin, l'historique législatif étayait la thèse selon laquelle, en réponse aux observations présentées par les provinces au sujet de la prolifération d'entreprises qui «creusent les routes» et afin de réglementer l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission entre les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution, le paragraphe 43(5) a été édicté de façon que l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission soit accordé entre les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution ainsi que par d'autres fournisseurs de services au public.

    lois et règlements

        Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe à la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), annexe II, no 5].

        Loi de 1998 sur la Commission de l'énergie de l'Ontario, qui constitue l'annexe B de la Loi de 1998 sur la concurrence dans le secteur de l'énergie, L.O. 1998, ch. 15, art. 70.

        Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, ch. N-17, art. 51.

        Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, art. 2(1) «entreprise de distribution», 3, 5(1).

        Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-22.

        Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, ch. R-2, art. 317.

        Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38, art. 7, 25 (mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 199), 27, 42, 43(1), (2), (3) (mod., idem, art. 204), (4),(5), 44, 47(a), 52(1), 64(1) (mod., idem, art. 206).

        Public Utilities Act, R.S.N. 1990, ch. P-47, art. 53.

        Public Utilities Board Act, R.S.A. 1980, ch. P-37, art. 88.

        Utilities Commission Act, R.S.B.C. 1996, ch. 473, art. 27.

    jurisprudence

        décisions appliquées:

        U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048; (1988), 35 Admin. L.R. 153; 95 N.R. 161; Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557; (1994), 114 D.L.R. (4th) 385; [1994] 7 W.W.R. 1; 92 B.C.L.R. (2d) 145; 22 Admin. L.R. (2d) 1; 14 B.L.R. (2d) 217; 4 C.C.L.S. 117; Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; (1997), 144 D.L.R. (4th) 1; 50 Admin. L.R. (2d) 199; 71 C.P.R. (3d) 417; 209 N.R. 20; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; (1998), 160 D.L.R. (4th) 193; 11 Admin. L.R. (3d) 1; 43 Imm. L.R. (2d) 117; 226 N.R. 201; motifs modifiés [1998] 1 R.C.S. 1222; (1998), 11 Admin. L.R. (3d) 130; Thomson c. Canada (Sous-ministre de l'Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385; (1992), 89 D.L.R. (4th) 218; 3 Admin. L.R. (2d) 242; 133 N.R. 345.

        décisions citées:

        Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos c. Ontario (Commission des valeurs mobilières) (2001), 199 D.L.R. (4th) 577 (C.S.C.); Canada (Sous-ministre du Revenu national-- M.R.N.) c. Mattel Canada Inc. (2001), 199 D.L.R. (4th) 598 (C.S.C.); British Columbia Telephone Co. c. Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd., [1995] 2 R.C.S. 739; (1995), 125 D.L.R. (4th) 443; 31 Admin. L.R. (2d) 169; 183 N.R. 184; Transvision (Magog) Inc. c. Bell Canada, [1975] C.T.C. 463.

    doctrine

        Canada. Chambre des communes. Sous-comité sur le projet de loi C-62 (télécommunications). Procès-verbaux et témoignages du Sous-comité sur le projet de loi C-62 du Comité permanent des communications et de la culture. Ottawa. Le Sous-comité, 1993.

        Canada. Comité sur la convergence des réseaux locaux. Convergence -- Concurrence et coopération. Politiques et règlementation concernant les réseaux locaux du téléphone et de la câblodistribution. Rapports des coprésidents du Comité sur la convergence des réseaux locaux. Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1992.

        Sullivan, Ruth. Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., Toronto, Butterworths, 1994.

APPEL d'une ordonnance du CRTC rendue en vertu de l'art. 43(5) de la Loi sur les télécommunications accordant aux câblodistributeurs l'accès aux poteaux appartenant à des services publics d'électricité réglementés au palier provincial conformément à un tarif annuel fixe par poteau (ACTC c. MEA et al., Décision Télécom CRTC 99-13). Appel accueilli pour le motif que le CRTC a excédé la compétence qui lui est conférée par le paragraphe 43(5).

    ont comparu:

    Alan H. Mark et Peter D. Ruby pour les appelantes.

    Thomas G. Heintzman, Susan L. Gratton et Sally P. Bryant pour l'intimée.

    C. Gabriel Bourgeois et Gaétan Migneault pour le procureur général du Nouveau-Brunswick, intervenant.

    Robert G. Richards, c.r. pour la Saskatchewan Power Corporation, intervenante.

    William A. Howard et C. Pinsky pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, intervenant.

    Peter M. Southey pour le procureur général du Canada.

    avocats inscrits au dossier:

    Goodman Phillips & Vineberg, Toronto, pour les appelantes.

    McCarthy Tétrault, Toronto, pour l'intimée.

    Le procureur général du Nouveau-Brunswick, Fredericton, pour le procureur général du Nouveau-Brunswick, intervenant.

    MacPherson Leslie & Tyerman, Regina, pour la Saskatchewan Power Corporation, intervenante.

    Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Hull (Québec), pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, intervenant.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Rothstein, J.C.A.:

INTRODUCTION

[1]Les appelantes sont des services publics d'électricité réglementés au palier provincial en Ontario. Elles interjettent appel contre la décision Télécom CRTC 99-13 [ACTC c. MEA et al.], qui est une ordonnance en date du 28 septembre 1999 rendue par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) en vertu du paragraphe 43(5) de la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38. L'ordonnance accorde aux câblodistributeurs l'accès aux poteaux appartenant aux appelantes au tarif annuel de 15,89 $ par poteau. L'autorisation d'appel a été accordée par la présente Cour en vertu du paragraphe 64(1) [mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 206] de la Loi sur les télécommunications.

LES POINTS LITIGIEUX

[2]Dans cet appel, les appelantes soulèvent les questions suivantes:

1. Le paragraphe 43(5) de la Loi sur les télécommunications confère-t-il au CRTC le pouvoir d'accorder aux entreprises de câblodistribution l'accès aux poteaux appartenant à des services publics d'électricité réglementés par la province?

2. Dans l'affirmative, le paragraphe 43(5) est-il constitutionnel en ce sens qu'il relève de la compétence législative du Parlement canadien?

3. Dans l'affirmative, le CRTC disposait-il d'éléments de preuve justifiant le tarif de 15,89 $?

[3]Étant donné que j'ai conclu que le paragraphe 43(5) n'autorisait pas le CRTC à rendre la décision Télécom CRTC 99-13, il ne sera pas nécessaire d'examiner les deuxième et troisième questions.

LES FAITS

[4]Pendant la période pertinente, les appelantes étaient des services publics qui distribuaient de l'électricité dans certaines municipalités de l'Ontario. Aux fins de l'exploitation de leur entreprise, les appelantes érigent et entretiennent des structures de soutènement, principalement des poteaux, qui servent à soutenir des câbles électriques aériens. Il n'est pas contesté que les appelantes sont assujetties à la compétence législative de l'Ontario.

[5]Les membres de l'Association canadienne de télévision par câble fournissent des services de câblodistribution à plus de 7 millions de ménages au Canada. Devant le CRTC, l'Association représentait Cablenet (une division de Cogeco Cable Inc.), Pierre Juneau (en sa qualité de fiduciaire de 3305911 Canada Inc. à l'égard de certaines entreprises de câblodistribution qui devaient être vendues par Rogers Cable Systems Ltd.), Rogers Cable Systems Limited et ses filiales, et Shaw Cable Systems Ltd. et ses filiales.

[6]Pendant de nombreuses années, les entreprises de câblodistribution et les services publics d'électricité ont conclu des ententes qui prévoyaient que les entreprises de câblodistribution auraient accès aux poteaux des services publics afin d'installer leurs lignes de transmission. Pareil accès permettait aux entreprises de câblodistribution de fournir leurs services sans ériger leurs propres structures de soutènement.

[7]Les ententes les plus récentes ont expiré le 31 décembre 1996 ou vers cette date. Les négociations n'ont pas permis de conclure de nouvelles ententes et, par conséquent, l'Association canadienne de télévision par câble a demandé au CRTC de rendre une ordonnance permettant l'accès aux poteaux des appelantes conformément à un tarif fixé par le CRTC.

[8]La demande a abouti à la décision Télécom CRTC 99-13, accordant aux entreprises de câblodistribution l'accès aux poteaux des appelantes au tarif annuel de 15,89 $. Cette décision fait l'objet du présent appel.

L'ARTICLE 43 DE LA LOI SUR LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

[9]L'article 43 [mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 204] de la Loi sur les télécommunications prévoit ce qui suit:

43. (1) Au présent article et à l'article 44, «entreprise de distribution» s'entend au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4) et de l'article 44, l'entreprise canadienne et l'entreprise de distribution ont accès à toute voie publique ou tout autre lieu public pour la construction, l'exploitation ou l'entretien de leurs lignes de transmission, et peuvent y procéder à des travaux, notamment de creusage, et y demeurer pour la durée nécessaire à ces fins; elles doivent cependant dans tous les cas veiller à éviter toute entrave abusive à la jouissance des lieux par le public.

(3) Il est interdit à l'entreprise canadienne et à l'entreprise de distribution de construire des lignes de transmission sur une voie publique ou dans tout autre lieu public--ou au-dessus, au-dessous ou aux abords de ceux-ci--sans l'agrément de l'administration municipale ou autre administration publique compétente.

(4) Dans le cas où l'administration leur refuse l'agrément ou leur impose des conditions qui leur sont inacceptables, l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution peuvent demander au Conseil l'autorisation de construire les lignes projetées; celui-ci peut, compte tenu de la jouissance que d'autres ont des lieux, assortir l'autorisation des conditions qu'il juge indiquées.

(5) Lorsqu'il ne peut, à des conditions qui lui sont acceptables, avoir accès à la structure de soutien d'une ligne de transmission construite sur une voie publique ou un autre lieu public, le fournisseur de services au public peut demander au Conseil le droit d'y accéder en vue de la fourniture de ces services; le Conseil peut assortir l'autorisation des conditions qu'il juge indiquées.

LA DÉCISION DU CRTC

[10]En rendant la décision Télécom CRTC 99-13, le CRTC s'est fondé sur le paragraphe 43(5) de la Loi sur les télécommunications. En interprétant le paragraphe 43(5), le CRTC considérait qu'un mot ou une expression doit être interprété selon son sens ordinaire ainsi que selon le contexte de la Loi. Le CRTC a conclu que la «ligne de transmission», telle que cette expression est définie dans les dictionnaires ordinaires, comprenait les lignes servant à la distribution de l'électricité. Le sens de l'expression n'a pas été limité, comme il l'a été à l'égard d'autres dispositions de l'article 43, à une ligne de transmission de l'entreprise canadienne (par définition, une entreprise de télécommunications comme une compagnie de téléphone) ou de l'entreprise de distribution (soit, dans ce cas-ci, l'entreprise d'un câblodistributeur).

[11]De l'avis du CRTC, l'historique législatif qui a mené à l'adoption du paragraphe 43(5) étaye l'idée selon laquelle la disposition devrait être interprétée d'une façon libérale de façon à inclure les structures de soutènement de tous les services publics, y compris celles des appelantes et des autres services publics d'électricité. Selon le CRTC, cette interprétation du paragraphe 43(5) est en outre étayée par les objectifs de la politique de télécommunication énoncés à l'article 7 de la Loi sur les télécommunications et par les objectifs de la politique de radiodiffusion énoncés à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11 ainsi que par l'intérêt public général, comme les conséquences environnementales et esthétiques négatives associées à un dédoublement inutile des infrastructures.

ANALYSE

Norme de contrôle

[12]La détermination de la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision d'un tribunal administratif comporte l'application de l'approche pragmatique et fonctionnelle qui a initialement été adoptée par la Cour suprême du Canada dans la décision U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, et qui a été précisée dans les arrêts Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557; et Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748. La jurisprudence récente de la Cour suprême a été résumée par M. le juge Bastarache dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. L'enquête est axée sur la disposition particulière qui est interprétée par le tribunal; il s'agit essentiellement de savoir si le législateur voulait que la question soulevée par la disposition relève de la décision exclusive du tribunal administratif. (Voir Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos c. Ontario (Commission des valeurs mobilières) (2001), 199 D.L.R. (4th) 577 (C.S.C.), au paragraphe 47; et Canada (Sous-ministre du Revenu national--M.R.N.) c. Mattel Canada Inc. (2001), 199 D.L.R. (4th) 598 (C.S.C.), au paragraphe 24).

[13]Compte tenu de ces arrêts, il faut examiner la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à l'égard de l'interprétation donnée par le CRTC au paragraphe 43(5), soit, comme je l'ai dit, l'unique question à examiner dans le présent appel. La question de savoir si l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) se rapporte uniquement aux lignes de transmission de l'entreprise canadienne et de l'entreprise de distribution, ou à toutes les lignes de transmission, indépendamment de la question de savoir à qui elles appartiennent, est une question d'interprétation légale; il s'agit donc d'une question de droit. Elle met en cause l'étendue du pouvoir de réglementation du CRTC. S'il est conclu que l'expression «ligne de transmission» comprend toutes les lignes de transmission, indépendamment de la question de savoir à qui elles appartiennent, le pouvoir de réglementation du CRTC, lorsqu'il s'agit de rendre une ordonnance d'accès, ne sera pas limité, selon la loi, au fait d'ordonner l'accès aux structures de soutènement des entreprises canadiennes et des entreprises de distribution, mais s'étendra aux lignes de transmission des services publics d'électricité et d'autres entreprises qui ne seraient pas par ailleurs assujettis à la compétence du CRTC. La détermination de cette question aura une importance en tant que précédent; son effet ne sera pas limité aux appelantes. Compte tenu de cette considération, je ne crois pas que le Parlement ait voulu laisser la détermination de pareille question à l'appréciation exclusive du CRTC.

[14]Toutefois, étant donné qu'aucun facteur individuel de l'analyse pragmatique et fonctionnelle n'est en soi déterminant, lorsqu'il s'agit de savoir quelle norme de contrôle il convient d'appliquer (voir Mattel, précité, au paragraphe 24), il faut examiner les autres facteurs pertinents. Les conclusions de fait tirées par le CRTC font l'objet d'une clause privative (paragraphe 52(1) de la Loi sur les télécommunications), mais il existe un droit d'appel reconnu par la loi, si l'autorisation est accordée, sur des questions de droit ou de compétence (paragraphe 64(1) de la Loi sur les télécommunications). Toutefois, même s'il existe un droit d'appel reconnu par la loi, il faut faire preuve de retenue lorsque la question de droit relève carrément de l'expertise du tribunal (voir Mattel, précité, au paragraphe 27).

[15]Je reconnais que le CRTC a l'expertise voulue à l'égard des télécommunications et de la radiodiffusion et qu'en ce qui concerne les questions techniques relevant de cette expertise, le CRTC est peut-être mieux placé que la Cour pour interpréter des lois techniques. Toutefois, rien n'indique que l'expertise du CRTC se rapporte à la détermination de la question ici en cause.

[16]Il n'est pas nécessaire de poursuivre l'analyse. Étant donné la question d'interprétation législative ici en cause, le droit d'appel reconnu par la loi sur autorisation en ce qui concerne une question de droit, et la nature de la question, qui ne relève pas de l'expertise du CRTC, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer est celle de la décision correcte.

L'approche à adopter à l'égard de l'interprétation du paragraphe 43(5)

[17]La question de l'interprétation législative se pose parce que le paragraphe 43(5) ne précise pas si l'expression «ligne de transmission» se rapporte uniquement aux lignes des entreprises canadiennes et des entreprises de distribution ou, comme le CRTC l'a conclu, si elle comprend les lignes de transmission des appelantes.

[18]Pour répondre à la question, l'analyse doit être axée sur les mots figurant au paragraphe 43(5), interprétés dans leur contexte. L'analyse vise à arriver à une interprétation de l'expression «ligne de transmission» qui est justifiée sur le plan de la vraisemblance, de l'efficacité et de l'acceptabilité (voir Ruth Sullivan, éd., Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd. (Toronto: Butterworths, 1994), à la page 131).

Le sens littéral des mots

[19]Le sens de l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) a fait l'objet de débats considérables devant le CRTC et dans le présent appel. Selon les appelantes, les services publics d'électricité reconnaissent la distinction à faire entre les lignes de transmission, qui sont des lignes de haute tension transportant de l'électricité sur de grandes distances avec des pertes mineures, et les lignes de distribution, qui transportent l'électricité d'une façon relativement peu efficace sur de courtes distances. Les structures de soutènement ici en cause sont les poteaux qui soutiennent ce que les services publics d'électricité appellent des «lignes de distribution» plutôt que des «lignes de transmission». Cela étant, les appelantes affirment que le paragraphe 43(5) ne peut pas être interprété comme s'appliquant à leurs lignes de distribution. Compte tenu des définitions lexicographiques, le CRTC a conclu que le sens ordinaire de l'expression «ligne de transmission» comprend les lignes de transmission servant à la distribution de l'énergie électrique.

[20]Je souscris à l'avis selon lequel l'expression «ligne de transmission», interprétée littéralement et isolément, peut avoir soit le sens général adopté par le CRTC, soit le sens technique proposé par les appelantes. En général, lorsque des mots peuvent avoir soit un sens technique soit un sens non technique, la Cour présumera que c'est le sens non technique qu'il faut adopter à moins que le contexte n'exige le contraire (Driedger, précité, à la page 17). Pour les raisons qui sont ci-dessous énoncées, mon analyse du contexte législatif m'amène à conclure qu'en employant les mots «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5), le Parlement ne voulait pas parler des lignes qui transportent l'électricité, et notamment des lignes que les services publics d'électricité ici en cause appelleraient des «lignes de distribution».

L'expression «ligne de transmission» dans le contexte du paragraphe 43(5)

[21]Le paragraphe 43(5) autorise le CRTC à autoriser, aux conditions qu'il juge indiquées, l'accès aux structures de soutènement de lignes de transmission construites sur une voie publique ou dans un autre lieu public au fournisseur de services au public qui ne peut pas, à des conditions qui lui sont acceptables, avoir accès aux structures de soutien. Ni l'expression «fournisseur de services au public» ni l'expression «ligne de transmission» ne sont assorties de conditions. S'il est interprété littéralement, le paragraphe 43(5) pourrait être interprété comme conférant au CRTC la compétence voulue pour accorder à tous les fournisseurs de services au public l'accès aux structures de soutènement de toutes les lignes de transmission, et ce, peu importe qu'elles fassent partie d'une entreprise relevant de la compétence fédérale ou d'une entreprise relevant de la compétence provinciale. Pareille interprétation donnerait à entendre que le Parlement voulait conférer la compétence voulue au CRTC, non seulement indépendamment de la compétence législative conférée au Parlement en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]], mais aussi indépendamment du mandat que possède le CRTC en vue de réglementer les télécommunications et la radiodiffusion en vertu de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-22. De toute évidence, cela ne pouvait pas être l'intention du Parlement.

[22]Le CRTC a reconnu le problème; il a donc interprété le paragraphe 43(5) de façon qu'il s'applique uniquement aux circonstances relevant de la compétence fédérale et du CRTC. Au paragraphe 92 de ses motifs, le CRTC a conclu que le paragraphe 43(5) «s'applique quand le requérant, l'intimé ou les deux sont des entreprises fédérales au sens de la Loi sur les télécommunications ou de la Loi sur la radiodiffusion». Les «entreprises fédérales» en question sont les entreprises canadiennes (comme les compagnies de téléphone) et les entreprises de distribution (comme les entreprises de câblodistribution). Par conséquent, selon le CRTC, le paragraphe 43(5) s'applique lorsqu'une compagnie de téléphone ou une entreprise de câblodistribution cherche à obtenir l'accès à des poteaux érigés par une compagnie de téléphone ou par une entreprise de câblodistribution. Il s'appliquerait également lorsqu'une compagnie de téléphone ou une entreprise de câblodistribution cherche à obtenir l'accès à des poteaux érigés par un service public d'électricité réglementé par la province, ou lorsqu'un service public d'électricité cherche à obtenir l'accès à des poteaux érigés par une compagnie de téléphone ou par une entreprise de câblodistribution. Il ne s'appliquerait pas lorsqu'un service public d'électricité cherche à obtenir l'accès à des poteaux érigés par un autre service public d'électricité ou dans tout autre cas où ni l'une ni l'autre partie ne sont une compagnie de téléphone ou une entreprise de câblodistribution.

[23]Avec égards, je crois que l'interprétation proposée par le CRTC comporte certains problèmes. Je ne dis pas que les mots employés dans une loi ne peuvent pas avoir des sens différents selon leur contexte. Toutefois, il semble peu probable que le Parlement ait voulu qu'un mot, dans une seule disposition, ait des sens différents selon les différentes circonstances factuelles existantes.

[24]Étant donné que, de toute évidence, le paragraphe 43(5) ne confère pas au CRTC le pouvoir d'autoriser l'accès à des poteaux soutenant des lignes de transmission dès qu'un fournisseur demande l'accès à ces poteaux, il faut donner une interprétation atténuée au paragraphe 43(5). L'approche adoptée par le CRTC (au paragraphe 92) consiste à donner une interprétation atténuée à l'expression «fournisseur de services au public» et à l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5), sur une base individualisée, selon ce qui est nécessaire afin d'assurer le respect des limites constitutionnelles et juridictionnelles de ses attributions.

[25]Je reconnais que l'interprétation atténuée d'une disposition législative visant à assurer le respect des limites juridictionnelles constitue une stratégie d'interprétation acceptable. Toutefois, le CRTC n'a pas donné une interprétation atténuée uniforme aux mots en question à toutes les fins. Selon l'approche adoptée par le CRTC, l'interprétation atténuée de la portée d'une expression dépend de la portée attribuée à l'autre expression. Ainsi, si une ligne de transmission ne relève pas de la compétence du CRTC, l'expression «fournisseur de services au public» reçoit une interprétation atténuée de façon à se rapporter à une entreprise de distribution ou à une entreprise canadienne. Toutefois, si la ligne de transmission en question appartient à une entreprise de distribution ou à une entreprise canadienne, l'expression «fournisseur de services au public» ne reçoit pas nécessairement une interprétation atténuée, mais elle peut s'appliquer à tout fournisseur sans aucune restriction. Il m'est difficile de croire que cette interprétation atténuée souple, qui dépend des faits d'affaires individuelles, soit celle que le Parlement entendait adopter en édictant le paragraphe 43(5). La complexité de pareille interprétation m'amène à conclure que si telle avait été son intention, le Parlement l'aurait dit d'une façon plus explicite.

[26]Une autre raison m'amène à tirer cette conclusion. Le mot «fournisseur» est par sa nature un mot d'application générale. Il a un sens restreint uniquement en ce sens que le fournisseur visé au paragraphe 43(5) est celui qui fournit des services au public. Étant donné que l'expression «fournisseur de services au public» est employée au paragraphe 43(5), il ne s'agit pas du fournisseur qui doit être assujetti à la compétence de réglementation du CRTC. Le mot «fournisseur» doit se rapporter au demandeur qui cherche à obtenir l'accès plutôt qu'à la personne à l'encontre de laquelle l'ordonnance d'accès est rendue. Dans ce contexte, il n'y a pas lieu d'appliquer des restrictions juridictionnelles ou constitutionnelles à l'expression «fournisseur de services au public». À mon avis, il est raisonnable de conclure que le Parlement voulait que le sens de l'expression «fournisseur de services au public» ne soit pas limité. Par conséquent, l'expression «ligne de transmission» doit s'entendre d'une ligne de transmission construite par des entreprises assujetties à la compétence du CRTC, à savoir les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution, et ne peut pas comprendre les lignes de transmission des appelantes.

Contexte de l'article 43

[27]À mon avis, la conclusion que j'ai tirée en interprétant l'expression «ligne de transmission» dans le contexte du paragraphe 43(5) est étayée par le contexte de l'article 43 dans son ensemble.

[28]L'expression «entreprise de distribution» figure à l'article 43. Cette expression n'est pas définie dans la Loi sur les télécommunications elle-même, mais le paragraphe 43(1) prévoit qu'aux articles 43 et 44, cette expression a le même sens qu'au paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion. Or, l'entreprise de distribution est définie comme suit au paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion:

2. (1) [. . .]

«entreprise de distribution» Entreprise de réception de radiodiffusion pour retransmission, à l'aide d'ondes radioélectriques ou d'un autre moyen de télécommunication, en vue de sa réception dans plusieurs résidences permanentes ou temporaires ou locaux d'habitation, ou en vue de sa réception par une autre entreprise semblable.

Les entreprises de câblodistribution représentées par l'intimée sont des entreprises de distribution.

[29]Sous réserve des paragraphes 43(3) et (4), le paragraphe 43(2) permet à l'entreprise canadienne et à l'entreprise de distribution d'avoir accès à toute voie publique ou tout autre lieu public pour la construction, l'exploitation ou l'entretien de leurs lignes de transmission.

[30]En vertu du paragraphe 43(3), il est interdit à l'entreprise canadienne et à l'entreprise de distribution de construire des lignes de transmission sur une voie publique ou dans tout autre lieu public--ou au-dessus, au-dessous ou aux abords de ceux-ci--sans l'agrément de l'administration municipale ou autre administration publique compétente.

[31]Au paragraphe 43(4), le Parlement traite du cas dans lequel l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution ne peut pas, à des conditions qui lui sont acceptables, obtenir l'agrément de l'administration municipale ou autre administration publique en vue de construire sa ligne de transmission. En pareil cas, l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution peut demander au CRTC l'autorisation de construire la ligne de transmission. Le paragraphe 43(4) confère au CRTC le pouvoir d'autoriser l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution à construire la ligne de transmission sur la voie publique ou dans un autre lieu public et d'assortir l'autorisation de conditions. Aux paragraphes 43(2), (3) et (4), les lignes de transmission en question sont clairement celles qui doivent être construites, entretenues ou exploitées par l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution sur une voie publique ou dans un autre lieu public.

[32]Le paragraphe 43(5) ne se rapporte pas à l'octroi aux entreprises canadiennes ou aux entreprises de distribution de l'autorisation de construire des lignes de transmission. Il traite plutôt de l'accès par des fournisseurs de services au public aux structures de soutènement de lignes de transmission déjà construites sur une voie publique ou dans un autre lieu public. Toutefois, la formule «ligne de transmission construite sur une voie publique ou un autre lieu public» figurant au paragraphe 43(5) ressemble remarquablement aux mots décrivant les lignes de transmission visées aux paragraphes 43(2), (3) et (4), lesquelles sont des lignes de transmission d'entreprises canadiennes et d'entreprises de distribution. La description similaire des lignes de transmission figurant aux paragraphes 43(2), (3) et (4) d'une part, et au paragraphe 43(5) d'autre part, indique fortement que le Parlement songeait, en ce qui concerne toutes les dispositions en cause, aux mêmes lignes de transmission, c'est-à-dire aux lignes de transmission d'une entreprise canadienne ou d'une entreprise de distribution.

[33]Malgré la présence de cet indice important, l'intimée invoque un certain nombre d'arguments étayant la conclusion contraire, à savoir que l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) ne peut pas uniquement s'entendre des lignes de transmission des entreprises canadiennes et des entreprises de distribution, mais qu'il faut inclure toutes les lignes de transmission.

[34]En premier lieu, l'intimée affirme qu'avant que le paragraphe 43(5) ait été édicté, le CRTC avait exercé ses pouvoirs, en vertu des dispositions qui étaient en vigueur avant l'adoption des articles 25 [mod. par L.C. 1999, ch. 31, art. 199] et 27 de la Loi sur les télécommunications, en vue d'accorder l'accès à des structures de soutènement de lignes de télécommunication. Selon l'argument invoqué, si l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) se rapporte uniquement aux entreprises canadiennes et aux entreprises de distribution, ce paragraphe est inutile, étant donné que l'accès à pareilles lignes est déjà prévu et qu'il ne faut pas présumer que le Parlement a édicté une disposition redondante.

[35]Je ne puis retenir cet argument, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, le paragraphe 43(5) autorise le CRTC à accorder l'accès aux structures de soutènement des entreprises de distribution, soit une chose sur laquelle le CRTC n'aurait pas compétence en l'absence du paragraphe 43(5).

[36]En second lieu, il est expressément prévu que le CRTC a compétence pour accorder l'accès aux structures de soutènement des entreprises canadiennes. Cela est important parce qu'il est loin d'être certain que le CRTC aurait pareille compétence en l'absence du paragraphe 43(5). Contrairement à l'argument de l'intimée, les dispositions qui étaient en vigueur avant que les articles 25 et 27 de la Loi sur les télécommunications soient édictés ne conféraient pas au CRTC le pouvoir d'autoriser l'accès aux structures de soutènement de lignes téléphoniques. Les articles 25 et 27 et les anciennes dispositions traitent de la fixation du tarif. Il a été statué que les anciennes dispositions conféraient la compétence voulue au CRTC en vue de réglementer les conditions des ententes relatives aux structures de soutènement, mais non l'accès (voir British Columbia Telephone Co. c. Shaw Cable Systems (B.C.) Ltd., [1995] 2 R.C.S. 739, au paragraphe 36). Il a été statué que l'accès était réglementé en vertu de l'article 317 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, ch. R-2, et de l'article 51 de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, ch. N-17 (voir Transvision (Magog) Inc. c. Bell Canada, [1975] C.T.C. 463).

[37]L'article 42 de la Loi sur les télécommunications semble incorporer certains aspects de l'article 317 de la Loi sur les chemins de fer et de l'article 51 de la Loi nationale sur les transports. Toutefois, l'article 42 est différent à un point tel qu'il n'est pas certain que l'interprétation des articles 317 de la Loi sur les chemins de fer et 51 de la Loi nationale sur les transports s'applique à l'article 42. En d'autres termes, il est loin d'être clair qu'en l'absence du paragraphe 43(5) de la Loi sur les télécommunications, le CRTC serait autorisé à accorder l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission des entreprises canadiennes. Pour ces motifs, j'estime que l'argument relatif à la redondance de l'intimée n'est pas convaincant.

[38]Deuxièmement, l'intimée affirme que partout dans la Loi, l'expression «ligne de transmission» est expressément décrite comme étant la ligne de transmission de l'entreprise canadienne ou de l'entreprise de distribution. Si la mention d'une «ligne de transmission», sans plus de précisions, figurant au paragraphe 43(5) doit s'entendre uniquement de la ligne de transmission de l'entreprise canadienne ou de l'entreprise de distribution, la mention de l'entreprise canadienne et de l'entreprise de distribution à l'égard d'une «ligne de transmission» ailleurs dans la Loi est redondante. En d'autres termes, l'intimée affirme qu'en employant, au paragraphe 43(5), des mots différents de ceux qui sont employés ailleurs à l'égard des lignes de transmission, le Parlement doit avoir voulu dire une chose différente.

[39]Avec égards, cet argument ne tient pas compte du rapport existant entre le paragraphe 43(5) et le reste de l'article 43. Les expressions «ligne de transmission» ou «lignes de transmission» se trouvent aux paragraphes 43(2), (3), (4) et (5). Je crois que lorsque, dans les dispositions antérieures, les lignes de transmission sont celles de l'entreprise canadienne ou de l'entreprise de distribution, on laisse implicitement entendre, à moins que le contexte n'exige une interprétation contraire, que les lignes de transmission dont il est question dans une disposition subséquente du même article sont assorties d'une restriction similaire. C'est ce qui est connu sous le nom de présomption de cohérence. Puisque les paragraphes 43(2), (3) et (4) traitent dans chaque cas des lignes de transmission construites par l'entreprise canadienne ou par l'entreprise de distribution sur une voie publique ou dans un autre lieu public, la mention au paragraphe 43(5) d'une ligne de transmission construite sur une voie publique ou dans un autre lieu public doit se rapporter à la même ligne de transmission, c'est-à-dire à la ligne de transmission d'une entreprise canadienne ou d'une entreprise de distribution.

[40]En parlant de la présomption de cohérence, le juge Cory, dans l'arrêt Thomson c. Canada (Sous-ministre de l'Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, a dit ce qui suit, aux pages 400 et 401:

Ce mot est employé dans d'autres dispositions de la Loi et, à moins que le contexte ne s'y oppose clairement, un mot doit recevoir la même interprétation et avoir le même sens tout au long d'un texte législatif [. . .]

Le législateur n'a certainement pas eu l'intention de donner un sens différent au mot «recommandations» au paragraphe suivant du même article. Le mot doit avoir le même sens dans les deux cas.

Dans Driedger on the Construction of Statutes, précité, à la page 164, Ruth Sullivan résume comme suit l'approche que le juge Cory a adoptée dans l'arrêt Thomson:

[traduction] Le raisonnement du juge Cory est exemplaire. Il fait d'abord remarquer qu'ailleurs dans la loi, le mot ou l'expression en cause doit être interprété comme ayant un seul sens clair; il invoque ensuite la présomption de cohérence pour justifier sa conclusion, à savoir que ce sens doit l'emporter partout. Enfin, il signale que la présomption est particulièrement forte lorsque les dispositions dans lesquelles figurent les mots qui sont repris sont proches les unes des autres ou qu'il existe entre elles quelque autre rapport. Dans les arrêts, on résout souvent ainsi une ambiguïté.

Dans mon analyse, j'adopte l'approche que le juge Cory a préconisée dans l'arrêt Thomson.

[41]Bien sûr, la cohérence est une présomption qui peut être réfutée par le contexte dans lequel l'expression en cause est employée. Or, tel n'est pas ici le cas. Comme je l'ai déjà expliqué, dans le contexte du paragraphe 43(5), pour que l'expression «ligne de transmission» s'applique à toutes les lignes, il faut donner une interprétation atténuée au mot «fournisseur» dans le cas où les lignes de transmission en question ne sont pas celles d'une entreprise par ailleurs assujettie à la compétence de réglementation du CRTC; subsidiairement, lorsque le fournisseur qui demande l'accès n'est pas par ailleurs assujetti à la compétence de réglementation du CRTC, l'expression «ligne de transmission» doit recevoir une interprétation atténuée et être considérée comme la ligne de transmission de l'entreprise canadienne ou de l'entreprise de distribution. Pour les motifs que j'ai énoncés, je ne retiens pas cette interprétation souple de l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) et je conclus que la présomption de cohérence n'a pas été réfutée.

[42]Enfin, sur ce point, l'absence de mention expresse, au paragraphe 43(5), de l'entreprise canadienne ou de l'entreprise de distribution ne devrait pas être considérée comme donnant un sens entièrement nouveau à l'expression «ligne de transmission» qui se trouve dans cette disposition. Je souscris à l'argument de l'avocat de l'intervenante Saskatchewan Power Corporation, à savoir que si le Parlement avait voulu que le CRTC soit autorisé à permettre l'accès à toutes sortes de lignes de transmission, y compris celles des services publics d'électricité, il aurait probablement inséré dans la loi une disposition autonome en ce sens. Il ne se serait pas contenté d'ajouter un paragraphe à la fin d'un article qui traite exclusivement des lignes de transmission d'entreprises canadiennes et d'entreprises de distribution.

[43]À l'audition de l'appel, l'intimée a invoqué un troisième argument qui est tiré des motifs du CRTC. Selon cet argument, interpréter le paragraphe 43(5) comme comprenant toutes les lignes de transmission plutôt que simplement celles qui appartiennent à l'entreprise canadienne et à l'entreprise de distribution, c'est compléter la compétence conférée au CRTC au paragraphe 43(4). En vertu du paragraphe 43(4), le CRTC détermine s'il doit permettre à l'entreprise canadienne ou à l'entreprise de distribution de construire une ligne de transmission, tout en veillant à éviter toute entrave abusive à la jouissance des lieux par le public. Il est soutenu qu'en effectuant cette appréciation, le CRTC devrait tenir compte de la question de savoir si, au lieu d'avoir accès à la voie publique ou à un autre lieu public, l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution peut accéder aux structures de soutènement d'autres lignes de transmission existantes, y compris les lignes de transmission de services publics d'électricité. Si cette solution de rechange est préférable à la construction d'une ligne de transmission par l'entreprise canadienne ou par l'entreprise de distribution, le paragraphe 43(5) confère au CRTC le pouvoir d'ordonner l'accès aux structures de soutènement d'une ligne de transmission qui est déjà en place, même si la ligne de transmission appartient à un service public d'électricité.

[44]Cette interprétation est attrayante, mais le texte du paragraphe 43(5) et le texte qui le suit après le paragraphe 43(4) montrent que ce n'était probablement pas l'intention du Parlement. Le paragraphe 43(5) exige, pour que le CRTC puisse rendre une ordonnance d'accès, qu'une demande soit présentée par un fournisseur de services au public. Si l'accès aux structures de soutènement de lignes de transmission existantes était une considération susceptible d'entraîner le refus du CRTC d'autoriser la construction en vertu du paragraphe 43(4), le paragraphe 43(5) n'exigerait pas la présentation d'une demande d'accès en vue de déclencher la compétence du CRTC. En d'autres termes, la loi prévoirait qu'en examinant une demande présentée par une entreprise canadienne ou par une entreprise de distribution aux fins de la construction en vertu du paragraphe 43(4), le CRTC pourrait soit rendre une ordonnance autorisant la construction soit veiller à éviter toute entrave abusive à la jouissance des lieux par le public en rendant une ordonnance selon laquelle l'entreprise canadienne ou l'entreprise de distribution doit avoir accès aux structures de soutènement de lignes de transmission existantes. Or, telle n'est pas l'économie de la loi.

[45]Je conclus que dans le contexte de l'article 43 dans son ensemble, l'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe (5) se rapporte à la ligne de transmission d'une entreprise canadienne ou d'une entreprise de distribution plutôt qu'à toutes les lignes de transmission.

Les politiques énoncées à l'article 7 de la Loi sur les télécommunications et au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion

[46]En interprétant le paragraphe 43(5) comme comprenant toutes les lignes de transmission, le CRTC s'est fortement fondé sur les politiques de télécommunication énoncées aux alinéas 7a), b), c) et f) de la Loi sur les télécommunications et sur la politique de radiodiffusion énoncée au sous-alinéa 3(1)t)(ii) de la Loi sur la radiodiffusion. (Voir la Décision Télécom CRTC 99-13, aux paragraphes 125 à 132.)

[47]En vertu de l'article 47 de la Loi sur les télécommunications, le CRTC est tenu d':

47. [. . .] exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent la présente loi et toute loi spéciale de manière à réaliser les objectifs de la politique canadienne de télécommunication [. . .];

[48]Le paragraphe 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion prévoit ce qui suit:

5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, [. . .] le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en oeuvre la politique canadienne de radiodiffusion.

[49]Les politiques de télécommunication dont le CRTC fait mention dans ses motifs sont les suivantes:

7. La présente loi affirme le caractère essentiel des télécommunications pour l'identité et la souveraineté canadiennes; la politique canadienne de télécommunication vise à:

    a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

    b) permettre l'accès aux Canadiens dans toutes les régions--rurales ou urbaines--du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

    c) accroître l'efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

    [. . .]

    f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l'efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;

Le CRTC a conclu que le dédoublement des infrastructures entraînait des coûts qui devaient être supportés par les abonnés et que cela pourrait empêcher l'entrée sur le marché et décourager le développement de réseaux, en violation des politiques de télécommunication énoncées aux alinéas 7a), b), c) et f). Il a donc interprété le paragraphe 43(5) de façon à éviter la construction de doubles infrastructures.

[50]L'objectif de la politique de radiodiffusion dont le CRTC fait mention était la suivante:

3. (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion:

    t) les entreprises de distribution:

    [. . .]

        (ii) devraient assurer efficacement, à l'aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables,

Le CRTC a conclu que l'utilisation des structures de soutènement des lignes de transmission existantes par les entreprises de distribution était conforme à cette politique.

[51]Le CRTC a également tenu compte des conséquences environnementales et esthétiques liées à la construction inutile de doubles infrastructures.

[52]Dans les observations qu'elle a présentées en appel, l'intimée a adopté ces arguments.

[53]Il n'appartient pas à la Cour d'approuver ou de condamner les objectifs d'une politique qui sont énoncés dans la loi. Ces objectifs doivent être reconnus comme ceux auquel le Parlement songeait en édictant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion. Toutefois, le CRTC n'a pas un pouvoir absolu de mettre en oeuvre ces politiques. Le pouvoir du CRTC est établi en vertu de ces lois (et d'autres textes législatifs pertinents) et le CRTC ne peut mettre en oeuvre les objectifs des politiques énoncés dans ces lois que conformément aux pouvoirs et aux fonctions qui lui sont conférés en vertu de ces lois. Les politiques elles-mêmes ne confèrent pas la compétence voulue au CRTC et elles ne peuvent pas servir à fonder l'exercice d'un pouvoir qui n'a pas été conféré au CRTC par les dispositions habilitantes des lois.

[54]Pour les motifs que j'ai énoncés, j'estime que le paragraphe 43(5) ne confère pas au CRTC le pouvoir d'autoriser l'accès aux structures de soutènement de toutes les lignes de transmission. Les politiques de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion doivent donc être mises en oeuvre par le CRTC compte tenu de cette restriction.

[55]Je reconnais que du point de vue de l'intimée et du CRTC, il serait plus facile d'assurer l'efficience et d'éviter le dédoublement des infrastructures des entreprises canadiennes et des entreprises de distribution si le CRTC avait la compétence voulue pour rendre des ordonnances d'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission des services publics d'électricité et d'autres services. Toutefois, ces objectifs peuvent être atteints sans que le CRTC possède pareille compétence. Comme la preuve dont disposait le CRTC l'a démontré, jusqu'en 1996, les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution obtenaient par agrément l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission des services publics d'électricité. Si les services publics d'électricité sont en mesure de permettre l'installation sur leurs structures de soutènement des lignes de transmission des entreprises canadiennes et des entreprises de distribution, et s'il n'existe aucune raison d'ordre technique de ne pas le faire, il semble logique pour ces services publics de permettre pareil accès à un tarif qui leur est acceptable et que les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution estiment que cela est préférable à la solution de rechange, soit construire leurs propres structures de soutènement.

[56]De plus, les appelantes soulignent que, dans un certain nombre de provinces, les commissions provinciales de services publics semblent avoir compétence en vue de réglementer l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission des services publics qu'elles réglementent. Voir par exemple, Public Utilities Board Act, R.S.A. 1980, ch. P-37, art. 88; Utilities Commission Act, R.S.B.C. 1996, ch. 473, art. 27; Public Utilities Act, R.S.N. 1990, ch. P-47, art. 53. De fait, par la décision 2000-86 en date du 27 décembre 2000 qu'elle a rendue dans l'affaire Transalta Utilities Corporation, l'Alberta Energy and Utilities Board a fixé un tarif annuel de 18,35 $ par poteau pour l'utilisation des poteaux de Transalta par des entreprises de communication ou de câblodistribution qui y installaient du matériel. Je ferais également remarquer que, dans sa décision, la Commission ne souscrivait pas aux motifs et à la conclusion énoncés dans la décision CRTC 99-13.

[57]Les appelantes ont affirmé que la Commission de l'énergie de l'Ontario possède pareil pouvoir en vertu de l'article 70 de la Loi de 1998 sur la Commission de l'énergie de l'Ontario, qui constitue l'annexe B de la Loi de 1998 sur la concurrence dans le secteur de l'énergie, L.O. 1998, ch. 15, à l'égard de son pouvoir d'assortir de conditions les permis délivrés aux propriétaires ou exploitants de réseaux de transport ou de distribution de l'électricité.

[58]Quoi qu'il en soit, lorsqu'il est impossible d'en arriver à une entente avec les services publics ou que l'accès et les conditions établies par les commissions provinciales d'énergie électrique ne sont pas conformes à la politique canadienne de télécommunication ou de radiodiffusion, ou en l'absence d'une compétence provinciale de réglementation de l'accès, les entreprises canadiennes ou les entreprises de distribution peuvent avoir recours aux paragraphes 42(2) et (3) et, au besoin, à la compétence de réglementation que possède le CRTC en vertu du paragraphe 43(4) de la Loi sur les télécommunications en vue de leur permettre de construire leurs propres lignes de transmission.

Historique législatif

[59]Enfin, j'examinerai l'historique législatif du paragraphe 43(5). Le CRTC a conclu que l'historique législatif pertinent étayait l'avis selon lequel il convenait de donner une interprétation large au paragraphe 43(5) de façon à inclure les lignes de transmission de tous les services publics, y compris celles des appelantes. Le CRTC a tout d'abord mentionné le Rapport des coprésidents du Comité sur la convergence des réseaux locaux intitulé: Convergence-- Concurrence et coopération. Politiques et réglementation concernant les réseaux locaux du téléphone et de la câblodistribution (Ottawa: Ministre des Approvisionnements et Service Canada, 1992), ce comité ayant été constitué par le ministre des Communications en 1991. Le Comité a élaboré des recommandations visant à faire modifier la politique et la réglementation gouvernementales de façon à régir l'évolution future des infrastructures des réseaux locaux de télécommunications et la convergence accrue des services et des marchés des compagnies de téléphone et des câblodistributeurs.

[60]Dans son rapport, le Comité traitait du partage passé des infrastructures. Dans ses recommandations, il mentionne la réglementation, au besoin, destinée à assurer pareil partage. Les recommandations 7, 8 et 9 sont ainsi libellées [à la page 142]:

7.    La politique et la réglementation canadiennes devraient continuer à promouvoir le partage des structures de soutènement par les compagnies de téléphone, les câblodistributeurs et les autres fournisseurs de structures de soutènement. À cet égard, le concept des structures de soutènement devrait être défini de façon plus large à l'avenir, en tenant compte des nouvelles technologies comme les câbles à fibres optiques, pour lesquelles des accords de partage peuvent améliorer l'efficience de l'infrastructure locale des réseaux locaux.

8.    La politique et la réglementation du gouvernement ne devraient pas empêcher la mise sur pied de coentreprises entre les compagnies de téléphone et des câblodistributeurs qui visent à atteindre un partage des structures de soutènement plus efficace et plus efficient.

9.    Les compagnies de téléphone et les câblodistributeurs devraient, de concert avec les services publics d'électricité, ainsi que d'autres fournisseurs de structures de soutènement, établir de meilleurs mécanismes de collaboration pour planifier la construction et l'utilisation partagées des structures de soutènement. Si nécessaire, les organismes de réglementation devraient intervenir pour assurer que de tels mécanismes de collaboration sont élaborés et mis en oeuvre, et qu'ils fonctionnent de manière efficace.

[61]À mon avis, il n'y a rien, dans ces recommandations ou ailleurs dans le rapport du Comité sur la convergence dont l'intimée a fait mention, qui indique que pareille réglementation devrait nécessairement relever du CRTC. Au contraire, les auteurs du rapport semblent circonspects en ce qui concerne l'identité des organismes de réglementation dont le Comité faisait mention. Il n'est pas expressément fait mention d'un organisme de réglementation particulier. Les auteurs du rapport ne soutiennent pas non plus que le Parlement devrait édicter des dispositions législatives en vue de conférer un pouvoir de réglementation au CRTC en ce qui concerne les infrastructures des services publics qui ne sont pas par ailleurs assujettis à la compétence du CRTC lorsque l'accès à ces infrastructures par des entreprises canadiennes ou par des entreprises de distribution est en cause.

[62]Par contre, le Comité semble avoir reconnu que, si les entreprises de distribution ne pouvaient pas négocier l'accès aux structures de soutènement de lignes de transmission existantes appartenant à des tiers, il fallait conférer à celles-ci un droit d'accès aux droits de passage publics de façon qu'elles puissent construire leurs propres lignes de transmission à titre d'entreprises canadiennes. Le Comité a expressément dit qu'il fallait reconnaître pareils droits aux entreprises de distribution dans la législation fédérale et le CRTC en a également parlé au paragraphe 115 de sa décision:

    Pour empêcher le dédoublement inutile des structures de soutènement, de même que les problèmes éventuels d'ordre environnemental et esthétique, la politique et la réglementation du gouvernement devraient continuer à obliger les câblodistributeurs à négocier avec d'autres fournisseurs potentiels de structures de soutènement pour obtenir des installations convenables. Toutefois, si de telles négociations devaient échouer, il serait raisonnable d'accorder aux câblodistributeurs des droits similaires d'accès aux emprises publiques, comme pour les compagnies de téléphone. À l'échelon fédéral, ces droits qui sont présentement établis dans la Loi sur les chemins de fer, font l'objet d'une proposition de simplification et de mise à jour au moyen des dispositions 48 et 49 du projet de loi C-62.

La réponse législative aux observations et recommandations du Comité sur la convergence semblerait consister à inclure les entreprises de distribution dans l'article 43.

[63]Le CRTC a également fait mention des présentations qui avaient été faites devant le Sous-comité de la Chambre des communes sur le projet de loi C-62 (qui a abouti à l'adoption de la Loi sur les télécommunications) du Comité permanent des communications et de la culture. Les présentations que les entreprises de câblodistribution ont faites semblent avoir été axées sur l'octroi des mêmes droits que ceux que possédaient les compagnies de téléphone en vue d'obtenir une ordonnance du Conseil les autorisant à construire leurs propres lignes de transmission sur les voies publiques et dans d'autres lieux publics. Le Sous-comité a également fait remarquer que les provinces avaient soulevé la question de la prolifération des entreprises qui essayaient de «creuser les routes». Le ministre de l'Industrie a répondu comme suit au Sous-comité à la page 8:7 de Canada, Chambre des communes, Sous-comité sur le projet de loi C-62, Procès-verbaux et témoignages du Sous-comité sur le projet de loi C-62 du Comité permanent des communications et de la culture (11 mai 1993):

Si le sous-comité est d'accord, les articles 48 et 49 seront modifés afin de s'appliquer également aux entreprises de distribution telles que définies dans la Loi sur la radiodiffusion. D'autre part, nous proposerons un amendement à l'article 48 du projet de loi qui permettra l'utilisaiton économique, par ceux qui servent le public, des structures de soutien construites sur les emprises et exigera que le CRTC tienne compte de toutes les utilisations d'emprises ou d'autres lieux publics avant d'émettre des ordonnances aux termes de cet article.

Le CRTC a conclu ce qui suit, aux paragraphes 121 et 122 de la décision 99-13:

L'article a donc été modifié de manière à inclure une référence aux entreprises de distribution dans les paragraphes 43(1) à (4), et le paragraphe 43(5) a été ajouté au complet. Les modifications ont été adoptées en troisième lecture sans autre discussion.

En se fondant sur les préoccupations et les observations ainsi que sur les recommandations faites avant l'ajout du paragraphe 43(5), le Conseil est d'avis que l'intention implicite de l'ajout de cette disposition est que l'octroi de pouvoirs de construction aux entreprises canadiennes et aux entreprises de distribution pour ériger leurs propres structures de soutènement ne représentait pas la seule option qui s'offrait à ces entreprises si une utilisation plus efficace des structures de soutènement existantes était possible.

L'intimée a adopté l'interprétation que le CRTC donnait aux motifs pour lesquels le Parlement avait édicté le paragraphe 43(5), à savoir que la construction de leurs propres lignes de transmission n'était pas l'unique solution de rechange possible pour les entreprises de distribution et les entreprises canadiennes.

[64]Je ne puis faire l'inférence que le CRTC et l'intimée ont faite à l'égard de la déclaration du ministre. Sur ce point, j'estime que les remarques en question sont ambiguës. On ne sait pas trop ce que le ministre entendait par «les personnes desservant le public» ou «structures de soutènement». Je ne crois pas que la déclaration du ministre permette de déterminer si le paragraphe 43(5) était destiné à conférer la compétence voulue au CRTC en ce qui concerne l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission des services publics ou d'autres services qui ne sont pas des entreprises assujetties à la compétence de réglementation du CRTC.

[65]Fait particulièrement pertinent aux fins qui nous occupent, il semble y avoir une omission flagrante dans l'historique législatif. En effet, aucune observation n'a été présentée au Sous-comité parlementaire au sujet de l'application du paragraphe 43(5) par des services publics qui ne relèvent pas de la compétence du Parlement ou du CRTC. Il m'est difficile de croire que si le gouvernement avait voulu que le paragraphe 43(5) confère au CRTC la compétence sur l'accès par les entreprises canadiennes ou les entreprises de distribution aux structures de soutènement des lignes de transmission de services publics assujettis à la compétence provinciale, il n'aurait pas expressément fait connaître cette intention et n'aurait pas invité les intéressés à présenter des observations. Je ne dis pas que le Parlement ne pouvait pas édicter pareille disposition; je n'ai pas non plus à déterminer si pareille disposition relèverait de la compétence constitutionnelle du Parlement. Toutefois, je n'attribuerais pas au gouvernement fédéral ou au Parlement l'intention de conférer pareille compétence à un tribunal fédéral de réglementation sous la forme d'une disposition ambiguë édictée sans qu'un avis de cette intention soit expressément donné aux provinces ou à leurs services publics. Or, il n'y a rien dans l'historique législatif dont dispose la Cour qui indique qu'un avis ait été donné.

[66]L'historique législatif étaye la thèse selon laquelle, en réponse aux observations présentées par les provinces au sujet de la prolifération d'entreprises qui «creusent les routes» et afin de réglementer l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission entre les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution, le paragraphe 43(5) a été édicté de façon que l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission soit accordé entre les entreprises canadiennes et les entreprises de distribution ainsi que par d'autres fournisseurs de services au public.

CONCLUSION

[67]L'expression «ligne de transmission» figurant au paragraphe 43(5) n'est pas assortie d'une réserve et, dans l'abstrait, elle pourrait s'appliquer aux lignes de transmission des appelantes. Toutefois, lorsqu'elle est interprétée dans le contexte du paragraphe 43(5) et de l'article 43 dans son ensemble et compte tenu de l'historique législatif, je suis convaincu que cette expression, telle qu'elle est employée au paragraphe 43(5), se rapporte uniquement aux lignes de transmission d'entreprises canadiennes et d'entreprises de distribution. Je conclus que le CRTC a commis une erreur en interprétant le paragraphe 43(5) comme lui conférant la compétence voulue pour réglementer l'accès aux structures de soutènement des lignes de transmission appartenant aux appelantes ainsi que les conditions y afférentes. J'accueillerais le présent appel avec dépens, j'infirmerais la décision Télécom CRTC 99-13 et je rejetterais la demande que l'Association canadienne de télévision par câble a présentée devant le CRTC.

Le juge Desjardins, J.C.A.: Je souscris à cet avis.

Le juge Sharlow, J.C.A.: Je souscris à cet avis.

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