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    2001 CAF 133

     A-369-00

     A-749-99

VIA Rail Canada Inc. (demanderesse)

c.

George Cairns, Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives et Travailleurs unis des transports (défendeurs)

et

Conseil canadien des relations industrielles (intervenant)

     A-747-99

Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives (demanderesse)

c.

George Cairns, VIA Rail Canada Inc. et Travailleurs unis des transports (défendeurs)

et

Conseil canadien des relations industrielles (intervenant)

Répertorié: VIA Rail Canada Inc.c. Cairns (C.A.)

Cour d'appel, juges Strayer, Sexton et Sharlow, J.C.A. --Ottawa, 21, 22 mars et 2 mai 2001.

Relations du travail -- Devoir de représentation juste -- VIA Rail, après avoir mis sur pied, pour des raisons d'économie, une initiative visant à fusionner les fonctions de mécaniciens de locomotive et celles de chefs de train, a demandé la révision de l'accréditation de deux unités de négociation et le fusionnement de celles-ci -- Le CCRI a autorisé le fusionnement en accréditant le syndicat des ingénieurs de locomotive comme agent de négociation, après la tenue d'un scrutin de représentation -- Aucune entente n'avait été conclue lorsque les conventions collectives existantes ont expiré -- VIA a essayé d'imposer unilatéralement une initiative relative à la composition des équipes -- Les parties ont conclu un accord provisoire comportant une Entente concernant la composition des équipes -- Le Conseil a conclu que le syndicat avait manqué à son devoir de représentation juste -- Les intérêts des ingénieurs de locomotive ont été préférés à ceux des chefs de train -- Une ordonnance réparatrice est venue enjoindre à VIA Rail et au syndicat de rouvrir les négociations -- Il a été jugé que la norme de contrôle applicable à l'interprétation de l'art. 37 du Code canadien du travail par le Conseil est celle de la décision manifestement déraisonnable -- Les syndicats ont le devoir de représenter leurs membres de façon juste après l'expiration de la convention collective.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- Les particuliers défendeurs, qui sont des chefs de train pour VIA Rail, ont allégué que leur syndicat avait contrevenu à l'art. 37 du Code canadien du travail en agissant de mauvaise foi -- Le Conseil canadien des relations industrielles a conclu que le syndicat n'avait pas protégé la sécurité d'emploi et les droits d'ancienneté des chefs de train -- Le syndicat et VIA Rail ont demandé le contrôle judiciaire de la décision du CCRI -- Après avoir réexaminé sa décision, le CCRI a décidé que le syndicat ne s'était pas conformé à son devoir de représentation juste -- Il s'agissait de savoir si la décision ultime était une décision que le législateur voulait laisser au Conseil -- Les décisions du CCRI sont protégées par la clause privative intégrale -- Les tribunaux ont reconnu la compétence spécialisée du Conseil pour l'application des dispositions du Code du travail -- Il ressort d'une analyse pragmatique et fonctionnelle de tous les facteurs pertinents que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable -- L'interprétation que le Conseil a donnée à l'art. 37 du Code n'était pas manifestement déraisonnable -- L'ordonnance réparatrice du Conseil était équitable et fondée sur l'art. 99(2) du Code -- Elle avait un lien rationnel avec le manquement du syndicat et avec les conséquences de ce manquement.

Chemins de fer -- Traditionnellement, les employés faisant partie du «personnel itinérant» étaient classés, aux fins de la négociation collective, dans la catégorie des mécaniciens de locomotive ou celle des chefs de train -- VIA Rail a mis sur pied, pour des raisons d'économie, une «initiative relative à la composition des équipes» qui visait à fusionner les fonctions de mécaniciens de locomotive et celles de chefs de train dans une nouvelle catégorie appelée «mécanicien d'exploitation» -- Le syndicat des mécaniciens a été accrédité après la tenue d'un scrutin de représentation -- Les chefs de train ont accusé le syndicat d'avoir agi de mauvaise foi en préférant les intérêts des ingénieurs de locomotive lors de la négociation d'une nouvelle convention collective -- Le Conseil canadien des relations industrielles a rendu une décision en faveur des chefs de train en prononçant une ordonnance réparatrice -- Il a été jugé que l'ordonnance du Conseil avait un lien rationnel avec le fait que le syndicat avait manqué à son devoir de représentation juste.

Il s'agissait de demandes de contrôle judiciaire visant des décisions du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) selon lesquelles le syndicat représentant les particuliers défendeurs en l'espèce avait commis un manquement à son devoir de représentation juste. Traditionnellement, les employés des chemins de fer canadiens faisant partie du «personnel itinérant» étaient classés, aux fins de la négociation collective, dans deux grandes catégories: les mécaniciens de locomotive et les chefs de train. Les mécaniciens étaient représentés par la Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives (FIL), et les chefs de train, par les Travailleurs unis des transports (TUT). En 1997, VIA Rail a mis sur pied une «initiative relative à la composition des équipes», qui visait à éliminer jusqu'à 250 postes d'exécution et à permettre à l'entreprise de réaliser des économies pouvant atteindre 15 millions par année. Les fonctions des mécaniciens de locomotive et celles des chefs de train devaient être fusionnées dans une nouvelle catégorie appelée «mécanicien d'exploitation». Elle a demandé au Conseil canadien des relations du travail (prédécesseur du CCRI) de réviser l'accréditation des deux unités de négociation distinctes et d'ordonner leur fusionnement. Le Conseil a autorisé le fusionnement des deux unités et, après la tenue d'un scrutin de représentation visant à déterminer le syndicat qui représenterait la nouvelle unité, il a accrédité la FIL à titre d'agent négociateur de la nouvelle unité de négociation. La FIL a décidé de négocier les changements importants à apporter aux deux conventions collectives existantes au cours de la négociation collective elle-même. Les négociations ont été difficiles et aucune entente n'avait été conclue lorsque les conventions collectives existantes ont expiré le 31 décembre 1997. Finalement les parties ont conclu un accord provisoire comportant une Entente concernant la composition des équipes (ECCÉ), qui énonçait la façon dont l'initiative relative à la composition des équipes serait mise en oeuvre. Les particuliers défendeurs, qui étaient chefs de train chez VIA, ont déposé auprès du CCRI une plainte dans laquelle ils ont reproché à leur syndicat d'avoir transgressé l'article 37 du Code canadien du travail en les représentant de façon arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi. Le Conseil a statué que le syndicat n'avait pas agi de façon objective et responsable à l'endroit des intérêts des chefs de train et n'avait pas protégé leur sécurité d'emploi et leurs droits d'ancienneté. Une ordonnance réparatrice est venue enjoindre à VIA Rail et au syndicat de rouvrir les négociations relatives au processus de sélection, à l'ancienneté et à l'entente spéciale négociée entre VIA Rail et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Après que le syndicat et VIA eurent demandé au Conseil de réexaminer sa décision, celui-ci a décidé que la preuve appuyait la conclusion de la formation initiale selon laquelle le syndicat ne s'était pas conformé à son devoir de représentation juste. Deux questions ont été soulevées lors de l'appel: 1) le devoir de représentation juste énoncé à l'article 37 du Code canadien du travail s'applique-t-il à la négociation collective au cours de la période de gel prévue par la loi qui suit l'expiration d'une convention collective précédente? et 2) le paragraphe 99(2) du Code autorise-t-il le Conseil à accorder les réparations qu'il a ordonnées?

Arrêt: les demandes doivent être rejetées.

1) La principale question à trancher pour déterminer la norme de révision des décisions d'instances administratives comme le CCRI est celle de savoir si la décision ultime était une décision que le législateur voulait laisser au Conseil. La Cour suprême du Canada a élaboré une analyse pragmatique et fonctionnelle fondée sur quatre facteurs: l'existence d'une clause privative, l'expertise de l'instance décisionnelle, l'objet de la loi dans son ensemble et de la disposition en cause ainsi que la nature du problème à résoudre. La présence d'une clause privative «intégrale», telle que l'article 22 du Code canadien du travail, donne une bonne indication à la Cour qu'elle devrait faire montre de retenue à l'endroit de la décision d'un tribunal administratif. Cet article a pour effet de protéger les décisions du CCRI du contrôle judiciaire, sauf en cas de fraude, d'erreur de compétence ou de manquement aux règles de justice naturelle. Les tribunaux ont reconnu la compétence spécialisée du Conseil pour l'application des dispositions du Code du travail. En revanche, la compétence de la magistrature dans la plupart des conflits de travail est plus restreinte. Quant à la nature de la question que le Conseil devait trancher, il était indéniable que cette question portait sur l'interprétation de l'article 37, qui oblige le syndicat à représenter ses membres de façon juste. Qualifier une question de question de «compétence» comme première étape d'une analyse n'est pas vraiment utile pour la détermination de la norme de révision applicable. Après avoir procédé à une analyse pragmatique et fonctionnelle de tous les facteurs pertinents, la Cour a estimé que la norme de révision applicable à l'égard de l'interprétation de l'article 37 par le Conseil est celle de la décision manifestement déraisonnable.

Quant à savoir si l'interprétation que le Conseil a donnée à l'article 37 était manifestement déraisonnable, l'accent devrait être mis non pas sur le résultat auquel est arrivé le tribunal, mais plutôt sur la façon dont le tribunal est arrivé à ce résultat. L'interprétation que le Conseil a donnée à l'article 37 n'était pas manifestement déraisonnable. Un syndicat n'est pas nécessairement libéré de son devoir de représentation juste lorsqu'une convention collective n'est plus en vigueur. Une fois qu'un avis de négociation collective a été donné, les conditions d'emploi ou les droits et avantages des employés sont gelés par l'application de l'alinéa 50b) de la Loi jusqu'à ce que les parties obtiennent le droit de grève ou le droit de lock-out. Ainsi, le syndicat est tenu, pendant la période du gel, de représenter ses membres de manière juste en ce qui concerne les conditions, droits et avantages protégés de toute modification par l'alinéa 50b). Le devoir de représentation juste s'applique à l'administration des questions faisant l'objet du gel, mais la question est de savoir si ce devoir peut s'étendre à la conduite du syndicat au cours de la négociation collective qui a lieu pendant la période du gel. Bien que le devoir de représentation juste n'empêche pas le syndicat de faire des concessions à l'égard des droits et avantages existants de ses membres dans le cadre du processus de négociation collective, il le contraint à s'abstenir d'agir d'une manière arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi.

2) L'ordonnance réparatrice du Conseil était équitable et fondée sur le paragraphe 99(2) du Code, qui accorde au Conseil un pouvoir exceptionnellement large. L'ordonnance du Conseil sera manifestement déraisonnable uniquement s'il n'y avait aucun lien rationnel entre le manquement, ses conséquences et la réparation ou si cette réparation était incompatible avec les objectifs ou la politique du Code. L'ordonnance du Conseil avait un lien rationnel avec le manquement du syndicat et avec les conséquences de ce manquement. Le Conseil a conclu que le syndicat n'avait pas représenté les chefs de train de façon juste relativement à trois aspects explicitement traités dans l'ECCÉ. Le raisonnement que le Conseil a suivi pour déterminer la portée du devoir qui incombe au syndicat en vertu de l'article 37 et pour décider si ce devoir avait effectivement été rempli prouvait que le Conseil avait en tête les objectifs et la politique du Code du travail. L'ordonnance qui en a résulté était tout à fait compatible avec l'un des objets du Code, soit l'équilibre entre la promotion des négociations collectives libres et la protection des employés représentés par un agent négociateur. Ni l'interprétation que le Conseil a donnée à l'article 37 ni l'ordonnance réparatrice qu'il a rendue n'étaient manifestement déraisonnables.

    lois et règlements

        Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 3 «convention collective», 21, 22 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 56), 36(1)c), 37, 50, 89 (mod. par L.C. 1998, ch. 26, art. 39; 1999, ch. 31, art. 157), 99(1)b),(2).

        Code canadien du travail, S.R.C. 1970, ch. L-1, art. 136.1 (édicté par S.C. 1977-78, ch. 27, art. 49).

        Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5), 28 (mod., idem, art. 8).

    jurisprudence

        décisions appliquées:

        Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; (1998), 160 D.L.R. (4th) 193; 11 Admin. L.R. (3d) 1; 43 Imm. L.R. (2d) 117; 226 N.R. 201; motifs modifiés [1998] 1 R.C.S. 1222; (1998), 11 Admin. L.R. (3d) 130; U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048; (1988), 35 Admin. L.R. 153; 95 N.R. 161; Caimaw c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983; (1989), 62 D.L.R. (4th) 437; [1989] 6 W.W.R. 673; 40 B.C.L.R. (2d) 1; 40 Admin. L.R. 181; 89 CLLC 14,050; Lester (W.W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644; (1990), 88 Nfld. & P.E.I.R. 15; 48 Admin. L.R. 1; 91 CLLC 14,002; 123 N.R. 241.

        décisions examinées:

        VIA Rail Canada Inc. (1997), 38 C.L.R.B.R. (2d) 124; 104 di 67; Gordon Parsley et al. (1986), 64 di 60 (C.L.R.B.); George Harris et al. (1986), 64 di 1 (C.L.R.B.); Peter Reynolds et al. (1987), 68 di 116 (C.L.R.B.).

        décisions citées:

        VIA Rail Canada Inc. (Re) (1998), 45 C.L.R.B.R. (2d) 150; 107 di 92; Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives c. Cairns, [2000] A.C.F. no 112 (C.A.) (QL); Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157; (1995), 121 D.L.R. (4th) 385; 27 Admin. L.R. (2d) 1; 95 CLLC 210-009; 177 N.R. 1; Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers' Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890; (1997), 149 D.L.R. (4th) 577; [1997] 8 W.W.R. 517; 158 Sask.R. 81; 50 Admin. L.R. (2d) 1; 30 C.C.E.L. (2d) 149; 37 C.C.L.T. (2d) 1; 216 N.R. 1; Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369; (1996), 133 D.L.R. (4th) 129; 36 Admin. L.R. (2d) 1; 96 CLLC 210-011; 193 N.R. 81; Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., [1996] 2 R.C.S. 432; (1996), 135 D.L.R. (4th) 385; 40 Admin. L.R. (2d) 1; 96 CLLC 210-037; 198 N.R. 99; Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157; (1995), 121 D.L.R. (4th) 385; 27 Admin. L.R. (2d) 1; 95 CLLC 210-009; 177 N.R. 1; Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227; (1979), 25 N.B.R. (2d) 237; 97 D.L.R. (3d) 417; 51 A.P.R. 237; 79 CLLC 14,209; 26 N.R. 341.

    doctrine

        MacLauchlan, H. W. «Transforming Administrative Law: The Didactic Role of the Supreme Court of Canada» (2001), 80 R. du B. Can. 281.

        Sullivan, Ruth. Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. Toronto: Butterworths, 1994.

DEMANDES de contrôle judiciaire visant les décisions du Conseil canadien des relations industrielles ([1999] D.C.C.R.I. no 35 (QL); [2000] D.C.C.R.I. no 24 (QL); [2001] D.C.C.R.I. no 8 (QL)) selon lesquelles le syndicat représentant les particuliers défendeurs avait commis un manquement à son devoir de représentation juste. Demandes rejetées.

    ont comparu:

    Dominique Launay et Edward J. Houlihan pour la demanderesse.

    Douglas J. Wray pour les défendeurs Travailleurs unis des transports.

    Michael A. Church pour le défendeur George Cairns.

    James L. Shields et Graham E.S. Jones pour la défenderesse Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives.

    Barbara McIsaac pour l'intervenant CCRI.

    avocats inscrits au dossier:

    Fasken Martineau DuMoulin LLP, Montréal, pour la demanderesse.

    Caley & Wray, Toronto, pour les défendeurs Travailleurs unis des transports et George Cairns.

    Shields & Hunt, Ottawa, pour la défenderesse Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives.

    McCarthy Tétrault, Ottawa, pour l'intervenant CIRB.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Sexton, J.C.A.:

Introduction

[1]Les trois présentes demandes de contrôle judiciaire connexes déposées à l'encontre de certaines décisions du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) soulèvent deux importantes questions: le devoir de représentation juste dont un syndicat est redevable à l'endroit de ses membres s'étend-t-il à sa façon d'aborder la négociation collective après l'expiration d'une convention collective précédente et, dans l'affirmative, le Conseil dispose-t-il de pouvoirs de réparation suffisamment larges pour contraindre un syndicat et un employeur à rouvrir certains aspects de la convention conclue lorsque le syndicat a commis un manquement à ce devoir? Les présents motifs s'appliquent aux trois demandes.

Les faits

[2]Traditionnellement, les employés des chemins de fer canadiens faisant partie du personnel itinérant, c'est-à-dire ceux qui étaient engagés pour assurer un service à bord des trains, étaient classés, aux fins de la négociation collective, dans deux grandes catégories: les mécaniciens de locomotive et les chefs de train1. Pendant des décennies, ces unités de négociation ont été représentées par des agents négociateurs différents: les mécaniciens, par la Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives (la FIL), et les chefs de train, par les Travailleurs unis des transports (les TUT). Ces unités ont été partie à de nombreuses conventions collectives et à d'autres accords négociés avec Canadien Pacifique Limitée (CP), la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et la société qui leur a succédé en matière de services voyageurs, VIA Rail. Ces accords comprenaient des ententes de transfert spécial entre VIA, le CN (d'où provenaient la plupart des employés du personnel itinérant de VIA) et chacun des syndicats. Ces deux ententes permettaient aux employés de VIA faisant partie du personnel itinérant de conserver les droits d'ancienneté qu'ils avaient acquis au CN, et vice versa. Ainsi, les mécaniciens et les chefs de train pouvaient présenter leur candidature à des postes vacants tant chez VIA qu'au CN et passer d'une société à l'autre sans perdre leur ancienneté.

[3]En 1997, VIA a mis sur pied une «initiative relative à la composition des équipes» (également appelée «Ère nouvelle pour les services voyageurs» ou le projet «ENSV») dans le cadre de laquelle elle a proposé de reclassifier le personnel itinérant en fusionnant les fonctions des mécaniciens de locomotive avec la plupart des fonctions des chefs de train dans une nouvelle catégorie appelée «mécanicien d'exploitation»2. Le projet visait à éliminer jusqu'à 250 postes d'exécution et à permettre à l'entreprise de réaliser des économies pouvant atteindre 15 000 000 $ par année.

[4]En mars 1997, VIA a informé les unités de négociation de son intention en leur remettant les avis de changements importants exigés par les conventions collectives alors en vigueur3. Au même moment, elle a demandé au Conseil canadien des relations du travail (le CCRT--dont le CCRI a pris la place) de réviser l'accréditation des deux unités de négociation distinctes et d'ordonner le fusionnement de celles-ci. Le Conseil a tenu des audiences à ce sujet.

[5]Au cours des audiences, un certain nombre de problèmes liés au fusionnement des deux unités de négociation sont apparus. Les plus graves portaient sur les répercussions du fusionnement (tant en ce qui concerne les postes que les unités de négociation) pour les chefs de train, qui devaient former une minorité au sein de l'unité de négociation fusionnée, bien que par une marge minime. Plus précisément, alors que tous les mécaniciens avaient les qualités voulues pour exercer les fonctions du «mécanicien d'exploitation» et n'avaient besoin que d'une formation supplémentaire minime, seul un petit nombre de chefs de train se trouvaient dans une situation similaire; pour les autres, une formation majeure serait nécessaire.

[6]Reconnaissant que VIA avait le droit de décider de fusionner les fonctions et concluant qu'une seule unité de négociation pour les employés faisant partie du personnel itinérant était suffisante, le Conseil a autorisé le fusionnement des deux unités et ordonné la tenue d'un scrutin de représentation visant à déterminer le syndicat qui représenterait la nouvelle unité. Ce faisant, le Conseil a semblé comprendre les problèmes et reconnaître que les parties seraient en mesure de les régler:

Quel que soit le résultat du scrutin dans cette affaire, l'employeur, le syndicat choisi et de nombreux employés se retrouveront dans des positions difficiles. Les négociations entre l'employeur et le syndicat (qui représentera alors plusieurs employés dont les qualités pour exercer les fonctions de la classification combinée de «mécanicien d'exploitation» diffèrent) seront nécessairement difficiles et délicates. Il est important de souligner que l'employeur a reconnu qu'il devra fournir une formation importante et coûteuse--particulièrement à de nombreux chefs de trains pour que ceux-ci puissent exercer les tâches de mécanicien--afin que les membres des deux groupes d'employés touchés bénéficient, dans la mesure du possible, de perspectives d'emploi comparables4.

[7]Le vote de représentation a donné lieu à un résultat semblable à la répartition des postes et la FIL l'a emporté par 286 voix contre 260.

[8]Le 31 octobre 1997, le Conseil a accrédité la FIL à titre d'agent négociateur de la nouvelle unité de négociation fusionnée et, par le fait même, la FIL a été substituée aux TUT à titre de partie à la convention collective qui régissait les chefs de train employés par VIA5. Elle devait donc négocier avec VIA tant au sujet des changements importants à apporter aux deux conventions collectives existantes qu'au sujet des modalités d'une nouvelle convention collective applicable à l'unité fusionnée. VIA avait donné à la FIL et aux TUT un avis de négociation collective le 1er octobre 1997 et avait renouvelé son avis après le fusionnement. Même si les changements importants sont habituellement négociés en dehors de la démarche relative à la négociation collective et peuvent être examinés dans le cadre d'un arbitrage exécutoire ou même d'une mesure de grève, la FIL a décidé de négocier les changements importants au cours de la négociation collective elle-même.

[9]Le comité de négociation de la FIL a représenté les intérêts contractuels des chefs de train en faisant parvenir une liste supplémentaire de demandes à VIA et en désignant un sous-comité composé de trois chefs de train qui devait l'aider. Le principal rôle de ce sous-comité semble avoir été celui d'informer le comité de négociation relativement au nombre de chefs de train qui s'intéressaient à chacune des différentes options professionnelles (sélection possible en vue de la participation à la formation de mécanicien, pension, indemnité de départ, retour au CN, etc.)6.

[10]Les négociations ont été difficiles et aucune entente n'avait été conclue lorsque les conventions collectives existantes ont expiré le 31 décembre 1997. Les efforts déployés lors de la conciliation ont également été vains. VIA a tenté d'imposer l'initiative relative à la composition des équipes unilatéralement en avril 1998, mais le CCRT a statué que l'essentiel des dispositions des conventions collectives expirées (y compris les mesures relatives à la composition des équipes) demeurait en vigueur en raison du «gel» imposé par l'alinéa 50b) du Code canadien du travail et que la conduite de VIA équivalait à un lock-out illégal7. Finalement, en juin 1998, les parties ont conclu un accord provisoire comportant une Entente concernant la composition des équipes (ECCÉ), qui énonçait la façon dont l'initiative relative à la composition des équipes serait mise en oeuvre.

[11]Les modalités de l'ECCÉ étaient, à toutes fins utiles, identiques à celles que VIA avait tenté d'imposer unilatéralement en avril 1998. L'entente prévoyait une hausse de salaire pour les mécaniciens de locomotive, compte tenu des fonctions et responsabilités supplémentaires qui leur seraient imposées8. Les employés qui étaient précédemment considérés comme des mécaniciens de locomotive conservaient leur ancienneté reconnue par la convention collective antérieure.

[12]Afin de «limiter les conséquences» de la fusion des postes pour les chefs de train, l'ECCÉ prévoyait l'élaboration d'un programme de formation de mécaniciens de locomotive. Les chefs de train pouvaient demander à l'employeur de les choisir afin de leur permettre de suivre une formation dans le cadre de ce programme. Les personnes qui réussissaient la formation obtiendraient l'ancienneté à compter du 31 octobre 1997 et seraient alors admissibles à soumettre leur candidature à des postes de mécaniciens de VIA sur une base d'ancienneté. Ainsi, sauf pendant une courte période d'«exception», les anciens chefs de train obtiendraient une priorité inférieure à l'égard des postes vacants de mécaniciens de VIA comparativement aux mécaniciens qui avaient déjà les compétences voulues ainsi qu'aux 1 500 mécaniciens qui étaient employés du CN et qui étaient admissibles à soumettre leur candidature aux postes de VIA en vertu de l'accord de transfert de 1987 conclu entre VIA, le CN et la FIL9. L'ECCÉ accordait également aux chefs de train d'autres options de carrière, y compris la retraite volontaire, le versement d'une indemnité de départ ou, dans le cas des chefs de train qui étaient passés du CN à VIA, le retour au CN en vertu des modalités d'un autre accord de transfert négocié en 1987 par VIA, le CN et les TUT10.

[13]L'accord provisoire a été ratifié à la majorité des membres de la nouvelle unité de négociation, et, encore là, à peu près en fonction de l'ancienne répartition des postes, bien que par une marge nettement supérieure11. L'ECCÉ, qui est entrée en vigueur en juillet 1998, semble avoir eu des répercussions majeures pour les anciens chefs de train: peu d'entre eux ont été choisis en vue d'une formation à titre de mécaniciens de locomotive12 et la plupart ont dû retourner au CN ou prendre leur retraite contre leur volonté.

Chronologie des procédures

[14]Les particuliers qui sont défendeurs en l'espèce étaient chefs de train chez VIA. Ils ont déposé auprès du CCRI une plainte dans laquelle ils ont reproché à la FIL d'avoir transgressé l'article 37 du Code canadien du travail (le Code) en agissant de façon arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu'elle les a représentés. Leur contestation portait principalement sur l'ECCÉ négociée par la FIL et VIA. Les allégations pertinentes en l'espèce concernaient:

1.    l'exigence selon laquelle les chefs de train devaient être choisis en vue de suivre une formation comme mécaniciens plutôt que d'être automatiquement admissibles à cette formation;

2.    la perte des droits d'ancienneté en raison de l'adoption d'une liste d'ancienneté «à la baisse» dans le cas des chefs de train nouvellement formés;

3.    l'entente prévoyant que les chefs de train seraient admissibles à retourner au CN sans vérification préalable de la position du CN à ce sujet.

Première décision

[15]La formation qui a entendu l'affaire se composait simplement d'une vice-présidente. Le Conseil a ajouté VIA comme partie à la plainte, étant donné que les intérêts de la société pouvaient être touchés par le résultat de celle-ci. Il a également accordé aux TUT le statut de partie intéressée.

[16]Le Conseil a statué qu'il avait la compétence voulue pour examiner la plainte et souligné qu'il n'était pas illégal de la part d'un syndicat de favoriser un groupe d'employés par rapport à un autre, mais que le syndicat devait faire montre d'une certaine équité entre les deux groupes. Cependant, dans la présente affaire:

Les avantages obtenus au nom des chefs de train et des chefs de train adjoints, qui [portent] essentiellement sur leur cessation d'emploi, sont plutôt minimes comparativement aux avantages généreux obtenus pour les mécaniciens de locomotive13.

[17]Le Conseil a statué que la FIL n'avait pas agi de façon objective et responsable à l'endroit des intérêts des chefs de train et n'avait pas protégé la sécurité d'emploi et les droits d'ancienneté de ceux-ci.

[18]Afin de corriger la situation, le Conseil a ordonné à VIA et à la FIL de rouvrir les négociations relatives à l'ECCÉ au sujet des aspects suivants:

1.    le processus de sélection des chefs de train et des chefs de train adjoints;

2.    les dispositions sur l'ancienneté, dans la mesure où elles touchent les chefs de train et les chefs de train adjoints qui possèdent les compétences requises comme mécaniciens de locomotives; et

3.    l'application de l'entente spéciale négociée entre le TUT, VIA et le CN.

Pour se préparer à ces négociations, la FIL devait engager, après avoir obtenu l'avis des chefs de train à ce sujet, un professionnel qui l'aiderait à concevoir et à mener une consultation visant à déterminer les intérêts des chefs de train, et à les représenter lors des nouvelles négociations sur un pied d'égalité avec les représentants de la FIL.

[19]Tant la FIL que VIA ont demandé au Conseil de réexaminer sa décision et ont déposé des demandes de contrôle judiciaire auprès de la Cour14. Entre-temps, elles ont demandé un sursis à l'exécution de l'ordonnance du Conseil. Celui-ci a refusé d'accorder un sursis. Toutefois, le 17 janvier 2000, la Cour a ordonné qu'il y ait sursis à l'exécution de la décision du Conseil jusqu'à ce qu'elle se soit prononcée sur les demandes de contrôle judiciaire. Par suite de l'ajournement de ces demandes le 8 mai 2000, le sursis est demeuré en vigueur jusqu'à la date des présentes.

La décision découlant du réexamen

[20]Une formation de trois membres du Conseil a étudié la demande de réexamen, notamment les questions suivantes:

(1)    Les droits à la justice naturelle des deux requérantes ont-ils été lésés par les prétendues décisions préliminaires du Conseil concernant la nature de la preuve devant être produite à l'audience et le droit de participer de l'employeur?

(2)    Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit et a-t-il outrepassé sa compétence en appliquant l'article 37 du Code à la négociation de l'entente sur la composition des équipes?

(3)    Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit et a-t-il outrepassé sa compétence en ordonnant la renégociation de ladite entente15?

[21]En ce qui concerne la deuxième question, le Conseil a entrepris un examen approfondi de la façon dont lui et l'organisme qui l'a précédé, le CCRT, avaient interprété l'article 37. Il a rejeté l'opinion selon laquelle le libellé de la disposition l'empêchait d'examiner les questions découlant des négociations relatives à une convention collective. Compte tenu des circonstances de l'affaire dont il était saisi et de la conclusion quant au maintien en vigueur de l'essentiel des droits énoncés dans les conventions collectives antérieures (et expirées) en raison de l'article 50 du Code, le Conseil a statué qu'il ne serait pas raisonnable d'interpréter l'article 37 de façon à empêcher toute enquête concernant la cessation des droits en cause par la négociation d'une nouvelle convention.

[22]Le Conseil a décidé que la preuve appuyait la conclusion de la formation initiale selon laquelle la FIL ne s'était pas conformée à son devoir de représentation juste16 et que la réparation avait un lien rationnel avec le manquement et était compatible avec les objectifs de politique du texte de loi.

[23]En ce qui a trait à la question de la justice naturelle, la formation chargée du réexamen a passé en revue la transcription des audiences initiales et statué que, même si elles ont soutenu le contraire, les requérantes ne s'étaient pas vu refuser la possibilité de présenter des éléments de preuve qui auraient pu donner lieu à des conclusions différentes. Toutefois, reconnaissant que le syndicat et l'employeur avaient, de bonne foi, mal interprété les remarques du Conseil à ce sujet, elle a renvoyé l'affaire à la formation initiale afin de donner aux parties en question de nouvelles possibilités de présenter des éléments de preuve.

[24]VIA Rail a demandé le contrôle judiciaire de cette décision et est appuyée en partie par la FIL.

Procédures subséquentes

[25]La nouvelle audience ordonnée par la formation chargée du réexamen a eu lieu en septembre 2000 et la FIL a alors présenté un témoin, tandis que VIA n'a présenté aucun élément de preuve. Dans des motifs communiqués le 13 mars 2001, le Conseil a souligné que, d'après la nouvelle preuve présentée, la convention collective avait été ratifiée par une majorité supérieure à cel qu'on avait cru. En tout état de cause, la preuve relative au sondage que la FIL a présentée faisait ressortir que la Fraternité avait semblé présumer, dans sa façon d'aborder la négociation collective, que les chefs de train ne seraient pas intégrés, mais qu'ils seraient plutôt éliminés. Le Conseil a conclu comme suit:

[. . .] le simple fait de savoir que la très grande majorité des membres a voté en faveur de la ratification de la convention collective ne permet pas d'établir que la FIL s'était dès lors acquittée de son devoir de représenter tous les membres de la nouvelle unité fusionnée de manière équitable. En fait, la preuve continue d'indiquer que le syndicat a privilégié les mécaniciens de locomotive, dont il s'est employé à défendre les intérêts, et que les chefs de train ont été laissés pour compte. La preuve indique aussi que le syndicat a bien pris certaines mesures, mais il s'agissait uniquement de mesures visant à obtenir une majoration des indemnités et prestations payables aux chefs de train qui perdaient leur emploi plutôt qu'à sauvegarder leurs postes. Compte tenu du témoignage entendu, le Conseil n'est pas convaincu qu'il devrait annuler sa décision initiale17.

Dispositions légales pertinentes

[26]Code canadien du travail18

3. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

«convention collective» Convention écrite conclue entre un employeur et un agent négociateur et renfermant des dispositions relatives aux conditions d'emploi et à des questions connexes.

    [. . .]

21. Le Conseil exerce les pouvoirs et fonctions que lui confère la présente partie ou qu'implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances enjoignant de se conformer à la présente partie, à ses règlements et d'exécuter les décisions qu'il rend sur les questions qui lui sont soumises.

22. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les ordonnances ou les décisions du Conseil sont définitives et ne sont susceptibles de contestation ou de révision par voie judiciaire que pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de la Loi sur la Cour fédérale et dans le cadre de cette loi.

(2) Sauf exception prévue au paragraphe (1), l'action--décision, ordonnance ou procédure--du Conseil, dans la mesure où elle est censée s'exercer dans le cadre de la présente partie, ne peut, pour quelque motif, y compris celui de l'excès de pouvoir ou de l'incompétence à une étape quelconque de la procédure:

    a) être contestée, révisée, empêchée ou limitée;

    b) faire l'objet d'un recours judiciaire, notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto.

    [. . .]

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des employés de l'unité de négociation dans l'exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

    [. . .]

50. Une fois l'avis de négociation collective donné aux termes de la présente partie, les règles suivantes s'appliquent:

    a) sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties, l'agent négociateur et l'employeur doivent:

        (i) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

        (ii) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective;

    b) tant que les conditions des alinéas 89(1)a) à d) n'ont pas été remplies, l'employeur ne peut modifier ni les taux des salaires ni les autres conditions d'emploi, ni les droits ou avantages des employés de l'unité de négociation ou de l'agent négociateur, sans le consentement de ce dernier.

    [. . .]

99. (1) S'il décide qu'il y a eu violation [. . .] des articles 37, [. . .] le Conseil peut, par ordonnance, enjoindre à la partie visée par la plainte de cesser de contrevenir à ces dispositions ou de s'y conformer et en outre:

    [. . .]

    b) dans le cas de l'article 37, enjoindre au syndicat d'exercer, au nom de l'employé, les droits et recours que, selon lui, il aurait dû exercer ou d'aider l'employé à les exercer lui-même dans les cas où il aurait dû le faire;

    [. . .]

(2) Afin d'assurer la réalisation des objectifs de la présente partie, le Conseil peut rendre, en plus ou au lieu de toute ordonnance visée au paragraphe (1), une ordonnance qu'il est juste de rendre en l'occurrence et obligeant l'employeur ou le syndicat à prendre des mesures qui sont de nature à remédier ou à parer aux effets de la violation néfastes à la réalisation de ces objectifs.

Questions en litige

[27]Les deux seules questions que les parties en l'instance ont plaidées devant notre Cour sont les suivantes:

1.    Le devoir de représentation juste énoncé à l'article 37 du Code canadien du travail s'applique-t-il à la négociation collective au cours de la période de gel prévue par la loi qui suit l'expiration d'une convention collective précédente?

2.    Le paragraphe 99(2) du Code canadien du travail autorise-t-il le Conseil à accorder les réparations qu'il a ordonnées?

Analyse

Étendue du devoir de représentation juste

    Norme de contrôle

[28]La principale question à trancher pour déterminer la norme à la lumière de laquelle une cour de justice révisera les décisions d'instances administratives comme le CCRI est celle de savoir si la décision ultime était une décision que le législateur voulait laisser au Conseil19. Dans les arrêts allant de U.E.S., Local 298 c. Bibeault20 à Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)21, la Cour suprême a articulé et élaboré une analyse «pragmatique et fonctionnelle» pour répondre à cette question. Dans l'arrêt Pushpanathan, elle a résumé ses récents jugements en classant les facteurs à prendre en compte dans quatre catégories: l'existence et le libellé d'une clause privative, l'expertise relative de l'instance décisionnelle, l'objet de la loi dans son ensemble et de la disposition en cause ainsi que la nature du problème à résourdre22. Tous les facteurs doivent être examinés ensemble et aucun d'eux n'est déterminant en soi.

[29]La présence d'une clause privative «intégrale», «celle qui déclare que les décisions du tribunal administratif sont définitives et péremptoires, qu'elles ne peuvent pas faire l'objet d'un appel et que toute forme de contrôle judiciaire est exclue dans leur cas»23, donne une bonne indication à la Cour qu'elle devrait faire montre de retenue à l'endroit d'une décision du tribunal. Les décisions du Conseil canadien des relations industrielles sont protégées par la même clause privative «claire et formelle»24 qui protégeait les décisions de l'organisme qui l'a précédé. L'article 22 est une clause privative intégrale qui a pour effet de protéger les décisions du CCRI du contrôle judiciaire, sauf en cas de fraude, d'erreur de compétence ou de manquement aux règles de justice naturelle25.

[30]Le deuxième facteur à prendre en compte est l'expertise du Conseil par rapport à celle de la Cour. Le Parlement a confié au CCRI la tâche d'administrer une structure de relations du travail complexe qui a pour objectif l'équilibre entre les intérêts des employeurs, des syndicats et des employés et par voie de conséquence le maintien de la paix sociale. Comme l'a dit le juge Cory:

C'est tout à fait à bon droit qu'on a souvent reconnu qu'une commission des relations du travail est l'exemple même du tribunal administratif hautement spécialisé. Ses membres sont des experts dans l'application des lois du travail détaillées qui régissent le domaine difficile et souvent explosif des relations du travail. Par leur travail constant dans ce domaine délicat, les commissions des relations du travail acquièrent une expérience, des compétences et une compréhension spéciales nécessaires pour résoudre les problèmes complexes des relations du travail26.

[31]Les tribunaux ont reconnu le rôle que le Parlement a confié au Conseil en ce qui a trait à l'utilisation de sa compétence spécialisée pour l'application des dispositions du Code canadien du travail. Comme l'a souligné le juge Iacobucci:

Le Conseil canadien des relations du travail doit concevoir un régime cohérent et pratique pour l'application des nombreuses dispositions législatives qui régissent les relations du travail des employeurs et employés dont les activités sont du ressort fédéral. Pour que les différends entre ces travailleurs et leurs employeurs puissent se régler rapidement et d'une manière conciliable avec leurs autres droits et obligations aux termes du Code canadien du travail, les décisions du Conseil ne doivent pas pouvoir être systématiquement annulées par les cours de justice chaque fois que ces dernières désapprouvent la façon dont le Conseil a tranché une question donnée27.

[32]En revanche, la compétence de la magistrature au sujet des questions en litige dans la plupart des conflits de travail est plus restreinte. Le juge La Forest a cité à ce sujet les commentaires suivants du juge McIntyre:

    Notre expérience en matière de relations de travail montre que les tribunaux, en règle générale, ne sont pas les meilleurs arbitres des différends qui peuvent surgir à l'occasion. La législation du travail a reconnu ce fait, en créant d'autres procédures et d'autres tribunaux en vue d'obtenir un règlement plus prompt et efficace des problèmes qui surviennent dans le domaine du travail. Souvent, les problèmes en matière de travail ne se résument pas à des questions juridiques. Des questions politiques, sociales et économiques dominent fréquemment les conflits de travail. La création par voie législative [. . .], de commissions des relations du travail et de tribunaux du travail a permis, dans une large mesure, de répondre à des besoins auxquels ne pouvait satisfaire le système judiciaire. La nature des conflits de travail, des griefs et des autres problèmes qui surgissent dans ce domaine, commande le recours à des procédures spéciales, en dehors du système judiciaire ordinaire, pour les résoudre. Les juges n'ont pas les connaissances spécialisées toujours utiles et parfois nécessaires pour résoudre les problèmes en matière de travail. [. . .] À mon avis, il n'est guère contesté que les tribunaux spécialisés en matière de relations de travail sont mieux équipés que les tribunaux judiciaires pour résoudre les problèmes en matière de travail, sauf s'il s'agit de questions purement juridiques28.

[33]Le troisième facteur énoncé dans l'arrêt Pushpanathan porte sur l'objet de la loi et de la disposition en cause. C'est le préambule qui donne la meilleure indication de l'objet pertinent du Code canadien du travail:

Attendu:

qu'il est depuis longtemps dans la tradition canadienne que la législation et la politique du travail soient conçues de façon à favoriser le bien-être de tous par l'encouragement de la pratique des libres négociations collectives et du règlement positif des différends;

    [. . .]

que le Parlement du Canada désire continuer et accentuer son appui aux efforts conjugués des travailleurs et du patronat pour établir de bonnes relations et des méthodes de règlement positif des différends, et qu'il estime que l'établissement de bonnes relations du travail sert l'intérêt véritable du Canada en assurant à tous une juste part des fruits du progrès,

[34]Affirmant que la libre négociation collective constitue la meilleure façon de veiller à ce que les employeurs et les employés reçoivent «une juste part des fruits du progrès», le Parlement a aussi reconnu le pouvoir du syndicat en qualité de seul agent négociateur pour ses membres et il est intervenu pour rendre les agents négociateurs responsables de la manière dont ils représentent les intérêts de leurs membres. Ainsi, l'article 37 oblige le syndicat à représenter ses membres de façon juste, c'est-à-dire d'une manière qui n'est pas arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi. Ce devoir n'est pas illimité. Compte tenu de l'objet et des buts que vise le Code, il se restreint au domaine dans lequel le syndicat pourrait le plus facilement abuser de son monopole de négociation avec l'employeur--la représentation dans l'exercice des droits reconnus aux employés par la convention collective.

[35]Le désaccord entre les parties concerne principalement le dernier facteur mentionné dans l'arrêt Pushpanathan, soit la nature de la question que le Conseil devait trancher. Il est indéniable que la question porte sur l'interprétation de l'article 37. Selon VIA et la FIL, la question est celle de savoir si, dans les circonstances, le Conseil pouvait examiner une plainte au sujet de la façon dont un syndicat a représenté ses membres au cours de la négociation collective. À leur avis, il s'agit d'une «question de compétence» qui doit être révisée selon la norme de la décision correcte. Pour leur part, les autres parties font valoir que l'interprétation de l'article 37 et la question de savoir si le devoir de représentation juste s'applique aux circonstances de la plainte dont le Conseil était saisi relèvent clairement de la compétence de celui-ci et devraient être révisées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[36]Il appert de certains récents jugements de la Cour suprême du Canada que qualifier une question de question de compétence comme première étape d'une analyse n'est pas vraiment utile pour la détermination de la norme de révision applicable. S'exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour suprême, le juge Bastarache a récemment commenté directement la question en ces termes:

Bien que la terminologie et la méthode de la question «préalable», «accessoire» ou «de compétence» aient été remplacées par cette analyse pragmatique et fonctionnelle, l'accent est tout de même mis sur la disposition particulière invoquée et interprétée par le tribunal. Certaines dispositions d'une même loi peuvent exiger plus de retenue que d'autres, selon les facteurs qui seront exposés plus en détail plus loin. Voilà pourquoi il convient toujours, et il est utile, de parler des questions «de compétence» que le tribunal doit trancher correctement pour ne pas outrepasser sa compétence. Mais il faut bien comprendre qu'une question qui «touche la compétence» s'entend simplement d'une disposition à l'égard de laquelle la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte, en fonction du résultat de l'analyse pragmatique et fonctionnelle. Autrement dit, une «erreur de compétence» est simplement une erreur portant sur une question à l'égard de laquelle, selon le résultat de l'analyse pragmatique et fonctionnelle, le tribunal doit arriver à une interprétation correcte et à l'égard de laquelle il n'y a pas lieu de faire preuve de retenue29. [Non souligné à l'original.]

Effectivement, comme l'a récemment souligné le professeur MacLauchlan, [traduction] «la nouvelle analyse fonctionnelle donne à penser que le principe de la compétence devrait être relégué au second plan»30.

[37]Pour l'application de l'article 37, le Conseil devait adopter une interprétation large et contextuelle. La détermination du sens d'un texte de loi [traduction] «dans son contexte global, en tenant compte de l'objet de la loi, des conséquences des interprétations proposées, des présomptions et des règles spéciales d'interprétation ainsi que des sources acceptables d'aide extérieure»31 représente une tâche pour laquelle les cours de justice sont généralement bien préparées. Cependant, la complexité du régime de relations du travail prévu par le Code ajoute un élément supplémentaire pour lequel la Cour n'est peut-être pas aussi bien préparée. Dans le contexte d'une codification exhaustive qui vise l'équilibre entre les intérêts des employés, de leurs syndicats et des employeurs, il se peut que les incidences d'une interprétation donnée ne soient pas claires à première vue pour une instance décisionnelle ayant moins de connaissances et d'expérience spécialisées que le Conseil. C'est particulièrement le cas dans une situation semblable à celle de la présente affaire, où l'instance décisionnelle doit tenir compte de plusieurs autres dispositions du Code en raison des faits portés à son attention.

[38]Dans ce contexte, après avoir procédé à une analyse pragmatique et fonctionnelle de tous les facteurs pertinents, j'estime que la norme de contrôle applicable à l'égard de l'interprétation de l'article 37 par le Conseil est celle de la décision manifestement déraisonnable. Ce faisant, je souscris au raisonnement que Mme le juge McLachlin, maintenant juge en chef de la Cour suprême du Canada, a suivi lorsqu'elle s'est exprimée au nom des juges majoritaires de la Cour dans l'arrêt Lester (W.W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 74032, qui portait sur la révision d'une décision rendue par la Commission des relations du travail de Terre-Neuve. Résumant son analyse de la question de la norme de contrôle, elle a formulé les remarques suivantes:

Les cours de justice devraient faire preuve de circonspection et de retenue dans l'examen des décisions de tribunaux administratifs spécialisés comme la Commission en l'espèce. Cette retenue s'étend à la fois à la constatation des faits et à l'interprétation de la loi. Ce n'est que lorsque les éléments de preuve, perçus de façon raisonnable, ne peuvent étayer les conclusions de fait du tribunal, ou que l'interprétation donnée aux dispositions législatives est manifestement déraisonnable que la cour de justice peut intervenir33.

[39]J'en arrive maintenant à la question de savoir si l'interprétation que le Conseil a donnée à l'article 37 était manifestement déraisonnable.

    L'interprétation du Conseil

[40]L'article 37 du Code codifie le devoir de représentation juste du syndicat. Pour la présente affaire, la partie importante de cette disposition est celle qui limite le devoir de représentation du syndicat à l'endroit des employés à l'«exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective». La version anglaise de la disposition restreint de façon similaire l'obligation envers les employés «with respect to their rights under the collective agreement that is applicable to them». Le Conseil a statué que, dans les circonstances, étant donné que la convention collective antérieure avait expiré, mais que les «conditions d'emploi [. . .] [et] les droits ou avantages» des chefs de train étaient protégés par un «gel» prévu par la loi, cette restriction ne libérait pas le syndicat de son devoir de représentation juste lors de la négociation collective.

[41]La question est donc celle de savoir si, en concluant que le gel prévu à l'alinéa 50b) accordait aux chefs de train des «droits reconnus à ceux-ci par la convention collective», le Conseil a donné à l'article 37 une interprétation déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législation pertinente34.

[42]La FIL et VIA contestent l'interprétation du Conseil pour plusieurs motifs. Selon elles, l'évolution législative de l'article 37 indique que le Parlement avait l'intention d'empêcher le syndicat d'agir d'une manière arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi lors de la représentation de ses membres uniquement dans le cadre de l'application d'une convention collective et non dans le cadre des négociations s'y rapportant. À leur avis, le CCRT a reconnu cette intention dans une série de décisions rendues peu après l'entrée en vigueur du libellé actuel de la disposition, mais il a subséquemment étendu à tort la portée de celle-ci dans des décisions ultérieures. En tout état de cause, disent-elles, le devoir du syndicat qui découle de l'article 37 ne peut s'appliquer que pendant l'existence d'une convention collective. Interrogées sur la façon de savoir comment le syndicat peut être tenu responsable de la manière dont il représente les droits reconnus à ses membres par une convention collective après l'expiration de celle-ci, elles font valoir qu'un devoir reconnu en common law pourrait combler le vide laissé par leur interprétation ou qu'un employé pourrait déposer contre le syndicat une plainte dans laquelle il lui reprocherait d'avoir négocié de mauvaise foi.

[43]Étant donné que la seule question que je dois trancher est celle de savoir si l'interprétation du Conseil était manifestement déraisonnable, j'utiliserai la démarche que le juge La Forest a proposée dans l'arrêt Paccar:

Le tribunal a le droit de commettre des erreurs, même des erreurs graves, pourvu qu'il n'agisse pas de «façon déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législation pertinente et d'exiger une intervention judiciaire» (p. 237). Le critère de contrôle constitue un «test sévère» [. . .] Cette portée restreinte du contrôle oblige les cours de justice à adopter une attitude de retenue à l'égard des décisions du tribunal administratif. La retenue judiciaire est plus qu'une fiction invoquée par les cours de justice lorsque celles-ci sont d'accord avec les décisions du tribunal. Un simple désaccord avec le résultat atteint par le tribunal administratif ne suffit pas à rendre ce résultat «manifestement déraisonnable». Les cours de justice doivent prendre soin de vérifier si la décision du tribunal a un fondement rationnel plutôt que de se demander si elles sont d'accord avec celle-ci. L'accent devrait être mis non pas sur le résultat auquel est arrivé le tribunal, mais plutôt sur la façon dont le tribunal est arrivé à ce résultat. Les clauses privatives [. . .] constituent des exercices permis du pouvoir du législateur et, dans la mesure où elles restreignent la portée du contrôle judiciaire dans le cadre des pouvoirs constitutionnels, la Cour devrait respecter cette restriction et s'en remettre à la décision de la Commission35. [Non souligné dans l'original.]

Je mettrai donc l'accent sur la façon dont le Conseil en est arrivé à son interprétation.

[44]Avant 1985, le devoir de représentation juste était codifié en ces termes:

136.1 Lorsqu'un syndicat est accrédité à titre d'agent négociateur d'une unité de négociation, il doit, de même que ses représentants, représenter tous les employés de l'unité de négociation de façon juste et sans discrimination36.

[45]Cette disposition a été modifiée en juillet 1985 [L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 37] et est demeurée inchangée depuis:

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des employés de l'unité de négociation dans l'exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[46]Peu après, le CCRT a examiné le nouveau libellé de la disposition. Dans l'affaire Gordon Parsley et al.37, qui portait sur une plainte concernant le renouvellement d'une convention collective alors qu'aucun gel n'était en vigueur, le Conseil a formulé les commentaires suivants:

En ce qui concerne l'expression «la convention collective» le Conseil est d'avis que celle-ci présuppose l'existence d'une convention collective et, si on l'associe au terme «applicable», cela présuppose l'existence d'une convention collective qui, au moment pertinent, s'applique déjà aux employés compris dans l'unité de négociation. Le Conseil est aussi d'avis que l'emploi du terme «droits» a trait aux questions contenues dans une convention collective dûment négociée; cela signifie que, pour qu'un employé ait des droits aux termes d'une convention collective, il faut qu'une convention collective soit déjà en vigueur. [. . .] Le Conseil conclut donc que si l'article 136.1 [aujourd'hui l'article 37] parle de droits dans le cadre de la convention collective, c'est parce que le législateur voulait, et cela est maintenant exprimé dans la loi, que l'article traite d'une convention collective existante, c'est-à-dire d'une convention collective négociée et non d'une convention faisant l'objet de négociations. Par conséquent, le Conseil conclut que l'article [37], dans sa forme actuelle, ne lui permet pas de régler une plainte qui concerne directement la négociation d'une convention collective. Selon le Conseil, ledit article limite en fait son champ d'application aux questions qui découlent de l'application plutôt que de la négociation d'une convention collective.

[47]Cependant, peut de temps après, alors qu'il était saisi de circonstances factuelles différentes, le Conseil a proposé une interprétation plus nuancée de la disposition et statué que le devoir de représentation juste s'appliquait aux négociations liées aux droits reconnus par une convention collective pendant la durée de la convention:

Il est clair que le Parlement voulait faire en sorte qu'une convention collective négociée librement par les parties ne puisse être compromise par une plainte présentée en vertu de l'article [37]; les législateurs voulaient protéger l'intégrité du processus de négociation collective. Il fallait garantir qu'une convention collective librement négociée et liant un agent négociateur et un employeur ne pourrait être annulée par le biais d'une plainte présentée en vertu de l'article [37].

En l'espèce, vu que les négociations se sont déroulées sous le régime d'une convention collective, ce risque n'existe pas. Si le Conseil concluait que la négociation du protocole d'entente avait entraîné une violation de l'article [37], seul le protocole en question risquerait d'être annulé. Le statu quo, c'est-à-dire la convention collective telle qu'elle a été négociée au départ, resterait en vigueur jusqu'à son expiration. Il n'est pas possible que le Conseil annule la convention dans son ensemble.

Nous jugeons que les négociations qui ont lieu avant l'expiration d'une convention, lesquelles ne risquent pas de compromettre la convention dans son ensemble, n'ont rien à tirer de l'exception prévue par l'article [37]. Ainsi, le Conseil a le pouvoir de juger que l'article [37] a été violé par suite de telles négociations, encore que ce ne soit pas le cas dans la présente affaire38.

[48]Le Conseil a réexaminé l'interprétation de l'article 37 l'année suivante dans l'affaire Peter Reynolds et al.39. Après avoir révisé les commentaires qu'il avait formulés après 1985 sur la question, il s'est exprimé comme suit:

Il nous semble que les décisions rendues dans Parsley et Harris sont bien fondées à la base, si nous tenons compte de l'intention du législateur, qui était d'éviter que les conventions collectives soient mises en péril par des procédures engagées devant le Conseil en vertu de l'article [37]. La décision Harris s'écarte sensiblement de l'affirmation plus générale faite dans Parsley et les décisions subséquentes, et selon laquelle les négociations, de façon générale, ont été exclues du champ d'application de l'article [37]. Cela étant dit toutefois, nous ne savons que trop que le sens actuel de cette disposition se prête à une interprétation plus large que celle qui en a été donnée dans Parsley et Harris. Ce serait s'engager sur une pente dangereuse que de se fonder sur les termes «envers quelque employé de l'unité quant à leurs droits dans le cadre de la convention collective qui leur est applicable» pour exclure la négociation du champ d'application de l'article [37]. Chaque fois qu'un agent négociateur siège à une table de négociation, il représente les employés membres de l'unité. Il serait donc facile de soutenir que seule la négociation d'une première convention collective est exclue. Une fois les droits de l'employé établis dans une première convention collective, on peut aisément conclure qu'un agent négociateur représente les employés membres de l'unité de négociation «quant à leurs droits dans le cadre de la convention collective qui leur est applicable», chaque fois que ces droits doivent être renouvelés. Les conventions collectives elles-mêmes stipulent souvent qu'elles demeurent en vigueur au cours des négociations qui portent sur leur renouvellement. [. . .] Il est donc courant que des négociations aient lieu pendant que la convention collective est toujours en vigueur. Ce serait interpréter de façon très restrictive le libellé de l'article [37] que d'affirmer que, dans des cas semblables, l'agent négociateur ne représente pas les employés membres de l'unité de négociation quant à leurs droits dans le cadre de la convention collective qui leur est applicable.

    [. . .]

Nous n'entendons pas nous éloigner plus loin qu'il ne faut des questions en litige, mais nous nous devons de commenter brièvement un aspect particulier de la décision Parsley, [. . .] Ce commentaire a trait à la conclusion qu'on pourrait tirer de cette décision, selon laquelle la convention collective doit être en vigueur pour que l'article [37] puisse s'appliquer. Nous sommes certains qu'une telle interprétation ne reflète pas l'intention des membres du Conseil qui ont statué sur cette affaire; nous relevons, toutefois, dans les extraits de cette décision [. . .] des phrases telles que «pour qu'un employé ait des "droits" aux termes d'une convention collective, il faut qu'une convention collective soit déjà en vigueur», et «que l'article traite d'une convention collective existante, c'est-à-dire d'une convention négociée et non d'une convention faisant l'objet de négociations». Au cas où certains croiraient que ces commentaires signifient qu'une convention collective doit être en vigueur pour que l'article [37] puisse s'appliquer, nous tenons à préciser que ce n'est pas le cas.

Si l'existence d'une convention collective était nécessaire, cela voudrait dire a contrario que le devoir de représentation juste ne s'étend même pas à l'application d'une convention collective après son expiration. Tel n'est pas le cas, car l'obligation de l'agent négociateur de représenter les employés dans une procédure d'arbitrage de grief demeure, même une fois que la convention collective a théoriquement expiré.

[49]Ainsi, au fur et à mesure que les incidences complètes des différentes interprétations de l'actuel libellé de l'article 37 sont apparues, le CCRT s'est éloigné de son interprétation restrictive initiale de la disposition pour adopter une interprétation plus contextuelle. Dans la décision découlant du réexamen, le CCRI a examiné cette conception et a reconnu explicitement l'importance d'interpréter l'article 37 dans le contexte du Code et des valeurs qu'il représente:

Dans bien des cas, il arrive que la protection du processus de négociation soit la valeur déterminante. Mais ce n'est pas la seule valeur dans le Code, et le libellé de l'article 37 doit être interprété en conjugaison avec les autres dispositions applicables, telles qu'elles sont comprises dans le contexte des relations industrielles40.

[50]Le Conseil a ensuite examiné le sens à donner à l'article 37 dans le contexte de la plainte dont il était saisi:

En l'espèce, il est important que le Conseil interprète l'article 37 en respectant l'intention du législateur, en tenant compte des faits pertinents et des considérations liées aux relations industrielles. Dans VIA Rail Canada Inc. (1998), 107 di 92, le CCRT a fait remarquer que même si la convention collective était techniquement expirée, elle demeurait essentiellement en vigueur aux termes des dispositions du Code relatives au gel des conditions de travail, jusqu'à ce que les questions qui sont actuellement en litige aient été résolues par voie de négociation. Il est très peu probable, dans ces circonstances, et dans le contexte des autres dispositions législatives pertinentes, dont l'article 50 du Code, que la préoccupation du Conseil au sujet des négociations ultérieures en vient à être raisonnablement interprétée comme une préoccupation au sujet de la négociation d'une convention collective ne relevant pas de sa compétence. En outre, compte tenu de la preuve dont dispose le banc de révision, on ne peut conclure que les négociations prévues ont bel et bien eu lieu. Pour ce seul motif, cet aspect de la demande de réexamen devrait être rejeté.

Toutefois, le banc de révision est également d'avis que la décision du banc initial est conforme à l'interprétation acceptée de l'article 37 du Code. À l'heure actuelle, les relations de travail dans les secteurs d'activités fédéraux au Canada sont généralement fondées sur l'assurance que les droits conférés par les conventions collectives applicables sont des droits permanents. La notion que les droits d'ancienneté, les conditions de travail essentielles, le droit à l'emploi et les autres droits dont les employés minoritaires jouissent déjà aux termes d'une convention collective puissent être annulés de façon arbitraire et irréfutable par la signature d'une convention collective ayant obtenu l'appui d'une faible majorité et que toute enquête menée par le présent Conseil pour déterminer si le processus était équitable soit interdite par le libellé de l'article 37 nous semble incompatible avec une interprétation raisonnable de cet article du Code compte tenu de l'intention du législateur, comme il est indiqué dans les précédents susmentionnés. Le présent Conseil ne croit pas qu'il peut appliquer le Code actuel de façon à limiter ainsi sa compétence compte tenu du libellé de l'article 37 dans un contexte législatif. Le banc de révision estime donc que l'argument fondé sur les précédents selon lequel le Conseil devrait limiter sa sphère de compétence est sans fondement étant donné que la jurisprudence ne semble pas étayer une telle prétention de façon incontestable. En outre, il semble qu'aucune intention semblable de limiter la portée d'une enquête que le Conseil peut mener ne se dégage du libellé de la disposition41.

[51]À mon avis, l'interprétation que le Conseil a donnée à l'article 37 en l'espèce n'était pas manifestement déraisonnable.

[52]L'article 37 impose au syndicat l'obligation de représenter de façon juste ses membres dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention collective. Cette disposition ne libère pas nécessairement le syndicat du devoir en question lorsque la convention collective en cause n'est plus en vigueur. Effectivement, une fois qu'un avis de négociation collective a été donné, les conditions d'emploi ou les droits et avantages des employés de l'unité de négociation sont gelés par l'application de l'alinéa 50b) jusqu'à ce que les parties obtiennent le droit de grève ou le droit de lock-out conformément à l'article 89 [mod. par L.C. 1998, ch. 26, art. 39; 1999, ch. 31, art. 157]. Le gel prévu par la loi n'a de sens que dans la mesure où les conditions, droits ou avantages qu'il vise ont une source. Cette source est la convention collective précédemment en vigueur. Ainsi, le syndicat est tenu, pendant la période du gel, de représenter ses membres de manière juste en ce qui concerne les conditions, droits et avantages protégés de toute modification par l'alinéa 50b).

[53]À mon avis, le devoir de représentation juste s'applique indéniablement à l'administration des questions faisant l'objet du gel. La question est de savoir si ce devoir peut s'étendre à la conduite du syndicat au cours de la négociation collective qui a lieu pendant la période du gel.

[54]VIA et la FIL soutiennent que l'application du devoir de représentation juste à la négociation collective va à l'encontre du principe des libres négociations collectives. Selon elles, cette application élargie aurait pour effet de détruire les possibilités de concession qui caractérisent foncièrement les négociations, en empêchant le syndicat de négocier à la baisse des droits existants. Je ne suis pas d'accord. Le devoir de représentation juste n'empêche pas le syndicat de faire des concessions à l'égard des droits et avantages existants de ses membres dans le cadre du processus de négociation. Il le contraint plutôt à s'abstenir d'agir d'une manière arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi lorsqu'il fait ces concessions au cours du processus de négociation collective.

[55]Toute autre conclusion aurait pour effet de permettre à un syndicat de simplement ne pas s'occuper tout de suite de questions controversées comme l'initiative relative à la compostition des équipes examinée en l'espèce afin de pouvoir les examiner avec l'employeur pendant la négociation collective plutôt que pendant la durée de la convention collective. Alors que l'examen de ces questions pendant la durée de la convention collective serait assujetti au devoir énoncé à l'article 37, le fait de retarder les négociations protégerait le syndicat de l'examen découlant de cette disposition. À mon avis, une interprétation permettant ce résultat serait irrationnelle et absurde.

L'ordonnance réparatrice du Conseil

[56]Compte tenu de ma conclusion selon laquelle l'interprétation que le Conseil a donnée à l'article 37 n'était pas manifestement déraisonnable, je dois examiner l'ordonnance qu'il a rendue pour corriger la contravention au Code commise par la FIL.

    Norme de contrôle

[57]Pour déterminer la norme à appliquer pour la révision de l'ordonnance réparatrice du Conseil, je fonde mon analyse sur les commentaires qui sont formulés aux paragraphes 29 à 40 des présents motifs et qui concernent la clause privative et l'objet du Code ainsi que l'expertise du Conseil. L'ordonnance réparatrice du Conseil était équitable et fondée sur le paragraphe 99(2) du Code, qui accorde au CCRI un pouvoir exceptionnellement large. Les répercussions du pouvoir exceptionnellement large dont le Conseil est investi en vertu de cette disposition ont été examinées dans l'affaire Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail)42, qui portait sur une réparation allant à l'encontre du principe des négociations collectives libres. S'exprimant au nom des juges majoritaires et adoptant une analyse pragmatique et fonctionnelle de la disposition, le juge Cory a conclu comme suit:

La vaste portée de la disposition relative à la réparation indique clairement que le législateur a voulu que le Conseil ait la latitude nécessaire pour formuler les réparations les mieux adaptées à l'éventail des problèmes et des situations auxquels il doit faire face. Il convient de noter que cette disposition a été modifiée en 1978. Auparavant, le Conseil n'était habilité à imposer que les réparations énumérées. L'article 189 (maintenant le par. 99(2)) a été ajouté en 1978. Cette disposition autorise le Conseil à rendre ses ordonnances en se fondant sur les principes de l'équité. Le Conseil dispose maintenant de la latitude et de l'autorité nécessaires pour créer les réparations innovatrices qui s'imposent pour parer aux violations du Code et pour réaliser ses objectifs. Il est clair qu'en accordant au Conseil un pouvoir discrétionnaire aussi large, le législateur a voulu que les cours de justice défèrent à l'expérience et aux compétences de celui-ci lorsqu'il rend des ordonnances réparatrices, pourvu qu'elles ne soient pas manifestement déraisonnables43.

[58]Dans les circonstances de la présente affaire, l'ordonnance du Conseil sera manifestement déraisonnable uniquement s'il n'y avait aucun lien rationnel entre le manquement, ses conséquences et la réparation ou si cette réparation était incompatible avec les objectifs ou la politique du Code44.

[59]À mon sens, l'ordonnance du Conseil avait un lien rationnel avec le manquement du syndicat et avec les conséquences de ce manquement. Le Conseil a conclu que la FIL n'avait pas représenté les chefs de train de façon juste relativement à trois aspects explicitement traités dans l'ECCÉ. Ce n'est qu'à l'égard de ces aspects que de nouvelles négociations ont été ordonnées. Le Conseil a statué que les manquements du syndicat découlaient de son omission de déterminer et de tenir compte des intérêts des chefs de train au cours des négociations relatives à l'ECCÉ. Il a ordonné à la FIL de concevoir un processus de consultation avec les chefs de train et de retenir les services d'un professionnel qui pourrait s'exprimer en leur nom sur un pied d'égalité avec le représentant des mécaniciens de locomotive au cours des négociations. Ces mesures constituaient des réactions rationnelles et proportionnelles aux contraventions commises par la FIL.

[60]Je ne puis concevoir de réparation qui conviendrait davantage et ni VIA non plus que la FIL n'ont pu en proposer. Il est vrai que l'ordonnance aura des répercussions pour VIA, même si celle-ci n'a été reconnue coupable d'aucune contravention au Code. Cependant, ces répercussions constituent un résultat nécessaire et inévitable de la conclusion défavorable à laquelle le Conseil en est arrivé en ce qui concerne la FIL. L'employeur a été ajouté comme partie à la plainte initiale et autorisé à formuler des observations devant le Conseil en raison, du moins en partie, de la reconnaissance des répercussions que l'ordonnance pourrait avoir sur ses intérêts.

[61]Le raisonnement que le CCRI a suivi pour déterminer la portée du devoir qui incombe au syndicat en vertu de l'article 37 et pour décider si le devoir avait effectivement été rempli démontre de façon concluante que le Conseil avait en tête les objectifs et la politique du Code canadien du travail. Il a examiné avec soin la façon dont il avait précédemment interprété la disposition et il a également examiné d'autres dispositions connexes, comme l'article 50. De plus, il a tenu compte des incidences de différentes interprétations de l'article 37 à la lumière de la nature des droits reconnus par les conventions collectives. À mon avis, l'ordonnance qui résulte de cet examen est tout à fait compatible avec l'un des objets du Code, soit l'équilibre entre la promotion des négociations collectives libres et la protection des employés représentés par un agent négociateur.

Conclusion

[62]En conclusion, je suis d'avis que ni l'interprétation que le Conseil a donnée à l'article 37 ni l'ordonnance réparatrice qu'il a rendue n'étaient manifestement déraisonnables. Par conséquent, je rejetterais les demandes avec dépens en faveur de M. Cairns et autres ainsi que des TUT. J'annulerais également le sursis à l'exécution de l'ordonnance réparatrice du Conseil.

[63]L'affaire est renvoyée au Conseil dans le seul but de la fixation d'un nouveau délai aux fins de la négociation des modifications de l'Entente concernant la composition des équipes dont il est fait mention au paragraphe 1 de son ordonnance.

Le juge Strayer, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Sharlow, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

1 Chacune de ces catégories comprend un certain nombre de métiers connexes. Cependant, par souci de simplicité, j'ai choisi d'utiliser ces désignations.

2 Les autres fonctions des chefs de train devaient être transférées aux employés affectés aux «services à bord», qui étaient membres d'une unité de négociation représentée par un autre syndicat, le TCA-Canada.

3 Selon les modalités de ces conventions collectives, les changements importants devaient être négociés entre les parties. Dans les cas où aucune entente ne pouvait être conclue, l'affaire devait être soumise à l'arbitrage exécutoire. Voir Cairns (Re), [1999] D.C.C.R.I. no 35 (QL), au par. 7 (ci-après Cairns I); Cairns (Re), [2000] D.C.C.R.I. no 24 (QL), au par. 3 (ci-après Cairns II).

4 VIA Rail Canada Inc. (1997), 38 C.L.R.B.R. (2d) 124, au par. 16.

5 Voir le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 36(1)c), et l'analyse faite dans VIA Rail Canada Inc. (Re). (1998), 45 C.L.R.B.R. (2d) 150.

6 Voir Cairns (Re), [2001] D.C.C.R.I. no 8, aux par. 11 et 34 (ci-après Cairns III).

7 VIA Rail Canada Inc. (1998), supra, note 5.

8 L'expression «mécanicien d'exploitation» n'est nullement utilisée dans l'entente, où les mots «mécanicien de locomotive» ont plutôt été employés. Apparemment, ce choix visait à la conformité avec la terminologie utilisée dans la législation et les documents d'accréditation. Voir Cairns I, au par. 40.

9 Ibid., au par. 39.

10 Lorsque l'ECCÉ a été négociée, il n'était pas certain que le CN respecterait l'accord de transfert, compte tenu du fusionnement des unités de négociation. L'affaire a été tranchée lorsqu'un arbitre a décidé, en novembre 1999, que le CN devait reprendre à son emploi les chefs de train de VIA conformément aux dispositions de l'accord de transfert.

11 Soit 323 voix contre 133 et quatre bulletins gâtés. Cairns III, au par. 27.

12 Apparemment, très peu de chefs de train qui ont demandé l'autorisation de suivre une formation comme mécaniciens de locomotive ont été choisis. Un certain nombre de rejets font actuellement l'objet de griefs.

13 Cairns I, au par. 119.

14 [2000] A.C.F. no 112 (C.A.) (QL) et [2001] A.C.F. no 672 (C.A.) (QL).

15 Cairns II, supra, au par. 35.

16 Ibid., au par. 74.

17 Cairns III, supra, au par. 98.

18 L.R.C. (1985), ch. L-2.

19 ;Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au par. 26; Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, au par. 30.

20 [1988] 2 R.C.S. 1048.

21 Précité, note 19.

22 Ibid., aux par. 29 à 38.

23 ;Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers' Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890, au par. 17.

24 ;Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 1 R.C.S. 369, au par. 36.

25 Voir la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5], 28 [mod., idem, art. 8].

26 ;Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., [1996] 2 R.C.S. 432, au par. 24.

27 ;Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, au par. 31.

28 ;Caimaw c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983, aux p. 1004 et 1005.

29 Pushpanathan, précité, note 19, au par. 28.

30 H. W. MacLauchlan, «Transforming Administrative Law: The Didactic Role of the Supreme Court of Canada» (2001), 80 R. du B. Can. 281, à la p. 294.

31 R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd. (Toronto: Butterworths, 1994), à la p. 131.

32 [1990] 3 R.C.S. 644.

33 Ibid., à la p. 669.

34 ;Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, à la p. 237.

35 Paccar, supra, note 28, aux p. 1003 et 1004.

36 Code canadien du travail, S.R.C. 1970, ch. L-1, art. 136.1 (édicté par S.C. 1977-1978, ch. 27, art. 49).

37 (1986), 64 di 60, à la p. 68.

38 George Harris et al. (1986), 68 di 1, à la p. 9.

39 (1987), 68 di 116 (C.C.R.T.), aux p. 126 à 128.

40 Cairns II, supra, au par. 62.

41 Ibid., aux par. 63 et 64.

42 Supra, note 24.

43 Ibid., au par. 65.

44 Ibid., au par. 68.

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