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[2001] 2 C.F. 15

A-622-99

Lexus Foods Inc. (appelante) (défenderesse)

c.

Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha ata Toyota Motor Corporation (intimée) (demanderesse)

Répertorié : Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha c. Lexus Foods Inc. (C.A.)

Cour d’appel, juges Strayer, Linden et Malone, J.C.A. Ottawa, 7 et 20 novembre 2000.

Marques de commerce Enregistrement Appel de la décision de la Section de première instance selon laquelle l’enregistrement de la marque « Lexus » en vue de son emploi en liaison avec des aliments en conserve crée de la confusion avec la marque « Lexus » de l’intimée employée en liaison avec des automobiles Le juge de la Section de première instance a accordé moins d’importance à la différence existant dans le genre de marchandises parce que « Lexus » était un mot inventé, parce que l’appelante avait délibérément choisi le nom en raison du fait qu’il était un symbole de qualité et parce qu’une marque de commerce mérite une plus grande protection afin de préserver sa réputation en devenir Appel accueilli Il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents énumérés à l’art. 6(5) de la Loi sur les marques de commerce et accorder l’importance voulue à chacun d’eux Une grande importance doit être accordée à l’énorme différence existant dans le genre des produits La célébrité doit être appréciée de pair avec les autres facteurs La Cour n’a pas l’obligation de protéger les marques de commerce prometteuses Un mot inventé utilisé dans une marque de commerce en liaison avec certains produits peut être utilisé en liaison avec d’autres produits s’il n’en résulte pas de confusion Le fait que le mot a été choisi parce qu’il est un symbole de qualité est pertinent pour déterminer s’il y a contrefaçon, mais il a peu d’importance pour déterminer s’il y a confusion Il n’existe pas de doctrine de mens rea dans le domaine des marques de commerce.

Il s’agit d’un appel de la décision de la Section de première instance ordonnant au registraire de rejeter la demande d’enregistrement de la marque « Lexus » que l’appelante souhaite employer en liaison avec des aliments et des jus en conserve, pour le motif qu’elle crée de la confusion avec la marque « Lexus » de l’intimée employée en liaison avec des automobiles. Le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce prévoit les circonstances qui doivent être prises en considération pour déterminer si une marque de commerce crée de la confusion. Le juge de la Section de première instance établit une distinction d’avec l’arrêt Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 C.F. 534 (C.A.), qui énonce la démarche qui convient d’adopter à l’égard du paragraphe 6(5), et statue qu’il faut accorder moins d’importance à la différence qui existe dans le genre de marchandises, car « Lexus » est un mot inventé, l’appelante a délibérément choisi le nom parce qu’il était un symbole de qualité et une marque de commerce jouissant d’un début de célébrité mérite une protection encore plus étendue afin de préserver sa réputation en devenir.

La question en litige était de savoir si l’emploi de la marque « Lexus » en liaison avec des aliments en conserve crée de la confusion avec la marque de commerce « Lexus » enregistrée par l’intimée et employée en liaison avec des automobiles.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Il est nécessaire d’évaluer tous les facteurs pertinents énumérés au paragraphe 6(5) dans chacun des cas et de rendre une décision qui tient convenablement compte de chacun d’eux. L’un des facteurs clés en l’espèce est la différence frappante entre les marchandises. La protection doit être accordée en liaison avec certaines marchandises ou certains services, car la confusion est moins probable lorsque les marchandises sont sensiblement différentes, même lorsque la marque est bien connue. L’emploi de la phrase « que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale » aux paragraphes 6(2), 6(3) et 6(4) ne signifie pas que la nature des marchandises n’est pas pertinente pour déterminer s’il y a confusion; cette phrase donne uniquement à penser que la confusion peut être engendrée par des marchandises qui ne sont pas de « la même catégorie générale », mais qui ont une certaine ressemblance ou un certain lien avec les marchandises en question. Le genre de marchandises comparées afin de déterminer s’il peut y avoir confusion demeure pertinent, et lorsqu’elles sont sensiblement différentes, il faut accorder une importance considérable à ce facteur, ce que le juge de la Section de première instance n’a pas fait, tout comme il a fait fi de la nature du commerce comparé.

La célébrité d’une marque n’est que l’un des facteurs devant être pris en considération. Si la célébrité d’un nom pouvait empêcher toute autre utilisation de ce nom, le concept fondamental de l’octroi d’une marque de commerce en liaison avec certaines marchandises perdrait toute sa signification. Le tribunal n’a pas l’obligation de protéger des marques de commerce prometteuses. En ce qui concerne la célébrité, il doit tenir compte des faits tels qu’ils se présentent au moment de sa décision.

De même, le fait que « Lexus » soit un mot inventé ne peut être déterminant quant à l’issue de l’affaire. Un mot inventé utilisé dans une marque de commerce en liaison avec certaines marchandises peut être utilisé en liaison avec d’autres marchandises s’il n’en résulte pas de confusion. Ce sont les dispositions législatives qui sont déterminantes, et non le fait que le propriétaire d’une marque de commerce a obtenu l’enregistrement d’un nouveau mot.

Le fait que l’appelante a choisi d’utiliser le mot Lexus parce que c’était un symbole de qualité est un facteur pertinent pour déterminer s’il y a contrefaçon, mais il a peu d’importance pour déterminer s’il y a confusion. L’existence d’une confusion ne dépend pas de la connaissance qu’une personne a ou non de l’existence de la marque de commerce. Il n’existe pas de doctrine de mens rea dans le domaine des marques de commerce.

Le juge de la Section de première instance n’a pas accordé suffisamment d’importance à « l’énorme différence » qui existe dans le genre des produits en question. L’enregistrement de la marque de commerce « Lexus » en liaison avec certains aliments en conserve ne crée pas de confusion avec l’emploi de la même marque en liaison avec des automobiles.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 6(5), 19 (mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 60).

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 C.F. 534 (1998), 80 C.P.R. (3d) 247; 225 N.R. 82 (C.A.).

APPEL de la décision de la Section de première instance ordonnant au registraire de rejeter la demande d’enregistrement de la marque « Lexus » de l’appelante devant être employée en liaison avec des aliments et des jus en conserve, pour le motif qu’elle créait de la confusion avec la marque de commerce « Lexus » de l’intimée employée en liaison avec des automobiles (Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha (c.o.b. Toyota Motor Corp.) c. Lexus Foods Inc. (1999), 2 C.P.R. (4th) 62; 174 F.T.R. 277 (C.F. 1re inst.)). Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Adele J. Finlayson et Shawn L. C. Peers, pour l’appelante (défenderesse).

Ronald E. Dimock et Nicola M. Hunt, pour l’intimée (demanderesse).

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Macera & Jarzyna, Ottawa, pour l’appelante (défenderesse).

Nicola M. Hunt, Ottawa, pour l’intimée (demanderesse).

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Linden, J.C.A. : La présente affaire soulève la question de savoir si l’emploi du nom Lexus en liaison avec certains aliments en conserve crée de la confusion avec la marque de commerce enregistrée « Lexus », qui est employée par l’intimée en liaison avec l’automobile qu’elle fabrique. Le registraire des marques de commerce a rejeté l’opposition de l’intimée, mais en appel devant la Section de première instance de la Cour cette décision a été infirmée et il a été ordonné au registraire de rejeter la demande de l’appelante [(1999), 2 C.P.R. (4th) 62 (C.F. 1re inst.)]. Cette dernière décision fait maintenant l’objet d’un appel devant notre Cour.

[2]        Toyota Motor Corporation (l’intimée) est propriétaire des marques déposées suivantes :

a) « Lexus », no d’enregistrement TMA 377,407, accordée le 21 décembre 1990 pour être employée en liaison avec [traduction] « des automobiles, des pièces et des accessoires d’automobiles »;

b) « Lexus », no d’enregistrement TMA 377,423, accordée le 21 décembre 1990, pour être employée en liaison avec [traduction] « la réparation et l’entretien d’automobiles, la location d’automobiles et la fourniture à d’autres de financement destiné à l’achat d’automobiles »;

c) « Lexus & Design », no d’enregistrement TMA 412,246, accordée le 14 mai 1993, pour être employée en liaison avec des pièces et des accessoires d’automobiles ainsi qu’une grande variété de biens de consommation.

[3]        Le 27 avril 1992, l’appelante, Lexus Foods Inc., a produit une demande d’enregistrement no 703,830 pour la marque de commerce « Lexus » qu’elle se proposait d’employer en liaison avec des fruits en conserve, des légumes en conserve, des jus de fruits et de légumes. Le 10 février 1993, l’intimée a produit une déclaration d’opposition à l’égard de la demande. Dans une décision de sept pages, le registraire des marques de commerce a estimé que l’intimée n’avait pas réussi à fournir la preuve qu’elle possédait une marque célèbre, ou qu’il y avait un chevauchement des canaux de commerce, et a conclu qu’il n’existait pas « de risque raisonnable de confusion » entre les marques des parties, parce qu’il n’y avait aucun lien entre les biens et les services de l’appelante et ceux de l’intimée. L’intimée en a appelé à la Section de première instance de la Cour fédérale.

[4]        Le juge de première instance a infirmé cette décision. Bien qu’il ait indiqué qu’un tribunal doit faire preuve de prudence en examinant un appel interjeté à l’encontre d’une décision du registraire, il a expliqué que, comme une nouvelle preuve a été présentée lors de l’instruction[1], la Cour « jouit d’une plus grande latitude face à la décision du registraire »[2]. Le juge de première instance a fondé sa décision sur certains affidavits, dont celui de Ruth Corbin qui a mené une enquête auprès des adultes canadiens afin de déterminer à quoi le mot « Lexus » leur faisait penser, laquelle enquête a indiqué que 6 adultes canadiens sur 10 reconnaissent que le mot leur faisait penser à une automobile. Il a conclu que les résultats de l’enquête suffisaient à démontrer que la marque de commerce « Lexus » est célèbre ou notoirement connue. Après avoir analysé le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce[3], il a décidé que le registraire avait commis une erreur et que l’utilisation de la marque « Lexus » par l’appelante créait de la confusion. En toute déférence, je ne souscris pas à cette conclusion.

Analyse

[5]        La principale disposition législative qui s’applique au présent appel est le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce dont le libellé est le suivant :

6. […]

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[6]        L’approche qu’il convient d’adopter à l’égard de ce paragraphe a été définie par la Cour dans l’arrêt Pink Panther[4]. Le juge de première instance a toutefois fait une distinction d’avec cet arrêt au motif [au paragraphe 32] qu’« il faut accorder moins d’importance à la différence qui existe dans le genre de marchandises », parce que « Lexus » était un « mot inventé », parce que l’appelante a délibérément choisi le nom en raison du fait qu’il était un « symbole de qualité », et parce qu’une marque de commerce [au paragraphe 29] « qui jouit d’un début de célébrité mérite une protection encore plus étendue afin de préserver sa réputation en devenir ». Ce faisant, il a, selon moi, commis une erreur pour plusieurs raisons.

[7]        Il faut évaluer tous les facteurs pertinents énumérés au paragraphe 6(5) dans chaque cas et rendre une décision qui tient compte de façon appropriée de chacun d’eux. En l’instance, un des facteurs clefs qui était en jeu était la différence frappante entre les marchandises, facteur auquel le registraire a accordé un poids considérable. Toutefois, le juge de première instance n’a pas estimé que l’alinéa 6(5)c) était significatif à la lumière de sa vision des autres facteurs. Il faut rappeler que les marques de commerce sont toujours employées et reconnues en liaison avec certaines marchandises ou certains services[5]. Tel qu’indiqué dans l’arrêt Pink Panther [au paragraphe 42], « celui qui enregistre une marque de commerce n’est pas propriétaire des mots ou des images que contient cette marque ». La protection accordée doit être en liaison avec certaines marchandises ou certains services, car la confusion est moins probable lorsque les marchandises sont sensiblement différentes, même quand la marque en est une qui est bien connue. L’emploi de la phrase « que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale », apparaissant aux paragraphes 6(2), (3) et (4), ne signifie pas que la nature des marchandises n’est pas pertinente pour déterminer s’il y a confusion; cette phrase donne uniquement à penser que la confusion peut être engendrée par des biens qui ne sont pas de « la même catégorie générale », mais qui ont une certaine ressemblance ou un certain lien avec les marchandises en question. Le genre de biens comparés afin de déterminer s’il peut y avoir de la confusion demeure pertinent, et lorsqu’ils sont à ce point différents comme des autos et des aliments en conserve, il faut donner une importance considérable à ce facteur, ce que le juge de première instance n’a pas fait, mais ce que le registraire a fait de façon appropriée. Cette question était esquissée dans l’arrêt Pink Panther où la Cour a dit : « si une marque renvoie à des produits d’entretien domestique tandis que l’autre s’applique à des produits automobiles et que ces produits sont distribués dans des boutiques d’un genre différent, la probabilité que les consommateurs confondent une marque avec l’autre sera moins grande »[6].

[8]        De même, le juge de première instance a ignoré la nature du commerce comparé, soit le facteur visé à l’alinéa 6(5)d). En l’instance, les automobiles sont vendues par des concessionnaires automobiles à travers le monde, habituellement dans des édifices spéciaux prévus à cette fin. Les biens en conserve en question sont principalement vendus à des acheteurs institutionnels dans la province de Québec. On peut difficilement voir comment quelqu’un qui veut acheter des jus de fruits en conserve de l’appelante pourrait même penser que le fabriquant automobile japonais de « Lexus » fournit ces produits. L’enquête mise en preuve montrant que le nom « Lexus » était associé par les personnes interrogées à une automobile n’établit pas qu’il y a eu la moindre confusion entre les deux produits. Elle établit simplement que de nombreuses personnes connaissent l’automobile de luxe fabriquée par l’intimée. Il convient de souligner que la preuve établit que nombre d’entreprises, n’ayant aucun lien avec les automobiles, utilisent le nom Lexus, telles que Lexus Bath Mat, Lexus Cleaners, Lexus Computer Training, Lexus Realty et autres. Le registraire était manifestement d’opinion que les consommateurs potentiels d’aliments en conserve « Lexus » n’auraient pas de doute quant à la source du produit qu’ils achètent, tout comme les consommateurs de ces autres entreprises pourraient probablement déterminer assez facilement que la source des produits offerts n’est pas la société japonaise Toyota. Le registraire a estimé que c’était le cas et je ne vois pas en quoi il a commis la moindre erreur à cet égard.

[9]        Le fait que le juge de première instance se soit appuyé sur la conclusion que la marque « Lexus » était célèbre ou en train de le devenir l’a conduit à vouloir trop la protéger. Bien que la célébrité de la marque puisse fort bien être un facteur significatif à considérer, tout comme la période pendant laquelle elle a été employée, soit les facteurs aux paragraphes 6(5)a) et b), elle n’est pas déterminante. La célébrité à elle seule ne protège pas une marque de commerce de façon absolue. Il s’agit simplement d’un facteur qui doit être apprécié en liaison avec tous les autres facteurs. Si la célébrité d’un nom pouvait empêcher toute autre utilisation de ce nom, le concept fondamental de l’octroi d’une marque de commerce en liaison avec certaines marchandises perdrait toute sa signification. De plus, on ne peut soutenir que le tribunal a l’obligation de protéger les marques de commerce prometteuses « pour préserver [leur] réputation en devenir », ainsi qu’il ressort implicitement des motifs du juge de première instance. Le tribunal doit, sur la question de la célébrité, tenir compte des faits tels qu’ils se présentent au moment de sa décision. Comme la Cour l’a dit dans l’arrêt Pink Panther[7] au sujet de cette marque de commerce :

Conclure en effet qu’un tel lien est suffisant [entre des produits de beauté et des films] en l’espèce étendrait effectivement la protection à tous les domaines d’activités imaginables. Aucun secteur n’échapperait plus à la machine de mise en marché d’Hollywood. Ce n’est pas parce que les mots qui figurent dans le titre d’un film d’Hollywood sont bien connus qu’il devient interdit à tout jamais au monde entier de les employer pour mettre en marché des biens différents.

[…]

Quelle que soit la notoriété de la marque, elle ne peut servir à créer un lien qui n’existe pas.

On peut en dire autant des noms d’automobiles bien connus.

[10]      Le juge de première instance semble également avoir accordé beaucoup d’importance au fait que le mot Lexus est un « nom inventé ». Bien qu’il puisse s’agir d’un facteur méritant d’être pris en considération pour décider s’il peut y avoir confusion, il ne peut être déterminant quant à l’issue de l’affaire. Les mots courants utilisés dans les marques de commerce en liaison avec certaines marchandises peuvent être utilisés en liaison avec d’autres marchandises s’il n’y a, dans les circonstances, pas de confusion. De même, les mots inventés peuvent également être utilisés pour autant qu’ils n’engendrent pas de confusion. Ce sont les dispositions législatives qui sont déterminantes, et non pas le fait que le propriétaire d’une marque de commerce ait obtenu l’enregistrement d’un nouveau mot qu’il a inventé.

[11]      Le dernier facteur sur lequel le juge de première instance s’est fondé pour faire une distinction d’avec l’arrêt Pink Panther a été le fait que l’appelante ait choisi d’employer le mot Lexus parce que c’était un symbole de qualité. Selon moi, bien qu’il puisse être pris en considération dans une action en contrefaçon, s’agissant particulièrement du montant des dommages-intérêts à accorder, ce facteur ne saurait avoir beaucoup d’importance, si tant est qu’il puisse en avoir, lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a confusion résultant de l’utilisation du nom. Supposons qu’une personne fabrique une automobile et la nomme Lexus, sans savoir qu’une marque de commerce comprenant le même mot a déjà été enregistrée. Cela pourrait-il constituer une défense à une action en contrefaçon ou un motif pour conclure qu’il n’y a pas de confusion? Je ne le pense pas. Il y a confusion ou il n’y en a pas. La décision ne peut être fondée sur la connaissance qu’on peut ou non avoir de l’existence d’une marque de commerce. Il n’existe pas de doctrine de mens rea dans le domaine des marques de commerce. En fait, tout comme une entreprise peut faire en sorte d’éviter de payer de l’impôt dans le contexte de la Loi de l’impôt sur le revenu[8], on peut faire en sorte d’éviter de contrefaire une marque de commerce dans le monde des affaires. Il n’y a, à ma connaissance, aucun empêchement à demander une opinion juridique sur l’étendue de la protection dont peut jouir une marque de commerce en particulier avant d’utiliser les mots ou des mots semblables en liaison avec un produit ou un service totalement différent.

[12]      En conclusion, compte tenu de tous les facteurs énumérés au paragraphe 6(5), je suis d’opinion que le juge de première instance a commis une erreur et que le registraire a eu raison de conclure que l’appelante s’était acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait et d’accorder l’enregistrement de la marque de commerce « Lexus » en liaison avec certains aliments en conserve. Je suis d’accord pour dire que cela ne crée pas de confusion avec l’emploi de la même marque en liaison avec des automobiles, la réparation et l’entretien d’automobiles et les autres produits connexes protégés par la marque de commerce que possède l’intimée. Le juge de première instance n’a pas accordé assez d’importance à « l’énorme différence »[9] qui existe dans le genre des produits en question. Bien qu’il ait dit qu’il fallait accorder « moins d’importance »[10] à ce facteur, il semble n’y avoir accordé pour ainsi dire aucune importance, contrairement au principe énoncé à cet égard dans l’arrêt Pink Panther.

[13]      Par conséquent, l’appel est accueilli avec dépens dans toutes les instances. La décision du juge de première instance est infirmée et la décision du registraire des marques de commerce autorisant l’enregistrement de la marque « Lexus » en liaison avec les aliments en conserve de l’appelante est rétablie.

Le juge Strayer, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.

Le juge Malone, J.C.A. : Je souscris aux présents motifs.



[1]  Affidavits de Wayne Jeffrey, Ruth Corbin et Wing Yan.

[2]  (1999), 2 C.P.R. (4th) 62 (C.F. 1re inst.), au par. 14.

[3]  L.R.C. (1985), ch. T-13, mod.

[4]  Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 C.F. 534 (C.A.).

[5]  Voir l’art. 19 [mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 60], « l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ».

[6]  Au par. 30.

[7]  Aux par. 53 et 44.

[8]  L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

[9]  Pink Panther, au par. 50.

[10] Supra, note, au par. 32.

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