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[2013] 2 R.C.F. 3

2011 CF 877

IMM-5414-10

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (demandeur)

c.

B046 (défendeur)

IMM-5415-10

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (demandeur)

c.

B047 (défendeur)

Répertorié : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. B046

Cour fédérale, juge Snider—Vancouver, 8 juin 2010; Ottawa, 14 juillet 2011.

Citoyenneté et Immigration — Pratique en matière d’immigration — Détention et mise en liberté — Contrôles judiciaires de décisions par lesquelles un commissaire de la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a ordonné la mise en liberté des défendeurs — Les défendeurs sont des étrangers qui sont arrivés au Canada par bateau — Les défendeurs seraient des Tamouls du Sri Lanka et allèguent être le conjoint l’un de l’autre — Les défendeurs ont été détenus le temps de deux contrôles des motifs de détention, parce que le ministre n’était pas en mesure d’établir leur identité — Il s’agissait de savoir si le commissaire de la SI a commis une erreur en ne limitant pas son examen fondé sur l’art. 58(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés à une évaluation du caractère valable des efforts du demandeur pour établir l’identité des défendeurs; en omettant de fournir des motifs clairs et convaincants pour s’écarter des décisions antérieures de la SI de maintenir la détention des défendeurs; et en interprétant de façon erronée l’art. 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés — L’art. 58(1)d) retient l’absence de confirmation d’identité comme motif distinct de détention et dicte à la SI la manière dont elle doit examiner la question de l’identité — Dans la présente affaire, le mandat du commissaire consistait à évaluer le caractère valable des efforts du demandeur pour établir l’identité des défendeurs — Bien que le commissaire semblait convenir que le demandeur prenait des mesures valables pour établir l’identité des défendeurs, il ressortait manifestement de l’ensemble de la décision que le commissaire n’a pas accepté le caractère valable des efforts du ministre — Le commissaire a mis en doute la nécessité de plusieurs mesures prises par le ministre et a substitué sa propre décision de ce qui aurait dû satisfaire le ministre dans la présente affaire — Cette substitution était problématique, parce qu’elle allait au-delà du mandat du commissaire selon l’art. 58(1)d) et constituait une erreur susceptible de contrôle — Si un commissaire de la SI choisit de s’écarter des décisions antérieures de détenir une personne, il doit fournir des « motifs clairs et convaincants » pour ce faire — Le commissaire ne reconnaissait nulle part dans sa décision les décisions antérieures des contrôles des motifs de la détention, ni ne les a analysées — En ne fournissant pas des « motifs clairs et convaincants » pour s’écarter des décisions antérieures de la SI, le commissaire a commis une erreur susceptible de contrôle — Le commissaire n’a pas mal interprété l’art. 248 du Règlement — Bien que sa décision n’était pas tout à fait claire, le commissaire n’a pas commis d’erreur dans son application de l’art. 248 — Le commissaire n’a pas considéré les solutions de rechange à la détention, conformément à l’art. 248e) du Règlement, comme étant déterminantes — Le commissaire s’est clairement penché sur tous les critères de l’art. 248 — Si l’absence d’identité est un facteur important dans le cadre d’une analyse fondée sur l’art. 248, elle ne signifie pas que la SI ne peut pas examiner des solutions de rechange à la détention — Compte tenu de l’ensemble de la décision, le commissaire a évalué et apprécié chacun des critères décrits à l’art. 248 du Règlement tel qu’il était requis de le faire — Demandes accueillies.

Il s’agissait de demandes de contrôle judiciaire relatives à des décisions par lesquelles un commissaire de la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a ordonné la mise en liberté des défendeurs. Le demandeur (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) a sollicité une ordonnance annulant la décision et les ordonnances du commissaire. Les défendeurs sont des étrangers qui sont arrivés au Canada par bateau. Ils seraient des Tamouls du Sri Lanka. Les défendeurs, qui allèguent être le conjoint l’un de l’autre, ont été détenus le temps de deux contrôles des motifs de détention, parce que le demandeur n’était pas en mesure d’établir leur identité. À l’occasion de tous les contrôles des motifs de la détention, le ministre a soutenu qu’il n’était pas convaincu de l’identité des personnes à bord du bateau et qu’il prenait des mesures valables pour établir leur identité.

Les questions à trancher étaient de savoir si le commissaire de la SI avait commis une erreur en ne limitant pas son examen fondé sur l’alinéa 58(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés à une évaluation du caractère valable des efforts du demandeur pour établir l’identité des défendeurs; si le commissaire a omis de fournir des « motifs clairs et convaincants » pour s’écarter des décisions antérieures de la SI de maintenir la détention et si le commissaire a mal interprété l’article 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Jugement : les demandes doivent être accueillies.

Le paragraphe 58(1) de la Loi montre clairement qu’il existe une présomption selon laquelle le détenu doit être mis en liberté, sauf dans des situations précises, y compris l’absence d’identité. Le législateur a retenu à l’alinéa 58(1)d) l’absence de confirmation d’identité comme motif distinct de détention. Qui plus est, la Loi dicte à la SI la manière dont elle doit examiner la question de l’identité. L’opinion de la SI n’est pas déterminante; l’importance est plutôt donnée à l’opinion du ministre. Dans le cas des défendeurs, le mandat du commissaire consistait à évaluer le caractère valable des efforts du ministre pour établir leur identité. Même si, à plusieurs endroits dans sa décision, le commissaire semblait convenir que le ministre prenait des mesures valables pour établir l’identité des défendeurs, il ressortait manifestement de l’ensemble de la décision que le commissaire n’a pas accepté le caractère valable des efforts du ministre. Le commissaire a mis en doute la nécessité de plusieurs mesures prises par le demandeur. De plus, en faisant une comparaison avec les mesures d’enquête prises dans les affaires antérieures concernant des demandeurs d’asile tamouls, le commissaire a substitué sa propre décision de ce qui aurait dû satisfaire le ministre dans la présente affaire. Cette substitution était problématique, parce qu’elle allait au-delà du mandat du commissaire, selon l’alinéa 58(1)d) de la Loi. Le commissaire n’a pas évalué la question de savoir si les mesures étaient valables, mais s’est prononcé plutôt sur la question de savoir si les mesures prises étaient convenables. Même s’il était difficile d’évaluer le rôle que cette analyse a joué dans la décision du commissaire de mettre les demandeurs en liberté, l’analyse du commissaire était problématique au point de constituer une erreur susceptible de contrôle.

Si un commissaire de la SI choisit de s’écarter de décisions antérieures de détenir une personne, il doit fournir des « motifs clairs et convaincants » pour ce faire et il doit mentionner ces décisions de manière significative. Dans les décisions antérieures, la Si avait conclu que le maintien en détention s’imposait et, d’après le dossier, aucun élément important n’avait changé depuis les contrôles antérieurs des motifs de détention. Nulle part dans sa décision le commissaire n’a-t-il reconnu les décisions antérieures des contrôles des motifs de la détention, ni ne les a analysées. En ne fournissant pas des « motifs clairs et convaincants » (ou quelque motif que ce soit) pour s’écarter des décisions antérieures de la SI, le commissaire a commis une erreur susceptible de contrôle.

Le commissaire n’a pas mal interprété l’article 248 du Règlement. Même si sa décision n’était pas tout à fait claire et comportait certains éléments qui pouvaient laisser croire le contraire, le commissaire n’a pas commis d’erreur dans son application de cette disposition. L’argument selon lequel le commissaire a considéré les solutions de rechange à la détention, conformément à l’alinéa 248e) du Règlement, comme étant déterminantes a été rejeté. Le commissaire s’est clairement penché sur tous les critères de l’article 248. Plus précisément, il a reconnu que le motif de la détention était l’identité et que l’identité était essentielle au traitement des dossiers d’immigration au Canada. Le commissaire a accordé un poids considérable à la durée de la détention et à l’absence de toute estimation raisonnable quant au délai que prendrait le demandeur pour terminer la vérification des documents, et il n’a pas commis d’erreur à cet égard. Si l’absence d’identité est de toute évidence un facteur important dans le cadre d’une analyse fondée sur l’article 248, elle ne signifie pas que la SI ne peut pas examiner des solutions de rechange à la détention. Compte tenu de l’ensemble de la décision, le commissaire a évalué et apprécié chacun des critères décrits à l’article 248 du Règlement, tel qu’il était requis de le faire.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, n° 44], art. 7.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 54, 55(3), 57, 58.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 244c), 247(1) (mod. par DORS/2004-167, art. 65(A)), 248.

Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (mod. par DORS/2005-339, art. 1), règle 14 (mod. par DORS/98-235, art. 8(F)).

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 R.C.F. 311, infirmant en partie 2008 CF 341; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 R.C.F. 572; Sahin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 214 (1re inst.), conf. par [1995] A.C.F. no 881 (C.A.) (QL).

 décisions différenciées :

B045 c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (26 mai 2011), IMM-1015-11 (C.F.); X c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 27.

décisions citées :

Panahi-Dargahlloo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1114; Walker c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 392; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Iyile, 2009 CF 700; Sittampalam c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1352; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Li, 2008 CF 949.

DEMANDES de contrôle judiciaire relatives aux décisions par lesquelles un commissaire de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a ordonné la mise en liberté des défendeurs conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Demandes accueillies.

ONT COMPARU

Banafsheh Sokhansanj et Marina Stefanovic pour le demandeur.

Douglas Cannon pour les défendeurs.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le sous-procureur général du Canada, Vancouver, pour le demandeur.

Elgin, Cannon & Associates et Davis & Grace, Vancouver, pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

La juge Snider :

I.          Introduction

[1]        Dans les présents motifs du jugement, j’examine deux demandes de contrôle judiciaire concernant deux étrangers qui sont arrivés au Canada à bord du MV Sun Sea en août 2010. Ces deux demandes de contrôle judiciaire font partie d’environ 61 demandes présentées par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre), en qualité de demandeur, relativement à des décisions prises par des commissaires de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SI), lesquels ont ordonné la mise en liberté des étrangers.

[2]        Le dossier du greffe no IMM‑5414‑10 concerne un étranger, connu sous B046, qui serait un Tamoul du Sri Lanka. Le dossier du greffe no IMM‑5415‑10 concerne une Tamoule, connue sous B047, qui allègue être la conjointe de B046. B046 et B047 ont été détenus le temps de deux contrôles des motifs de détention, soit du 13 août au 15 septembre 2010, parce que le ministre n’était pas en mesure d’établir leur identité.

[3]        À la suite du contrôle des motifs de détention tenu le 15 septembre 2010, un commissaire de la SI (le commissaire) a prononcé une [traduction] « ordonnance de mise en liberté ou imposant des conditions » à l’égard de B046 et B047 (les ordonnances). Les conditions de mise en liberté étaient identiques et se résumaient essentiellement à l’obligation de fournir un dépôt de garantie de 1 000 $, de se présenter aux représentants de l’ASFC [Agence des services frontaliers du Canada] une fois par semaine, de remettre les passeports ou les pièces d’identité de l’étranger obtenus après la mise en liberté et [traduction] « de continuer à collaborer avec l’ASFC en vue d’établir votre identité à la satisfaction de celle-ci ». Pour les deux ordonnances, un seul exposé des motifs a été fourni verbalement aux parties au terme de l’audience du contrôle des motifs de détention.

[4]        Dans les présents contrôles judiciaires, le ministre sollicite une ordonnance annulant la décision et les ordonnances du commissaire. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

II.         Les questions en litige

[5]        Les défendeurs demandent à titre préliminaire si, compte tenu de leur mise en liberté, les questions dont la Cour est saisie sont maintenant théoriques et ne devraient pas être instruites.

[6]        Le ministre soutient que la question n’est pas théorique et présente les questions suivantes à trancher :

1. Le commissaire a-t-il commis une erreur en ne limitant pas son examen fondé sur l’alinéa 58(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), à une évaluation du caractère valable des efforts du ministre pour établir l’identité des défendeurs?

2. Le commissaire a-t-il omis de fournir des « motifs clairs et convaincants » pour s’écarter des décisions antérieures de la SI de maintenir la détention?

3. Le commissaire a-t-il mal interprété l’article 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement)?

[7]        Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la question n’est pas théorique et que la décision et les ordonnances devraient être annulées.

III.        Les faits

[8]        Le MV Sun Sea avait 492 migrants à son bord (les migrants du Sun Sea) lorsqu’il est arrivé dans les eaux canadiennes le 13 août 2010. Comme l’a décrit l’un des commissaires de la SI, le débarquement et le traitement des personnes à bord constituaient [traduction] « une tâche monumentale ».

[9]        On ne peut ignorer le contexte unique des migrants du Sun Sea. Les personnes à bord seraient des Tamouls du Sri Lanka. Il y a une possibilité sérieuse que certains migrants aient des liens avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), un groupe que le Canada a désigné comme une organisation terroriste : ces personnes sont interdites de territoire au Canada. De nombreux migrants ne possédaient apparemment pas de documents pour établir leur identité, mais les fonctionnaires qui ont fouillé le MV Sun Sea ont trouvé plusieurs pièces d’identité non réclamées qui avaient été partiellement détruites. Aussi, plusieurs enfants se trouvaient à bord : il était donc important d’établir leur identité et celle de ceux qui prétendaient être leurs parents pour écarter la possibilité de trafic d’enfants. Ces facteurs, et d’autres encore qui ne se produisent pas normalement lorsque des demandeurs d’asile arrivent au pays par d’autres moyens, ont créé une situation faisant en sorte que le ministre a accordé une grande importance à l’établissement de l’identité des migrants du Sun Sea.

IV.       Le régime législatif

[10]      Je commencerai par un aperçu du régime législatif applicable à la détention que prévoient les dispositions de la LIPR et du Règlement. La section 6 [art. 54 à 61] de la partie 1 de la LIPR et la partie 14 [art. 244 à 250] du Règlement traitent de la « détention et mise en liberté ».

[11]      Les migrants à bord du MV Sun Sea ont été détenus à leur arrivée au Canada conformément au paragraphe 55(3) de la LIPR, lequel autorise la détention à l’entrée au Canada dans les cas suivants : a) l’agent l’estime nécessaire afin que soit complété le contrôle; b) il a des motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux.

[12]      L’article 54 prévoit que la SI est « la section de la Commission chargée du contrôle [des motifs de détention] ». L’article 57 de la LIPR exige la tenue de contrôles des motifs de détention. Le premier contrôle doit avoir lieu dans les 48 heures du début de la détention (paragraphe 57(1)). Un nouveau contrôle doit avoir lieu au moins une fois dans les 7 jours suivant le premier contrôle, puis au moins une fois tous les 30 jours par la suite (paragraphe 57(2)).

[13]      Lors de la tenue des contrôles des motifs de détention, la SI est liée par l’article 58 de la LIPR lequel dispose :

58. (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux;

d) dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger n’a pas été prouvée mais peut l’être, soit l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger.

Mise en liberté par la Section de l’immigration

[14]      Comme nous pouvons le voir du libellé du paragraphe 58(1) de la LIPR, pour répondre à la question de savoir si un des motifs de maintien de la détention a été satisfait, la SI doit prendre en compte les critères prévus par le Règlement. L’alinéa 244c) fournit plus de précisions à cet égard en indiquant que « les critères prévus à la présente partie [du Règlement] doivent être pris en compte lors de l’appréciation […] de la question de savoir si l’intéressé est un étranger dont l’identité n’a pas été prouvée » [non souligné dans l’original]. Le paragraphe 247(1) [mod. par DORS/2004-167, art. 65(A)] du Règlement vise précisément les critères à prendre en compte dans les cas où la détention pour des motifs d’identité est envisagée :

247. (1) Pour l’application de l’alinéa 244c), les critères sont les suivants :

a) la collaboration de l’intéressé, à savoir s’il a justifié de son identité, s’il a aidé le ministère à obtenir cette justification, s’il a communiqué des renseignements détaillés sur son itinéraire, sur ses date et lieu de naissance et sur le nom de ses parents ou s’il a rempli une demande de titres de voyage;

b) dans le cas du demandeur d’asile, la possibilité d’obtenir des renseignements sur son identité sans avoir à divulguer de renseignements personnels aux représentants du gouvernement du pays dont il a la nationalité ou, s’il n’a pas de nationalité, du pays de sa résidence habituelle;

c) la destruction, par l’étranger, de ses pièces d’identité ou de ses titres de voyage, ou l’utilisation de documents frauduleux afin de tromper le ministère, et les circonstances dans lesquelles il s’est livré à ces agissements;

d) la communication, par l’étranger, de renseignements contradictoires quant à son identité pendant le traitement d’une demande le concernant par le ministère;

e) l’existence de documents contredisant les renseignements fournis par l’étranger quant à son identité.

Preuve de l’identité de l’étranger

[15]      S’il existe des motifs de détention, l’article 248 du Règlement énonce des critères supplémentaires qui doivent être pris en compte :

248. S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

a) le motif de la détention;

b) la durée de la détention;

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère ou de l’intéressé;

e) l’existence de solutions de rechange à la détention.

Autres critères

V.        Les contrôles antérieurs des motifs de détention

[16]      Comme je l’ai indiqué, le présent contrôle judiciaire vise B046 et B047 dont le dernier contrôle des motifs de détention a été tenu conjointement le 15 septembre 2010 devant le commissaire. Avant l’audience du contrôle des motifs de détention du 15 septembre 2010, chaque défendeur avait fait l’objet de contrôles antérieurs :

• Un contrôle des motifs de détention visant B047, ainsi que cinq autres femmes, a eu lieu le 18 août 2010 et un deuxième contrôle visant B047, de même qu’une autre détenue, a eu lieu le 25 août 2010. À l’occasion des deux audiences, une ordonnance de détention a été prononcée indiquant que la détention serait maintenue pour des raisons d’identité.

• Un contrôle des motifs de détention visant B046, ainsi que quatre autres migrants, a eu lieu le 18 août 2010 et un deuxième contrôle a eu lieu le 24 août 2010. À l’occasion des deux audiences, le commissaire de la SI a prononcé une ordonnance de détention indiquant que la détention serait maintenue pour des raisons d’identité.

[17]      Dès les tous débuts, le ministre a exprimé des préoccupations concernant les pièces d’identité sri lankaises. Les fonctionnaires de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) ont accompli la difficile tâche d’examiner et de vérifier les pièces d’identité. La première étape consistait à déterminer si les documents avaient été falsifiés ou modifiés. Cette étape a été réalisée par des experts légistes au Canada.

[18]      Après la confirmation que la carte d’identité nationale (CIN) ou une autre pièce d’identité pertinente qu’un migrant à bord du MV Sun Sea avait présentée ne comportait aucun signe de modification et que le document présentait les caractéristiques et les modes d’impression généralement associés à un document authentique, les fonctionnaires de l’ASFC ont passé à la deuxième étape qui consiste à établir l’authenticité des documents délivrés.

[19]      Le 25 août 2010, à l’audience du contrôle des motifs de détention visant B047 et une autre personne, l’avocate du ministre a décrit et justifié comme suit la deuxième partie de la vérification des documents (B047, dossier certifié du tribunal (DCT), à la page 49, le 12 avril 2011) :

[traduction] […] la recherche provenant de la Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, jointe au document que le ministre a communiqué dès le début de l’audience, indique que des documents ont été directement obtenus de façon frauduleuse. La recherche indique que des cartes d’identité nationale sri lankaises ont été délivrées par suite de pots-de-vin. Des rapports de 2004, sur lesquels s’appuyait la Direction des recherches, mentionnent qu’il y a eu une fraude massive de cartes d’identité nationale à laquelle participaient des employés du ministère de l’enregistrement des personnes du gouvernement du Sri Lanka et qui comportait la délivrance de cartes d’identité nationale frauduleuses moyennant des prix exorbitants.

Cette recherche mentionne également que des documents ont été obtenus au nom de personnes décédées et sur présentation de documents frauduleux. En d’autres termes, des documents frauduleux étaient fournis à ce ministère et c’est sur la foi de ces documents qu’une carte d’identité nationale était délivrée ou que des cartes d’identité nationale étaient délivrées.

Ces documents démontrent que des représentants sri lankais ont commencé à prendre des mesures pour régler ce problème, mais que celles-ci ont été véritablement mises en œuvre en 2006. Je constate que dans le [cas de B047], les documents ont été délivrés en 2000 et en 2004, respectivement. Le ministre ne prétend pas que ces documents ont été obtenus frauduleusement; il est d’avis qu’il n’est actuellement pas convaincu de l’identité des intéressés sur la seule foi de ces documents et une enquête supplémentaire doit être menée avant qu’il ne soit convaincu de l’identité des intéressés.

[20]      Il est important de souligner que les observations du ministre à cet égard étaient étayées par une preuve documentaire qui faisait partie du dossier. En résumé, à l’occasion des contrôles antérieurs des motifs de détention de même qu’à l’occasion du contrôle devant le commissaire, le ministre était d’avis qu’avant 2006, les cartes d’identité sri lankaises faisaient l’objet de [traduction] « certaines brèches de sécurité graves » (B047, DTC, à la page 57, le 12 avril 2011) qui justifiaient une enquête plus approfondie. À l’occasion de tous les contrôles des motifs de la détention, la position du ministre était, et continue d’être, qu’il n’est pas convaincu de l’identité des personnes et qu’il prend des mesures valables pour établir leur identité.

[21]      Le commissaire de la SI qui a présidé le contrôle des motifs de détention de B047 le 18 août 2010 a conclu que la détention devait être maintenue malgré le fait que la CIN de B047 n’avait pas été modifiée. Le commissaire a accepté l’argument du ministre, concluant ainsi : [traduction] « il est raisonnable à ce moment‑ci que le ministre cherche à obtenir des documents supplémentaires qui contribueraient à confirmer, espérons‑le, qu’il s’agit en effet d’une carte d’identité qui a été délivrée régulièrement » (B047, DCT, à la page 58, le 12 avril 2011).

[22]      La situation était différente pour B046. Sa carte d’identité a soulevé des problèmes à la première étape de la vérification. L’unité d’analyse qui a effectué l’examen de la CIN a fait les observations suivantes :

[traduction] Il est possible d’apercevoir les rebords irréguliers d’une couche intérieure plastifiée qui dépassent les couches avant et arrière autour du périmètre de la carte. Les rebords irréguliers sont une indication que la couche plastifiée a été coupée.

[23]      Cet élément de preuve a été présenté au commissaire de la SI à l’audience du contrôle des motifs de détention du 15 septembre 2010 visé par le présent contrôle judiciaire.

VI.       Le caractère théorique

[24]      Les défendeurs ont déposé leur exposé des arguments additionnel le 2 juin 2011, moins d’une semaine avant l’audience relative à la présente affaire. Les défendeurs soulèvent pour la première fois l’argument selon lequel les questions du présent contrôle judiciaire sont théoriques. Ils soutiennent que la mise en liberté de B046 et de B047, conformément aux ordonnances de la SI, a éliminé tout litige actuel entre les parties. Je ne suis pas d’accord.

[25]      Les défendeurs s’appuient sur la décision de la Cour dans B045 c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (le 26 mai 2011) IMM‑1015‑11 (B045), dans laquelle j’ai déclaré ce qui suit :

Il en va ainsi parce que la Cour d’appel a déjà statué dans XXXX [XXXX c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 27 [appelé Ocean Lady]] que, une fois la personne détenue mise en liberté, la question devient théorique. Dans ce contexte, la Cour d’appel a fait remarquer qu’« il y a des causes en instance qui soulèvent des questions semblables à celles qui nous ont été soumises dans le présent appel et que notre Cour sera probablement appelée à juger ». Il ne s’agit pas en l’espèce de l’une de ces causes. La seule façon possible de résoudre les difficultés auxquelles se heurtent ces avocats et les organisations intéressées passera par l’instruction d’une cause présentant un « litige actuel » — autrement dit, une situation où une personne demeure en détention. Dans tous les autres cas, la question devient théorique.

[26]      La prétention des défendeurs sur ce point pose problème parce qu’ils n’ont pas reconnu que la nature du différend entre les parties dans l’arrêt Ocean Lady [X c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CAF 27], et la décision B045, précitée, est fondamentalement différente de celui dont je suis saisie dans les deux présentes affaires. Comme l’a déclaré le juge Nadon, s’exprimant pour la majorité de la Cour d’appel [fédérale] dans l’arrêt Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 R.C.F. 311, au paragraphe 29, « la réponse à la question du caractère théorique dépend de la qualification donnée au litige qui existe entre [les parties] ».

[27]      L’arrêt Baron, précité, est très utile. Dans cette affaire, la décision contestée était la décision d’une agente d’exécution de ne pas reporter un renvoi au‑delà d’une date donnée. Au moment de l’instruction de la demande de contrôle judiciaire, la date de renvoi était passée. La juge de première instance (Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 341) avait conclu que la question était théorique, mais la majorité de la Cour d’appel était en désaccord. L’élément clef était la nature du différend. La juge de première instance a conclu que la nature du litige est mieux cernée en posant la question de savoir si un demandeur devait être renvoyé, et tenu de partir, à la date prévue de son renvoi. Le juge Nadon n’était pas d’accord. Au paragraphe 28, il a décrit la situation comme suit :

D’entrée de jeu, il importe de bien préciser ce que les appelants cherchaient à obtenir lorsqu’ils ont demandé le report de leur renvoi du Canada prévu pour le 15 février 2007. Comme l’agente d’exécution l’explique dans sa décision, la demande des appelants était fondée sur le fait qu’ils avaient une demande CH en instance (que les appelants affirment avoir tenté de déposer en mars 2003) et qu’il était dans l’intérêt supérieur de leurs enfants nés au Canada que le renvoi soit reporté jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande CH. En d’autres termes, les appelants ne demandaient pas simplement de ne pas être renvoyés le 15 février 2007, mais bien que leur renvoi n’ait lieu qu’une fois qu’une décision aurait été rendue au sujet de leur demande CH. [Non souligné dans l’original.]

[28]      Le juge Nadon a convenu avec les parties que le litige portait en fait sur la question de savoir si les appelants devaient être renvoyés avant l’examen de leur demande CH [motifs d’ordre humanitaire]. Puisque aucune décision n’avait été rendue sur cette question, la Cour a conclu qu’il subsistait un litige actuel entre les parties et que la juge de première instance avait commis une erreur en concluant que la question était théorique.

[29]      La situation que je dois examiner est analogue à celle qui avait été présentée aux Cours dans l’arrêt Baron, précité. Que visait le ministre lorsqu’il a demandé le maintien des défendeurs en détention? Le ministre visait le maintien en détention jusqu’à ce que l’identité de B046 et de B047 soit établie. Voilà le vrai litige entre les parties. Au cours de l’audience, le ministre a informé la Cour que l’identité n’avait toujours pas été établie à l’égard de B046 et de B047. En appliquant le même raisonnement que celui qu’avait tenu le juge Nadon dans l’arrêt Baron, précité, la question n’est pas théorique, malgré la mise en liberté des demandeurs.

[30]      De plus, le contexte de la décision B045, précitée, et de l’arrêt Ocean Lady, précité, était très différent des faits qui m’ont été présentés. Dans les deux cas, la décision de la SI de détenir l’intéressé faisait l’objet du contrôle. Les demandeurs dans ces cas étaient des personnes qui contestaient le maintien en détention. Le litige entre la personne détenue et le ministre portait simplement sur la question de savoir si cette personne devait être mise en liberté ou si sa détention devait être maintenue. Les intéressés ne demandaient pas à la SI de prononcer leur mise en liberté jusqu’à la réalisation d’un événement ultérieur. Une fois les intéressés mis en liberté à l’occasion de contrôles ultérieurs des motifs de détention (et en l’absence d’un contrôle judiciaire institué par le ministre), l’unique question dont était saisie la SI — celle de savoir si la détention devait être maintenue — ne se posait absolument plus. Il n’y avait pas de litige actuel.

[31]      C’est pourquoi en l’espèce je conclus que la question n’est pas théorique et que la Cour devrait l’examiner.

VII.      La norme de contrôle

[32]      En règle générale, les décisions concernant le contrôle des motifs de détention sont des décisions fondées sur des faits qui commandent la retenue : la norme de contrôle est la norme de la raisonnabilité. S’agissant des questions de droit, la norme de contrôle est la norme de la décision correcte (voir par exemple, Panahi‑Dargahloo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1114, aux paragraphes 21 et 22; Walker c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 392, aux paragraphes 23 à 26).

[33]      Selon la norme de la raisonnabilité, la décision du commissaire devrait être maintenue à moins que le raisonnement n’ait été vicié et que la décision en découlant n’appartienne pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

[34]      La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur. Après avoir entrepris sa propre analyse de la question, la Cour décidera si elle est d’accord ou non avec la conclusion de la SI. En cas de désaccord, la Cour substituera sa propre décision et rendra la décision qui s’impose (Dunsmuir, au paragraphe 50).

VIII.     L’analyse des questions en litige

A.        Première question : Le commissaire a-t-il commis une erreur en ne limitant pas son examen fondé sur l’alinéa 58(1)d) à une évaluation du caractère valable des efforts du ministre pour établir l’identité des défendeurs?

[35]      Le ministre prétend que le commissaire, au lieu de limiter son examen pour s’assurer que le ministre poursuivait une enquête de bonne foi comme l’exige l’alinéa 58(1)d) de la LIPR, a commis une erreur : a) en déplaçant le fardeau d’établir l’identité des défendeurs pour l’imposer au ministre; b) en dictant la manière dont le ministre devrait mener son enquête; c) en décidant que l’identité était en effet établie.

[36]      Comme l’indique le paragraphe 58(1) de la LIPR, le législateur a indiqué clairement qu’il existe une présomption selon laquelle le détenu doit être mis en liberté, sauf dans des situations précises. L’une de ces situations précises est l’absence d’identité. Il ressort de façon évidente du libellé de l’alinéa 58(1)d) que le législateur a retenu l’absence de confirmation d’identité comme motif distinct de détention. Qui plus est, la LIPR dicte à la SI la manière dont elle doit examiner la question de l’identité. L’opinion de la SI n’est pas déterminante; l’importance est plutôt donnée à l’opinion du ministre. Pour maintenir la détention en vertu de cette disposition, la SI n’a qu’à faire la « preuve» que le ministre « estime » que les critères prévus à l’alinéa 58(1)d) de la LIPR sont remplis.

[37]      L’alinéa 58(1)d) in limine prévoit que le ministre doit estimer que si l’identité de l’étranger n’a pas été prouvée, elle peut l’être. Il ressort toutefois de façon évidente des termes qui suivent qu’une simple opinion fondée sur l’absence de preuve d’identité est insuffisante pour étayer le maintien de la détention. Il existe deux situations différentes dans lesquelles l’opinion du ministre justifiera le maintien de la détention :

1. l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles pour établir son identité;

2. le ministre fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger.

[38]      En quoi consiste alors la tâche de la SI lorsqu’elle examine la question de savoir si la détention devrait être maintenue dans les cas où le ministre soulève la question de l’identité? Il me semble que la première étape de l’analyse est simple : tout ce qui est nécessaire est une déclaration du ministre selon laquelle l’identité n’a pas été prouvée mais qu’elle peut (ou pourrait) l’être. La deuxième tâche de la SI sera fonction des faits de chaque affaire telle que présentée par le ministre. Le ministre peut présenter des éléments de preuve indiquant que l’étranger n’a pas « raisonnablement coopéré », auquel cas la SI évaluera si les éléments de preuve démontrent que l’étranger n’a pas « raisonnablement coopéré » en fournissant des renseignements utiles pour établir son identité. Selon l’autre scénario, le ministre peut présenter des éléments de preuve pour montrer qu’il fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger. Dans ce cas, la SI examinera les éléments de preuve pour vérifier si les efforts faits pour établir l’identité de l’étranger sont « valables ». Il n’appartient pas à la SI d’établir l’identité d’un étranger; son rôle consiste plutôt à évaluer si le ministre a accompli son travail visant à établir l’identité de l’étranger. Si la SI croit que les efforts sont valables ou que l’étranger n’a pas « raisonnablement coopéré », les motifs de détention, prévus à l’alinéa 58(1)d), sont établis.

[39]      Dans les cas de B046 et de B047, lors du contrôle des motifs de détention en cause, le ministre a fait valoir que la détention devrait être maintenue pour les raisons suivantes : a) l’identité n’avait pas été établie, mais pouvait l’être; b) il faisait des efforts valables pour établir l’identité des défendeurs. Dans ce contexte, le mandat du commissaire consistait à évaluer le caractère valable des efforts du ministre pour établir l’identité des défendeurs.

[40]      À plusieurs endroits dans sa décision, le commissaire semble convenir que le ministre prenait des mesures valables pour établir l’identité des défendeurs. Cependant, il ressort manifestement de l’ensemble de la décision que le commissaire n’accepte pas le caractère valable des efforts du ministre. Le commissaire met en doute la nécessité de plusieurs mesures prises par le ministre. À titre d’exemple, le commissaire déclare ce qui suit :

[traduction] Je compte environ 14 ans d’expérience en qualité d’arbitre de l’immigration et je dirais que dans ce cas‑ci — dans ces cas‑ci — le ministre a resserré les exigences relativement à ce qui le convaincrait concernant l’identité des personnes à bord du MV Sun Sea […] Le moyen employé pour entrer au Canada, à savoir par bateau, semble avoir touché un point sensible et amené le ministre à exiger ou à établir cette norme plus élevée.

[41]      Le commissaire décrit ensuite comment, dans le passé, le ministre a traité les demandeurs d’asile tamouls qui arrivaient par avion et comment, dans ces cas, le ministre avait recommandé la mise en liberté sans la nécessité d’un deuxième examen des pièces d’identité. Le commissaire fait également des remarques directement sur les explications possibles concernant le problème de plastification. En d’autres termes, le commissaire se serait satisfait des pièces d’identité de B046 et de B047. Concrètement, le commissaire dit qu’il ne croit pas que les mesures supplémentaires soient valables parce que le ministre n’a jamais agi de cette façon auparavant. En faisant une comparaison avec les mesures d’enquête dans des affaires antérieures, le commissaire substitue sa propre décision de ce qui aurait dû satisfaire le ministre dans la présente affaire. Le problème est que cette substitution va au-delà du mandat du commissaire, selon l’alinéa 58(1)d) de la LIPR. Le commissaire n’évalue pas la question de savoir si les mesures étaient valables : il se prononce plutôt sur la question de savoir si les mesures prises étaient convenables.

[42]      Il est difficile d’évaluer le rôle que cette analyse a joué dans la décision du commissaire de mettre en liberté B046 et B047. Si le commissaire avait moins critiqué les mesures prises par le ministre à l’égard de la question de l’identité, aurait-il accordé plus de poids à l’absence d’identité dans son application du paragraphe 58(1) de la LIPR? Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Dans les circonstances, je conclus que l’analyse du commissaire soulevait de nombreux problèmes et qu’elle constitue une erreur susceptible de contrôle.

B.        Deuxième question : Le commissaire a-t-il omis de fournir des « motifs clairs et convaincants » pour s’écarter des décisions antérieures de la SI de maintenir la détention?

[43]      La décision faisant l’objet du contrôle était l’issue de la troisième audience de contrôle des motifs de détention à la fois à l’égard de B046 et de B047. La détention a été maintenue pour B046 les 18 et 24 août et l’a été pour B047, les 18 et 25 août.

[44]      Si un commissaire de la SI choisit de s’écarter de décisions antérieures de détenir une personne, il doit fournir des « motifs clairs et convaincants » pour ce faire et il doit mentionner ces décisions de manière significative (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 R.C.F. 572 (Thanabalasingham); Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Iyile, 2009 CF 700, aux paragraphes 34 à 37; Sittampalam c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1352).

[45]      Comme le souligne la jurisprudence, le dossier des contrôles des motifs de détention est monté de façon continue d’un contrôle au contrôle suivant. Dans l’arrêt Thanabalasingham, précité, la Cour d’appel a fourni aux paragraphes 11 à 13 des directives sur les éléments nécessaires dans le cas où un commissaire s’écarte du contrôle antérieur :

Par exemple, l’admission de nouveaux éléments de preuve pertinents constituerait un fondement valable pour aller à l’encontre d’une décision antérieure ordonnant la détention. Subsidiairement, une nouvelle évaluation des éléments de preuve antérieurs fondée sur de nouvelles prétentions peut également être suffisante pour aller à l’encontre d’une décision antérieure.

La meilleure façon pour le commissaire de fournir des motifs clairs et convaincants serait d’expliquer précisément ce qui a entraîné la nouvelle conclusion, c’est-à-dire expliquer ce que la décision antérieure énonçait et les raisons pour lesquelles il a tiré une conclusion contraire.

Cependant, même si le commissaire n’énonce pas explicitement les raisons pour lesquelles il a tiré une conclusion différente de celle tirée par le commissaire antérieur, il peut le faire de façon implicite dans ses motifs de la décision subséquente. Ce qui serait inacceptable serait une décision rendue hâtivement sans qu’il soit fait mention d’une manière significative des motifs antérieurs de la détention.

[46]      C’est dans ce cadre que j’examinerai la décision en cause. Qu’est-ce qui avait changé depuis la décision antérieure? Quels éléments étaient les mêmes? Quels motifs le commissaire a-t-il fournis pour s’écarter de la décision antérieure?

[47]      Les changements étaient les suivants :

• un autre mois s’était écoulé; B046 et B047 étaient maintenant détenus depuis 33 jours;

• le ministre avait reçu un rapport précisant que la CIN de B046 montrait des signes que le document avait été plastifié de nouveau;

• B046 alléguait avoir un frère au Canada qui était disposé à déposer une caution de 1 000 $.

[48]      Les faits ou les circonstances qui n’avaient pas changé étaient les suivants :

• la preuve concernant l’authenticité des documents du Sri Lanka n’avait pas changé;

• le ministre avait eu la confirmation que la CIN de B047 n’avait pas été modifiée; à première vue, il s’agissait d’une CIN valide;

• le ministre n’avait pas terminé la deuxième étape de la vérification des documents consistant à examiner si les CIN avaient été délivrées de façon frauduleuse;

• le ministre continuait à prendre des mesures pour établir l’identité des défendeurs.

[49]      Dans les décisions antérieures, la SI avait conclu que le maintien en détention s’imposait. Essentiellement, aucun élément important n’avait changé depuis les contrôles antérieurs des motifs de détention. La nécessité d’une deuxième analyse des pièces d’identité avait été présentée aux commissaires lors de ces contrôles et a été présentée à ce commissaire‑ci. Le processus d’une telle vérification a été expliqué au commissaire et n’avait pas changé depuis les contrôles antérieurs. Le ministre n’était pas en mesure de fournir des délais précis à l’occasion de cette audience, mais il a clairement décrit les mesures qui étaient prises. Comme l’a reconnu le commissaire, le ministre [traduction] « s’est engagé à prévoir des délais à l’occasion du prochain contrôle des motifs de détention ». La découverte de la modification de la CIN de B046 présentait un solide argument en faveur du maintien en détention. L’offre d’un cautionnement de la part d’un [traduction] « frère » peut ne pas constituer un changement de circonstances lorsque l’identité n’a pas été établie.

[50]      Nulle part dans sa décision le commissaire ne reconnaît-il les décisions antérieures des contrôles des motifs de la détention, ni ne les analyse-t-il. En ne fournissant pas des « motifs […] clair[s] et convaincant[s] » (ou quelque motif que ce soit) pour s’écarter des décisions antérieures de la SI, le commissaire a commis une erreur susceptible de contrôle (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Li, 2008 CF 949, au paragraphe 99).

C.        Troisième question : Le commissaire a-t-il mal interprété l’article 248 du Règlement?

[51]      La troisième question que soulève le présent contrôle judiciaire est celle de savoir si la SI a mal interprété l’article 248 du Règlement. Bien que sa décision ne soit pas tout à fait claire et qu’elle comporte certains éléments qui pourraient laisser croire le contraire, je ne crois pas que le commissaire a commis une erreur dans son application de l’article 248.

[52]      L’alinéa 244c) du Règlement exige que les critères énoncés dans la partie 14 du Règlement soient pris en compte lors de l’appréciation « de la question de savoir si l’intéressé est un étranger dont l’identité n’a pas été prouvée ». Les critères précis relatifs à l’identité sont énumérés au paragraphe 247(1) du Règlement.

[53]      Si — et seulement si — des motifs de détention existent, l’article 248 du Règlement devient pertinent. La SI a pour directive de prendre en compte cinq critères différents avant de conclure si l’intéressé devrait être détenu ou mis en liberté.

[54]      L’article 248 vise à répondre aux questions liées à la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte), qui peuvent découler d’une détention indéterminée. Les critères de l’article 248 ont tout d’abord été formulés dans la décision Sahin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 214 (1re inst.) (Sahin), aux pages 230 et 231, conf. par [1995] A.C.F. no 881 (C.A.) (QL). Dans cette décision, le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour suprême du Canada) a indiqué que les décisions de détenir des personnes sont subordonnées aux prescriptions de l’article 7 de la Charte. Le juge Rothstein a fourni une liste de critères qui devaient être pris en compte. Il a insisté sur le fait que le temps qui se passera avant que l’on décide de façon définitive si la personne visée peut rester au Canada était un facteur qui « doit peser lourd dans la balance » (Sahin, précité, à la page 231). Lorsque le Règlement actuel est entré en vigueur le 28 juin 2002, la « liste » des facteurs du juge Rothstein faisait partie, presque intégralement, du texte de l’article 248.

[55]      Dans la mesure où la SI traite de tous les facteurs et tient compte des éléments de preuve qui lui ont été présentés lorsqu’elle évalue les critères prévus à l’article 248, la Cour devrait hésiter à intervenir dans la décision de mise en liberté ou de détention de la SI.

[56]      En l’espèce, le ministre soutient que le commissaire a considéré les solutions de rechange à la détention, conformément à l’alinéa 248e) du Règlement, comme étant déterminantes. Je ne suis pas d’accord. Le commissaire s’est clairement penché sur tous les critères de l’article 248. Plus précisément, le commissaire a reconnu que le motif de la détention était l’identité et que [traduction] « l’identité est essentielle au traitement des dossiers d’immigration au Canada ». Tout en soulignant que la durée de la détention avait été [traduction] « relativement courte », il indique ce qui suit :

[traduction] […] l’enquête de l’agent d’intégrité des mouvements migratoires ne comporte actuellement pas de délai et, logiquement, constituerait un très long processus ne serait-ce qu’en raison du volume de documents qui devront être évalués. [B046 et B047] pourraient potentiellement faire face à une longue période de détention. Celle-ci est imprévisible à ce moment-ci, bien que je reconnaisse que le ministre s’est engagé à fournir des délais à l’occasion du prochain contrôle des motifs de détention.

[57]      Enfin, le commissaire a examiné les solutions de rechange à la détention et a tiré la conclusion suivante :

[traduction] Compte tenu des circonstances des présentes affaires, et considérant deux jeunes enfants et un accueil canadien ferme, le maintien en détention — malgré l’avis du ministre concernant l’identité et le caractère valable de ses efforts — ne semble pas nécessaire et il existe une solution de rechange à la détention qui, à mon avis, sera efficace et convenable dans les circonstances.

[58]      Le commissaire a accordé un poids considérable à la durée de la détention et à l’absence de toute estimation raisonnable quant au délai que prendrait le ministre pour terminer la vérification des documents. Il n’a pas commis d’erreur à cet égard : Sahin, précité, enseigne qu’il s’agit d’un facteur important. La seule réponse du ministre à la question de la [traduction] « longueur du délai » était qu’il prévoirait des délais à l’occasion du prochain contrôle des motifs de détention. Le fait que le ministre prenait des mesures concrètes et valables pour établir l’identité de B046 et de B047 ne change rien au fait qu’il n’était pas en mesure de fournir des délais au commissaire. Je n’aurais peut-être pas accordé autant de poids à ce facteur, mais cet élément, en soi, ne rend pas la décision du commissaire déraisonnable.

[59]      Le ministre avance qu’évaluer des solutions de rechange à la détention est incompatible avec le régime de la LIPR si l’identité n’est pas encore déterminée. Selon le ministre, une fois que la détention est maintenue pour des raisons d’identité, il ressort clairement du régime de la LIPR que la SI ne peut pas examiner les solutions de rechange à la détention.

[60]      Je ne suis pas d’accord. Tous les critères de l’article 248 doivent être appréciés. Selon l’interprétation que fait le ministre de l’article 248, les questions d’identité l’emporteraient sur tous les autres critères de l’article 248. Le règlement n’est pas rédigé de cette manière et le régime de la LIPR n’exige pas une telle interprétation.

[61]      Je reconnais que l’identité devrait être une considération très importante. Cependant, si l’absence d’identité est de toute évidence un facteur important dans le cadre d’une analyse fondée sur l’article 248, elle ne signifie pas que la SI ne peut pas examiner des solutions de rechange à la détention. En effet, le paragraphe 58(1) de la LIPR exige que la SI tienne compte des facteurs réglementaires. Les « solutions de rechange à la détention » font partie des critères énumérés à l’article 248 du Règlement. Aucune exception n’est prévue pour une question d’identité en vertu de l’alinéa 58(1)d).

[62]      Le ministre soutient également que pour déterminer les conditions de mise en liberté convenables, le commissaire a indûment insisté sur le cautionnement déposé par le frère de B046. Le ministre fait valoir que B046 n’ayant pas prouvé son identité, il était déraisonnable pour le commissaire de s’appuyer sur un cautionnement offert par une personne dont le lien avec B046 n’a encore pas été établi. Je conviens que les motifs utilisés par le commissaire à cet égard semblent présumer une identité pour B046 qui n’a pas encore été établie. Si l’identité de B046 n’est pas établie, comment le commissaire peut-il être certain que la caution proposée est le frère de B046? Je ne crois cependant pas qu’il s’agisse d’une préoccupation importante. Malgré l’absence de preuve établissant la nature exacte de la relation entre B046 et la caution, le fait est qu’une personne ayant un lien avec B046 et B047 était disposée à déposer ce que le commissaire a décrit comme étant un [traduction] « cautionnement relativement modeste sous forme de garantie ». En lisant la décision du commissaire à cet égard, je ne crois pas qu’un grand poids, s’il en est, a été accordé à la relation entre B046 et la caution.

[63]      Au regard du dossier que devait examiner le commissaire, je ne suis pas convaincue qu’il a mal interprété l’article 248 du Règlement. À certains moments dans la décision, le commissaire aurait pu être plus prudent dans le choix de ses mots et il aurait pu fournir une analyse plus complète. Cependant, compte tenu de l’ensemble de la décision, le commissaire a évalué et apprécié chacun des critères décrits à l’article 248 du Règlement, tel qu’il était requis de le faire.

[64]      Or, le commissaire a certes bien appliqué l’article 248, mais le fondement sous-jacent de son analyse est vicié. Plus précisément, il n’a pas accepté le caractère valable des efforts du ministre pour évaluer l’identité des défendeurs et il n’a pas fourni des « motifs clairs et convaincants » justifiant son écart des décisions antérieures en matière de contrôle des motifs de détention. Il semble en outre avoir substitué sa propre opinion des éléments nécessaires pour établir l’identité des défendeurs à l’avis du ministre. En conséquence, la décision ne devrait pas être maintenue. Si le commissaire avait compris son rôle dans l’évaluation du caractère valable de l’avis du ministre concernant l’identité et s’il s’était penché sur les décisions antérieures en matière de contrôle des motifs de détention, l’issue aurait pu être différente.

IX.       La question certifiée

[65]      Le ministre a proposé la question suivante à des fins de certification :

[traduction] La Section de l’immigration peut-elle conclure qu’il existe une solution de rechange à la détention et ordonner la mise en liberté d’un étranger en vertu de l’alinéa 248e) du [Règlement], peu importe si la Section de l’immigration croit que le ministre estime que l’identité d’un étranger n’a pas été prouvée et qu’il fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger en vertu de l’alinéa 58(1)d) de la [LIPR] et que d’autres critères prévus à l’article 248 du [Règlement] sont défavorables à la mise en liberté?

[66]      Les défendeurs ont proposé la question un peu plus large suivante :

[traduction] Dans quelle mesure, le cas échéant, la Section de l’immigration est‑elle autorisée à prononcer la mise en liberté d’un étranger dont le maintien en détention est sollicité en vertu de l’alinéa 58(1)d) de la LIPR dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger n’a pas encore été prouvée mais peut l’être?

[67]      La certification de l’une ou l’autre question pose problème parce que la réponse n’est pas déterminante quant à l’issue du présent contrôle judiciaire. Comme je l’ai conclu, la décision du commissaire est viciée de deux façons différentes. Premièrement, la SI n’a pas pris en compte les décisions antérieures concernant la détention de B046 et B047. Deuxièmement, la SI a substitué à tort son opinion des éléments nécessaires pour établir l’identité des défendeurs à l’avis du ministre. En conséquence, toute question concernant le sens exact et la bonne application de l’article 248 du Règlement ne serait pas déterminante.

X.        Conclusion

[68]      Pour ces motifs, les demandes de contrôle judiciaire seront accueillies, les décisions et les ordonnances du commissaire concernant B046 et B047 seront annulées et les affaires seront renvoyées à la SI pour nouvelle décision. Aucune question de portée générale ne sera certifiée.

[69]      Pour terminer, je désire adresser certaines observations à la SI. Lorsque la Cour accorde une demande d’autorisation de contrôle judiciaire, elle rend une ordonnance conformément à la règle 14 [mod. par DORS/98-235, art. 8(F)] des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22 [mod. par DORS/2005-339, art. 1] (les Règles). Une copie de l’ordonnance est transmise au tribunal — en l’espèce, la SI — qui est tenu d’envoyer une copie du dossier certifié du tribunal (DCT) à la Cour et aux parties (paragraphe 14(4)). Le DCT devrait comporter tous les documents qui avaient été présentés au décideur. En l’absence d’un dossier complet, les parties et la Cour se trouvent en situation de désavantage grave pour faire en sorte que justice soit rendue. Dans le cas d’une décision à l’égard d’un contrôle des motifs de détention, le DCT devrait inclure toutes les décisions à l’égard des contrôles des motifs de la détention et les documents qui se rapportent à ces décisions. Dans les cas de B046 et B047, le DCT fourni au départ était incomplet, créant ainsi d’importants problèmes pour le contrôle judiciaire. Il serait utile, à mon avis, que l’avocat de la SI consulte l’avocat des parties à l’instance pour s’assurer qu’à l’avenir les DCT soient montés d’une manière plus utile et plus complète.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1. les décisions et les ordonnances de mise en liberté ou imposant des conditions du commissaire, rendues par la SI le 15 septembre 2010 à l’égard de B046 et de B047, sont annulées et les affaires sont renvoyées à la SI pour nouvelle décision;

2. aucune question de portée générale n’est certifiée.

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