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A-658-02

2004 CAF 292

Daniel Doucette (demandeur)

c.

Ministre du Développement des Ressources humaines (défendeur)

Répertorié: Doucette c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Desjardins, Nadon et Pelletier, J.C.A.--St. John's, 24 juin; Ottawa, 15 septembre 2004.

Pensions -- La Commission d'appel des pensions a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n'a pas établi une invalidité grave au sens de l'art. 42(2)a) du Régime de pensions du Canada? -- Travailleur manuel blessé dans un accident d'automobiles -- Incapable de réintégrer son emploi -- Selon une évaluation des capacités fonctionnelles, le demandeur était capable d'accomplir des tâches sédentaires, peu exigeantes physiquement ou d'un niveau de difficulté moyen -- Il a suivi un programme de conditionnement au travail -- Il a été jugé capable d'occuper un emploi soumis à la concurrence -- Selon une psychologue, il n'était pas un bon candidat pour le recyclage -- Options professionnelles restreintes -- Selon une ergothérapeute, il était peu probable que le demandeur soit en mesure d'occuper un emploi à temps plein, même dans un travail sédentaire -- La Commission s'est fondée sur l'opinion antérieure d'un chirurgien pour dire que le demandeur devrait rester le plus actif possible et endurer ses douleurs -- Les motifs de la Commission étaient adéquats -- La Commission a-t-elle appliqué le critère «réaliste» élaboré par la C.A.F. dans l'arrêt Villani c. Canada (Procureur général)? -- Les juges Nadon et Pelletier, J.C.A. (la juge Desjardins, J.C.A. dissidente): Ayant conclu que la véritable cause de l'incapacité du demandeur de reprendre le travail était l'insuffisance de ses efforts dans le passé, la Commission n'avait pas à procéder à une analyse en profondeur des limitations affectant la capacité du demandeur de réintégrer le marché du travail en raison de son niveau de scolarité et de ses antécédents de travail -- Absence de preuve médicale objective d'une maladie grave justifiant la prétention du demandeur d'être incapable d'accomplir toute forme de travail peu exigeant ou sédentaire -- Malgré des déficiences au plan de la scolarité et des connaissances, il avait la capacité d'occuper des emplois tels que pompiste, répartiteur ou en télémarketing.

La Cour d'appel fédérale était saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission d'appel des pensions qui a rejeté une demande de prestations d'invalidité. La Commission avait conclu que le demandeur n'avait pas établi une invalidité «grave» au sens de l'alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, au moment de, ou avant, sa période minimale d'admissibilité du 31 décembre 1997.

Le demandeur a présenté une demande de prestations d'invalidité, en se plaignant «de douleurs au dos, au cou, aux épaules et dans la jambe gauche, attribuables à un accident d'automobile». Son dernier emploi était à titre de préposé au service de l'environnement du Grace General Hospital de l'Armée du Salut. Ses tâches consistaient dans la collecte des ordures, le nettoyage des planchers et d'autres activités de gros entretien ménager. Il avait tenté sans succès de réintégrer son emploi après l'accident. Le demandeur a été vu à l'urgence le jour de l'accident et on a diagnostiqué un coup de fouet cervical et une commotion. Il a suivi des traitements de physiothérapie et de chiropraxie, mais ces traitements ont été abandonnés en l'absence d'une amélioration fonctionnelle. Le physiothérapeute a confirmé que toute tentative d'augmenta-tion de l'activité physique entraînait une aggravation importante des symptômes du demandeur. Sa qualité de vie avait été «considérablement compromise». Une évaluation des capacités fonctionnelles du demandeur a été effectuée, dont la conclusion était que le demandeur pouvait accomplir des tâches sédentaires, peu exigeantes physiquement ou d'un niveau de difficulté moyen. Cette conclusion a été remise en question par un chirurgien orthopédiste, dont l'opinion était que le demandeur ne pouvait occuper qu'un emploi sédentaire. Le demandeur a suivi un programme de conditionnement au travail et on a jugé qu'il pourrait accomplir des tâches sédentaires ou peu exigeantes dans un emploi soumis à la concurrence durant une journée de travail de huit heures. En fait, le demandeur n'a jamais vraiment dépassé trois heures par jour dans le programme de conditionnement au travail et ses symptômes s'aggravaient. Une psychologue agréée a effectué une évaluation et conclu qu'il «n'est pas un bon candidat pour le recyclage» et que ses «options professionnelles sont très restreintes». Selon l'évaluation d'une ergothérapeute, il était peu probable que le demandeur soit en mesure d'occuper un emploi à temps plein, même dans un travail sédentaire.

Le tribunal de révision a rejeté la demande du demandeur qui a obtenu l'autorisation d'en appeler. La Commission d'appel des pensions a rejeté l'appel, expliquant que, pour qu'une invalidité soit considérée comme grave, il faut qu'elle rende la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et qu'elle n'est «prolongée» que si elle est de durée indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. La Commission était moins persuadée par les évaluations récentes indiquant que le demandeur était effectivement invalide, leur préférant l'opinion antérieure du chirurgien selon laquelle il devait tenter de rester le plus actif possible et endurer ses douleurs. Étant donné qu'il n'avait pas travaillé depuis longtemps, il était peu probable qu'il puisse obtenir un emploi, mais, s'il avait fait des efforts plus importants à l'époque, il travaillerait probablement à l'heure actuelle.

Arrêt (la juge Desjardins, J.C.A. dissidente): la demande doit être rejetée.

Le juge Nadon, J.C.A. (le juge Pelletier, J.C.A. souscrivant à ses motifs): Le demandeur a critiqué les motifs de la Commission parce qu'ils n'expliquent pas la pertinence des vues du chirurgien par rapport aux critères applicables. Certes, les motifs de la Commission étaient laconiques, mais la Cour suprême du Canada a dit qu'une cour d'appel n'est pas habilitée à intervenir simplement parce qu'elle estime que le juge de première instance s'est mal exprimé. Dans l'arrêt R. c. Sheppard, la Cour suprême a exposé un critère fonctionnel d'intervention applicable en cas d'insuffisance des motifs: si les lacunes des motifs d'un tribunal inférieur font obstacle à un examen valable en appel de la justesse de la décision, une erreur de droit a alors été commise. La Commission n'a pas identifié les doutes importants qu'elle a observés dans le rapport du chirurgien, mais le rapport lui-même était clair en ce qui concerne les réserves du médecin au sujet de l'affaire. Il y avait des constatations physiques qui justifiaient de conclure que le demandeur ne pouvait réintégrer son ancien emploi, mais il n'y avait pas de constatations physiques qui auraient pu justifier une conclusion d'invalidité grave ou totale. Si des efforts plus importants de la part du demandeur avaient pu lui éviter une invalidité grave, il est raisonnable de penser que l'affection physique qui l'empêchait de réintégrer son ancien emploi n'expliquait pas son incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Si tel est le cas, son invalidité n'avait pas la gravité visée au sous-alinéa 42(2)a)(i). Les motifs de la Commission étaient suffisants pour permettre à la Cour d'exercer sa fonction de contrôle.

La deuxième question portait sur l'application par la Commission du critère «réaliste», élaboré par la Cour dans l'arrêt Villani c. Canada (Procureur général). Le dossier comportait des éléments de preuve à l'appui des vues de la Commission selon lesquelles la véritable cause de l'incapacité du demandeur de reprendre le travail était l'insuffisance de ses efforts entre le moment de son accident et la période minimale d'admissibilité. Compte tenu de cette conclusion, la Commission n'avait pas à procéder à une analyse en profondeur des limitations de la capacité du demandeur de réintégrer le marché du travail en raison de son niveau de scolarité, de ses aptitudes linguistiques et de ses antécédents de travail ainsi que de son expérience de la vie. La Commission a conclu qu'il n'y avait pas de preuve médicale objective d'une maladie grave justifiant la prétention du demandeur d'être incapable d'accomplir toute forme de travail peu exigeant ou sédentaire. Le problème a été expliqué de la façon suivante par l'ergothérapeute: le demandeur «est persuadé qu'il n'existe aucune possibilité d'emploi pour lui. Il aura donc beaucoup de difficultés à recourir aux ressources disponibles dans la collectivité». Même si le demandeur présentait des déficiences aux plans de la scolarité et des connaissances qui le désavantageaient dans une recherche d'emploi, il y avait des travaux qu'il pouvait accomplir. Il avait la capacité d'occuper des emplois tels que pompiste, répartiteur ou préposé au télémarketing. Il se pouvait que ces emplois ne lui apportent pas une grande satisfaction au travail, mais il ne serait pas le seul dans cette situation.

La juge Desjardins, J.C.A. (dissidente): Dans l'arrêt Villani, la Cour a établi que les mots utilisés dans le sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime doivent «être interprété[s] d'une façon large et libérale, et toute ambiguïté découlant de ces mots doit se résoudre en faveur de la personne qui demande des prestations d'invalidité». Dans cet arrêt, la Cour a aussi approuvé l'approche «réaliste» adoptée par la Commission dans la décision Leduc, Edward c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, où elle a fait observer que, si les autorités médicales ont indiqué qu'il pourrait y avoir une possibilité que l'appelant puisse continuer à exercer une certaine forme, non précisée, d'emploi véritablement rémunérateur, il ne vivait pas dans un monde abstrait et théorique, de sorte que la question était de savoir si, compte tenu de toutes les difficultés de l'appelant, un employeur pourrait même envisager la possibilité de l'engager. La Cour a ensuite fait observer que «les occupations hypothétiques qu'un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d'instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie».

La juge a souscrit à la prétention du demandeur selon laquelle la Commission n'a aucunement cherché à lui appliquer le critère réaliste. La Commission a commis une erreur en droit en interprétant de la façon dont les conditions du marché du travail touchent le critère réaliste dans l'arrêt Villani.

L'évaluation psycho-professionnelle indiquait que les perspectives d'emploi du demandeur sur le marché du travail d'aujourd'hui sont très restreintes compte tenu de ses blessures et de son intérêt à l'égard d'emplois réalistes qui comportent généralement des activités physiques dont le niveau de difficulté varie de moyen à élevé. La Commission ne s'est pas référée à la longue énumération des frustrations et limitations du demandeur établie par l'auteur de l'évaluation psycho- professionnelle.

La Commission s'est appuyée sur le rapport de congé du conditionnement au travail qui indiquait que le demandeur pourrait occuper un emploi soumis à la concurrence, mais qui contenait d'importantes réserves: il faudrait un appariement rigoureux des emplois avec ses capacités physiques ainsi qu'avec son profil psychologique, et des conseils en matière de soulagement de la douleur seraient indiqués.

En vertu du paragraphe 83(11) du Régime, la Commission est tenue par la loi de motiver sa décision et elle manqué à cette obligation dans son appréciation de la lettre du médecin.

L'affaire doit être renvoyée aux fins d'une nouvelle décision car la décision ne contient aucune analyse permettant de savoir si le demandeur, dans un contexte «réaliste», est capable ou «régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice» au sens du sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime.

lois et règlements cités

Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, art. 42(2)a) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 12), b) (mod par L.C. 1992, ch. 1, art. 23), 44(1)b) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 13; L.C. 1997, ch. 40, art. 69), 83(11) (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45).

jurisprudence citée

décisions appliquées:

Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 C.F. 130; (2001), 205 D.L.R. (4th) 58; 38 Admin. L.R. (3d) 115; 275 N.R. 342 (C.A.); R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869; (2002), 210 D.L.R. (4th) 608; 211 Nfld. & P.E.I.R. 50; 162 C.C.C. (3d) 298; 50 C.R. (5th) 68; 284 N.R. 342.

décision distincte:

Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Quesnelle (2003), 49 Admin. L.R. (3d) 309; 301 N.R. 98 (C.A.F.).

décisions citées:

Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rice (2002), 288 N.R. 34 (C.A.F.); Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Skoric, [2000] 3 C.F. 265; (2000), 251 N.R. 368 (C.A.); Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; (1997), 144 D.L.R. (4th)1; 50 Admin. L.R. (2d) 199; 71 C.P.R. (3d) 417; 209 N.R. 20; Spears c. Canada (2004), 320 N.R. 351 (C.A.F.); Leduc, Edward c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1988), C.E.B. & P.G.R. 8546 (C.A.P.); Barlow c. Ministre du Développement des ressources humaines (1999), C.E.B. & P.G.R. 8846 (C.A.P.).

DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission d'appel des pensions (CP 16855, le 26 août 2002, en ligne <http://www.pab-cap.gc.ca>) rejetant un appel interjeté à l'encontre de la décision du tribunal de révision portant que le demandeur n'avait pas une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada. Demande rejetée.

ont comparu:

Marina Whitten pour le demandeur.

Stuart Herbert pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Aylward, Chislett & Whitten, St. John's (Terre-Neuve), pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Nadon, J.C.A.: Le demandeur, Daniel Doucette, cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision de la Commission d'appel des pensions (la Commission) en date du 26 août 2002 [CP 16855], qui a conclu qu'il n'était pas atteint d'une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (le Régime).

[2]Je ne puis souscrire aux motifs de ma collègue, la juge Desjardins, qui a statué que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. Contrairement à elle, j'estime que la Commission a appliqué l'approche «réaliste» prescrite par cette Cour dans l'arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 C.F. 130, et j'estime également que les motifs de la Commission sont suffisants pour permettre à la Cour de s'acquitter de sa fonction de contrôle judiciaire.

[3]Il n'est pas nécessaire d'exposer les faits pertinents, qui sont présentés de façon complète dans les motifs de la juge Desjardins.

[4]S'appuyant sur l'arrêt de cette Cour Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Quesnelle (2003), 49 Admin. L.R. 309 (C.A.F.) et sur celui de la Cour suprême R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, le demandeur fait valoir que la Commission n'a pas donné de motifs adéquats.

[5]Il prétend que les motifs de la Commission sont insuffisants parce qu'ils n'indiquent pas ou n'explicitent pas les doutes exprimés par le Dr Noftall dans sa lettre du 2 décembre 1999 et ils n'expliquent pas la pertinence de ces doutes par rapport aux critères applicables. Il est vrai que la Commission, dans ses motifs, est laconique au sujet du raisonnement qui sous-tend ses conclusions. Après avoir cité le rapport du Dr Noftall, la Commission conclut que «si des efforts plus importants avaient été faits à l'époque, M. Doucette travaillerait probablement aujourd'hui». (au paragraphe 11). Plus loin, après des renvois aux arrêts Villani et Rice [Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rice (2002), 288 N.R. 34 (C.A.F.)], la Commission conclut qu'aucun des rapports médicaux ni la preuve produite devant elle «ne démontre selon la prépondérance des probabilités que l'appelant était atteint d'une invalidité "grave" au sens de la loi le 31 décembre 1997 ou avant cette date».

[6]Dans l'arrêt Sheppard, le juge Binnie, rédigeant l'opinion unanime de la Cour suprême, a déclaré que la Cour d'appel pouvait intervenir, selon lui, lorsque les lacunes des motifs faisaient obstacle à un examen valable en appel de la justesse de la décision. Le cas échéant, le tribunal inférieur avait commis une erreur de droit. Toutefois, le juge Binnie a clairement dit qu'une cour d'appel n'était pas habilitée à intervenir «simplement parce qu'elle estime que le juge du procès s'est mal exprimé» (au paragraphe 26). Au paragraphe 28 de ses motifs, après avoir passé en revue les divers arguments de principe en faveur des motifs, le juge Binnie a exposé un critère fonctionnel d'intervention applicable en cas d'insuffisance des motifs:

Il n'est ni nécessaire ni approprié de limiter les circonstances dans lesquelles une cour d'appel peut s'estimer incapable de procéder à un examen valable en appel. Le mandat de la cour d'appel consiste à vérifier la justesse de la décision rendue en première instance et un critère fonctionnel exige que les motifs donnés par le juge du procès soient suffisants à cette fin. La cour d'appel est la mieux placée pour se prononcer sur cette question. Le seuil est manifestement atteint lorsque, comme en l'espèce, le tribunal d'appel s'estime incapable de déterminer si la décision est entachée d'une erreur. Les facteurs suivants sont pertinents dans le présent pourvoi: (i) des incohérences ou des contradictions importantes dans la preuve ne sont pas résolues dans les motifs du jugement, (ii) la preuve embrouillée et contradictoire porte sur une question clé en appel et (iii) le dossier ne permet pas par ailleurs d'expliquer de manière satisfaisante la décision du juge de première instance. D'autres facteurs seront évidemment en cause dans d'autres instances. En termes simples, la règle fondamentale est la suivante: lorsque la cour d'appel estime que les lacunes des motifs font obstacle à un examen valable en appel de la justesse de la décision, une erreur de droit a été commise.

[7]S'agissant de la Commission d'appel des pensions, l'obligation de motiver la décision repose sur le paragraphe 83(11) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 45] de la loi. En l'espèce, des motifs ont été donnés; la question soulevée est la suffisance de ces motifs. L'arrêt Sheppard, donne un fondement pour procéder à l'appréciation des motifs. Les motifs de la Commission fournissent-ils une base ssuffisante à la Cour pour que celle-ci puisse remplir sa fonction de contrôle? On trouve dans la décision Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Quesnelle, au paragraphe 8 [2003 CAF 92] un exemple de motifs insuffisants par rapport à ce critère:

La Commission a une obligation d'origine législative de donner aux parties les motifs de sa décision: paragraphe 83(11) du Régime de pensions du Canada. À mon avis, en omettant d'expliquer pourquoi elle rejetait la masse fort considérable d'éléments de preuve apparemment dignes de foi indiquant que l'invalidité de Mme Quesnelle n'était pas «grave», la Commission a omis de s'acquitter de l'obligation élémentaire qui lui incombait de prononcer des motifs suffisants à l'appui de sa décision. La grosseur et la complexité du dossier dont la Commission disposait exigeaient une analyse de la preuve qui permettrait aux parties et, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, à la Cour, de comprendre pourquoi la Commission était arrivée à sa décision malgré la multitude d'éléments de preuve apparemment dignes de foi allant en sens contraire.

[8]En l'espèce, la Commission cite le rapport du Dr Noftall [au paragraphe 9], chirurgien orthopédiste, puis fait observer que ce rapport «révèle les doutes importants du Dr Noftall». Il est vrai que la Commission n'identifie pas les doutes importants qu'elle a observés dans le rapport du Dr Noftall, mais le rapport lui-même est relativement clair en ce qui concerne les réserves du Dr Noftall au sujet de l'affaire:

La difficulté concernant ce patient est que ses symptômes sont si diffus qu'il est difficile de les expliquer en se basant uniquement sur les problèmes de la colonne cervicale [. . .] Tout ce que je peux dire, c'est que cet homme dit qu'il est incapable d'exercer toute activité, de quelque nature que ce soit, et que, par conséquent, il estime avoir droit à une pension en raison de ses symptômes. Il faut prendre sa parole et, évidemment la question de la crédibilité des allégations d'une personne se pose systématiquement dans ce genre de situation. Je n'ai aucune raison de douter des allégations de M. Doucette, compte tenu de ses symptômes. Il a effectivement présenté des preuves objectives à l'appui de ses symptômes [. . .] Cependant, aucun déficit neurologique n'a pu être observé. De plus, il est manifestement obsédé par l'intensité de ses symptômes. Ces cas, d'après mon expérience, sont de nature multifactorielle. Le problème de ce patient dépend non seulement de facteurs physiques mais également de facteurs psychologiques et éducationnels liés au Régime de pensions du Canada  [. . .] Je peux simplement dire qu'il a effectivement des signes physiques et des douleurs physiques qui le rendent inapte à réintégrer son ancien emploi [. . .] Je le reverrai une dernière fois, mais, en tant qu'orthopédiste, je ne peux réellement rien faire pour aider cette personne.

[9]Selon une interprétation raisonnable de ces observations, le Dr Noftall ne peut expliquer tous les symptômes de M. Doucette par ses problèmes orthopédiques. Comme M. Doucette ne présente aucun déficit neurologique établi, certains de ses symptômes demeurent inexpliqués. Le Dr Noftall note que M. Doucette est préoccupé par ses symptômes et croit avoir droit à une pension. Il fait observer qu'il se pose sans conteste des questions de crédibilité. Selon l'expérience du Dr Noftall, les cas analogues à celui de M. Doucette présentent des composantes psychologiques et éducationnelles. Le Dr Noftall ne peut rien faire pour M. Doucette. En d'autres termes, il y a des constatations physiques qui justifient de conclure que M. Doucette ne peut réintégrer son ancien emploi. Mais il n'y a pas de constatations physiques qui justifieraient une conclusion d'invalidité grave (ou totale).

[10]Ce raisonnement amène la Commission à conclure que si des efforts plus importants avaient été faits par M. Doucette avant le 31 décembre 1997, celui-ci travaillerait vraisemblablement aujourd'hui. Manifestement, si M. Doucette travaillait maintenant, il ne serait pas atteint d'une invalidité grave. Si des efforts plus importants de la part du demandeur pouvaient lui éviter une invalidité grave, il est raisonnable de penser que l'affection physique qui empêche aujourd'hui le demandeur de réintégrer son ancien emploi n'explique pas son incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Si tel est le cas, son invalidité n'a pas la gravité visée au sous-alinéa 42(2)a)(i) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 39, art. 12].

[11]Il ne fait aucun doute que la Commission aurait pu expliquer son raisonnement de manière plus exhaustive, mais on peut néanmoins dégager ce raisonnement à partir des termes qu'elle a employés. Par conséquent, comme je suis persuadé que les motifs de la Commission habilitent la Cour à exercer sa fonction de contrôle, je conclus sans difficulté que ces motifs sont adéquats.

[12]Pour terminer sur ce point, j'ajouterais que la Cour, à l'instar d'autres cours d'appel, doit tenir compte des observations du juge Binnie dans l'arrêt Sheppard, selon lesquelles la Cour ne doit pas intervenir au motif qu'elle estime que les tribunaux inférieurs ne se sont pas exprimés d'une manière qui lui paraît acceptable. Les motifs soumis au contrôle judiciaire doivent être examinés équitablement et, dans cet examen, la Cour doit, comme le suggère le juge Binnie, examiner le dossier sur lequel est fondée la décision qui fait l'objet du contrôle. Nous devons nous garder de conclure trop hâtivement que les motifs ne résistent pas à l'examen.

[13]La deuxième question soulevée porte sur l'application par la Commission du critère «réaliste» au sujet duquel le demandeur présente deux observations. En premier lieu, il soutient que la Commission n'a pas établi de quelle manière son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques et ses antécédents de travail ainsi que son expérience de la vie affectaient sa capacité de se trouver un travail véritablement rémunérateur. En deuxième lieu, le demandeur fait valoir que la Commission n'a pas pris en compte, selon le critère «réaliste» élaboré par la Cour dans l'arrêt Villani, les limitations et les restrictions que soulignent les rapports de Mme Hunt et de Mme Simmons.

[14]La Commission était parfaitement consciente de l'arrêt Villani, auquel elle a renvoyé au paragraphe 13 de ses motifs et qui l'a amenée à formuler les observations suivantes au paragraphe 14:

Il faut tenir compte de la réalité lorsqu'il s'agit de déterminer si le requérant est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[15]À la lumière de ces observations, la Commission a finalement conclu au paragraphe 18 de ses motifs qu'elle n'était pas persuadée, selon la prépondérance de la preuve, que le demandeur était atteint d'une invalidité grave au 31 décembre 1997 ou avant cette date.

[16]Le dossier comporte des éléments de preuve à l'appui des vues de la Commission selon lesquelles la véritable cause de l'incapacité du demandeur de reprendre le travail était l'insuffisance de ses efforts entre le moment de son accident et la période minimale d'admissibilité. Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas nécessaire de procéder à une analyse en profondeur des limitations de la capacité du demandeur de réintégrer le marché du travail en raison de son niveau de scolarité, de ses aptitudes linguistiques et de ses antécédents de travail ainsi que de son expérience de la vie.

[17]La preuve produite à l'appui de la conclusion de la Commission comprend notamment les rapports du Dr Noftall et, en particulier, l'affirmation contenue dans le rapport du 2 décembre 1999, où il déclare: «aucun déficit neurologique n'a pu être observé. De plus, il [le demandeur] est manifestement obsédé par l'intensité de ses symptômes». Le Dr Noftall établit clairement dans son rapport qu'il pense que le demandeur est incapable de réintégrer son «ancien emploi». S'agissant d'un travail sédentaire ou peu exigeant, il ne fournit aucune opinion à ce sujet, excepté l'observation suivante: «Tout ce que je peux dire, c'est que cet homme dit qu'il est incapable d'exercer toute activité, de quelque nature que ce soit, et que, par conséquent, il estime avoir droit à une pension en raison de ses symptômes».

[18]La conclusion de la Commission est également étayée par une radiographie de la colonne cervicale, prise le 14 juin 1995, qui montrait un empiétement minime du trou de conjugaison par des ostéophytes. Une scintigraphie osseuse d'août 1995 était normale et une autre radiographie de la colonne cervicale prise en octobre 1995 révélait une réduction de la hauteur de la vertèbre C6 par rapport à celle des vertèbres adjacentes.

[19]En d'autres termes, la Commission a conclu qu'il n'y avait pas de preuve médicale objective d'une maladie grave justifiant la prétention du demandeur d'être incapable d'accomplir toute forme de travail peu exigeant ou sédentaire. En fait, les éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission sont en conformité avec la conclusion de Mme Simmons dans son rapport du 1er octobre 1997, où elle conclut à la page 8 que le demandeur «pourrait accomplir des tâches sédentaires ou peu exigeantes dans le cadre d'emplois soumis à la concurrence durant une journée de travail de huit heures». Dans un autre rapport daté du 5 janvier 2000, Mme Simmons, en réponse à une demande du demandeur de clarifier son rapport en date du 1er octobre 1997, fait l'observation suivante à la page 2:

[traduction] En conclusion, sur le fondement des diverses évaluations dont Daniel [le demandeur] a fait l'objet et de son état de santé actuel en ce qui a trait à son potentiel professionnel, il semble qu'il y a des obstacles importants l'empêchant de réintégrer le marché du travail, à moins de situations idéales et de stratégies de recherche d'emploi plus vigoureuses que celles qu'il applique actuellement. Étant donné les antécédents physiques et psychologiques qui ont été documentés dans divers rapports, on peut se demander si son statut changerait sans une orientation ou du soutien d'organismes externes. Daniel est persuadé qu'il n'existe aucune possibilité d'emploi pour lui. Il aura donc beaucoup de difficultés à recourir aux ressources disponibles dans la collectivité. Il lui faudra une assistance importante en matière de réadaptation pour le faire changer d'idée. Le succès ou l'échec dépendront de son degré d'acceptation et de compréhension du processus. [Non souligné dans l'original.]

[20]S'appuyant sur ce témoignage, la Commission a estimé que la preuve était insuffisante pour justifier une conclusion d'invalidité grave. C'est la raison pour laquelle, à mon avis, la Commission a conclu au paragraphe 11 de ses motifs que s'il avait fait des efforts plus importants à l'époque, le demandeur «travaillerait probablement aujourd'hui». Comme la Commission, le tribunal de révision était venu à une conclusion semblable, déclarant à la page 4 de sa décision du 8 mars 2000:

[traduction] Nous ne doutons pas que M. Doucette ait des problèmes médicaux. Toutefois, il semble qu'on attache trop d'importance à son incapacité de se recycler. On a dit beaucoup de bien de l'appelant devant le tribunal et il s'était très manifestement mis dans la tête qu'il ne serait plus jamais capable de travailler de nouveau. Le tribunal, malheureusement pour M. Doucette, n'est pas aussi persuadé de cette conclusion et ne peut raisonnablement conclure que M. Doucette était atteint d'une invalidité grave et prolongée en décembre 1997 et par la suite. La preuve médicale ne corrobore pas cette conclusion.

[. . .]

Nous devons souscrire à la position du Ministre. Il n'existe pas de preuve médicale suffisante de limitations fonctionnelles qui, selon la prépondérance de la preuve, soient d'une importance telle qu'elles empêcheraient M. Doucette d'accomplir tout type de travail à la période minimale d'admissibilité de décembre 1997.

[21]Il est incontestable que M. Doucette présente des déficiences au plan de la scolarité et des connaissances qui le désavantagent dans une recherche d'emploi. Mais compte tenu de ces limitations, la preuve a établi qu'il y avait des travaux qu'il pouvait accomplir. La Commission a examiné l'évaluation psycho- professionnelle élaborée par Mme Hunt. Ce rapport conclut que M. Doucette avait la capacité d'occuper des emplois tels que pompiste, répartiteur ou en télémarketing, même s'il [traduction] «n'obtiendrait pas la même satisfaction au travail ou le même niveau de rémunération que dans son emploi antérieur». Malheu-reusement pour toutes les parties intéressées, il y a beaucoup de gens qui occupent des emplois qui ne leur apportent pas une satisfaction au travail ou une rémunération à la mesure de leurs aspirations. Les inquiétudes de M. Doucette au sujet de ces emplois, parfaitement compréhensibles, ne changent rien au fait qu'il a la capacité d'occuper ces emplois, même en tenant compte de ses limitations personnelles.

[22]En fin de compte, la Commission a conclu que M. Doucette aurait pu réintégrer le marché du travail s'il avait déployé plus d'efforts. Cette conclusion n'est pas abordée par l'analyse «réaliste» que l'avocat nous invitait à adopter. Par conséquent, j'estime que la Commission n'a pas commis d'erreur dans son analyse.

[23]Je rejette donc la demande de contrôle judiciaire du demandeur, mais sans frais dans les circonstances.

Le juge Pelletier, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[24]La juge Desjardins, J.C.A. (dissidente): Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission d'appel des pensions (la Commission) qui a rejeté la demande du demandeur visant l'obtention de prestations d'invalidité, au motif qu'il n'a pas établi une invalidité «grave» au sens de l'alinéa 42(2)a) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 12] du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (le Régime), au moment de, ou avant, sa période minimale d'admissibilité du 31 décembre 1997.

[25]Je conclus que la Commission a commis une erreur de droit en ne procédant pas à l'analyse correcte du «contexte réaliste» dans lequel se trouve le demandeur (Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 C.F. 130, au paragraphe 38 (Villani)).

1. Les faits

[26]Le demandeur, né le 17 septembre 1959, a présenté une demande de prestations d'invalidité le 5 mars 1999. Il décrit sa principale invalidité comme «des douleurs au dos, au cou, aux épaules et dans la jambe gauche, attribuables à un accident d'automobile». Son dernier emploi était comme préposé au service de l'environnement du Grace General Hospital de l'Armée du Salut. Ses tâches consistaient dans la collecte des ordures, le nettoyage des planchers et d'autres activités de gros entretien ménager. L'accident d'automobile s'est produit le 5 mai 1995. Le demandeur a cessé de travailler le 13 mai 1995, après l'échec d'une tentative de réintégration de son ancien emploi.

[27]Le demandeur a été vu à l'urgence le jour de l'accident et a fait l'objet d'un diagnostic de coup de fouet cervical et de commotion. On lui a prescrit des analgésiques et il a reçu son congé.

[28]Une radiographie de la colonne cervicale prise le 14 juin 1995 a révélé un [traduction] «redressement [. . .] accompagné du renversement consécutif de la partie inférieure des courbes cervicales» ainsi qu'un «empiétement minime du trou de conjugaison par des ostéophytes». (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), page 210).

[29]Une radiographie de la colonne cervicale prise le 26 octobre 1995 a révélé [traduction] «une réduction de la hauteur de la vertèbre C6 par rapport à celle des vertèbres adjacentes. On observe également un coincement antérieur à ce niveau» (dossier du demandeur, volume 1, onglet 2(c), page 61).

[30]Des traitements de physiothérapie et de chiropraxie ont été entrepris sur les conseils du Dr Andrew Hutton, médecin de famille du demandeur depuis approximativement 1990. Au terme de deux séances de physiothérapie et d'une séance de chiropraxie, les traitements ont été abandonnés en l'absence d'une amélioration fonctionnelle.

[31]Les rapports du physiothérapeute, Eric Lamme, datés du 5 février 1996 et du 15 avril 1996, confirment que toute tentative d'augmentation de l'activité physique entraînait une aggravation importante des symptômes. M. Lamme a écrit que les activités de la vie quotidienne du demandeur et sa qualité de vie en général continuaient d'être «considérablement compromises» (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), pages 216 et 217).

[32]Le demandeur a vu le Dr N. S. Turner, chirurgien orthopédiste, en mai 1996. Le Dr Turner a rapporté que M. Doucette paraissait [traduction] «tenir la tête déviée vers la droite, dans une position apparemment involontaire», et qu'[traduction] «il paraissait vraiment handicapé par les problèmes liés à la malposition de la tête et par les douleurs» (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), page 219).

[33]En décembre 1996, le demandeur a vu de nouveau le Dr Turner, qui a rapporté que [traduction] «les symptômes de M. Doucette restent à peu près les mêmes que ceux que j'ai observés en mai. Il continue de se plaindre de douleurs au cou, au rachis dorsal et d'une douleur à la face postérieure de la hanche droite qui irradie vers le genou gauche. Il s'est également plaint pour la première fois aujourd'hui d'un tintement d'oreille, qui se produit lorsqu'il se penche vers l'avant. Il semble que ce trouble a été intermittent depuis son accident» (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), page 221).

[34]Le 30 janvier 1997, Jane Simmons des Integrated Occupational Health Services (IOHS) a effectué une évaluation des capacités fonctionnelles du demandeur. À la suite de cette évaluation d'une demi-journée, elle a déclaré que le demandeur pouvait accomplir des tâches sédentaires, peu exigeantes physiquement ou d'un niveau de difficulté de léger à moyen (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), pages 224 à 240, à la page 224).

[35]Le demandeur a vu le Dr Frank Noftall, chirurgien orthopédiste, en mars 1997. Dans son rapport daté du 25 mars 1997, le Dr Noftall a remis en question la conclusion de l'évaluation des capacités fonctionnelles selon laquelle le demandeur a la capacité d'accomplir des tâches peu exigeantes ou d'un niveau moyen. Il a exprimé l'avis que le demandeur [traduction] «devra trouver un type d'emploi sédentaire. S'il n'a pas la scolarité voulue pour le faire, il faudrait qu'il se recycle». Le Dr Noftall a poursuivi en ces termes: [traduction] «J'ai le sentiment que la situation de M. Doucette est permanente et qu'il devra apprendre à s'adapter à ses malaises. Sa capacité éventuelle d'accomplir un travail ou une activité dépendra des symptômes qu'il éprouve et de sa capacité de les supporter» (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), pages 241A à 243, à la page 242).

[36]Le Dr Noftall a également précisé dans son rapport du 1er août 1997 que la perspective d'une intervention chirurgicale était très improbable (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), page 245).

[37]Le demandeur a commencé un programme de conditionnement au travail avec Jane Simmons des IOHS le 24 juin 1997. Sa participation a duré 12 jours et le programme a été interrompu le 10 juillet 1997. Après la cessation du programme, Mme Simmons a révisé sa conclusion et pronostiqué que M. Doucette pourrait accomplir des tâches sédentaires ou peu exigeantes dans le cadre d'emplois soumis à la concurrence durant une journée de travail de huit heures (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), pages 266 à 273, à la page 273).

[38]Le demandeur n'a jamais vraiment dépassé trois heures dans le programme de conditionnement au travail, et Mme Simmons a noté dans son rapport de congé du conditionnement au travail que les symptômes de M. Doucette [traduction] «s'aggravaient au fur et à mesure qu'avançait le programme» (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), pages 266 à 273, à la page 266). Dans son rapport de suivi de l'évaluation initiale du 11 juin 1997, Mme Simmons a indiqué qu'au cours du programme, [traduction] «des signes objectifs d'enflure et de raideur étaient observables dans la face latérale de la région gauche du cou» (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), page 213).

[39]Gertie Hunt, psychologue agréée, a effectué une évaluation psycho-professionnelle du demandeur le 4 août 1997. Au moment du rapport, Mme Hunt a conclu que les [traduction] «options professionnelles [de M. Doucette] sont très restreintes» et qu'il [traduction] «n'est pas un bon candidat pour le recyclage étant donné ses difficultés de scolarité et [qu'] il aurait besoin d'une formation en cours d'emploi» (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), pages 247 à 262, à la page 260).

[40]Elle a administré la Batterie générale de tests d'aptitudes qui, selon son rapport, est une mesure couramment employée pour établir la capacité d'une personne d'accomplir les tâches reliées à un emploi. Les résultats du demandeur sur l'aptitude générale à apprendre, les aptitudes verbales, les aptitudes numériques et la perception des formes étaient faibles, à l'exception de la coordination motrice et de la dextérité digitale et manuelle, qui étaient moyennes ou supérieures à la moyenne (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), page 255).

[41]Mme Hunt a également administré les tests de performance WJ-R, qui renseignent sur la performance dans les matières scolaires usuelles. Elle a noté que le demandeur avait indiqué avoir terminé l'équivalent d'une douzième année mais que ses résultats en termes de niveau de scolarité (du niveau primaire) étaient beaucoup plus faibles que prévu. Ses résultats en mathématiques étaient supérieurs à ses résultats en lecture et écriture. Cependant, la faiblesse de ses résultats correspondait aux difficultés signalées et il se pouvait, écrivait-elle, que le demandeur ait du mal à retenir ce qu'il avait appris. Pour l'évaluation de la compréhension de la lecture, on a observé qu'il interprétait mal le sens des mots, opérant des substitutions (par exemple, [traduction] «le plus large substitué à le plus long»). Ses habiletés en vocabulaire (prononciation et sens des mots) nuisaient à sa compréhension de la lecture (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d) page 256).

[42]Le demandeur a vu de nouveau le physiothé-rapeute Eric Lamme le 14 septembre 1999. Dans sa lettre du 20 septembre 1999, le physiothérapeute a déclaré que [traduction] «dans l'ensemble, ses symptômes étaient restés identiques en nature et continuaient de compromettre gravement sa qualité de vie» (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(c), pages 42 et 43).

[43]Andrea Hutchens, ergothérapeute, a effectué une évaluation des capacités fonctionnelles du demandeur les 19, 25 et 27 juin 2002. Elle a écrit qu'il était peu probable que le demandeur soit en mesure d'occuper un emploi à temps plein, même dans un travail sédentaire (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(h), pages 299 à 312).

[44]Le demandeur a obtenu l'autorisation d'en appeler de la décision du tribunal de révision qui avait rejeté sa demande. L'audience devant la Commission s'est tenue le 23 juillet 2002.

[45]La Commission a rejeté l'appel le 11 octobre 2002. Les motifs de la décision de la Commission sont datés du 26 août 2002 (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), pages 9 à 21).

2. La décision de la Commission

[46]La Commission a déclaré au départ que pour être admissible aux prestations d'invalidité, l'appelant devait satisfaire à deux exigences principales. Il doit avoir versé des cotisations valides au Régime de pensions du Canada pendant au moins la période minimale d'admissibilité, qui en l'espèce était fixée au 31 décembre 1997, et il doit prouver qu'il est atteint d'une invalidité (physique ou mentale) «grave et prolongée» au sens de l'alinéa 42(2)a) du Régime. Pour être jugée grave, la Commission a écrit que l'invalidité doit être de nature à le rendre régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice; et elle n'est jugée «prolongée» que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

[47]La Commission a résumé la preuve médicale, notamment l'évaluation très complète des capacités fonctionnelles réalisée en janvier 1997 par Jane Simmons, ergothérapeute, qui a conclu que bien qu'il soit incapable de réintégrer son ancien emploi, le demandeur pouvait accomplir des tâches sédentaires, peu exigeantes physiquement et d'un niveau légèrement inférieur à la moyenne. Le demandeur a été vu de nouveau par cette ergothérapeute en octobre 1997, au terme d'un programme de conditionnement au travail, qui s'est révélé trop exigeant pour le demandeur. Elle a alors révisé sa conclusion, déclarant que M. Doucette pourrait accomplir des tâches sédentaires ou peu exigeantes dans le cadre d'emplois soumis à la concurrence durant une journée de travail de huit heures.

[48]La Commission a noté au paragraphe 8 de ses motifs que Jane Simmons disposait du rapport d'évaluation psycho-professionnelle de Gertie Hunt, psychologue agréée, daté du 4 août 1997, dans lequel Mme Hunt concluait que les possibilités d'emploi du demandeur étaient «très restreintes, compte tenu de ses limitations physiques et de son niveau de scolarité». La Commission a cité Mme Hunt, qui déclarait:

[traduction] L'évaluateur est d'avis que les perspectives d'emploi de Daniel sur le marché du travail d'aujourd'hui sont très restreintes compte tenu de ses blessures et de son intérêt à l'égard d'emplois RÉALISTES qui comportent généralement des activités physiques dont le niveau de difficulté varie de moyen à élevé.

[49]Dans ses motifs, la Commission a écrit au paragraphe 9: «Bien que diverses évaluations, y compris celles de Mmes Jane Simmons et Gertie Hunt (qui ont témoigné devant nous), semblent indiquer que les affections de M. Doucette correspondent à la définition de l'invalidité au sens de la loi, nous sommes davantage convaincus par les rapports élaborés immédiatement avant la période minimale d'admissibilité».

[50]La Commission a dit que le rapport du Dr Frank Noftall, chirurgien orthopédiste, daté du 2 décembre 1999, avait particulièrement attiré son attention. Le médecin avait vu le demandeur en février, mars et août 1997. Lors de ces consultations, a écrit la Commission, le Dr Noftall avait rapporté que M. Doucette devait tenter de rester le plus actif possible, qu'il devrait endurer ses douleurs et chercher un emploi sédentaire.

[51]La Commission [au paragraphe 9] a ensuite cité un long extrait de la lettre du Dr Noftall datée du 2 décembre 1999:

[traduction] J'ai reçu ce patient à mon cabinet aujourd'hui, le 24 novembre 1999, à votre demande. Vous êtes au courant de sa symptomatologie et de sa situation. Il a réglé ses affaires avec les avocats, mais il a interjeté appel devant la Commission canadienne des pensions.

Il a l'impression que son état s'aggrave avec le temps. Il a maintenant des symptômes qui sont quelque peu préoccupants. Il dit qu'il a un problème de surdité lorsqu'il bouge le cou dans certaines positions. De toute évidence, le problème est une compression d'une artère vertébrale et je crois comprendre qu'il a été évalué par un ORL, qui a recommandé d'autres examens, comme une IRM. Je n'ai personnellement aucune objection à cet égard.

La difficulté concernant ce patient est que ses symptômes sont si diffus qu'il est difficile de les expliquer en se basant uniquement sur les problèmes de la colonne cervicale. Il ne fait aucun doute que la question à trancher est son niveau de fonctionnement, compte tenu de ses symptômes, et évidem-ment, cette question soulève systématiquement un litige dans le contexte du régime de pensions. Tout ce que je peux dire, c'est que cet homme dit qu'il est incapable d'exercer toute activité, de quelque nature que ce soit, et que, par conséquent, il estime avoir droit à une pension en raison de ses symptômes. Il faut prendre sa parole et, évidemment la question de la crédibilité des allégations d'une personne se pose systémati-quement dans ce genre de situation. Je n'ai aucune raison de douter des allégations de M. Doucette, compte tenu de ses symptômes. Il a effectivement présenté des preuves objectives à l'appui de ses symptômes, particulièrement l'amplitude de mouvement de la colonne cervicale et les changements de la posture. Cependant, aucun déficit neurologique n'a pu être observé. De plus, il est manifestement obsédé par l'intensité de ses symptômes. Ces cas, d'après mon expérience, sont de nature multifactorielle. Le problème de ce patient dépend non seulement de facteurs physiques mais également de facteurs psychologiques et éducationnels liés au Régime de pensions du Canada. Je ne peux commenter davantage ces aspects éducationnels ou émotionnels de son problème. Je peux simplement dire qu'il a effectivement des signes physiques et des douleurs physiques qui le rendent inapte à réintégrer son ancien emploi. Il a été évalué par une ergothérapeute et il conteste effectivement cette évaluation, alléguant qu'on lui a demandé d'exercer des activités dont le degré de difficulté était trop élevé pour lui. Compte tenu de ses antécédents, cet homme semble effectivement totalement invalide. L'examen que j'ai effectué aujourd'hui n'a rien révélé de plus. Quant à moi, il est atteint d'une invalidité permanente et je doute que les résultats d'une éventuelle IRM soient positifs. Cependant, je lui ai proposé de le revoir une dernière fois à la clinique lorsqu'il aura subi cet examen. Si l'IRM révèle une anomalie, il conviendra alors de consulter un neurochirurgien. Je le reverrai une dernière fois, mais, en tant qu'orthopédiste, je ne peux réellement rien faire pour aider cette personne.

[52]La Commission a ajouté au paragraphe 10:

À notre avis, non seulement ce rapport résume brièvement l'état de M. Doucette, mais il révèle les doutes importants du Dr Noftall. Il faudrait souligner que dans le rapport IRM du 7 avril 2000, on a simplement conclu: «Petites saillies discales surtout centrales aux niveaux C5-C6 et minimes aux niveaux C6-C7». Ces observations confirment les conclusions antérieures du Dr Noftall.

[53]La Commission a conclu au paragraphe 11 de ses motifs:

Le fait est qu'étant donné que M. Doucette n'a pas travaillé depuis longtemps, il est peu probable qu'il réintègre le marché du travail dans quelque genre d'emploi que ce soit. Nous avons néanmoins conclu que, compte tenu de son état avant le 31 décembre 1997, si des efforts plus importants avaient été faits à l'époque, M. Doucette travaillerait probablement aujourd'hui.

[54]La Commission a fait état de la jurisprudence traitée dans l'arrêt Villani, et dans l'arrêt Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Rice (2002), 288 N.R. 34 (C.A.F.). Au paragraphe 18 de ses motifs, elle a rejeté la demande du demandeur au motif que les éléments présentés en preuve, selon la prépondérance de la preuve, n'établissaient pas une invalidité «grave» au 31 décembre 1997.

3. La norme de contrôle

[55]Si la Commission a commis une erreur de droit, il ne fait aucun doute que la norme de contrôle est la décision correcte, selon l'arrêt Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Skoric, [2000] 3 C.F. 265 (C.A.), au paragraphe 15, et selon l'arrêt Villani, au paragraphe 22. Cela serait particulièrement vrai dans le cas où, comme le prétend le demandeur, la Cour n'avait pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents que la loi l'oblige à considérer. La Commission aurait alors commis une erreur de droit, selon l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 41. La proposition s'applique également si la Commission a commis une erreur en n'effectuant pas une analyse complète de chaque critère visé au sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime.

[56]Par contre, si la Commission a pris en compte les éléments de preuve pertinents et les a appréciés en appliquant la loi aux faits, comme le prétend le défendeur, la question soulevée est alors une question mixte de droit et de fait. Comme la décision relative à cette question comporte une composante factuelle importante, la Cour ne devait intervenir que si la conduite de la Commission avait eu un caractère manifestement déraisonnable (Spears c. Canada (2004), 320 N.R. 351 (C.A.F.), aux paragraphes 9 à 11).

4. Les dispositions législatives applicables

[57]Il est indiqué de se rappeler ici l'alinéa 44(1)b) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 13; L.C. 1997, ch. 40, art. 69] du Régime, qui prévoit:

SECTION A

PRESTATIONS PAYABLES

44. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie:

a) une pension de retraite doit être payée à un cotisant qui a atteint l'âge de soixante ans;

b) une pension d'invalidité doit être payée à un cotisant qui n'a pas atteint l'âge de soixante-cinq ans, à qui aucune pension de retraite n'est payable, qui est invalide et qui:

(i) soit a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d'admissibilité,

(ii) soit est un cotisant à qui une pension d'invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si une demande de pension d'invalidité avait été reçue avant le moment où elle l'a effectivement été,

(iii) soit est un cotisant à qui une pension d'invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension n'avait pas été effectué en application des articles 55 et 55.1; [Non souligné dans l'original.]

[58]Les alinéas 42(2)a) et (2)b) [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 23] prévoient:

PARTIE II

PENSIONS ET PRESTATIONS SUPPLÉMENTAIRES

Définitions et interprétation

42. (1) [. . .]

(2) Pour l'application de la présente loi:

a) une personne n'est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l'application du présent alinéa:

(i) une invalidité n'est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

(ii) une invalidité n'est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;

b) une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d'être invalide à la date qui est déterminée, de la manière prescrite, être celle où elle est devenue ou a cessé d'être, selon le cas, invalide, mais en aucun cas une personne n'est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de la présentation d'une demande à l'égard de laquelle la détermination a été établie. [Non souligné dans l'original.]

5. Le cadre juridique

[59]Dans l'arrêt Villani, au paragraphe 29, la Cour a établi que «[l]a définition d'une invalidité grave donnée par le Régime est clairement une définition restrictive qui doit être interprétée selon le texte effectif du sous-alinéa 42(2)a)(i)». Le sens des mots utilisés dans cette disposition «doit être interprété d'une façon large et libérale, et toute ambiguïté découlant de ces mots doit se résoudre en faveur de la personne qui demande des prestations d'invalidité».

[60]Au paragraphe 32, la Cour a trouvé inspirante l'approche plus libérale adoptée par la Commission dans ce qu'il est convenu d'appeler l'approche «réaliste» de l'application de la condition touchant la gravité de l'invalidité. «Cette analyse», a écrit la Cour, «obligeait la Commission à déterminer si un requérant, dans sa situation particulière et selon ses antécédents médicaux, était régulièrement en mesure de détenir une occupation véritablement rémunératrice.» La Cour a renvoyé à une décision antérieure de la Commission, Leduc, Edward c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1988), C.E.B. & P.G.R. 8546 (C.A.P.), et déclaré au paragraphe 33:

L'analyse «réaliste» a d'abord été adoptée par la Commission dans la décision Leduc, Edward c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1988), C.E.B. & P.G.R. 8546 (C.A.P.). Dans cette décision, la Commission avait tranché en faveur du requérant en s'appuyant sur les motifs suivants [à la page 6022]:

[traduction] Les autorités médicales ont informé la Commission que, malgré les handicaps dont souffre l'appelant, il pourrait y avoir une possibilité qu'il puisse continuer à exercer une certaine forme, non précisée, d'emploi véritablement rémunérateur. Dans un sens abstrait et théorique, cela pourrait être vrai. Toutefois, l'appelant ne vit pas dans un monde abstrait et théorique. Il vit dans un monde réel, peuplé d'employeurs réels qui sont tenus de faire face aux réalités d'une entreprise commerciale. La question est donc de savoir s'il est réaliste de présumer que, compte tenu de toutes les difficultés bien documentées de l'appelant, un employeur pourrait même envisager la possibilité d'engager l'appelant. La Commission ne peut penser à une situation dans laquelle cela pourrait être le cas. De l'avis de la Commission [page 149 de l'original], l'appelant, Edward Leduc, est, à toutes fins pratiques, inemployable. [Non souligné dans l'original.]

[61]La Cour (au paragraphe 39) a confirmé la conclusion et les motifs présentés par la Commission dans la décision Barlow c. Ministre du Développement des Ressources humaines (1999), C.E.B. & P.G.R. 8846 (C.A.P.), où elle a effectué une analyse de chaque terme pertinent du sous-alinéa 42(2)(a)(i). La Cour a repris cette analyse au paragraphe 37 de ses motifs, dans les termes suivants:

[traduction] Son invalidité est-elle suffisamment grave pour l'empêcher de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice?

Pour répondre à cette question, nous estimons qu'il est approprié d'analyser le libellé précité pour établir avec précision l'intention du législateur:

Le Greater Oxford Dictionary définit ainsi le mot régulier: «habituel, normal ou ordinaire».

Régulièrement--«à intervalles réguliers».

Véritable--«authentique, qui existe réellement, non illusoire, dont l'importance ou la valeur est réelle, pratique».

Rémunérateur--«lucratif, emploi rémunéré».

Occupation--«emploi temporaire ou permanent, inamovibilité».

[62]La Cour a ensuite écrit, au paragraphe 38:

Cette analyse du sous-alinéa 42(2)a)(i) donne fortement à penser que le législateur avait l'intention d'appliquer l'exigence concernant la gravité de l'invalidité dans un contexte «réaliste». Exiger d'un requérant qu'il soit incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice n'est pas du tout la même chose que d'exiger qu'il soit incapable de détenir n'importe quelle occupation concevable. Chacun des mots utilisés au sous-alinéa doit avoir un sens, et cette disposition lue de cette façon indique, à mon avis, que le législateur a jugé qu'une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. À mon avis, il s'ensuit que les occupations hypothétiques qu'un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d'instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie. [Non souligné dans l'original.]

6. La prétention du demandeur

[63]Le demandeur soutient que bien que la Commission ait effectivement fait référence au critère réaliste exposé dans l'arrêt Villani, elle a commis une erreur en ne cherchant aucunement à appliquer ce critère au demandeur. La Commission, dit le demandeur, n'a pas examiné comment son cas particulier, notamment ses difficultés d'apprentissage, affectait les «occupations hypothétiques qu'un décideur doit prendre en compte» (comme le dit l'arrêt Villani, au paragraphe 38). Ce faisant, fait valoir le demandeur, la Commission a commis une erreur qui touchait l'interprétation et l'application de la définition de l'invalidité grave et sa décision doit donc être révisée selon la norme de la décision correcte.

[64]Le demandeur fait en outre valoir que la Commission a commis une erreur de droit en interprétant la façon dont les conditions du marché du travail touchent le critère réaliste dans l'arrêt Villani. Si la disponibilité des emplois dans le lieu où habite le demandeur n'est pas un facteur pertinent pour savoir s'il est atteint ou n'est pas atteint d'une invalidité, ce qui est établi dans l'arrêt Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Rice, par contre la capacité ou l'incapacité du demandeur de trouver un emploi dans un contexte «réaliste» est un facteur pertinent.

[65]Je souscris à cette position.

[66]L'analyse juridique du critère «réaliste» est une analyse exigeante à laquelle la Commission est tenue de procéder. À défaut d'effectuer cette analyse, la Commission n'applique pas correctement le droit aux faits dont elle est saisie. Ce faisant, elle commet une erreur de droit. La norme de contrôle en l'espèce est celle de la décision correcte.

7. L'analyse

[67]Les assises de la décision de la Commission sont les rapports écrits de l'ergothérapeute Jane Simmons, datés du 30 janvier 1999 et du 1er octobre 1997, donc antérieurs au 31 décembre 1997, l'évaluation psycho-professionnelle de Gertie Hunt, datée du 4 août 1997, ainsi que la lettre du Dr Noftall, datée du 2 décembre 1999. La Commission a indiqué qu'elle préférait les rapports écrits de Jane Simmons et Gertie Hunt à leurs témoignages à l'audience. Le Dr Noftall n'a pas témoigné.

[68]Il est donc indiqué d'étudier attentivement les rapports écrits de ces deux expertes.

[69]L'évaluation psycho-professionnelle de Gertie Hunt du 4 août 1997 (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), pages 247 à 262) décrit l'attitude, les difficultés d'apprentissage et les intérêts du demandeur de la manière suivante (aux pages 258 et 259):

[traduction] Daniel a signalé qu'il ressent beaucoup de douleur physique et de malaises depuis son accident et qu'il désespère de son état de santé, qui ne peut aller qu'en s'aggravant, selon lui. En plus d'avoir dû s'adapter aux séquelles de sa blessure sur son emploi et sa vie quotidienne, il a dû faire face cette année à d'autres événements très stressants, notamment le décès de son père et de son neveu.

[. . .]

L'évaluation des capacités intellectuelles de Daniel, mesurées par le WAIS-R, a coté son intelligence verbale dans le registre moyen faible par rapport à son groupe d'âge, son intelligence non verbale dans le registre moyen, pour une cote globale dans l'échelle de moyen faible. Des antécédents de scolarité difficiles et des carences en lecture, ainsi que les malaises qui influent sur sa concentration, ont pu abaisser certains résultats des sous-tests. Les habiletés non verbales (visuo-motrices, capacité d'interpréter et d'organiser les perceptions visuelles, attention visuelle aux détails) peuvent être considérées comme des domaines relativement forts chez lui. Les capacités verbales et linguistiques ainsi que la concentration ont été identifiées comme des domaines où il y a des carences.

[. . .]

S'agissant du niveau d'instruction, mesuré par les tests psychoéducatifs Woodcock-Johnson, la lecture, l'écriture et les habiletés mathématiques ont été cotées au niveau de celles d'un élève du primaire. Les résultats de Daniel étaient plus faibles qu'on l'aurait prévu, étant donné qu'il a terminé des études secondaires par du recyclage et compte tenu des capacités intellectuelles mesurées par le WAIS-R. Ces incohérences suggèrent que Daniel pourrait souffrir d'un trouble spécifique d'apprentissage non identifié à l'école (les sujets qui ont des difficultés d'apprentissage ont une intelligence moyenne mais sont incapables d'atteindre leur plein potentiel sans aménagements spécifiques du milieu pédagogique). Pendant tous les tests qu'il a subis, Daniel s'est montré peu confiant dans les tâches reliées aux connaissances scolaires.

Les intérêts de Daniel, explorés par la Self-Directed Search, sont en grande partie associés à des emplois de la catégorie «Réaliste»; ces emplois sont de nature technique et mécanique. Il a été très manifeste, toutefois, que les résultats de Daniel ont été influencés par sa connaissance très limitée du marché de l'emploi et par la perception qu'il a de ses forces, comme étant limitées aux habiletés mécaniques et manuelles, et à la compréhension des autres. [Non souligné dans l'original.]

[70]En s'appuyant sur le profil du demandeur au plan des capacités, des intérêts, de la scolarité (diplôme de fin d'études secondaires) et des limitations physiques, Mme Hunt a pu dresser une liste de 57 carrières à l'aide du programme informatique CHOICES. Elle a ensuite déclaré (à la page 260):

[traduction] Il est important de noter que, bien que les exigences de scolarité mentionnées dans le programme CHOICES soient le diplôme de fin d'études secondaires, la plupart des employeurs exigent maintenant une combinaison d'expérience et de formation et peuvent l'exiger étant donné le grand nombre de personnes qui recherchent des emplois dans ces domaines. [Non souligné dans l'original.]

[71]Elle a ensuite fait la déclaration qui suit, à la page 260 du dossier du demandeur, à laquelle la Commission a renvoyé et qu'elle a reprise en partie dans ses motifs [au paragraphe 8]:

[traduction] Les options professionnelles de Daniel sont très restreintes étant donné ses limitations et sa scolarité et il commencerait vraisemblablement au salaire minimum dans tout emploi. Il n'est pas un bon candidat pour le recyclage en raison de ses difficultés de scolarité et il aurait besoin d'une formation en cours d'emploi. Il pourrait envisager des emplois au salaire minimum, comme ceux de pompiste, de répartiteur et en télémarketing, mais il est probable qu'il n'obtiendrait pas la même satisfaction au travail ou le même niveau de rémunération que dans son emploi antérieur au Grace Hospital. L'évaluateur est d'avis que les perspectives d'emploi de Daniel sur le marché du travail d'aujourd'hui sont très restreintes compte tenu de ses blessures et de son intérêt à l'égard d'emplois RÉALISTES qui comportent généralement des activités physiques dont le niveau de difficulté varie de moyen à élevé. [Non souligné dans l'original.]

[72]La Commission ne s'est pas référée à la longue énumération des frustrations et limitations personnelles du demandeur observées par Mme Hunt, qui suivait immédiatement (à la page 261):

[traduction] Au vu des résultats de la présente évaluation, les recommandations sont les suivantes:

*     Le recyclage ne peut être vu comme une bonne option pour Daniel compte tenu de ses longs antécédents de difficultés scolaires. Daniel serait plus apte à recevoir de la formation en cours d'emploi, où il apprend par la démonstration et des instructions verbales. Le milieu de travail le mieux adapté à ses capacités et à ses intérêts est un milieu qui comporterait des travaux de nature pratique faisant appel à ses habiletés «d'assembler et de démonter des objets ou des choses». Un travail de bureau ne serait pas une bonne option pour Daniel.

*     Il est important de fournir à Daniel les éléments suivants pour l'aider dans sa réorientation professionnelle: du conseil en exploration des carrières (se renseigner sur les emplois et prendre conscience de ses forces et de ses intérêts) et des services d'ergothérapie pour des évaluations et de l'aide en matière de réadaptation physique. Comme le recommande Mme Simmons, un emploi à l'essai et de l'observation au poste de travail peuvent être jugés importants pour établir si un travail ou un milieu de travail particulier peuvent répondre à ses besoins physiques et s'il est en mesure de travailler à temps plein ou à temps partiel.

*     Il est important que Daniel ne se sente pas poussé vers un travail en particulier. Il a fait état d'une situation de grand stress physique et psychologique au cours des deux dernières années. Il a aussi le sentiment de perdre le contrôle sur les événements de sa vie; il est donc important qu'il se sente vraiment partie prenante de tout processus et qu'il ait un certain contrôle sur les résultats.

*     Si Daniel décidait d'effectuer du recyclage ou de perfectionner ses capacités dans l'avenir, il pourrait envisager une évaluation supplémentaire pour explorer la nature d'une possible difficulté d'apprentissage. Cette évaluation fournirait des recommandations pour régler ses problèmes d'apprentissage. Daniel pourrait également souhaiter améliorer certaines de ses habiletés fondamentales en lecture, mathématiques et écriture, car elles ont un effet sur les situations d'emploi.

*     Des conseils sur le soulagement de la douleur et la gestion des facteurs de stress actuels ainsi que des habitudes de vie seraient bénéfiques à Daniel. Il pourrait aussi se familiariser avec les approches de gestion de la douleur par l'ergothérapie. Un programme collectif de soulagement de la douleur pourrait lui être utile plus tard, mais en ce moment Daniel risque de ne pas se sentir à l'aise au sein d'un groupe.

*     Daniel pourrait s'intéresser aux programmes qu'offre le gouvernement aux personnes handicapées. L'un de ces programmes, le programme «Opening Doors», est un programme d'équité en emploi pour les personnes handicapées (dépliants ci-joints). Une consultation auprès de Jim MacDonald, coordonnateur du programme, a révélé que le placement de travailleurs sans qualifications est difficile. Cependant, le programme pourrait être utile.

[73]En résumé, elle a écrit que le recyclage ne pouvait être considéré comme une bonne option pour le demandeur, étant donné ses longs antécédents de difficultés scolaires. Elle a dit que le demandeur serait plus apte à recevoir de la formation en cours d'emploi dans un milieu de travail qui fait appel à des tâches pratiques. Elle a dit qu'il aurait besoin d'une aide pour effectuer une réorientation professionnelle. Elle a suggéré des conseils en orientation et, peut-être, un emploi à l'essai ou de l'observation au poste de travail afin de vérifier si l'emploi répond à ses besoins physiques et s'il est en mesure de travailler à temps plein ou à temps partiel. Elle a abordé le stress psychologique, les difficultés d'apprentissage et les douleurs du demandeur.

[74]Elle a finalement suggéré au demandeur d'envisager les programmes offerts par le gouvernement aux personnes handicapées. Elle a dit avoir consulté Jim MacDonald du programme «Opening Doors». Elle a écrit que le programme révélait qu'il était difficile de placer des travailleurs sans qualifications, mais qu'il pouvait avoir son utilité.

[75]Le rapport de congé du conditionnement au travail de Jane Simmons, daté du 1er octobre 1997, également cité par la Commission, contient d'importantes réserves au sujet de sa déclaration portant que le demandeur pourrait accomplir des tâches sédentaires ou peu exigeantes dans le cadre d'emplois concurrentiels durant une journée de travail de huit heures (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(d), page 273). Elle écrit:

[traduction] En résumé, la thérapeute signataire est d'avis que Dan peut accomplir des tâches sédentaires ou peu exigeantes dans le cadre d'emplois soumis à la concurrence durant une journée de travail de huit heures. Il serait avantageux de faire un appariement rigoureux des emplois avec ses capacités physiques ainsi qu'avec son profil psychologique. Des conseils en matière de soulagement de la douleur, comme l'a recommandé la psychologue, sembleraient également indiqués. Dan pourrait sans doute profiter d'un programme de groupe d'un type ou de l'autre, mais comme on l'a observé dans le milieu de conditionnement au travail, compte tenu de son état actuel de frustration et d'agitation causé par son invalidité, l'environnement de groupe n'a pas été bénéfique et stimulant pour sa réadaptation. Dans l'avenir, toutefois, la situation pourrait s'améliorer et la chose pourrait être envisagée. Le programme Opening Doors, comme l'a recommandé la psychologue, serait une option en particulier que Dan devrait examiner dans sa recherche d'un autre emploi. [Non souligné dans l'original.]

[76]Le demandeur a exploré les possibilités du programme Opening Doors avec M. James McDonald du gouvernement de Terre-Neuve et Labrador. Il a reçu une lettre datée du 13 juillet 2000, qui indique que ces possibilité sont pratiquement nulles. Cette lettre est postérieure au 31 décembre 1997, mais Mme Hunt connaissait la position de M. McDonald puisqu'elle a fait allusion, dans son évaluation du 4 août 1997, à la consultation qu'elle avait eue avec lui et qui, disait-elle, révélait des difficultés dans le placement des travailleurs sans qualifications. Le lettre de M. McDonald se lit comme suit (dossier du demandeur, vol. 1, onglet 2(c), pages 112 et 113):

[traduction]     Le 13 juillet 2000

Cher Monsieur,

Objet:     DEMANDE D'INSCRIPTION AU REGISTRE DES CLIENTS DU PROGRAMME OPENING DOORS

Pour donner suite à notre rencontre récente au sujet de votre demande d'inscription au registre des clients du programme Opening Doors et de votre candidature aux appels d'offres ouverts/publics du secteur public, je tiens à vous informer que votre demande est acceptée et que vous serez inscrit au registre des clients. Toutefois, comme je vous l'ai indiqué lors de notre rencontre, il est hautement improbable que vous puissiez trouver un emploi dans le secteur public par l'entremise de notre programme, en raison de votre niveau de scolarité et vos limitations physiques et psychologiques.

Un examen de votre demande indique que vous avez terminé une douzième année dans le cadre de la Formation de base des adultes et que votre expérience professionnelle se limite à des emplois non qualifiés. Or la majorité des emplois vers lesquels notre division dirige ses clients exigent une certaine formation post-secondaire et font appel à des travaux de bureau, techniques ou professionnels.

De plus, en ce qui concerne ma suggestion que vous envisagiez de poursuivre des études post-secondaires pour être plus compétitif sur le marché du travail, vous m'avez suggéré de communiquer avec Mme Jane Simmons, ergothérapeute auprès des Integrated Occupational Health Services. Mme Simmons m'a fait parvenir les documents ci-joints, qui indiquent que le seul travail qui vous est physiquement accessible correspond à la catégorie allant des travaux sédentaires aux travaux peu exigeants, c'est-à-dire du travail général de bureau qui exigerait que vous receviez une formation additionnelle. Toutefois, l'évaluation indique aussi que cette formation ne serait pas adaptée compte tenu de la faiblesse de vos capacités intellectuelles.

Par conséquent, bien que vous soyez admissible à l'inscription au registre des clients d'Opening Doors, je pense que vous avez très peu de chances d'obtenir un emploi dans le cadre de ce programme. Je vous demande de m'indiquer si vous souhaitez que votre demande soit conservée en dossier ou vous soit retournée. Pour toute autre question, n'hésitez pas à entrer en contact avec moi.

Veuillez agréer, cher Monsieur, l'assurance de mes sentiments les meilleurs,

JAMES MCDONALD

       Chef de division, Équité en

       matière d'emploi et Initiatives stratégiques

[Non souligné dans l'original.]

[77]La Commission n'a jamais établi de quelle manière le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques et les antécédents de travail ainsi que l'expérience de la vie du demandeur affectaient sa capacité régulière de se trouver un travail véritablement rémunérateur.

[78]La Commission n'a pas examiné les nombreuses limitations et restrictions signalées par Mme Hunt et Mme Simmons pour établir le contexte «réaliste» dans lequel se trouve le demandeur et si dans les «occupations hypothétiques qu'un décideur doit prendre en compte» (arrêt Villani, au paragraphe 38), «un employeur pourrait même envisager la possibilité d'engager» le demandeur (décision Leduc, citée dans l'arrêt Villani au paragraphe 33).

[79]Mais il y a plus.

[80]La Commission, en vertu du paragraphe 83(11) du Régime, est tenue par la loi de donner les motifs de sa décision (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Quesnelle (2003), 49 Admin. L.R. (3d) 309). Ces motifs doivent être adéquats car ils constituent le principal mécanisme par lequel la Commission, comme tout tribunal judiciaire, rend compte aux parties et au public des décisions qu'elle prononce (voir l'arrêt R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, au paragraphe 15).

[81]La Commission a manqué à cette obligation dans son appréciation de la lettre du Dr Frank Noftall du 1er décembre 1999. La Commission a fait référence aux «doutes importants» du médecin. La Commission n'a donné aucune indication de la nature des doutes qu'elle notait dans la lettre du médecin ni de la façon dont ces doutes se rapportaient aux critères applicables.

[82]La présente affaire doit donc être renvoyée aux fins d'une nouvelle audience et d'une nouvelle décision car la décision de la Commission ne contient aucune analyse permettant de savoir si le demandeur, dans un contexte «réaliste» (arrêt Villani, paragraphe 38), est capable ou «régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice» au sens du sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime.

8. Conclusion

[83]La présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, la décision de la Commission d'appel des pensions annulée et l'affaire renvoyée à une formation différemment constituée pour qu'elle tienne une nouvelle audience et rende une nouvelle décision sur le fondement du dossier constitué et de tout nouvel élément de preuve que les parties pourraient souhaiter produire et que la nouvelle formation de la Commission peut juger pertinent.

[84]Le demandeur a droit à ses dépens.

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