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IMM-5273-03

2004 CF 1012

Kuo Hsiung Lee (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (défendeur)

Répertorié: Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F.)

Cour fédérale, juge Dawson--Vancouver, 1er avril; Ottawa, 21 juillet 2004.

Citoyenneté et Immigration -- Exclusion et renvoi -- Personnes interdites de territoire -- Étudiants à charge -- Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada -- Le fils âgé de 24 ans a été inclus dans la demande à titre d'«enfant à charge» -- Le fils a été jugé interdit de territoire pour criminalité, interdiction qui a emporté l'interdiction de territoire du demandeur en vertu de l'art. 42 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés -- Rejet de la demande visant à obtenir le retrait de la demande présentée à titre d'enfant à charge pour le motif qu'il ne suivait pas activement des cours de formation puisqu'il étudiait sans but -- Il s'agit de déterminer si l'agent d'immigration désigné (AID) a commis une erreur en concluant que le fils était un enfant à charge -- Le libellé de la définition d'«enfant à charge» dans le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés codifie le critère objectif formulé par la C.A.F. dans l'arrêt Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) -- La définition exige que l'enfant âgé de plus de 22 ans n'ait pas cessé d'être inscrit à un établissement d'enseignement postsecondaire et qu'il suive activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle -- Elle a pour but de fournir des critères plus objectifs -- L'AID n'a pas commis d'erreur en ne s'informant pas du but ou des motifs du fils lorsqu'il s'est inscrit à temps plein comme étudiant -- L'AID n'a pas commis d'erreur en concluant que le fils était visé par la définition d'«enfant à charge» -- Il ressort de la preuve que l'AID s'est attardé aux piètres résultats scolaires du fils -- Les piètres résultats scolaires ne permettaient pas à eux seuls de conclure à l'absence d'études véritables -- Le fait que le fils était un étudiant étranger ayant des difficultés linguistiques constituait un facteur pertinent -- L'analyse de l'AID n'était pas déraisonnable -- L'AID n'a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en refusant le retrait de la demande présentée par le fils à titre d'enfant à charge -- La question qui devait être tranchée était celle de savoir si le fils était un «enfant à charge» parce que l'art. 70(1)e) du Règlement prévoit que l'interdiction de territoire d'un membre de la famille emporte l'interdiction de territoire d'un étranger, qu'il accompagne ou non ce membre de la famille -- Même si l'AID avait conclu que le fils n'était pas un «enfant à charge», le demandeur et son fils seraient néanmoins interdits de territoire en vertu de l'art. 40(1)a) de la Loi parce qu'ils ont fait une réticence sur le fait important que le fils ne suivait pas activement des cours de formation générale en n'indiquant pas que son inscription dans un établissement postsecondaire n'était pas réelle -- Demande rejetée.

Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des entrepreneurs et il a inclus dans sa demande sa femme et ses deux fils, âgés de 26 et de 24 ans, à titre de personnes à charge. La décision de l'agent d'immigration désigné (AID) selon laquelle le fils aîné ne remplissait pas les conditions d'admissibilité, que ce soit en vertu du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés ou de l'ancien règlement, n'a pas été contestée. La demande présentée par le demandeur a été acceptée à certaines conditions, mais on a plus tard découvert que le fils cadet, Wei-Hao, était interdit de territoire au Canada pour criminalité et, en conséquence, le demandeur et sa femme étaient également interdits de territoire en vertu de l'article 42 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui prévoit que l'interdiction de territoire d'un membre de la famille qu'il accompagne emporte l'interdiction de territoire d'un étranger. Wei-Hao a tenté, par l'intermédiaire de son avocat, de retirer la demande qu'il avait présentée à titre d'enfant à charge parce que ses études n'avaient pas d'objectif précis et qu'on ne pouvait donc pas considérer qu'il suivait activement des cours de formation. L'AID a rejeté cette demande. Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'AID a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada par suite de l'interdiction de territoire de son fils à charge. Il fallait déterminer si l'AID a commis une erreur en décidant que Wei-Hao est l'enfant à charge du demandeur et s'il a entravé son pouvoir discrétionnaire en affirmant que Wei-Hao ne pouvait pas retirer sa demande.

Jugement: la demande doit être rejetée.

Le demandeur a soutenu que la division (B) de la définition d'«enfant à charge» dans le RIPR a créé une nouvelle exigence, c'est-à-dire que l'inscription à un établissement d'enseignement postsecondaire et sa fréquenta-tion ininterrompue doivent avoir un but ou un objectif. Cet argument a été rejeté. La définition d'«enfant à charge» ne comporte pas une telle exigence additionnelle. Le libellé de la définition d'«enfant à charge» dans le Règlement dénote l'intention de codifier le critère formulé par la Cour d'appel dans l'arrêt Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) en ce qui a trait à la définition de «fils à charge» dans l'ancien Règlement (il existait une définition semblable pour «fille à charge»). La division (A) de la définition exige l'inscription à un programme de formation et la fréquentation à temps plein d'un établissement tandis que la division (B) exige une présence mentale au programme d'éducation sous la forme d'efforts de bonne foi et véritables de la part de l'étudiant. L'interprétation du demandeur exigerait qu'un agent vérifie les motivations d'un étudiant. Comme l'indique le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, l'objet de la Loi et du Règlement est de fournir des critères plus objectifs. L'AID n'a pas commis d'erreur en ne s'informant pas du but ou des motifs de Wei-Hao lorsqu'il s'est inscrit à temps plein comme étudiant. Il a correctement appliqué le critère formulé dans l'arrêt Sandhu et codifié dans le Règlement.

L'AID n'a pas non plus commis d'erreur en concluant que Wei-Hao était visé par la définition d'«enfant à charge». Certains des facteurs dont il devait tenir compte sont énumérés dans l'arrêt Sandhu; il s'agit notamment du dossier de présence de l'étudiant, des notes qu'il a obtenues, de sa capacité de discuter, à tout le moins de façon rudimentaire, des matières étudiées, de la question de savoir si son programme d'études se déroule de manière satisfaisante et de la question de savoir s'il a fait des efforts réels et sérieux pour assimiler les connaissances enseignées dans ses cours. Les mauvaises notes peuvent être attribuables à l'absence d'efforts véritables, mais elles peuvent aussi être attribuables à divers facteurs dont une faiblesse intellectuelle, une situation personnelle difficile et des difficultés culturelles ou linguistiques. En l'espèce, les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigra-tion montraient que l'AID s'était attardé aux piètres résultats scolaires de Wei-Hao, et l'AID a déclaré sous serment lors du contre-interrogatoire qu'ayant tenu compte de l'ensemble du dossier, notamment du fait que Wei-Hao était un étudiant étranger qui, croyait-il, avait eu des problèmes linguistiques au début, il n'a pas considéré qu'il était particulièrement déraisonnable qu'il ait fallu à Wei-Hao «beaucoup de temps avant de s'adapter». Cette analyse reposait sur le dossier dont l'AID avait été saisi et n'était pas déraisonnable.

Enfin, l'AID n'a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en refusant de permettre à Wei-Hao de retirer sa demande à titre d'enfant à charge. Avant qu'il avise l'agent qu'il retirait sa demande à titre de personne à charge, Wei-Hao n'a jamais laissé entendre qu'il n'était pas visé par la définition d'enfant à charge contenue au Règlement. La question que devait trancher l'AID n'était pas celle de savoir s'il devait permettre à Wei-Hao de retirer sa demande, mais plutôt si Wei-Hao était un enfant à charge parce que l'alinéa 70(1)e) du Règlement prévoit que l'interdiction de territoire d'un membre de la famille emporte l'interdiction de territoire d'un étranger, que ce membre de la famille accompagne ou non l'étranger. L'expression «membre de la famille» comprend notamment un «enfant à charge». Pour pouvoir conclure que Wei-Hao n'était pas un «enfant à charge», l'AID aurait dû accepter que Wei-Hao ne suivait pas activement des cours de formation générale (c.-à-d. qu'il n'était pas un véritable étudiant). Si tel était le cas, cela voudrait dire que Wei-Hao et son père ont fait une présentation erronée sur des faits importants, ou une réticence sur ces faits, c'est-à-dire que Wei-Hao ne suivait pas activement à temps plein des cours de formation générale et que son inscription dans un établissement postsecondaire n'était pas réelle, ce qui emporterait leur interdiction de territoire en vertu de l'alinéa 40(1)a) de la Loi parce qu'ils ont fait une représentation erronée sur des faits importants. Dans un cas comme dans l'autre, l'AID ne pouvait pas délivrer le visa demandé. Soit Wei-Hao était un membre de la famille inadmissible, soit lui-même et son père étaient inadmissibles pour avoir fait une réticence sur un fait important au sujet de ses études.

lois et règlements cités

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 253 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 32, art. 59).

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 25(1), 36(2)b),(3)a), 40(1)a), 42.

Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) «fils à charge» (édicté par DORS/92-101, art. 1).

Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art. 1(3)b), 2 «enfant à charge», 25(1), 70(1)e).

jurisprudence citée

décision appliquée:

Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 3 C.F. 280; (2002) 211 D.L.R. (4th) 567; 23 Imm. L.R. (3d) 8; 287 N.R. 97; 2002 CAF 79.

décision citée:

Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247; (2003), 257 N.B.R. (2d) 207; 223 D.L.R. (4th) 577; 48 Admin. L.R. (3d) 33; 31 C.P.C. (5th) 1; 302 N.R. 1; 2003 CSC 20.

doctrine citée

Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, Gaz. C. 2002.II.177.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d'immigration désigné a conclu que le fils âgé de 24 ans du demandeur était un «enfant à charge», qu'il ne pouvait pas retirer sa demande à titre d'enfant à charge parce que ses études, même si elles étaient ininterrompues, n'avaient aucun but, et que le demandeur était interdit de territoire au Canada en raison de l'interdiction de territoire de son fils à charge. Demande rejetée.

ont comparu:

Lawrence Wong pour le demandeur.

Brenda Carbonell pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Wong Pederson Law Offices, Vancouver, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance et ordonnance rendus par

[1]La juge Dawson: La question la plus importante à trancher dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la définition d'«enfant à charge» à l'article 2 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), codifie la jurisprudence portant sur l'ancienne Loi sur l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2] et son Règlement [Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172] relativement à ce qui constitue des études à temps plein pour qu'une personne puisse conserver le statut d'enfant à charge. Cette question se pose dans le contexte factuel suivant.

FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE

[2]Le 24 mars 2001, M. Lee a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des entrepreneurs. Sa femme et ses deux fils étaient inclus dans sa demande à titre de personnes à charge. Les fils étaient alors âgés de 26 et de 24 ans.

[3]Une fois sa demande évaluée, M. Lee a été convoqué à une entrevue le 24 octobre 2002. À l'entrevue, il était accompagné de sa femme et de ses deux fils. L'agent d'immigration désigné (AID) avait exigé la présence des deux fils parce qu'il devait déterminer si, en raison de leur âge, ces derniers pouvaient être inscrits dans la demande comme enfants à charge.

[4]À l'entrevue, l'AID a conclu que le fils aîné ne remplissait pas les conditions d'admissibilité, que ce soit en vertu du Règlement ou de l'ancien règlement. Cette décision n'est pas contestée. L'AID a en outre conclu que la tenue d'une deuxième entrevue s'imposait pour lui permettre d'obtenir d'autres renseignements au sujet des dossiers scolaires du fils cadet, Wei-Hao Lee, qui était âgé de 25 ans lors de l'entrevue. De plus, d'autres renseignements étaient nécessaires au sujet des dossiers de l'entreprise de M. Lee.

[5]La deuxième entrevue a eu lieu le 14 janvier 2003. M. Lee était accompagné de sa femme et de son fils Wei-Hao. Lors de cette entrevue, des renseignements additionnels ont été fournis au sujet des affaires de M. Lee. D'autres relevés de notes ont également été produits en ce qui concerne Wei-Hao. Le lendemain de cette entrevue, l'AID a écrit à l'avocat de M. Lee pour l'informer qu'il considérait, après avoir examiné attentivement la demande, que M. Lee remplissait les conditions de la catégorie des entrepreneurs. La demande de M. Lee a donc été acceptée sous réserve des vérifications médicales et des contrôles de sécurité applicables.

[6]L'AID a plus tard appris que Wei-Hao avait été déclaré coupable aux États-Unis de conduite en état d'ébriété. L'infraction dont Wei-Hao a été déclaré coupable est l'équivalent de l'infraction décrite à l'article 253 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 32, art. 59] du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46. En cas de poursuite par mise en accusation, l'infraction prévue à l'article 253 est punissable sur déclaration de culpabilité d'un emprisonnement maximal de cinq ans. Par conséquent, suivant les alinéas 36(2)b) et (3)a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), Wei-Hao est interdit de territoire pour criminalité.

[7]L'AID a informé l'avocat de M. Lee que Wei-Hao était interdit de territoire pour criminalité. Les conséquences pour M. Lee et sa femme étaient importantes puisqu'en vertu de l'article 42 de la Loi, l'interdiction de territoire de Wei-Hao emportait l'interdiction de territoire de M. et Mme Lee. L'avocat a donc demandé et obtenu un délai pour examiner la question de l'interdiction de territoire.

[8]Par voie d'une lettre en date du 6 mai 2003, l'avocat de M. Lee a informé l'AID que Wei-Hao retirait sa demande à titre d'enfant à charge parce qu'il n'était pas un enfant à charge au sens de la Loi. L'avocat écrit que: [traduction] «M. Lee affirme qu'il ne suit pas activement des cours de formation générale, théorique ou professionnelle. Même s'il n'a pas cessé d'être inscrit à divers établissements d'enseignement postsecondaire, ses études n'avaient pas d'objectif précis. Au contraire, il voulait ainsi prolonger son séjour aux É.-U. et c'est pourquoi on ne peut pas considérer qu'il suit activement des cours de formation générale, théorique ou professionnelle».

[9]L'AID a rejeté cette demande. Dans une lettre en date du 8 mai 2003, il a écrit:

[traduction] J'ai examiné attentivement cet argument, mais je dois le rejeter. Premièrement, votre client était accompagné de Wei-Hao lors de son entrevue qui a eu lieu dans ce bureau et j'ai alors eu la possibilité d'examiner en détail s'il était un enfant à charge. M'appuyant sur cet examen et sur les documents additionnels qu'a fournis votre client pour démontrer que Wei-Hao était effectivement un fils à charge, j'ai conclu qu'il remplissait les conditions de la définition contenue dans le Règlement.

Deuxièmement, votre client a fait valoir que son fils remplissait les conditions de la définition d'enfant à charge dans le Règlement. Les entrevues auxquelles il s'est présenté dans ce bureau et certaines des observations qui ont été faites au nom de son fils étaient postérieures à l'adoption de la LIPR. Si je devais maintenant accepter l'argument selon lequel tous ces éléments de preuve et les déclarations faites étaient faux et contraires aux faits réels, cela signifierait que votre client a fait de fausses déclarations sur un fait important. Si son fils n'était pas à sa charge au sens de la LIPR, pourquoi votre client a-t-il essayé de me convaincre du contraire? De plus, l'affirmation que Wei-Hao tentait simplement de prolonger son séjour aux États-Unis et non d'y poursuivre réellement des études n'est pas convaincante. S'il cherchait à gagner du temps, c'était sûrement pour pouvoir être inscrit comme personne à charge dans la demande de résidence permanente au Canada présentée par son père. Cela soulèverait aussi la question des fausses déclarations.

Je ne crois toutefois pas que votre client ou son fils ait fait de fausses déclarations. Je crois, compte tenu de la preuve et des déclarations de votre client, que Wei-Hao est et était un fils à charge au sens de la définition de la loi actuelle sur l'immigration ainsi que de l'ancienne loi. Malheureusement, comme Wei-Hao est interdit de territoire pour criminalité, cela signifie que la demande de résidence permanente de votre client sera rejetée étant donné que l'interdiction de territoire de son fils emporte l'interdiction de territoire de M. Lee et des autres personnes à sa charge.

Une lettre contenant la décision suivra.

[10]La présente demande de contrôle judiciaire concerne la décision de l'AID selon laquelle M. Lee était interdit de territoire au Canada par suite de l'interdiction de territoire de son fils à charge.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]Les parties conviennent que la demande de M. Lee devait être examinée en vertu des dispositions de la Loi et du Règlement actuellement applicables et non en vertu des dispositions de l'ancienne législation. M. Lee soulève les questions suivantes:

1. L'AID a-t-il commis une erreur en décidant que Wei-Hao est l'enfant à charge de M. Lee sans tenir compte des éléments de preuve dont il avait été dûment saisi et en interprétant mal la loi?

2. L'AID a-t-il entravé son pouvoir discrétionnaire en affirmant que Wei-Hao ne pouvait pas retirer sa demande et en refusant d'examiner l'aspect qualitatif du lien de dépendance?

[12]L'avocat de M. Lee a abandonné à l'audience l'allégation que l'AID avait commis une erreur en ne permettant pas à Wei-Hao de retirer sa demande à titre d'enfant à charge.

ANALYSE

L'AID a-t-il commis une erreur en décidant que Wei-Hao est un enfant à charge?

[13]Pour analyser cette question, la Cour doit tout d'abord examiner l'interprétation qu'il convient de donner à la définition d'enfant à charge et, ensuite, déterminer si l'application par l'AID de cette définition aux faits de l'espèce était raisonnable.

[14]Pour ce qui est de l'interprétation de cette définition, les éléments pertinents sont les suivants:

2. [. . .]

«enfant à charge» L'enfant qui:

[. . .]

b) d'autre part, remplit l'une des conditions suivantes:

[. . .]

(ii) il est un étudiant âgé qui n'a pas cessé de dépendre, pour l'essentiel, du soutien financier de l'un ou l'autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l'âge de vingt-deux ans [. . .]:

(A) n'a pas cessé d'être inscrit à un établissement d'enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle.

[15]La définition de «fils à charge» au paragraphe 2(1) [mod. par DORS/92-101, art. 1] de l'ancien Règlement, le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, prévoyait notamment:

2.(1) [. . .]

«fils à charge» Fils:

[. . .]

b) soit qui est inscrit à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et qui:

(i) d'une part, y a été inscrit et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans ou, s'il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage,

(ii) d'autre part, selon un agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses 19 ans ou, s'il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage;

[16]Il existait une définition analogue pour «fille à charge».

[17]M. Lee soutient que les divisions (A) et (B) de la définition d'«enfant à charge» dans le Règlement créent un critère qualitatif et quantitatif. Il ajoute que la division (A) reprend les exigences de l'ancien Règlement de sorte que la division (B) crée une nouvelle exigence. Suivant cette exigence, l'inscription à un enseignement postsecondaire et sa fréquentation ininterrompue doivent avoir un but ou un objectif. Il ne doit pas s'agir d'«étudier pour étudier», mais les études poursuivies doivent s'inscrire dans un projet global. Dans sa plaidoirie, l'avocat de M. Lee a convenu que cela obligerait l'agent d'immigration à s'informer des motifs de l'étudiant ou de l'étudiante. L'agent devrait être convaincu que l'étudiant ne poursuit pas ses études dans le but de continuer d'être une personne à charge en vertu de la Loi.

[18]Pour les motifs qui suivent, je suis incapable de conclure que la définition d'«enfant à charge» comporte une exigence additionnelle comme le prétend M. Lee.

[19]La Cour d'appel fédérale a expliqué dans l'arrêt Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 3 C.F. 280, les exigences de la définition de «fils à charge» en vertu de l'ancien Règlement. S'exprimant au nom de la Cour, le juge Sexton a dit que l'expression «est inscrit et suit à temps plein des cours» exigeait que l'étudiant fasse continuellement des efforts réels pour assimiler la matière enseignée dans les cours auxquels il était inscrit. Ce qu'il fallait, c'était de véritables efforts pour acquérir des connaissances. Cela ne voulait pas dire que l'étudiant devait réussir ses examens ou acquérir une maîtrise de la matière étudiée. En soi, le fait d'avoir de mauvaises notes n'était pas un motif suffisant pour conclure que l'étudiant n'avait pas suivi des cours à temps plein.

[20]À mon avis, le libellé de la définition d'«enfant à charge» dans le Règlement dénote l'intention de codifier le critère formulé par la Cour d'appel dans l'arrêt Sandhu. La division (A) de la définition exige l'inscription à un programme de formation et la fréquentation à temps plein d'un établissement tandis que la division (B) exige une présence mentale au programme d'éducation sous la forme d'efforts de bonne foi et véritables de la part de l'étudiant.

[21]Avant de terminer sur ce point, je souligne que, dans d'autres cas, le législateur a codifié la jurisprudence existant à l'époque où la Loi et le Règlement sont entrés en vigueur. Par exemple, le paragraphe 25(1) de la Loi, qui traite des motifs d'ordre humanitaire, oblige le ministre à tenir compte de «l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché» par la demande. Il s'agit d'une codification de la jurisprudence existant lorsque la Loi a été promulguée.

[22]Un deuxième motif de rejeter l'interprétation donnée par le demandeur de la définition d'enfant à charge est que, comme l'a admis l'avocat de M. Lee dans sa plaidoirie, cette interprétation exige que l'agent se lance dans une analyse purement subjective du but ou de la motivation de l'étudiant. Une telle analyse subjective est toutefois contraire à l'objet déclaré de la Loi et du Règlement qui doivent fournir des critères plus objectifs. Le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (RÉIR) contient les remarques suivantes au sujet des dispositions concernant le contrôle des personnes cherchant à entrer au Canada [Gaz. C. 2002.II.177, à la page 197]:

But de ces dispositions réglementaires

Le but des dispositions réglementaires concernant le contrôle des personnes cherchant à entrer au Canada est le suivant:

-- énoncer, de façon claire et détaillée, les règles régissant le contrôle, et préciser les formalités que doivent remplir les personnes souhaitant entrer au Canada;

-- limiter de façon raisonnable l'étendue des pouvoirs de contrôle des agents;

-- faire en sorte que la Loi soit appliquée de façon transparente et uniforme. [Soulignement ajouté.]

[23]En ce qui concerne le but des dispositions réglementaires concernant la catégorie du regroupement familial, le RÉIR indique ce qui suit [Gaz. C. 2002.II.177, aux pages 254 et 255]:

But de ces dispositions réglementaires

Le but de ces dispositions réglementaires est de veiller à ce que:

-- le processus et les critères qui régissent la sélection des personnes de la catégorie du regroupement familial soient clairs et transparents; ce principe s'applique aux exigences et obligations imposées au répondant;

-- les réalités sociales contemporaines soient prises en compte dans la définition des membres de la catégorie du regroupement familial;

-- la législation soit conforme aux autres principes ou mesures législatives que le Canada s'est engagé à respecter.

[. . .]

Ces dispositions réglementaires établissent les paramètres régissant le traitement des demandes de parrainage de la catégorie «regroupement familial». Elles définissent non seulement qui peut être parrainé dans cette catégorie et où il peut l'être, mais aussi les exigences de base que le répondant et le demandeur doivent remplir de même que les conséquences entraînées par le manquement à l'engagement de parrainage. Elles fournissent aux agents un fondement objectif sur lequel il peut s'appuyer pour:

-- déterminer qui peut parrainer;

-- évaluer la capacité des répondants à aider leurs parents à s'établir au Canada;

-- préciser les obligations associées au parrainage et appliquer les sanctions prévues advenant leur inobservation;

-- déterminer les étrangers qui peuvent être sélectionnés dans la catégorie «regroupement familial»;

-- déterminer les exigences auxquelles doivent satisfaire les étrangers avant d'entrer au Canada ainsi que les circonstances dans lesquelles le demandeur est interdit de territoire;

-- déterminer les circonstances dans lesquelles l'étude de la demande de parrainage peut être suspendue. [Non souligné dans l'original.]

[24]L'exigence qu'un agent vérifie les motivations d'un étudiant est contraire au but avoué du Règlement qui est de fournir aux agents «un fondement objectif sur lequel il[s] peu[vent] s'appuyer pour [. . .] déterminer les étrangers qui peuvent être sélectionnés dans la catégorie "regroupement familial"».

[25]Il découle de cette interprétation de la définition d'«enfant à charge» que l'AID n'a pas commis d'erreur en ne s'informant pas du but ou des motifs de Wei-Hao lorsqu'il s'est inscrit à temps plein comme étudiant. L'agent devait examiner si Wei-Hao avait fait continuellement des efforts réels pour se consacrer à ses études et acquérir des connaissances, et il a correctement appliqué ce critère.

[26]Je vais maintenant examiner si l'AID a commis une erreur en concluant que Wei-Hao était visé par la définition d'«enfant à charge».

[27]Les avocats n'ont pas fait d'observations détaillées quant à la norme de contrôle qu'il convenait d'appliquer à l'examen de la décision de l'agent selon laquelle Wei-Hao était visé par la définition du Règlement. Les deux avocats ont reconnu qu'il s'agissait d'une question mixte de droit et de fait et que la norme de contrôle applicable était soit celle de la décision manifestement déraisonnable soit celle de la décision raisonnable simpliciter. Les deux ont indiqué que la norme de contrôle appliquée n'était pas déterminante pour la question en litige. Je conviens qu'en l'espèce le résultat serait le même que la décision soit examinée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable ou selon celle de la décision raisonnable simpliciter. Vu l'absence d'une argumentation complète sur la norme de contrôle et étant donné que j'estime que la décision de l'agent résiste à un examen approfondi même si on applique la norme qui commande une moins grande retenue, j'examinerai la décision en appliquant la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[28]M. Lee prétend qu'il y a eu appréciation erronée et incomplète du lien de dépendance de Wei-Hao.

[29]D'après le dossier du tribunal, Wei-Hao a eu 22 ans le 5 décembre 1998. Avant cette date, il avait fréquenté une école secondaire et Cal State en Californie. De l'automne 1997 jusqu'au printemps 1999, il a étudié au Rio Hondo College. À cet endroit, soit il a échoué les cours auxquels il s'était inscrit soit il les a abandonnés. Après une série d'avertissements, il a été renvoyé parce qu'il n'avait fait aucun progrès scolaire. Par la suite, soit de juillet à novembre 1999, il a fréquenté le Pacific Rim Language Institute où il a fait des [traduction] «progrès satisfaisants» dans ses cours d'anglais, langue seconde (ALS) et au Test of English as a Foreign Language (TOEFL). De novembre 1999 à mars 2000, il a suivi des cours de techniques de génie électronique au ITT Technical Institute [ITT] à Anaheim, en Californie. Wei-Hao a échoué dans les quatre matières et a abandonné ses études. Il n'y a aucun relevé d'études pour la période d'avril à août 2000, mais l'agent indique que l'intéressé a peut-être remis certains documents lors de la deuxième entrevue. La question de savoir si Wei-Hao avait cessé d'être inscrit à des cours et de fréquenter un établissement n'a pas été soulevée.

[30]Du 15 août 2000 au mois de décembre 2000, Wei-Hao est retourné au Pacific Rim Language Institute où il a encore une fois suivi le programme ALS et TOEFL. De septembre 2000 à novembre 2001, Wei-Hao s'est inscrit au ITT de Torrance, en Californie, pour y suivre des cours de génie informatique et électronique. Il a tout d'abord obtenu des notes élevées, mais il a finalement été mis en période de probation. À la fin de cette période de probation, il a repris ses études et de juin à décembre 2001, il a obtenu 9 des 13 crédits visés dans le premier semestre et la totalité des 12 crédits visés dans le deuxième semestre. En mars 2002, il a entrepris le programme de technologie de l'information au ITT de Seattle, État de Washington, où il a obtenu des notes élevées.

[31]M. Lee soutient que l'AID n'a pas examiné les aspects qualitatifs des études faites par Wei-Hao et, notamment, le fait que, de 1999 à 2001, son rendement scolaire était pitoyable. M. Lee affirme que les notes du STIDI [Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration] n'indiquent pas que l'AID a approfondi cette question.

[32]Il ressort toutefois des notes du STIDI qu'après la première entrevue, l'agent a constaté des lacunes dans les éléments de preuve relatifs à la fréquentation du Rio Hondo College jusqu'en septembre 1999 et à la période d'avril 2000 à mai 2001. L'agent a en outre noté que Wei-Hao [traduction] «a échoué tous ses cours au ITT d'Anaheim. En revanche, il a obtenu un certificat avec mention du ITT de Torrance pour avoir maintenu une MPC [moyenne pondérée cumulative] élevée. Une situation certes singulière». M. Lee prétend que les notes du STIDI concernant la deuxième entrevue n'indiquent pas comment les inquiétudes de l'AID ont été dissipées.

[33]Dans l'examen des observations faites, il est important de rappeler la nature de l'analyse que devait faire l'agent. Celui-ci devait évaluer la bonne foi de la revendication du statut de personne à charge. Dans l'arrêt Sandhu, la Cour d'appel fédérale a énuméré divers facteurs dont il faut tenir compte. Il s'agit notamment du dossier de présence de l'étudiant, des notes qu'il a obtenues, de sa capacité de discuter, à tout le moins de façon rudimentaire, des matières étudiées, de la question de savoir si son programme d'études se déroule de manière satisfaisante et de la question de savoir s'il a fait des efforts réels et sérieux pour assimiler les connaissances enseignées dans ses cours. Les mauvaises notes peuvent être attribuables à l'absence d'efforts véritables, mais elles peuvent aussi être attribuables à divers facteurs dont une faiblesse intellectuelle, une situation personnelle difficile et des difficultés culturelles ou linguistiques.

[34]En l'espèce, les notes du STIDI concernant la première entrevue indiquent que l'agent était conscient que le dossier scolaire comportait des hauts et des bas et que l'AID a demandé des renseignements additionnels au sujet du dossier de présence. Ces documents ont été produits lors de la deuxième entrevue afin de démontrer à l'agent que les conditions concernant l'inscription à un établissement étaient remplies. Rien n'indiquait que, pendant qu'il était inscrit, M. Wei-Hao n'avait pas suivi ses cours. La question qui porte à controverse est le fait que l'AID ait accepté que le dossier scolaire lamentable initial établissait que l'intéressé suivait activement des cours de formation.

[35]L'agent a fait sous serment les déclarations suivantes dans l'affidavit qui a été versé en preuve:

16. En ce qui concerne la poursuite active de ses études, j'ai noté que Wei-Hao avait poursuivi constamment et même obstinément des études en génie électrique et informatique. Même si les notes obtenues au cours de ses années d'études dénotaient l'inconstance de ses efforts, la preuve a indiqué que, dans l'ensemble, il poursuivait un objectif de carrière valable, plus précisément l'obtention d'un grade d'associé en sciences pour les systèmes de réseaux informatiques. Une lettre à cet effet du ITT Technical Institute à Seattle, État de Washington, en date du 23 octobre 2002, indique également que la présence aux cours de Wei-Hao était «supérieure à la moyenne» et qu'il devait obtenir son diplôme en mars 2004. M'est présentée et identifiée comme étant la pièce «G» du présent affidavit une copie certifiée conforme de la lettre du ITT Technical Institute de Seattle, en date du 23 octobre 2002.

17. Pendant la majeure partie de 1999 à 2003, Wei-Hao s'est inscrit à trois campus différents en Californie et dans l'État de Washington du ITT Technical Institute, un institut de technologie privé réputé, de niveau collégial. Même si ses relevés de notes indiquent qu'il a échoué des cours au campus d'Anaheim en 1999 et en 2000, il ressort aussi de son dossier qu'il a par la suite fait plus d'efforts qui ont été couronnés de succès. La preuve comporte un certificat de réussite pour une moyenne pondérée cumulative de 3,63 pour le trimestre d'hiver 2000, délivré par le ITT Technical Institute de Torrance, en Californie, ainsi qu'un certificat délivré par le ITT Technical Institute de Seattle, État de Washington, qui précisait que Tony (Wei-Hao) Lee avait été inscrit au « tableau d'honneur» pour le trimestre du printemps 2002. J'ai aussi constaté que ses notes les plus récentes au campus du ITT à Seattle s'étaient considérablement améliorées et que ses relevés de notes indiquaient qu'il avait obtenu une MPC de 3,50 en 2002. Me sont présentées et identifiées comme étant la pièce «H» du présent affidavit des copies certifiées conformes des relevés de notes et des certificats mentionnés ci-dessus.

18. Par conséquent, je ne pouvais pas conclure que les études de Wei-Hao n'avaient aucun but ou que celui-ci ne poursuivait pas celles-ci activement.

19. De plus, je n'ai jamais douté que Wei-Hao était effectivement à la charge de ses parents. Il était après tout un étudiant étranger aux États-Unis et n'avait aucune source apparente de revenu indépendant ni aucune autorisation de travailler. La seule question au sujet de laquelle il existait des doutes était celle de savoir s'il étudiait à temps plein depuis qu'il avait 22 ans. La preuve produite par le demandeur et les renseignements obtenus au cours des deux entrevues personnelles auxquelles Wei-Hao était présent ont dissipé ces doutes.

[. . .]

22. J'ai conclu que Wei-Hao Tony Lee remplissait les conditions de la définition d'enfant à charge à l'article 2 du RIPR. Je me suis fondé pour tirer cette conclusion sur le fait que le demandeur l'avait inscrit dans sa demande à titre de membre de sa famille qui l'accompagne et avait payé les droits exigibles en son nom, et que Wei-Hao s'était présenté à un examen médical et avait produit d'autres documents, dont les vérifications du casier judiciaire, afin d'établir qu'il pouvait être admis au Canada. De plus, lorsque des doutes ont été soulevés quant à savoir si Wei-Hao pouvait être inscrit comme fils à charge, le demandeur a produit des preuves documentaires et a présenté son fils en personne à deux reprises dans un effort fructueux pour dissiper ces doutes.

[36]Lors du contre-interrogatoire, l'agent a dit ce qui suit:

[traduction]

23.     Q     Ainsi, vous n'appliquez pas une règle empirique quand il s'agit de déterminer combien de temps une personne pourrait étudier aux É.-U. et être encore considérée comme une personne à charge?

R     Chaque demandeur est différent, Monsieur Wong. Et nous traitons ici de personnes, non pas de caisses de briques, d'oranges ou de pommes. Les personnes sont différentes. Les personnes--vous savez, elles ont des forces et des faiblesses, particulièrement à cet âge lorsqu'il était--lorsqu'il poursuivait des études. Hum, je n'applique pas de règle empirique stricte. Je veux dire qu'évidemment si, à un moment donné, une personne prolongeait ses études et ne semblait pas faire d'efforts du tout, alors, oui, je commencerais sûrement à m'interroger sur le sérieux des études. Mais je n'applique pas de règle empirique rigide.

Et dans le cas de M. Lee, j'ai examiné tous les efforts qu'il avait faits, tenant compte du fait qu'il était un étudiant étranger, tenant aussi compte du fait que je crois qu'au tout débt il a eu des difficultés linguistiques. Hum, et dans son cas, je n'ai pas pensé, je n'ai pas estimé qu'il était particulièrement déraisonnable qu'il lui ait fallu beaucoup de temps avant de s'adapter.

[. . .]

26.     Q     Ce n'était toutefois qu'une hypothèse de votre part, n'est-ce pas?

R     Eh bien, je suis autorisé à tirer des conclusions à partir de la preuve. Je veux dire que je me sers de mon jugement. J'examine la preuve. Et je pense qu'en l'espèce, la preuve était en fait assez claire au sujet des progrès réalisés par M. Lee depuis le début de ses études postsecondaires alors qu'il avait manifestement eu des difficultés lorsqu'il est passé d'une université à un collège communautaire, hum, a échoué, a abandonné des cours. Ces échecs se sont poursuivis au début de ses études au ITT d'Anaheim. Hum, je signale que, d'après le dossier, et c'était évidemment l'une des choses dont j'ai tenu compte, il a pris des cours d'anglais à deux reprises. La deuxième fois, c'est-à-dire lorsqu'il a étudié l'anglais en 2000, il s'est encore inscrit au ITT de Torrance. Lorsqu'il a suivi ce deuxième cours d'anglais, pendant qu'il poursuivait en même temps ses études à Torrance, ses notes ont augmenté considérablement. Il a commencé à obtenir des A. Il est devenu un étudiant à rendement supérieur. J'en ai donc conclu que son retour à l'école de langue pour étudier l'anglais avait été une décision très judicieuse de sa part. Manifestement, je pense que cela l'a aidé.

[. . .]

30.     Q     La question est la suivante, reconnaissez-vous ne pas avoir tenu compte des aspects négatifs de ses études?

R     Non, je ne le reconnais pas, c'est-à-dire qu'il est évident que j'ai tenu compte de son dossier inégal. Je pense que mon affidavit fait ressortir qu'il y avait des aspects négatifs en ce sens que, vous savez, il n'avait pas eu beaucoup de succès dans ses études au début. Je veux dire que son dossier scolaire n'est guère impressionnant pendant ses premières années d'études. En ce sens, oui, je devais en tenir compte. Mais, en ma qualité d'agent de visa, je devais tenir compte de l'ensemble du dossier.

Lorsque je l'ai reçu en entrevue, hum, son dossier avait changé. À partir de 2000, ses résultats étaient assez différents de ce qu'ils étaient au début. Et lorsqu'il est allé à Seattle pour poursuivre ses études, hum, ses résultats étaient en fait assez bons. Comme vous le savez, il avait obtenu un autre prix d'excellence à Seattle. Son assiduité était bonne. Il était sur le point de terminer un programme.

J'ai donc examiné le tout. J'ai certes tenu compte des aspects négatifs. Mais je crois que--que dans l'ensemble, les aspects positifs l'emportaient sur les aspects négatifs. Et je dois dire que je n'ai jamais conclu qu'il poursuivait des études sans but. Et, évidemment, ce n'est pas ce qu'il m'a dit ni laissé entendre.

[. . .]

96.     Q     Quelles preuves vous permettent de croire que, pendant ces années où il a abandonné des cours, il étudiait effectivement dans un but précis? Je parle de ces années et non pas des années ultérieures. Ces années où il a échoué tous les cours, où il a abandonné tous les cours, de quelles preuves disposez-vous pour conclure qu'il étudiait effectivement dans un but précis?

R     Je pense que--je pense que la question est plutôt l'inverse, c'est-à-dire ces preuves permettent-elles de conclure qu'il étudiait sans but particulier.

97.     Q     Monsieur Barnes --

R     En tant qu'agent des visas, je dois examiner si ma décision se défend et non seulement s'il s'agit de la bonne décision compte tenu de la loi et des règlements, mais aussi si je serais à l'aise pour la défendre. Et, en toute franchise, je ne regrette pas d'avoir pris cette décision. Et je peux sans embarras affirmer qu'après avoir examiné ses abandons de cours ainsi que ses échecs et ses succès et tout le reste, le fait est qu'il a fréquenté ces collèges. Les relevés de notes montrent qu'il les a fréquentés. Il a abandonné des cours. Il a eu des échecs. Il a dû retourner à l'école de langue. Hum, il est allé à une école différente. Mais je veux dire que le dossier montre qu'il a fait des efforts constants, comme je l'ai indiqué dans mon affidavit, pour poursuivre ses études.

Et je pourrais ajouter que le programme auquel il était inscrit à la fin n'était pas un programme qui--où il perdait son temps. C'est-à-dire que nous parlons d'un programme auquel il s'est inscrit pour étudier le génie électrique et la technologie des réseaux informatiques, des diplômes qui lui seront utiles s'il vient au Canada.

Oui, comme je l'ai indiqué précédemment, il a abandonné des cours, mais le dossier indique qu'il n'a pas lâché prise, qu'il s'est repris et, finalement, qu'il a trouvé la bonne voie.

[37]En vertu de la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit soumettre la décision à un «examen assez poussé» afin de déterminer si «les motifs donnés, pris dans leur ensemble, étayent la décision». La cour de révision ne doit pas «refaire sa propre analyse» mais elle doit plutôt évaluer si la décision est étayée par le raisonnement de l'instance décisionnelle. La décision n'est déraisonnable que «si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait». Si les motifs donnés résistent à un examen assez poussé, la décision n'est pas déraisonnable, même si l'explication n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision. Voir Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, aux paragraphes 46 à 56.

[38]Les notes du STIDI montrent que l'AID s'est attardé aux piètres résultats scolaires. Même si les notes ne précisent pas pourquoi l'AID a estimé que ces piètres résultats ne permettaient pas de conclure à l'absence d'études véritables, l'agent affirme que c'est parce qu'il avait admis les éléments de preuve fournis lors de la deuxième entrevue de sorte qu'il savait que la décision serait favorable et qu'il n'était pas nécessaire de fournir des notes détaillées au sujet d'une décision favorable. Des notes détaillées sont fournies lorsque les décisions sont litigieuses. L'agent a déclaré sous serment lors du contre-interrogatoire qu'ayant tenu compte de l'ensemble du dossier, notamment du fait que M. Lee était un étudiant étranger et qu'il croyait qu'il avait eu des problèmes linguistiques au début, l'AID n'a pas considéré qu'il était particulièrement déraisonnable qu'il ait fallu à Wei-Hao [traduction] «beaucoup de temps avant de s'adapter». L'agent a estimé, en ce qui a trait aux connaissances linguistiques de Wei-Hao, que celui-ci ne parlait pas couramment l'anglais même lorsqu'il l'a reçu en entrevue en 2002. Si l'on remonte aux années 1990, [traduction] «la langue pourrait fort bien avoir constitué un obstacle à sa réussite scolaire». Le texte de la lettre qu'a fait parvenir Wei-Hao le 20 février 2003 à l'AID vient confirmer sa méconnaissance de la langue.

[39]À mon avis, l'analyse de l'agent reposait sur le dossier dont il avait été saisi et aurait raisonnablement pu amener l'AID à conclure que Wei-Hao suivait activement à temps plein des cours de formation générale, de sorte qu'il était visé par la définition d'«enfant à charge». La décision n'était donc pas déraisonnable.

[40]Par conséquent, je conclus que l'AID n'a pas commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'il a déterminé que Wei-Hao était l'«enfant à charge» de M. Lee.

L'AID a-t-il entravé son pouvoir discrétionnaire en déclarant que Wei-Hao ne pouvait pas retirer sa demande?

[41]La réponse de l'AID à l'avis que Wei-Hao retirait sa demande à titre d'«enfant à charge» figure au paragraphe 9 ci-dessus. M. Lee prétend que, par cette réponse, l'agent a entravé son pouvoir discrétionnaire parce qu'il craignait que M. Lee et son fils aient fait de fausses déclarations sur un fait important. Cette crainte aurait amené l'agent à refuser de revoir l'aspect qualitatif de la définition d'«enfant à charge».

[42]À mon humble avis, cet argument n'est pas fondé.

[43]Je souligne d'entrée de jeu qu'on n'a jamais laissé entendre à l'AID que Wei-Hao n'était pas visé par la définition contenue au Règlement avant que l'avocat de M. Lee lui écrive le 6 mai 2003 pour l'informer que Wei-Hao retirait sa demande à titre de personne à charge. Jusqu'au 20 février 2003, date à laquelle il a écrit à l'AID pour lui fournir les renseignements demandés au sujet des accusations criminelles portées contre lui, Wei-Hao a exprimé l'espoir que sa demande serait accueillie. Lors de son réinterrogatoire, l'AID a déclaré ce qui suit:

[traduction]

117.     Q     Le demandeur principal a-t-il indiqué, à un moment ou à un autre pendant les entrevues, que son fils Tony Lee n'était pas une personne à charge?

R     Non, il ne l'a pas fait.

118.     Q     Et Tony Lee lui-même vous a-t-il déjà indiqué qu'il poursuivait des études pour se soustraire au service militaire à Taïwan?

R     Non. Je ne me souviens pas de telles remarques.

[44]À mon avis, la question que devait trancher l'AID n'était pas celle de savoir s'il devait permettre à Wei-Hao de retirer sa demande, mais plutôt si Wei-Hao était un enfant à charge. Il en est ainsi parce qu'alinéa 70(1)e) du Règlement prévoit que l'interdiction de territoire d'un membre de la famille emporte l'interdiction de territoire d'un étranger, que ce membre de la fAmille accompagne ou non l'étranger. L'alinéa 70(1)e) prévoit ce qui suit:

70. (1) L'agent délivre un visa de résident permanent à l'étranger si, à l'issue d'un contrôle, les éléments suivants sont établis:

[. . .]

e) ni lui ni les membres de sa famille, qu'ils l'accompagnent ou non, ne sont interdits de territoire.

Suivant l'alinéa 1(3)b) du Règlement, l'expression «membre de la famille» comprend notamment un «enfant à charge».

[45]Pour pouvoir conclure que Wei-Hao n'était pas un «enfant à charge», l'agent aurait été obligé d'accepter l'argument de l'avocat de M. Lee selon lequel Wei-Hao ne suivait pas activement des cours de formation générale. Dans un affidavit produit en l'espèce, Wei-Hao fournit des précisions sur ce point en affirmant que l'objectif de son voyage aux États-Unis lorsqu'il avait 19 ans [traduction] «était d'étudier et, en même temps, de retarder ou d'éviter le service militaire à Taïwan».

[46]L'alinéa 40(1)a) de la Loi prévoit qu'emporte l'interdiction de territoire d'un étranger pour fausses déclarations le fait de «directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d'entraîner une erreur dans l'application de la présente loi». Il me semble que si Wei-Hao n'était pas un «enfant à charge» parce qu'il n'était pas un véritable étudiant, lui-même et son père, à tout le moins, ont fait une réticence sur le fait important qu'il ne suivait pas activement à temps plein des cours de formation générale en n'indiquant pas que l'inscription de Wei-Hao dans un établissement postsecondaire n'était pas réelle. Une fausse déclaration de ce genre emporterait en elle-même l'interdiction de territoire de M. Lee et de son fils.

[47]Dans un cas comme dans l'autre, l'AID ne pouvait pas délivrer le visa demandé. Soit Wei-Hao était un membre de la famille inadmissible soit lui-même et son père avaient fait une réticence sur un fait important au sujet de ses études dans le but d'obtenir que l'AID conclue à tort que Wei-Hao était un «enfant à charge».

[48]Il en résulte, selon moi, que l'AID n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en refusant de délivrer un visa, même si l'avocat de M. Lee l'a avisé que Wei-Hao n'est pas une personne à charge. La demande de contrôle judiciaire devrait donc être rejetée.

[49]Les avocats ont demandé qu'on leur donne la possibilité de faire, à la lumière des présents motifs, des observations au sujet de la certification d'une question. Par conséquent, M. Lee a sept jours à compter de la date de réception des présents motifs pour signifier et déposer ses conclusions en vue de faire certifier une question, et le ministre a sept jours à compter de la réception de ces conclusions pour signifier et déposer ses réponses auxdites conclusions. M. Lee pourra ensuite signifier et déposer ses réponses aux conclusions du ministre dans les quatre jours suivant la réception de ces conclusions.

[50]Après examen de ces conclusions, une ordonnance sera rendue pour rejeter la demande de contrôle judiciaire et régler la question de la certification.

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