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A-597-03

2004 CAF 212

Bachan Singh Sogi (appelant)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (intimé)

Répertorié: Sogi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Strayer, Rothstein et Malone, J.C.A.--Toronto, 28 avril; Ottawa, 28 mai 2004.

Citoyenneté et Immigration -- Exclusion et renvoi -- Processus d'enquête en matière d'immigration -- L'appelant appartiendrait à une organisation terroriste -- Le ministre a demandé la non-divulgation de certains renseignements -- La Section de l'immigration a conclu que les renseignements étaient pertinents quant à l'admissibilité de l'appelant et que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui -- L'appelant n'a reçu qu'un résumé des renseignements -- Un juge de la Cour fédérale a confirmé que les renseignements ne devaient pas être divulgués, mais que la Cour pouvait en tenir compte -- Selon la procédure de la LIPR (art. 44, 86 et 87) et les Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, un juge de la Cour fédérale peut décider si le maintien de la confidentialité des renseignements est bien fondé -- Le processus de la LIPR est conforme aux principes de justice fondamentale.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- La Section de l'immigration a conclu que l'appelant était interdit de territoire en vertu de l'art. 34(1)f) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés parce qu'il appartenait à une organisation terroriste -- Lorsqu'il a révisé la décision portant interdiction de territoire, le juge de la Cour fédérale a eu raison d'appliquer la méthode pragmatique et fonctionnelle pour conclure que la norme de la décision correcte devrait s'appliquer à ce contrôle -- Examen des facteurs que la C.S.C. a établis pour déterminer la norme de contrôle applicable -- La norme de contrôle applicable à la question de savoir si les renseignements pertinents devraient être divulgués à la personne concernée est celle de la décision correcte -- Le juge de la Cour fédérale fait sa propre appréciation en ce qui a trait à la question de savoir si la divulgation des renseignements confidentiels porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui -- Dans ce contexte, il est appelé à examiner le bien-fondé de la décision de la Section de l'immigration plutôt qu'à prendre une décision initiale.

Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Vie, liberté et sécurité -- Dans le cadre d'une décision portant sur l'admissibilité, la Section de l'immigration peut tenir compte des renseignements en matière de sécurité sans les divulguer à la personne concernée -- Il s'agit de savoir si le processus contrevient à l'art. 7 de la Charte -- Un juge de la Cour fédérale a conclu que les renseignements étaient pertinents quant aux questions que la Cour devait trancher et que la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale -- Il était loisible au juge de la Cour fédérale de conclure que la Section de l'immigration a eu raison d'interdire la non-divulgation et cette conclusion ne devrait pas être modifiée en appel -- Le processus de la LIPR est constitutionnel et conforme aux principes de justice fondamentale parce qu'il est suffisamment semblable au processus de l'ancienne Loi, dont la validité a été confirmée dans Ahani c. Canada (C.A.F.) -- Aucune violation de l'art. 7.

Il s'agissait d'un appel portant sur le rejet par la Cour fédérale d'une demande de contrôle judiciaire relative à une décision par laquelle un membre de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité. L'appelant est un ressortissant de l'Inde qui est arrivé au Canada en mai 2001 et a présenté une demande d'asile. Lorsqu'il a été informé que l'appelant était membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'actes de terrorisme, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déféré le cas à la Section de l'immigration pour enquête. Saisie d'une demande du ministre en vue d'interdire la communication de certains renseignements, la Section de l'immigration a conclu que les renseignements étaient pertinents quant à l'admissibilité de l'appelant et que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui. L'appelant n'a obtenu qu'un résumé des renseignements. Le membre de la Section de l'immigration a également conclu que l'appelant était interdit de territoire, conformément à l'alinéa 34(1)f) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), parce qu'il appartenait à une organisation terroriste, le Babbar Khalsa International. Le juge MacKay, de la Cour fédérale, a rejeté la demande de contrôle judiciaire que l'appelant avait présentée à l'encontre de cette décision.

Le paragraphe 44(2) permet au ministre de déférer un rapport d'un agent d'immigration à la Section de l'immigration pour enquête. L'article 86 dispose que le ministre peut, au cours de cette enquête, demander l'interdiction de la divulgation des renseignements et que la demande est tranchée conformément à l'article 78. L'article 78 prévoit que la Section de l'immigration est tenue de garantir la confidentialité des renseignements dont la divulgation porterait atteinte, selon elle, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui. L'alinéa 78g) permet à la Section de l'immigration de tenir compte de ces renseignements, même si ceux-ci ne sont pas divulgués à la personne concernée. Cette personne reçoit un résumé des renseignements conformément à l'alinéa 78h), mais ce résumé ne comporte aucun renseignement dont la divulgation porterait atteinte, de l'avis du membre, à la sécurité nationale ou à celle d'autrui. La décision de la Section de l'immigration peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire dans le cadre duquel le ministre peut demander le maintien de la non-divulgation des renseignements conformément à l'article 87. L'article 78 s'applique encore là à cette demande. Ce processus est appelé le processus de la LIPR. Le juge MacKay a comparé le processus de la LIPR au processus relatif aux certificats de sécurité qui est énoncé aux articles 77 et 78 et dont les parties ont convenu qu'il était analogue à celui de l'article 40.1 de l'ancienne Loi sur l'immigration. Il a statué que le processus de la LIPR n'allait pas à l'encontre des principes de justice fondamentale, pour les mêmes raisons qui ont été invoquées dans l'arrêt Ahani c. Canada au sujet du processus prévu à l'ancien article 40.1. La question suivante a été certifiée en vue d'un appel: le processus prévu au paragraphe 44(2) et aux articles 86 et 87 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés fait-il entrer en jeu l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et, dans l'affirmative, l'atteinte à la liberté et à la sécurité d'une personne pouvant découler du processus va-t-elle à l'encontre des principes de justice fondamentale?

Arrêt: l'appel est rejeté et la réponse à la question certifiée est négative.

L'appelant a soutenu en premier lieu que les différences entre le processus de la LIPR et celui de l'ancienne Loi sont suffisamment importantes pour permettre de distinguer la présente affaire de l'arrêt Ahani. L'appelant a également fait valoir qu'un membre de la Section de l'immigration n'a ni la compétence ni l'indépendance institutionnelle voulues pour soupeser l'intérêt du public lié au maintien de la confidentialité des renseignements touchant la sécurité nationale par rapport au droit la personne concernée de connaître la preuve qu'elle doit réfuter. La Cour a rejeté les deux arguments. Tant et aussi longtemps que le contrôle judiciaire permet à l'appelant de demander à un juge de la Cour fédérale de décider si le maintien de la confidentialité des renseignements est bien fondé, le processus de la LIPR est conforme aux principes de justice fondamentale. Selon le processus de la LIPR et les Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, le juge de la Cour fédérale qui entend une demande de contrôle judiciaire concernant une ordonnance de non-divulgation rendue par un membre de la Section de l'immigration aura la possibilité de prendre connaissance des renseignements confidentiels portés à l'attention du membre et de la preuve présentée à huis clos devant celui-ci.

La question de la norme de contrôle que le juge de la Cour fédérale doit appliquer pour réviser la décision du membre de la Section de l'immigration de ne pas divulguer les renseignements confidentiels a une importance cruciale pour évaluer la similitude entre le processus de la LIPR et celui de l'ancienne Loi. Le juge MacKay a eu raison d'appliquer la méthode pragmatique et fonctionnelle pour conclure que la norme de la décision correcte devrait s'appliquer à ce contrôle. Trois des quatre facteurs qu'il est nécessaire de prendre en compte, selon la Cour suprême du Canada, pour déterminer la norme de contrôle applicable indiquent qu'une norme de retenue moins élevée devrait s'appliquer. D'abord, il n'y a aucune clause privative applicable en l'espèce. En deuxième lieu, la nécessité de contrebalancer le droit du ministre de préserver la confidentialité avec le droit de l'appelant de connaître la preuve qu'il devra réfuter n'est pas une question polycentrique, mais une question qui oppose l'État et la personne et qui appelle une norme de retenue moins élevée. Le troisième facteur est l'expertise de la Cour comparativement à celle du tribunal administratif. Dans différents contextes législatifs, le Parlement estime que les juges de la Cour fédérale sont les mieux placés pour décider s'il y a lieu de divulguer des renseignements dont la communication pourrait porter atteinte à la sécurité nationale. Le nombre assez élevé de dispositions législatives dans lesquelles le Parlement a confié aux juges de la Cour fédérale la tâche d'apprécier le degré de divulgation approprié donne à penser que ceux-ci sont plus compétents à cet égard. En conséquence, l'examen du facteur de la compétence favorise l'application d'une norme de retenue moins élevée. Le quatrième facteur réside dans la nature de la question. La question de savoir si la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui est une question mixte de fait et de droit qui appelle une plus grande retenue. Dans l'ensemble, la norme de contrôle applicable à la question de savoir si les renseignements pertinents devraient être divulgués à la personne concernée est celle de la décision correcte. Lorsqu'il examinera le bien-fondé de la décision du membre de la Section de l'immigration quant à la non-divulgation, le juge de la Cour fédérale fera sa propre appréciation en ce qui a trait à la question de savoir si la divulgation des renseignements confidentiels porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui. Contrairement à ce qui se passait dans le cadre du processus de l'ancienne Loi, le juge de la Cour fédérale est appelé à examiner le bien-fondé de la décision du membre de la Section de l'immigration plutôt qu'à prendre une décision initiale en se fondant sur les renseignements confidentiels portés à la connaissance de la Section de l'immigration. Si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, l'affaire sera renvoyée à la Section de l'immigration. Les renseignements ne seront pas divulgués immédiatement, mais le juge pourra plutôt ordonner qu'une partie ou la totalité des renseignements figurant dans le résumé soit fournie à la personne concernée. En pareil cas, il appartiendra au ministre de décider si ces renseignements devraient être divulgués ou non.

Le processus de la LIPR est conforme aux principes de justice fondamentale, parce qu'il est suffisamment semblable au processus de l'ancienne Loi, dont la validité a été confirmée dans Ahani. En conséquence, il n'y a aucune violation de l'article 7 et le processus de la LIPR est constitutionnel. Après avoir pris connaissance des renseignements confidentiels, le juge MacKay a statué que les renseignements étaient pertinents quant aux questions que la Cour devait trancher et que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale. Après avoir fait sa propre appréciation des renseignements confidentiels, il a statué que le membre de la Section de l'immigration avait eu raison d'en interdire la divulgation. Il lui était loisible d'en arriver à cette conclusion et celle-ci ne devrait pas être modifiée en appel.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 83.05 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 4, 143), 83.06 (édicté, idem, art. 4).

Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 13(1)a),b), 15(1), 52 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 112).

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 38 (mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141), 38.01 (édicté, idem, art. 43), 38.02 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.03 (édicté, idem, art. 43), 38.031 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.04 (édicté, idem, art. 43, 141), 38.05 (édicté, idem), 38.06 (édicté, idem), 38.07 (édicté, idem), 38.08 (édicté, idem), 38.09 (édicté, idem), 38.1 (édicté, idem), 38.11 (édicté, idem), 38.12 (édicté, idem), 38.13 (édicté, idem), 38.131 (édicté, idem), 38.14 (édicté, idem), 38.15 (édicté, idem).

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 19(1)a),b), 21, 51 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 159).

Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, art. 12.

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 40.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31).

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 2(1) «étranger», 34(1), 44(1),(2), 45d), 72 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194), 73, 74, 75 (mod., idem), 76 (mod., idem), 77 (mod., idem), 78, 80(3), 86, 87.

Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (mod. par DORS/2002-232, art. 1), règles 14, 15, 17 (mod., idem, art. 14).

jurisprudence

décision appliquée:

Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669; (1995), 32 C.P.R. (2d) 95; 100 F.T.R. 261 (1re inst.); conf. (1996), 201 N.R. 233; 37 C.P.R. (2d) 181 (C.A.F.); autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1997] 2 R.C.S. v.

décisions examinées:

Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; (2003), 223 D.L.R. (4th) 599; [2003] 5 W.W.R. 1; 11 B.C.L.R. (4th) 1; 48 Admin. L.R. (3d) 1; 179 B.C.A.C. 170; 302 N.R. 34; Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; (1997), 144 D.L.R. (4th) 1; 50 Admin. L.R. (2d) 199; 71 C.P.R. (3d) 417; 209 N.R. 20.

APPEL d'une décision de la Cour fédérale ([2004] 2 R.C.F. 427; (2003), 113 C.R.R. (2d) 331; 242 F.T.R. 266; 34 Imm. L.R. (3d) 106) rejetant une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle un membre de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité. Appel rejeté.

ont comparu:

Lorne Waldman pour l'appelant.

Ian Hicks pour l'intimé.

avocats inscrits au dossier:

Waldman and Associates, Toronto, pour l'appelant.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Rothstein, J.C.A.:

APERÇU

[1]Il s'agit d'un appel d'une décision du juge MacKay de la Cour fédérale ([2004] 2 R.C.F. 427). La question à trancher est de savoir si le processus par lequel un membre de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié peut, en rendant une décision portant sur l'admissibilité, tenir compte des renseignements en matière de sécurité sans les divulguer à la personne concernée, contrevient à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (Charte).

[2]L'appelant soutient que l'article 7 entre en jeu en raison de la détention dont il fait l'objet ainsi que du stress psychologique et de la stigmatisation qu'entraîne sa situation. En conséquence, il fait valoir que ses droits à la liberté et à la sécurité de sa personne ont été atteints. Il affirme qu'un membre de la Section de l'immigration n'a pas l'indépendance et la compétence nécessaires pour rendre une ordonnance qui s'éloigne sensiblement des règles d'équité procédurale habituelles en lui refusant le droit de connaître la preuve qu'il devra réfuter. Il allègue donc que le processus qui confère ce pouvoir aux membres de la Section de l'immigration n'est pas conforme aux principes de justice fondamentale.

FAITS

[3]L'appelant, qui est un ressortissant de l'Inde , est arrivé au Canada le 8 mai 2001 et a présenté une demande d'asile. Le 7 août 2002, un agent d'immigration a fait connaître au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) son opinion selon laquelle l'appelant était membre du Babbar Kha lsa International, une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'actes de terrorisme. Le même jour, le ministre a déféré le cas de l'appelant à la Section de l'immigration pour enquête.

[4]L'appelant est détenu depuis le 8 août 2002.

[5]Devant le membre de la Section de l'immigration, le ministre a présenté, à huis clos et ex parte , une demande visant à interdire la communication de certains renseignements. Le membre a conclu que les renseigne-ments étaient pertinents quant à l'admissibilité de l'appelant et que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui. La demande a été accueillie le 16 août 2002 et l'appelant n'a obtenu q u'un résumé des renseignements.

[6]Le 8 octobre 2002, le membre de la Section de l'immigration a conclu que l'appelant était interdit de territoire, conformément à l'alinéa 34(1)f ) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), parce qu'il appartenait à une organisation terroriste, le Babbar Khalsa International.

[7]Lors du contrôle judiciaire, le ministre a demandé le maintien de la non-divulgation des renseignements et le juge MacKay a f ait droit à cette demande le 8 mai 2003. Dans une ordonnance datée du 16 décembre 2003, le juge MacKay a rejeté la demande de contrôle judiciaire que l'appelant avait présentée à l'encontre de la décision du membre de la Section de l'immigration selon laqu elle il était interdit de territoire.

RÉGIME LÉGISLATIF

[8]Le paragraphe 44(1) de la LIPR prévoit que, s'il estime qu'un étranger se trouvant au Canada est interdit de territoire, l'agent d'immigration peut établir un rapport circonstancié qu'il transmet au ministre. Selon l'alinéa 34(1)f ), le fait d'être membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'actes de terrorisme emporte interdiction de territoire. Le paragraphe 44(2) per met au ministre de déférer l'affaire à la Section de l'immigration pour enquête, s'il estime le rapport bien fondé.

[9]Le paragraphe 86(1) dispose qu'au cours d'une enquête tenue devant la Section de l'immigration, le ministre peut demander l'interdiction de la divulgation des renseignements. Selon le paragraphe 86(2), un membre de la Section de l'immigration statue sur la demande du ministre conformément à l'article 78, lequel prévoit notamment que le membre en question est tenu de garantir la confidentialité des renseignements dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui. L'alinéa 78g ) permet à la Section de l'immigration de tenir compte des renseignements, même si ceux-ci ne sont pas divulgués à l a personne concernée. Cette personne reçoit un résumé des renseignements conformément à l'alinéa 78h ), mais ce résumé ne comporte aucun renseignement dont la divulgation porterait atteinte, de l'avis du membre, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'au trui.

[10]L'alinéa 45d ) autorise le membre de la Section de l'immigration à prendre une mesure de renvoi contre l'étranger sur preuve qu'il est interdit de territoire.

[11]Selon l'article 72 [mod. par LC. 2002, ch. 8, art. 194 ], la décision du membre peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, pourvu que l'autorisation soit obtenue. En vertu de l'article 87, le ministre peut, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, demander au juge d'interdire la divulgati on des renseignements protégés par l'ordonnance de non-divulgation du membre. Encore là, l'article 78 s'applique à cette demande.

[12]Ce processus sera appelé dans les présents motifs le processus de la LIPR, dont les dispositions pertinentes sont reproduites à l'annexe A.

QUESTION CERTIFIÉE

[13]Le juge MacKay a certifié la question suivante à trancher en appel conformément à l'alinéa 74d ) de la LIPR:

[traduction] Le processus prévu au paragraphe 44(2) et aux articles 86 et 87 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés fait-il entrer en jeu l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et, dans l'affirmative, l'atteinte à la l iberté et à la sécurité d'une personne pouvant découler du processus va-t-elle à l'encontre des principes de justice fondamentale?

ANALYSE

[14]Voici le texte de l'article 7 de la Charte:

7. Chacun a droit à la vie, à la libe rté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[15]Étant donné que j'ai conclu que le processus de la LIPR ne va pas à l'encontre des principes de j ustice fondamentale, il n'est pas nécessaire de décider si l'article 7 de la Charte entre en jeu. Je présumerai que tel est le cas sans conclure en ce sens. J'examine donc la question des principes de justice fondamentale.

Décision du juge MacKay

[16]Le juge MacKay a comparé le processus de la LIPR au processus relatif aux certificats de sécurité qui est énoncé aux articles 77 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194] et 78 et dont les parties ont convenu qu'il était analogue à celui de l'articl e 40.1 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31] de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (l'ancienne Loi). Le processus énoncé dans l'ancienne Loi a été jugé conforme aux principes de justice fondamental e dans Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (1re inst.); confirmée à (1996), 201 N.R. 233 (C.A.F.); autorisation d'interjeter appel à la C.S.C. rejetée [1997] 2 R.C.S. v.

[17]Le juge MacKay a relevé deux grandes différences entre le processus relatif aux certificats de sécurité et le processus de la LIPR: le premier prévoit 1) l'examen initial des renseignements par deux ministres plutôt qu'un et 2) le contrôle et l'appréciation des renseignements visés par la demande d'ordonnance de non-divulg ation par un juge de la Cour fédérale plutôt que par un membre de la Section de l'immigration.

[18]Le juge MacKay a également souligné une autre différence. Selon le paragraphe 80(3), la décision du juge de la Cour fédérale concernant le car actère raisonnable du certificat ne peut faire l'objet d'un appel ou d'un contrôle judiciaire. Cependant, dans le cas du processus de la LIPR, la totalité de la décision du membre de la Section de l'immigration peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire d e la part d'un juge de la Cour fédérale, notamment le contrôle de la décision selon laquelle des renseignements ne doivent pas être divulgués pour des raisons de sécurité nationale. De l'avis du juge MacKay, le juge de la Cour fédérale participe au process us mais, à une certaine étape, on lui retire le rôle quelque peu semblable joué dans le cadre des articles 77 et 78. Le juge MacKay a donc statué que les différences entre les deux processus n'étaient pas suffisantes pour permettre de distinguer le process us de la LIPR de celui des certificats de sécurité.

[19]La raison pour laquelle le juge MacKay a décidé de comparer le processus de la LIPR au processus relatif aux certificats de sécurité qui est énoncé aux articles 77 et 78 plutôt qu'à cel ui de l'ancien article 40.1 n'est pas tout à fait claire. Cependant, les parties ont admis que le processus relatif aux certificats de sécurité était analogue à celui de l'ancienne Loi. En conséquence, le fait que le juge MacKay n'ait pas explicitement com paré le processus de la LIPR à celui de l'ancienne Loi ne constitue pas une erreur susceptible de révision. En bout de ligne, le juge MacKay a statué que le processus de la LIPR n'allait pas à l'encontre des principes de justice fondamentale, pour les même s raisons que la juge McGillis a invoquées pour décider dans l'arrêt Ahani , que le processus prévu à l'ancien article 40.1 n'était pas non plus contraire à ces principes.

L'argument de l'appelant

[20]Cependant, l'appelant fait valoir que les différences entre le processus de la LIPR et celui de l'ancienne Loi sont suffisamment importantes pour permettre de distinguer la présente affaire de l'arrêt Ahani . Selon l'appelant, étant donné qu'une demande de non-divulgati on formulée dans le cadre du processus de la LIPR peut être présentée par un simple délégué du ministre plutôt que par deux ministres devant signer un certificat de sécurité à titre personnel, la décision de solliciter une ordonnance de non-divulgation n'e st assujettie à aucune obligation de rendre compte, qu'elle soit politique ou juridique.

[21]L'appelant ajoute que le membre de la Section de l'immigration n'a ni la compétence ni l'indépendance institutionnelles voulues pour soupeser l'intérêt du public lié au maintien de la confidentialité des renseignements touchant la sécurité nationale par rapport aux droits de l'appelant de connaître la preuve qu'il doit réfuter. L'appelant soutient qu'en vertu de l'ancienne Loi, de la Loi sur la preuve au Canada , L.R.C. (1985), ch. C-5 et du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, cette question a toujours été tranchée par un juge de la Cour fédérale, qui seul possède la compétence et l'indépendance voulues pour prendre cette décision.

Rôle des juges dans le processus de la LIPR

[22]Je ne puis souscrire au premier argument de l'appelant. Indépendamment de la façon dont le processus est enclenché, un juge de la Cour fédérale examinera un jour ou l'autre la décision de divulguer ou de ne pas divulguer les renseignements confidentiels à la personne concernée. Le ministre sera autorisé à se fonder sur les renseignements sans les divulguer à cette personne uniquement si le juge est convainc u que les renseignements sont pertinents et que leur divulgation portera atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui.

[23]Je ne puis non plus accepter le deuxième argument de l'appelant, qui est fondé sur une lecture isolée de l'art icle 86. En soi, cette disposition n'exige pas qu'un juge participe à la décision concernant l'opportunité de préserver la confidentialité des renseignements. Cependant, comme le juge MacKay l'a souligné, la décision du membre de la Section de l'immigratio n peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire pourvu que l'autorisation soit obtenue à cette fin.

[24]Dans Ahani, il a été décidé que le processus de l'ancienne Loi selon lequel un juge de la Cour fédérale devait prendre la décision initiale et la seule décision concernant la non-divulgation était conforme aux principes de justice fondamentale. Tant et aussi longtemps que le contrôle judiciaire permet à l'appelant de demander à un juge de la Cour fédérale de décider si le maintien de la confi dentialité des renseignements est bien fondé, le processus de la LIPR devra lui aussi être jugé conforme aux principes de justice fondamentale.

[25]La question est de savoir si l'appelant a cette possibilité. Trois préoccupations doivent êtr e examinées:

1. Le juge de la Cour fédérale a-t-il la possibilité d'examiner les renseignements confidentiels?

2. Le juge de la Cour fédérale peut-il examiner le bien-fondé de la décision du membre de ne pas révéler les renseignements ou doit-il faire montre de retenue à l'endroit de cette décision?

3. Quelles sont les réparations que le juge de la Cour fédérale peut ordonner s'il estime que les renseignements auraient dû être révélés?

Façon dont les renseignements confidentiels sont portés à l'attention du juge de la Cour fédérale

[26]Au cours des plaidoiries, les deux avocats ont convenu que la Section de l'immigration ne conserve pas les renseignements confidentiels que le membre a examinés; ces renseignements sont plutôt retournés au S ervice canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Selon les arguments invoqués, le ministre pourrait, à sa discrétion, lors du contrôle judiciaire, soumettre les mêmes renseignements, une partie de ceux-ci ou même d'autres renseignements confidentiels a u juge de la Cour fédérale au moyen d'une demande fondée sur l'article 87.

[27]Habituellement, le contrôle judiciaire est fondé sur le dossier des procédures qui se sont déroulées devant le tribunal. La Cour a donc demandé d'autres observati ons écrites au sujet de la démarche dans le cadre de laquelle des renseignements confidentiels sont portés à l'attention du juge saisi de la demande de contrôle judiciaire. Dans ces observations, les avocats ont confirmé ce dont ils avaient convenu à l'aud ience. D'après les observations conjointes, la conservation des renseignements par le SCRS est justifiée par l'article 12 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23 (Loi sur le SCRS), dont voici le libellé:

12. Le Service recueille, au moyen d'enquêtes ou autrement, dans la mesure strictement nécessaire, et analyse et conserve les informations et renseignements sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des menace s envers la sécurité du Canada; il en fait rapport au gouvernement du Canada et le conseille à cet égard.

[28]Après avoir lu les dispositions législatives et les règles de la Cour qui sont pertinentes, je ne puis convenir que les avocats des parties ont interprété correctement les règles de droit applicables dans leurs observations.

[29]Le paragraphe 86(2) prévoit que la procédure énoncée à l'article 7 8 s'applique à l'examen de la demande de non-divulgation présentée à un membre de la Section de l'immigration comme si le mot «juge» de l'article 78 signifiait «membre».

[30]Lorsque le membre décide que les renseignements ou éléments de preu ve ne sont pas pertinents ou qu'ils sont pertinents, mais devraient figurer dans le résumé fourni à la personne concernée, les renseignements doivent être remis au ministre, comme l'exige l'alinéa 78f ). Cependant, l'alinéa 78g ), qui permet au membre de tenir compte, sans les divulguer, des renseignements qui sont pertinents, mais dont la communication pourrait nuire à la sécurité nationale, ne prévoit nullement la remise subséquente des éléments examinés au ministre. Tout renseignement que le membre a exami né en application de l'alinéa 78g ) devrait donc faire partie du dossier de la Section de l'immigration, même s'il s'agit d'un renseignement confidentiel.

[31]En vertu de la règle 14 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 [(mod. par DORS/2002-232, art. 1)], «[d]ans le cas où le juge décide que les documents en la possession ou sous la garde du tribunal administratif sont nécessaires pour décider de la demande d'autorisat ion», il peut ordonner à la Section de l'immigration de produire les documents à la Cour. Une fois l'autorisation accordée, la règle 17 [mod., idem , art. 14] oblige la Commission à préparer un dossier composé, notamment, de «tous les documents pertinents q ui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif» et à le soumettre à la Cour. Lorsque les renseignements confidentiels sont produits à la Cour, que ce soit suivant la demande d'autorisation ou à l'audition de la demande de contrôle judi ciaire, le ministre peut demander à un juge de continuer à en interdire la divulgation en vertu du paragraphe 87(1).

[32]Comme il est expliqué plus haut, il semble que, pour des raisons de sécurité, ce soit le SCRS qui conserve habituellemen t la garde physique de ces renseignements. Je ne suis pas convaincu que l'article 12 de la Loi sur le SCRS exige nécessairement cette procédure. Étant donné que la Cour fédérale peut conserver dans un dossier scellé auquel seul un juge désigné a accès les documents confidentiels qu'elle a examinés lors du contrôle judiciaire, je ne vois pas pourquoi une procédure semblable ne pourrait pas s'appliquer à la Section de l'immigration.

[33]Cependant, si les renseignements doivent être remis au SCR S, il faudra fournir un engagement selon lequel les renseignements précis dont le membre de la Section de l'immigration était saisi seront produits aux fins du contrôle judiciaire, s'ils sont nécessaires. Les renseignements confidentiels doivent demeurer i ntacts dans un format qui permet de déterminer avec précision les éléments qui ont servi de fondement à la décision que le membre de la Section de l'immigration a prise par suite de l'enquête. Les renseignements dont la Section de l'immigration a tenu comp te, mais qui ont été remis au SCRS, doivent être considérés comme des renseignements «sous la garde du tribunal administratif» aux fins de leur production à la Cour fédérale lors du contrôle judiciaire. Si les renseignements sont retournés au SCRS, il inco mbera au ministre de prouver au juge qui entend la demande de contrôle judiciaire que le dossier dont le membre était saisi a été remis à la Cour. Le dossier précis comprendra les renseignements confidentiels et la transcription de la preuve présentée au c ours de l'audience tenue à huis clos devant le membre.

[34]Si la preuve n'a pas été transcrite, un affidavit attestant la preuve présentée devant le membre serait nécessaire. Étant donné que l'audience a été tenue ex parte , le juge qui entend la demande de contrôle judiciaire devra être convaincu que l'affidavit énonce la totalité de la preuve portée à l'attention du membre. Une façon de convaincre le juge pourrait être de produire un affidavit dans lequel l'avocat du ministre qui a comparu d evant le membre attesterait, en qualité de fonctionnaire du tribunal, que le premier affidavit reproduit fidèlement l'ensemble de la preuve présentée au cours de l'audience à huis clos.

[35]En vertu de la règle 14, pour décide r s'il y a lieu d'accorder une autorisation dans le cadre du contrôle judiciaire relatif à la décision du membre de la Section de l'immigration de ne pas divulguer un renseignement, les juges de la Cour fédérale peuvent, lorsqu'ils le jugent nécessaire, or donner à ladite Section de fournir les renseignements confidentiels. À mon avis, à moins que le dossier public n'indique clairement que l'autorisation devrait être refusée, un juge de la Cour fédérale ordonnerait vraisemblablement la production des renseig nements confidentiels et les examinerait avant de rejeter la demande d'autorisation. Je ne vois pas comment un juge pourrait rejeter par ailleurs une demande d'autorisation sans examiner les renseignements confidentiels. Bien entendu, si l'autorisation doi t être accordée, soit parce que les deux parties y consentent, soit parce que le dossier public révèle des motifs justifiant cette décision, il ne sera pas nécessaire que le juge qui accorde l'autorisation prenne connaissance des renseignements confidentie ls.

[36]Conformément à la règle 17, une fois l'autorisation accordée, les renseignements confidentiels feront automatiquement partie du dossier dont sera saisi le juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire. Cette partie du dossier d evrait être scellée et seul le juge désigné pour entendre la demande de contrôle judiciaire devrait y avoir accès.

[37]Je ne puis admettre que l'article 87 permet la présentation de nouveaux renseignements confidentiels dans le cadre de la d emande de contrôle judiciaire. À mon sens, l'article 87 présuppose qu'un dossier complet et exact contenant les renseignements confidentiels sera remis au juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire. Le paragraphe 87(1) permet simplement au ministr e de demander à un juge de continuer à interdire la divulgation de l'ensemble ou d'une partie des renseignements que le membre de la Section de l'immigration avait protégés en vertu du paragraphe 86(1).

[38]Cette interprétation du paragraphe 87(1) est appuyée par le paragraphe 87(2), qui n'oblige pas expressément de fournir un autre résumé à la personne concernée. Ce résumé serait obligatoire si le ministre était habilité, en vertu du paragraphe 87(1), à présenter de nouveaux renseignements c onfidentiels qui n'avaient pas été portés à l'attention du membre de la Section de l'immigration.

[39]J'en arrive donc à la conclusion qu'en vertu du processus de la LIPR et des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, le juge de la Cour fédérale qui entend une demande de contrôle judiciaire concernant une ordonnance de non-divulgation rendue par un membre de la Section de l'immigration aura la possibilité de prendre connaissance des renseignements co nfidentiels portés à l'attention du membre et de la preuve présentée à huis clos devant celui-ci.

La norme de contrôle est celle de la décision correcte

[40]Le juge de la Cour fédérale qui entend la demande de contrôle judiciaire révise la décision du membre de la Section de l'immigration portant interdiction de territoire. Un élément de cette décision peut porter sur la question de savoir si le membre aurait dû tenir compte des renseignements que le ministre a fournis à huis clos sans les dévoiler en entier à la personne concernée.

[41]L'appelant a soutenu que, lors du contrôle judiciaire, la Cour peut modifier la décision que le membre de la Section de l'immigration a rendue au sujet de la non- divulgation uniquement si cette décision est manifestement déraisonnable. Si l'appelant a raison, le juge de la Cour fédérale n'examinera peut-être pas la décision de préserver la confidentialité des renseignements avec le même degré d'intensité que dans l e cas de l'examen effectué par le juge dans le cadre du processus prévu à l'article 40.1, lequel a été jugé constitutionnel dans Ahani . En conséquence, la question de la norme de contrôle que le juge de la Cour fédérale doit appliquer pour réviser la déci sion du membre de la Section de l'immigration de ne pas divulguer les renseignements confidentiels a une importance cruciale pour évaluer la similitude entre le processus de la LIPR et celui de l'ancienne Loi.

[42]Le juge MacKay a appliqué l a méthode pragmatique et fonctionnelle pour conclure que la norme de la décision correcte devrait s'appliquer à ce contrôle. Je suis d'accord.

[43]Des quatre facteurs qu'il est nécessaire de prendre en compte, selon la Cour suprême du Canada , pour déterminer la norme de contrôle applicable (voir Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia , [2003] 1 R.C.S. 226), trois indiquent qu'une norme de retenue moins élevée devrait s'appliquer. Le premier facteur est la présence ou l'absence d'une clause privative. Dans la présente affaire, il n'y a aucune clause privative applicable; les articles 72 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194], 73, 74, 75 (mod., idem ) reconnaissent plutôt expressément que les décisions portant interdiction d e territoire sont susceptibles de contrôle judiciaire une fois l'autorisation obtenue.

[44]Le deuxième facteur est la question de savoir si la décision est polycentrique ou s'il s'agit d'une décision où l'État est le seul adver saire de la personne concernée. L'article 86 exige que le droit du ministre de préserver la confidentialité fasse contrepoids au droit de l'appelant de connaître la preuve qu'il devra réfuter. Il ne s'agit pas d'une question polycentrique, mais d'une quest ion qui oppose l'État et la personne et qui appelle une norme de retenue moins élevée.

[45]Le troisième facteur est l'expertise de la Cour comparativement à celle du tribunal administratif. Les juges de la Cour fédérale possèdent une compéte nce spécialisée pour apprécier l'opportunité de divulguer des renseignements en matière de sécurité. À l'article 40.1 de l'ancienne Loi, aux articles 77 et 78 de la LIPR, aux articles 38 [mod. par L.C. 2001, ch. 41, art. 43, 141] à 38.15 [édicté, idem ] de la Loi sur la preuve au Canada, aux articles 83.05 [édicté, idem , art. 4, 143] et 83.06 [édicté, idem , art. 4] du Code criminel, à l'article 52 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 112] de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, et à l'article 51 [mod., idem , art. 159] de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, le Parlement a confié au juge en chef de la Cour fédérale et à d'autres juges de la Cour que celui-ci désigne la tâche de déterminer les éléments des renseignements en matière de sécurité qu'il est possible de divulguer sans mettre en danger la sécurité nationale (voir l'annexe B). Le Parlement a empêché non seulement les membres des tribunaux administratifs, mais également les juges des co urs supérieures provinciales, d'accomplir cette tâche. Il semble que, dans différents contextes législatifs, le Parlement estime que les juges de la Cour fédérale sont les mieux placés pour décider s'il y a lieu de divulguer des renseignements dont la comm unication pourrait porter atteinte à la sécurité nationale.

[46]Même si l'adoption de l'article 86 de la LIPR indique que le Parlement estime maintenant que les membres de la Section de l'immigration ont l'expertise voulue pour examiner des demandes de non-divulgation, le nombre assez élevé de dispositions législatives dans lesquelles il a confié aux juges de la Cour fédérale la tâche d'apprécier le degré de divulgation approprié donne à penser que ceux-ci sont plus compétents à cet égard. De plus, la question de savoir si une personne concernée devrait se voir refuser la possibilité de connaître entièrement la preuve qui sera présentée contre elle pour des raisons liées à la sécurité nationale soulève des préoccupations concernant l'équité, q ui relèvent traditionnellement des cours de justice. En conséquence, l'examen du facteur de la compétence favorise l'application d'une norme de retenue moins élevée.

[47]Le quatrième facteur réside dans la nature de la question. La question de savoir si la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui est une question de droit qui doit être tranchée à la lumière des faits constatés par le membre. Il s'agit donc d'une question mixte de fait et de droit qui ap pelle une plus grande retenue. Toutefois, la nature de la question à trancher ne représente que l'un des quatre facteurs à prendre en compte au cours de la révision de la décision d'un tribunal administratif (Dr Q , au paragraphe 33).

[48]La Cour suprême du Canada a statué que l'expertise «est le facteur le plus important qu'une cour doit examiner pour arrêter la norme de contrôle applicable» (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 50). Dans l'ensemble, je suis d'avis que la norme de contrôle applicable à la question de savoir si les renseignements pertinents devraient être divulgués à la personne concernée est celle de la décision correcte.

[49]En conséquence, un juge de la Cour fédérale qui entend une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision par laquelle un membre de la Section de l'immigration ordonne la non-divulgation de renseignements à la personne concernée révisera cette décision selon la norme de la décision correcte. Pour confirmer la décision du membre, le juge doit être d'accord avec celle-ci. S'il n'est pas d'accord, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[50]Lorsqu'il examinera le bien-fondé de la décision du membre de la Section de l'immigration quant à la non-divulgation, le juge de la Cour fédérale fera sa propre appréciation en ce qui a trait à la question de savoir si la divulgation des renseignements confidentiels porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui. À cette fin, il devra prendre connaissance des renseignements visés par la décision du membre ainsi que des explications s'y rapportant qu'ont fournies des témoins ayant comparu ex parte devant le membre.

[51]Contrairement à ce qui se passait dans le cadre du processus de l'ancienne Loi, le juge de la Cour fédérale est appelé ici à examiner le bien-fondé de la décision du membre de la Section de l'immigration plutôt qu'à prendre une décision initiale. En eff et, le juge de la Cour fédérale n'entendra pas de nouveaux éléments de preuve visant à expliquer les motifs de la non-divulgation. Il révisera plutôt les renseignements confidentiels qui avaient été portés à la connaissance du membre de la Section de l'imm igration et tout élément de preuve présenté à celui-ci dans le cadre de l'audience à huis clos.

[52]La partie confidentielle du processus de la LIPR a eu lieu ex parte. En conséquence, il incombe au ministre de convaincre le juge que la déci sion du membre de ne pas divulguer les renseignements était bien fondée. Si le juge n'est pas convaincu de ce fait parce qu'il estime que les explications des témoins étaient insatisfaisantes pour une raison importante, la demande de contrôle judiciaire se ra accueillie et la décision portant interdiction de territoire sera renvoyée à la Section de l'immigration pour nouvel examen.

La réparation qui conviendra si la demande de contrôle judiciaire est accueillie

[53]Si la demande de contrôle j udiciaire est accueillie, les renseignements ne seront pas divulgués immédiatement. Lorsqu'il renverra l'affaire à la Section de l'immigration, le juge pourra plutôt ordonner qu'une partie ou la totalité des renseignements figurant dans le résumé soit four nie à la personne concernée. En pareil cas, il appartiendra au ministre de décider si ces renseignements devraient être divulgués à la personne afin que le membre de la Section de l'immigration puisse les examiner ou s'il est préférable de ne pas les soume ttre à cet examen afin d'en préserver la confidentialité.

Le processus de la LIPR est constitutionnel

[54]Le juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire aura en main le dossier qui avait été porté à la connaissance du membre de la Section de l'immigration et la décision de celui-ci de ne pas divulguer les renseignements confidentiels sera révisée selon la norme de la décision correcte. C'est pourquoi je conviens avec le juge MacKay que le processus d e la LIPR est conforme aux principes de justice fondamentale, parce qu'il est suffisamment semblable au processus de l'ancienne Loi, dont la validité a été confirmée dans Ahani . Étant donné que le processus de la LIPR est conforme aux principes de justice fondamentale, il n'y a aucune contravention à l'article 7 et ledit processus est constitutionnel.

Le juge MacKay s'est conformé au processus de la LIPR

[55]L'appelant n'a pas soutenu que le juge MacKay n'avait pas révisé en bonne et due f orme la décision du membre de la Section de l'immigration; il a plutôt contesté la constitutionnalité du régime législatif en vertu duquel cette décision a été prise. Cependant, étant donné que ma conclusion selon laquelle le processus de la LIPR est const itutionnel est fondée sur la possibilité qu'a le juge de la Cour fédérale de réviser le bien-fondé de l'ordonnance de non-divulgation du membre, j'examinerai la question de savoir si le juge MacKay a apprécié par lui-même le bien-fondé de l'interdiction de divulguer les renseignements confidentiels à l'appelant.

[56]Aux paragraphes 22 à 25 de ses motifs d'ordonnance datés du 8 décembre 2003, le juge MacKay précise que les renseignements qui n'avaient pas été dévoilés à l'appelant au cours de l'enquête de celui-ci ont été portés à la connaissance de la Cour pendant les audiences à huis clos. Il confirme également qu'aucun autre renseignement n'a été présenté, que ce soit au cours desdites audiences ou plus tard. Le juge MacKay a donc eu accès a ux renseignements dont le membre de la Section de l'immigration avait été saisi et uniquement à ces renseignements.

[57]Tel qu'il est mentionné plus haut, le juge MacKay a statué que la norme de contrôle applicable à la décision du membre de la Section de l'immigration d'interdire la divulgation des renseignements à l'appelant était celle de la décision correcte (paragraphe 28). Il a donc appliqué la norme de contrôle qui convenait en ce qui a trait à la décision du membre.

[58]Après avoir pris connaissance des renseignements confidentiels, le juge MacKay a statué que les renseignements étaient pertinents quant aux questions que la Cour devait trancher et que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité n ationale. Après avoir fait sa propre appréciation des renseignements confidentiels, il a statué que le membre de la Section de l'immigration n'avait pas commis d'erreur lorsqu'il a conclu que les renseignements devraient être pris en compte sans être révélés à l'appelant (paragraphe 37).

[59]Le juge MacKay a conclu que le membre de la Section de l'immigration a eu raison d'interdire la divulgation. Il était loisible au juge MacKay d'en arriver à cette conclusion et celle-ci ne d evrait pas être modifiée en appel.

CONCLUSION

[60]L'appel doit être rejeté et la réponse à la question certifiée est négative.

Le juge Strayer, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Malone, J.C.A.: Je souscris aux présents moti fs.

ANNEXE A--LE PROCESSUS DE LA LIPR

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés [article 76 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194)]

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[. . .]

«étranger» Personne autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent; la présente définition vise également les apatrides.

[. . .]

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants:

a) être l'auteur d'actes d'espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s'entend au Canada;

b) être l'instigateur ou l'auteur d'actes visant au renversement d'un gouvernement par la force;

c) se livrer au terrorisme;

[. . .]

f) être membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

[. . .]

44. (1) S'il estime que le résident permanent ou l'étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l'agent peut établir un rapport circonstancié, qu'il transmet au ministre.

(2) S'il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l'affaire à la Section de l'immigration pour enquête, [. . .]

[. . .]

45. Après avoir procédé à une enquêt e, la Section de l'immigration rend telle des décisions suivantes:

[. . .]

d) prendre la mesure de renvoi applicable contre l'étranger non autorisé à entrer au Canada et dont il n'est pas prouvé qu'il n'est pas interdit de territoire, ou contre l'étranger autorisé à y entrer ou le résident permanent sur preuve qu'il est interdit de territoire.

[. . .]

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure--décision, ordonnance, question ou a ffaire--prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d'une demande d'autorisation.

[. . .]

74. Les règles suivantes s'appliquent à la demande de contrôle judiciaire:

[. . .]

d) le jugement consécutif au contrôle judiciaire n'est susceptible d'appel en Cour d'appel fédérale que si le juge certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.

[. . .]

76. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente section.

«juge» Le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de cette juridiction désigné par celui-ci.

«renseignements» Les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d'un État étranger, d'une organi sation internationale mise sur pied par des États ou de l'un de leurs organismes.

77. (1) Le ministre et le solliciteur général du Canada déposent à la Cour fédérale le certificat attestant qu'un résident permanent ou qu'un étranger est interdit de territ oire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée pour qu'il en soit disposé au titre de l'article 80.

[. . .]

78. Les règles suivantes s'appliquent à l'affaire:

a) le juge entend l'affaire;

b) le juge est tenu de garantir la confidentialité des renseignements justifiant le certificat et des autres éléments de preuve qui pourraient lui être communiqués et dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

c) il procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive;

d) il examine, dans les sept jours suivant le dépôt du certificat et à huis clos, les renseignements et autres éléments de preuve;

e) à chaque demande d'un ministre, il examine, en l'absence du résident permanent ou de l'étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

f) ces renseignements ou éléments de preuve doivent être remis aux ministres et ne peuvent servir de fondement à l'affaire soit si le juge décide qu'ils ne sont pas pertinents ou, l'étant, devraient faire partie du résumé, soit en cas de retrait de la demande;

g) si le juge décide qu'ils sont pertinents, mais que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle d'autrui, ils ne peuvent faire partie du résumé, mais peuvent servir de fondement à l'affaire;

h) le juge fournit au résident permanent ou à l'étranger, afin de lui permettre d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat, un résumé de la preuve ne comportant aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

i) il donne au résident permanent ou à l'étranger la possibilité d'être entendu sur l'interdiction de territoire le visant;

j) il peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime utile--même inadmissible en justice--et peut fonder sa décision sur celui-ci.

[. . .]

86. (1) Le ministre peut, dans le cadre de l'appel devant la Section d'ap pel de l'immigration, du contrôle de la détention ou de l'enquête demander l'interdiction de la divulgation des renseignements.

(2) L'article 78 s'applique à l'examen de la demande, avec les adaptations nécessaires, la mention de juge valant mention de la section compétente de la Commission.

87. (1) Le ministre peut, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, demander au juge d'interdire la divulgation de tout renseignement protégé au titre du paragraphe 86( 1) ou pris en compte dans le cadre des articles 11, 112 ou 115.

(2) L'article 78 s'applique à l'examen de la demande, avec les adaptations nécessaires, sauf quant à l'obligation de fournir un résumé et au délai.

Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés

14. [. . .]

(2) Dans le cas où le juge décide que les documents en la possession ou sous la garde du tribunal administratif sont nécessaires pour décider de la demande d'autorisation, il peut, par ordonnance, spéci fier les documents à produire et à déposer, et donner d'autres instructions qu'il estime nécessaires à cette décision.

(3) Le greffe envoie immédiatement au tribunal administratif une copie de l'ordonnance rendue en vertu du paragraphe (2).

(4) Dès récep tion de l'ordonnance rendue en vertu du paragraphe (2), le tribunal administratif envoie à chacune des parties une copie des documents spécifiés, certifiée conforme par un fonctionnaire compétent, et au greffe de la Cour deux copies de ces documents.

[. . .]

15. [. . .]

(2) Le greffe envoie immédiatement au tribunal une copie de l'ordonnance faisant droit à la demande d'autorisation.

[. . .]

17. Dès réception de l'ordonnance visée à la règle 15, le tribunal administratif constitue un dossier composé d es pièces suivantes, disposées dans l'ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement:

a) la décision, l'ordonnance ou la mesure visée par la demande de contrôle judiciaire, ainsi que les motifs écrits y afférents;

b) tous les documents pertinents qui sont en la possession ou sous la garde du tribunal administratif,

c) les affidavits et autres documents déposés lors de l'audition,

d) la transcription, s'il y a lieu, de tout témoignage donné de vive voix à l'audition qui a abouti à la décision, à l'ordonnance, à la mesure ou à la question visée par la demande de contrôle judiciaire,

dont il envoie à chacune des parties une copie certifiée conforme par un fonctionnaire compétent et au greffe deux copies de ces documents.

ANNEXE B--LES RENSEIGNEMENTS CONFIDENTIELS ET LA COUR FÉDÉRALE

Loi sur l'immigration

40.1 (1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, le ministre et le solliciteur général du Canada peuvent, s'ils sont d'avis, à la lumière de rense ignements secrets en matière de sécurité ou de criminalité dont ils ont eu connaissance, qu'une personne qui n'est ni citoyen canadien ni résident permanent appartiendrait à l'une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)c .1)(ii), aux alinéas 19(1)c .2), d), e), f), g), j), k) ou l) ou au sous-alinéa 19(2)a .1)(ii), signer et remettre une attestation à cet effet à un agent d'immigration, un agent principal ou un arbitre.

[. . .]

(3) En cas de remise de l'attestation prévue au paragraphe (1), le ministre es t tenu:

a) d'une part, d'en transmettre sans délai un double à la Cour fédérale pour qu'il soit décidé si l'attestation doit être annulée;

[. . .]

(4) Lorsque la Cour fédérale est saisie de l'attestation, le juge en chef de celle-ci ou le juge de celle- ci qu'il délègue pour l'application du présent article:

a) examine dans les sept jours, à huis clos, les renseignements secrets en matière de sécurité ou de criminalité dont le ministre et le solliciteur général ont eu connaissance et recueille les autres éléments de preuve ou d'information présentés par ces derniers ou en leur nom; il peut en outre, à la demande du ministre ou du solliciteur général, recueillir tout ou partie de ces éléments en l'absence de l'intéressé et du conseiller la représentant, lorsque, à son avis, leur communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes;

b) fournit à l'intéressé un résumé des informations dont il dispose, à l'exception de celles dont la communication pourrait, à son avis, porter atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes, afin de permettre à celui-ci d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu à l'attestation;

c) donne à l'intéressé la possibilité d'être entendu;

d) décide si l'attestation est raisonnable, compte tenu des éléments de preuve et d'information à sa disposition, et, dans le cas contraire, annule l'attestation;

e) avise le ministre, le solliciteur général et l'intéressé de la décision rendue aux termes de l'alinéa d).

(6) La décision visée à l'alinéa (4)d ) ne peut être portée en appel ni être revue par aucun tribunal.

Loi sur la preuve au Canada

38. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 38.01 à 38.15.

«instance» Procédure devant un tribunal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de contraindre la production de renseignements.

[. . .]

«juge» Le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de ce tribunal désigné par le juge en chef pour statuer sur les qu estions dont est saisi le tribunal en application de l'article 38.04.

[. . .]

«renseignements potentiellement préjudiciables» Les renseignements qui, s'ils sont divulgués, sont susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défens e ou à la sécurité nationales.

«renseignements sensibles» Les renseignements, en provenance du Canada ou de l'étranger, qui concernent les affaires internationales ou la défense ou la sécurité nationales, qui se trouvent en la possession du gouvernement d u Canada et qui sont du type des renseignements à l'égard desquels celui-ci prend des mesures de protection.

[. . .]

38.04 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment et en toutes circonstances, demander à la Cour fédérale de rendre une ordonn ance portant sur la divulgation de renseignements à l'égard desquels il a reçu un avis au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4).

(2) Si, en ce qui concerne des renseignements à l'égard desquels il a reçu un avis au titre de l'un des paragraphes 38.01(1) à (4), le procureur général du Canada n'a pas notifié sa décision à l'auteur de l'avis en conformité avec le paragraphe 38.03(3) ou, sauf par un accord conclu au titre de l'article 38.031, il a autorisé la divulgation d'une part ie des renseignements ou a assorti de conditions son autorisation de divulgation:

a) il est tenu de demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements si la personne qui l'a avisé au titre des paragraphes 38.01(1) ou (2) est un témoin;

b) la personne--à l'exclusion d'un témoin--qui a l'obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d'une instance est tenue de demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements;

c) la personne qui n'a pas l'obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d'une instance, mais qui veut en divulguer ou en faire divulguer, peut demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements.

[. . .]

38.06 (1) Le juge peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements, sauf s'il conclut qu'elle porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

(2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifien t la non-divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d'un résumé de ceux-ci ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés.

(3) Dans le cas où le juge n'autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (1) ou (2), il rend une ordonnance confirmant l'interdiction de divulgation.

Code criminel

83.05 (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, établir une liste sur laquelle il ins crit toute entité dont il est convaincu, sur la recommandation du solliciteur général du Canada, qu'il existe des motifs raisonnables de croire:

a) que, sciemment, elle s'est livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l'a facilitée;

b) que, sciemment, elle agit au nom d'une entité visée à l'alinéa a), sous sa direction ou en collaboration avec elle.

[. . .]

(2) Le solliciteur général, saisi d'une demande écrite présentée par une entité inscrite, décide s'il a des motifs r aisonnables de recommander ou non au gouverneur en conseil de radier celle-ci de la liste.

[. . .]

(4) Il donne sans délai au demandeur un avis de la décision qu'il a rendue ou qu'il est réputé avoir rendue relativement à la demande.

(5) Dans les soixante jours suivant la réception de l'avis, le demandeur peut présenter au juge une demande de révision de la décision.

(6) Dès qu'il est saisi de la demande, le juge procède de la façon suivante:

a) il examine à huis clos les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité qui ont été pris en considération pour l'inscription du demandeur sur la liste et recueille les autres éléments de preuve ou d'information présentés par le solliciteur général ou en son nom; il peut, à la demande de celui-ci, recueillir tout ou partie de ces éléments en l'absence du demandeur ou de son avocat, s'il estime que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui;

b) il fournit au demandeur un résumé de l'information dont il dispose--sauf celle dont la divulgation pourrait, à son avis, porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui--afin de lui permettre d'être suffisamment informé des motifs de la décision;

c) il donne au demandeur la possibilité d'être entendu;

d) il décide si la décision est raisonnable compte tenu de l'information dont il dispose et, dans le cas où il décide que la décision n'est pas raisonnable, il ordonne la radiation.

[. . .]

(11) Au présent article, «juge» s'entend du j uge en chef de la Cour fédérale ou du juge de cette juridiction désigné par celui-ci.

83.06 (1) Pour l'application du paragraphe 83.05(6), procédant à huis clos et en l'absence du demandeur ou de son avocat:

a) le solliciteur général du Canada peut présenter au juge une demande en vue de faire admettre en preuve des renseignements obtenus sous le sceau du secret du gouvernement d'un État étranger ou d'une organisation internationale d'États, ou de l'un de leurs organismes;

b) le juge examine les renseignements et accorde à l'avocat du solliciteur général la possibilité de lui présenter ses arguments sur la pertinence des renseignements et le fait qu'ils ne devraient pas être communiqués au demandeur ou à son avocat parce que la communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui.

(2) Ces renseignements sont renvoyés à l'avocat du solliciteur général et ne peuvent servir de fondement à la décision rendue au titre de l'alinéa 83.05(6)d ) dans les cas suivants:

a) le juge décide qu'ils ne sont pas pertinents;

b) le juge décide qu'ils sont pertinents, mais qu'ils devraient faire partie du résumé à fournir au titre de l'alinéa 83.05(6)b);

c) le solliciteur général retire la demande.

(3) Si le juge décide que ces renseignements sont pertinents, mais que leur communication au titre de l'alinéa 83.05(6)b ) porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui, il les exclut du résumé, mais peut s'en servir comme fondement de la décision qu'il rend au ti tre de l'alinéa 83.05(6)d ).

Loi sur l'accès à l'information

13. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements obtenus à titre confidentiel:

a) des gouvernements des États étrangers ou de leurs organismes;

b) des organisations internationales d'États ou de leurs organismes;

[. . .]

15. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des rense ignements dont la divulgation risquerait vraisembla-blement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d'activités hostiles ou subversives [. . .]

[. . .]

52. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur les cas où le refus de donner communication totale ou partielle du document en litige s'appuyait sur les alinéas 13(1)a ) ou b) ou sur l'article 15 so nt exercés devant le juge en chef de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu'il charge de leur audition.

(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a lieu dans la région de la capitale nationale définie à l'annexe de la Loi sur la capitale nationale si le responsable de l'institution fédérale concernée le demande.

(3) Le responsable de l'institution fédérale concernée a, au cours des auditions, en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l'absence d'une autre partie.

Loi sur la protection des renseignements personnels

19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) qui ont été obtenus à titre confidentiel:

a) des gouvernements des États étrangers ou de leurs organismes;

b) des organisations internationales d'États ou de leurs organismes;

[. . .]

21. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) dont la divulgation risquerait vraisemblablement de por ter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada, au sens du paragraphe 15(2) de la Loi sur l'accès à l'information, ou à ses efforts de détection, de prévention ou de répression d'activités hostiles ou subversives, au sens du paragraphe 15(2) de la même loi, notamment les renseignements visés à ses alinéas 15(1)a ) à i ).

[. . .]

51. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur les cas où le refus de donner communica tion de renseignements personnels est lié aux alinéas 19(1)a ) ou b) ou à l'article 21 et sur les cas concernant la présence des dossiers dans chacun desquels dominent des renseignements visés à l'article 21 dans des fichiers inconsultables classés comme te ls en vertu de l'article 18 sont exercés devant le juge en chef de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu'il charge de leur audition.

(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a lieu dans la région de la capitale nationale définie à l'annexe de la Loi sur la capitale nationale si le responsable de l'institution fédérale concernée le demande.

(3) Le responsable de l'institution fédérale concernée a, au cours des auditions en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l'absence d'une autre partie.

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