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A-48-04

2005 CAF 5

Alliance de la fonction publique du Canada (appelante)

c.

Sa Majesté la Reine (intimée)

Répertorié: Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Décary, Sharlow et Malone, J.C.A.--Ottawa, 16 novembre 2004 et 6 janvier 2005.

GRC -- L'art. 10 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada a-t-il été violé par des ententes portant sur les services municipaux de police qui autorisent les municipalités à employer du personnel civil de soutien qui n'a pas été nommé en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP)? -- Qui est le personnel civil nécessaire à l'exercice des attributions de la GRC? -- Examen des attributions de la GRC en tant que force de police au Canada -- Tâches des employés de soutien -- La Loi et le Règlement n'appuient pas la position de la Couronne selon laquelle les tâches effectuées par la GRC en vertu d'une entente municipale ne sont pas des «attributions» de la GRC puisqu'elles ne font pas partie de son mandat principal -- Il ne faut pas interpréter l'art. 10 de la Loi «d'une manière restrictive» pour en assurer la constitutionnalité.

Fonction publique -- Relations du travail -- Le syndicat cherche à obtenir un jugement déclarant que l'art. 10 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada est violé par les ententes portant sur les services municipaux de police qui autorisent les municipalités à employer du personnel civil de soutien qui n'a pas été nommé en vertu de la LEFP et qui n'est donc pas obligé d'adhérer au syndicat -- Explication des ententes sur les services municipaux de police et les tâches des employés de soutien -- La Cour a rejeté l'argument de la Couronne selon lequel l'art. 10 conférait une certaine flexibilité lors de la nomination du personnel -- Le législateur voulait que les services nécessaires à l'exercice des attributions de la GRC (autres que les services fournis par ses membres) soient fournis par des personnes nommées en vertu de la LEFP -- Le juge Décary, J.C.A. (dissident): La Cour doit hésiter à s'ingérer dans des décisions gouvernementales qui ont été prises pour des motifs d'ordre politique, économique et social.

Il s'agissait d'un appel d'une décision rendue par la Cour fédérale accordant la requête en jugement sommaire présentée par la Couronne et rejetant l'action introduite en vue d'obtenir un jugement déclarant que l'article 10 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada était violé par des ententes portant sur les services municipaux de police qui autorisaient les municipalités à employer du personnel civil de soutien qui n'avait pas été nommé en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) et qui, par conséquent, ne pouvait être contraint d'adhérer au syndicat. La question en litige était l'interprétation de l'article 10 qui prévoit que la nomination du personnel civil nécessaire à l'exercice des attributions de la GRC est régie par la LEFP. Ces employés désignés en vertu de la LEFP comme employés civils de la GRC sont assujettis à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'appelante. Le syndicat a prétendu que, en vertu des ententes sur les services municipaux de police, la GRC a recours à des employés civils qui n'ont pas été nommés en vertu de la LEFP. Pour régler le litige, la Cour devait décider qui était le «personnel civil nécessaire à l'exercice des attributions» de la GRC en vertu de l'article 10. Pour ce faire, il fallait préciser les attributions de la GRC telles qu'établies dans la Loi et le Règlement de la GRC. La GRC, en tant que force de police nationale, est responsable de l'application, partout au Canada, des lois fédérales, notamment la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur les infractions en matière de sécurité. Elle enquête sur le crime organisé, elle assure la protection des hauts fonctionnaires du gouvernement, elle recueille et diffuse des renseignements concernant l'administration du droit pénal par l'entremise du Centre d'information de la police canadienne et elle est responsable des laboratoires judiciaires. Cependant, la GRC n'est pas chargée de l'application des lois provinciales ni des règlements municipaux et elle n'applique pas non plus le Code criminel du Canada sauf si elle est autorisée à le faire par la province ou la municipalité et, selon l'alinéa 17c) du Règlement de la GRC, la GRC ne peut agir à moins qu'un arrangement qui respecte les exigences de l'article 20 de la Loi sur la GRC ne soit intervenu.

Selon des ententes sur les services municipaux de police entre le gouvernement du Canada et Antigonish (Nouvelle- Écosse) et Humboldt (Saskatchewan), les municipalités devaient fournir leurs propres employés pour appuyer le travail de la GRC comme force de police municipale et la GRC devait fournir ses propres employés de soutien pour remplir son mandat fédéral. Les termes de ces ententes étaient différents de ceux des ententes intervenues avec les provinces de Nouvelle-Écosse et de Saskatchewan. Selon ces dernières ententes, il n'a pas été contesté que les employés civils de la GRC faisaient partie de la fonction publique fédérale, même s'ils offraient des services liés aux forces de police provinciales. Au détachement d'Antigonish, l'un des trois commis civils n'avait pas été nommé en vertu de la LEFP, alors que dans le détachement de Humbolt, l'un des deux commis civils n'avait pas été nommé en vertu de la Loi. Les employés de soutien préparent les dossiers à l'intention des officiers qui comparaissent devant la cour, vérifient les antécédents de certaines personnes, assurent les fonctions de répartition et maintiennent des systèmes d'archivage relatifs aux vols et au matériel volé. Selon la preuve, les employés de soutien municipaux partageaient leurs tâches avec les employés du gouvernement fédéral.

L'argument de la Couronne, retenu par la Cour fédérale, était que, aux fins de l'article 10, les «attributions» de la GRC ne comprenaient que les activités qui faisaient partie de son «mandat principal», c'est-à-dire les attributions qu'exercerait la GRC même en l'absence d'une entente provinciale ou municipale sur les services de police. Ainsi, l'application du Code criminel dans les provinces et l'application des lois provinciales et municipales en vertu d'ententes sur les services de police ne feraient pas partie du mandat principal de la GRC.

Arrêt (le juge Décary, J.C.A., dissident): l'appel est accueilli.

La juge Sharlow, J.C.A. (le juge Malone souscrivant à ses motifs): La Cour d'appel a rejeté la conclusion de la Cour fédérale. Rien dans la Loi ni dans le Règlement de la GRC n'appuyait la proposition de la Couronne selon laquelle le travail de la GRC en vertu d'une entente municipale sur les services de police n'était pas une «attribution» de la GRC, tout simplement parce que cela ne faisait pas partie de son mandat principal. Le travail était effectué en vertu de la Loi sur la GRC et de l'alinéa 17c) du Règlement. Selon l'article 20 de la Loi sur la GRC, la GRC peut agir en tant que force de police provinciale ou municipale. La Constitution ne permettait aucune autre interprétation de l'article 10.

Nonobstant le paragraphe 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867, il est bien établi que l'organisation et la gestion de la GRC, même en rapport avec ses activités en tant que force de police provinciale, relèvent de la seule autorité législative du Parlement. Il n'était pas nécessaire d'interpréter l'article 10 «d'une manière restrictive» pour en assurer la constitutionnalité. Apparemment, ni la Nouvelle-Écosse ni la Saskatchewan n'avait de préoccupation d'ordre constitutionnel en rapport avec le présent litige puisque, même si les deux provinces en avaient été avisées, aucune d'elles n'avait été partie à l'instance.

L'argument de la Couronne, selon lequel l'objet des quelques 48 dispositions de lois fédérales qui contiennent des termes semblables à ceux de l'article 10 était d'accorder une certaine flexibilité en précisant qui avait le pouvoir de nommer des personnes à certains postes en particulier, a été rejeté. L'article 10 de la Loi sur la GRC et toutes les autres dispositions semblables qui ont été citées sont très peu flexibles. Le législateur, en adoptant l'article 10, voulait que les services «nécessaires à l'exercice des attributions» de la GRC (autres que les services fournis par ses membres) soient fournis par des personnes nommées en vertu de la LEFP.

Par conséquent, le syndicat avait droit à un jugement déclarant que l'article 10 avait été violé par les ententes en cause portant sur des services municipaux de police dans la mesure où elles autorisaient des personnes qui n'avaient pas été nommées en vertu de LEFP à fournir des services qui étaient nécessaires à l'exercice des attributions de la GRC comme service municipal de police.

Le juge Décary, J.C.A. (dissident): La question qui se posait à la Cour concernait les arrangements exécutifs, c'est-à-dire les arrangements conclus entre le gouvernement fédéral (par opposition à la GRC) et un gouvernement municipal dûment autorisé par un gouvernement provincial. La Loi ne prévoit aucune exigence relativement à l'emploi d'un personnel civil dans le cadre de tels arrangements. Dans le domaine des forces municipales de police qui sont strictement de compétence provinciale, en l'absence d'un texte légal exprès, il ne peut être conclu que la loi fédérale dicte les conditions en vertu desquelles les gouvernements provinciaux peuvent conclure ces ententes. La Cour doit beaucoup hésiter à s'ingérer dans des décisions gouvernementales qui, selon elle, ont été prises pour des motifs d'ordre politique, économique ou social.

En outre, s'il faut retenir la position du syndicat, la Cour devrait reformuler les ententes dans le but notamment d'élaborer de nouvelles formules pour le calcul des coûts.

lois et règlements cités

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.

Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 68.

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 92(14).

Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22.

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19.

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, art. 3, 9 (mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 4), 10, 18, 20.

Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33.

Loi sur les infractions en matière de sécurité, L.R.C. (1985), ch. S-7.

Police Act, R.S.N.S. 1989, ch. 348.

Police Act, 1990 (The), S.S. 1990-91, ch. P-15.01.

Police Act, 1973 (The), S.A. 1973, ch. 44.

Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361, art. 17 (mod. par DORS/94-219, art. 5).

jurisprudence citée

décisions appliquées:

O'Hara c. Colombie-Britannique, [1987] 2 R.C.S. 591; (1987), 45 D.L.R. (4th) 527; [1988] 1 W.W.R. 216; 19 B.C.L.R. (2d) 273; 38 C.C.C. (3d) 233; 80 N.R. 127; Alberta (Procureur général) c. Putnam, [1981] 2 R.C.S. 267; (1981), 28 A.R. 387; 123 D.L.R. (3d) 257; [1981] 6 W.W.R. 217; 62 C.C.C. (2d) 51; 37 N.R. 1.

APPEL d'une décision de la Cour fédérale ((2004), 244 F.T.R. 190, 2004 CF 13) accordant un jugement sommaire rejetant l'action intentée par un syndicat en vue d'obtenir un jugement déclarant que la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada était violée par des ententes portant sur les services municipaux de police en vertu desquelles des postes de soutien étaient comblés par des employés qui n'étaient pas syndiqués. Appel accueilli.

ont comparu:

David Yazbeck pour l'appelante.

Alain Préfontaine pour l'intimée.

avocats inscrits au dossier:

Raven, Allen, Cameron, Ballantyne & Yazbeck, LLP, Ottawa, pour l'appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]La juge Sharlow, J.C.A.: L'Alliance d e la fonction publique du Canada interjette appel de la décision Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (2004), 244 F.T.R. 190, rendue par la Cour fédérale et datée du 8 janvier 2004. La Cour fédérale a rendu sa décision suite à la requête en jugement sommaire présentée par la Couronne et elle a rejeté l'action introduite par l'Alliance de la fonction publique du Canada en vue d'obtenir un jugement déclaratoire et d'autres mesures de redressement. L'Alliance de la fonction publique du Canada p rétend que l'article 10 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada , L.R.C. (1985), ch. R-10 (la Loi de la GRC), est violé par des ententes portant sur les services municipaux de police qui autorisent les municipalités à employer du personnel civil qui a ssure les services de soutien à la GRC. Les faits ne sont pas contestés; cependant, les parties ne s'entendent pas sur l'interprétation de l'article 10 de la Loi sur la GRC.

[2]La GRC peut avoir besoin, dans l'exercice de ses attributions, d'un personnel civil, c'est-à -dire de personnes qui ne sont ni membres ni officiers de la GRC. La nomination et l'emploi de personnel civil, par la GRC, font l'objet de l'article 10 de la Loi sur la GRC qui prévoit:

10. (1) Sous réserve du paragraphe (2), la nomination et l'emploi du personnel civil nécessaire à l'exercice des attributions de la Gendarmerie sont régis par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

(2) Le commissaire peut employer du personnel civil temporaire, dans les limites et les conditions de rémunération ou autres fixées par le Conseil du Trésor. Il a, à son égard, tout pouvoir de congédiement ou de renvoi.

[3]La Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, régit l'emploi de la plupart des membres de la fonction publique fédérale. Elle prévoit notamment des normes de classification des postes de la fonction publique, la procédure d'emploi relative aux conc ours fondés sur le mérite et aux autres nominations, ainsi que la procédure applicable aux mesures disciplinaires, au congédiement et au règlement des différends.

[4]Sous réserve de certaines exceptions qui ne sont pas pertinentes en l'espèc e, toute personne désignée en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique comme employé civil de la GRC est assujettie à une convention collective conclue entre le Conseil du Trésor à titre d'employeur et l'Alliance de la fonction publique du Ca nada à titre d'agent de négociation des employés.

[5]L'Alliance de la fonction publique du Canada prétend que, en vertu des ententes sur les services municipaux de police en cause, la GRC a recours aux services de personnes qui n'ont pas été nommées en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique mais qui auraient dû l'être. La Couronne n'est pa s d'accord. Pour régler le litige, il faut décider qui est le personnel civil nécessaire à l'exercice des attributions de la GRC. Pour ce faire, il faut préciser les attributions de la GRC, lesquelles dépendent de la loi applicable à la GRC, à savoir la Lo i de la GRC et le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-361 (le Règlement de la GRC).

[6]La GRC, qui a remplacé la Police à cheval du Nord-Ouest créée par une loi du Parlement il y a plus de 130 ans, est la force de po lice du Canada, conformément à l'article 3 de la Loi sur la GRC qui est ainsi libellé:

3. Est maintenue pour le Canada une force de police composée d'officiers et autres membres et appelée Gendarmerie royale du Canada.

[7]Pour que la GRC soit efficace en tant que force de police au Canada, les officiers et autres membres de la GRC ont qualité d'agent de la paix partout au Canada. Cette situation est prévue à l'article 9 [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 4] de la Loi sur la GRC qui dit:

9. Les officiers ont qualité d'agent de la paix partout au Canada, avec les pouvoirs et l'immunité conférés de droit aux agents de la paix, au même titre que les personnes désignées comme telles en vertu du paragraphe 7(1), jusqu'à leur renvoi o u leur congédiement de la Gendarmerie dans les conditions prévues par la présente loi, ses règlements ou les consignes du commissaire ou jusqu'à l'expiration ou la révocation de leur nomination.

[8]Les membres qui ont qualité d'agent de la paix de la GRC sont tenus de remplir certaines fonctions qui sont décrites plus précisément à l'article 18 de la Loi sur la GRC qui prévoit:

18. Sous réserve des ordres du commissaire, les membres qui ont qualité d'agent de la paix sont tenus:

a) de remplir toutes les fonctions des agents de la paix en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, ainsi que l'arrestation des criminels, des contrevenants et des autres personnes pouvant être légalement mises sous garde;

b) d'exécuter tous les mandats--ainsi que les obligations et services s'y rattachant--qui peuvent, aux termes de la présente loi, des autres lois fédérales ou de celles en vigueur dans une province, légalement l'être par des agents de la paix;

c) de remplir toutes les fonctions qui peuvent être légalement exercées par des agents de la paix en matière d'escorte ou de transfèrement de condamnés, ou d'autres personnes sous garde, à destination ou à partir de quelque lieu que ce soit: tribunal, asile, lieu de punition ou de détention, ou autre;

d) d'exercer les autres attributions déterminées par le gouverneur en conseil ou le commissaire.

[9]L'article 18 de la Loi sur la GRC est complété par l'article 17 [mod. par DORS/94-219, art. 5] du Règlement de la GRC qui prévoit:

17. En plus des fonctions prévues par la Loi, les membres qui sont agents de la paix doivent:

a) faire respecter les lois fédérales et leurs règlements d'application et prêter aux ministères du gouvernement du Canada l'aide qu'ordonne le ministre;

b) faire respecter la loi et régner l'ordre dans le territoire du Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi que dans les parcs nationaux et autres régions désignées par le ministre;

c) faire respecter la loi et régner l'ordre dans les provinces et les municipalités avec lesquelles le ministre a conclu des arrangements en vertu de l'article 20 de la Loi et exercer les autres fonctions qui y sont prévues;

d) assurer la surveillance et la protection des bâtiments, installations, chantiers navals et autres biens de Sa Majesté du chef du Canada désignés par le ministre.

[10]Les alinéas 17a ), b) et d) du Règlement de la GRC visent plusieurs fonctions policières fédérales en ce sens qu'elles s'exercent partout au Canada et qu'elles sont régies par les lois fédérales. Selon le mandat fédéral qui lui a été confié, la GRC fait respecter les lois fédérales et offre ses services aux ministères du gouvernement fédéral chargés de l'application des lois qui prévoient des sanctions pénales, notamment la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19; la Loi sur les infractions en matière de sécurité, L.R.C. (1985), ch. S-7; la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs , L.C. 1994, ch. 22; ainsi que la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1. La GRC a également plusieurs activités de maintien de l'ordre partout au Canada. Par exemple, elle enquête sur le crime organisé et les activités antiterroristes, elle assure la protection des hauts fonctionnaires du gouvernement et des fonctionnaires étrangers, el le assure la sécurité lors d'événements internationaux organisés par le gouvernement du Canada, elle recueille et diffuse des renseignements concernant l'administration du droit pénal (par l'entremise notamment du Centre d'information de la police canadien ne), et elle est responsable des laboratoires judiciaires, du Service de l'identité judiciaire et du Collège canadien de police.

[11]La GRC n'est pas chargée de l'application des lois provinciales ni des lois municipales, et elle n'applique pas non plus le Code criminel du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-46, dans une province, sauf si elle est autorisée, par la province ou la municipalité, à agir en tant que force de police provinciale ou municipale. Il en est ainsi parce que ces aspects du trav ail de la police relèvent du pouvoir législatif exclusif des provinces. En règle générale, toute province ou municipalité qui souhaite avoir recours à la GRC comme force de police provinciale ou municipale doit être autorisée à le faire en vertu des lois p rovinciales (voir par exemple, la Police Act, R.S.N.S. 1989, ch. 348, articles 10 à 17, et The Police Act, 1990 , S.S. 1990-91, ch. P-15.01, articles 18 à 36).

[12]Selon l'alinéa 17c ) du Règlement de la GRC, la GRC ne peut agir comme force de police provinciale ou municipale sans en avoir reçu l'autorisation en vertu d'un arrangement qui respecte les exigences de l'article 20 de la Loi sur la GRC. L'article 20 est ainsi libellé:

20. (1) Avec l'agrément du gouverneur en conseil, le ministre pe ut conclure, avec le gouvernement d'une province, des arrangements pour l'utilisation de la Gendarmerie, ou d'un élément de celle-ci, en vue de l'administration de la justice dans la province et de la mise en oeuvre des lois qui y sont en vigueur.

(2) Avec l'agrément du gouverneur en conseil et du lieutenant-gouverneur en conseil d'une province, le ministre peut conclure, avec toute municipalité de cette province, des arrangements pour l'utilisation de la Gendarmerie, ou d'un élément de celle-ci, en vue de l'administration de la justice dans la municipalité et de la mise en oeuvre des lois qui y sont en vigueur.

(3) Avec l'agrément du Conseil du Trésor, le ministre peut, dans le cadre des arrangements visés aux paragraphes (1) ou (2), convenir avec la provin ce ou la municipalité du montant à payer pour les services de la Gendarmerie.

(4) Les arrangements conclus aux termes des paragraphes (1) ou (2) peuvent prévoir le passage sous l'autorité de la Gendarmerie des officiers et autres membres des forces de pol ice provinciales ou municipales.

(5) Dans les quinze jours de la conclusion de l'un des arrangements visés aux paragraphes (1) ou (2), le ministre en fait déposer une copie devant le Parlement ou, s'il ne siège pas, dans les quinze jours de séance ultérie urs de l'une ou l'autre chambre.

[13]Voici maintenant les faits en cause. Des ententes portant sur les services de police sont en vigueur en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse. En outre, il existe également des ententes sur les services mun icipaux de police à Humboldt (Saskatchewan) et à Antigonish (Nouvelle-Écosse). Les deux ententes sur les services municipaux de police sont datées du 1er avril 1992 et sont valables pour 20 ans. En vertu des deux ententes, le gouvernement du Canada accepte de fournir un «service de police municipale» à la municipalité, service pour lequel la municipalité accepte de payer 70 p. 100 du coût ou, si la municipalité a une population de plus de 15 000 habitants, 90 p. 100 du coût.

[14]Les dispositions des ententes sur les services municipaux de police de Humboldt et d'Antigonish qui sont pertinentes en l'espèce sont les mêmes et sont ainsi libellées:

2.1 a)     Sous réserve des modalités de l'entente et conformément à ces modalités, le Canada fournira un Service de police municipal dans la municipalité pendant la durée de l'entente.

b)     Par la présente, le Canada est autorisé à fournir un Service de police municipal conformément aux termes de l'entente.

2.2 Les membres qui font partie du Service de police municipal doivent:

a)     remplir les fonctions d'agents de la paix;

b)     rendre les services nécessaires

i) au maintien de la paix, à la protection de la vie et de la propriété, à la préventio n du crime et des infractions aux lois fédérales et aux lois de la province, a l'arrestation des criminels des contrevenants et autres personnes pouvant être légalement mises sous garde;

ii) à l'exécution de tous les mandats--ainsi que des obligations et s ervices s'y rattachant--qui peuvent, aux termes des lois fédérales; provinciales ou des règlements municipaux, légalement être exécutés par des agents de la paix.

    [. . .]

2.4. La municipalité devra fournir le personnel de soutien nécessaire, sans que le Canada n'ait à en assumer le coût; le personnel de soutien devra répondre aux exigences de l'emploi et aux autres exigences connexes établies par le commissaire.

2.5 Si la municipalité fournit du personnel de soutien au Canada pour les services de police provinciaux ou fédéraux, le Canada devra payer à la municipalité les traitements des employés de soutien qui sont engagés à cette fin.

2.6 Si la municipalité ne fournit pas le personnel de soutien visé au paragraphe 2.4, le Canada pourra fournir le person nel de soutien et la municipalité devra payer la totalité de tous les coûts associés à ce personnel.

[15]L'expression «employés de soutien» (Support Staff ) est définie dans les ententes en ces termes:

«Employés de soutien»Toutes les personn es qui sont employées par la municipalité pour assurer le fonctionnement efficace d'un Service de police municipal, y compris les commis, les sténographes, les opérateurs de traitement de données et d'appareils de télécommunication, les gardiens, les matro nes et les concierges de prisons [. . .]

[16]L'expression «Service de police municipal» (Municipal Police Service ) est ainsi définie dans les ententes sur les services municipaux de police:

[. . .] l'ensemble des ressources et des membres que le Canada affecte à la prestation de services de police dans la municipalité visée par la présente entente; sont exclus les ressources et les membres qui sont principalement affectés:

i) aux services de police de nature nationale ou internationale, comme les laboratoires judiciaires, le système de données du Centre d'information de la police canadienne, le Service de l'identité judiciaire et le Collège canadien de police;

ii) aux services d'enquêtes relatives à la sécurité nationale;

iii) à la sécurité préventive, comme la sécurité dans les ambassades et les aéroports, et à la sécurité des personnes jouissant d'une protection internationale;

iv) aux services fournis aux ministères du gouvernement fédéral ou en leur nom;

v) aux services de police fournis selon les termes de l'Entente sur les services de police provinciaux.

[17]Il est évident que par suite de l'application combinée de ces dispositions, les villes de Humboldt et d'Antigonish doivent chacune fournir leurs propres employés pour appuyer le travail de la GRC comme force de police municipale et que la GRC doit fournir ses propres employés pour appuyer le travail de la GRC en vertu de son mandat fédéral.

[18]On peut comparer les modalités des ententes portant sur les services municipaux de police de Humboldt et d'Antigonish concernant les employés de soutien aux dispositions concernant les employés de soutien des ententes sur les services de police de Saskatchewan et de Nouvel le-Écosse. Ces dernières ententes n'ont aucune disposition équivalente aux articles 2.4, 2.5 ou 2.6 des ententes sur les services municipaux de police. Au contraire, les «employés de soutien» sont définis comme [traduction ] «Toutes les personnes qui sont e mployées par le Canada dans la province à titre de fonctionnaires ou d'employés occasionnels servant de soutien au service provincial de police et qui ne sont pas des membres». Il n'est pas contesté que, en vertu des ententes sur les services provinciaux d e police, les employés civils de la GRC font partie de la fonction publique fédérale même s'ils offrent des services liés aux forces de police provinciales.

[19]Dans ses motifs, le juge a décrit en détail les activités concrèt es des détachements de la GRC à Humboldt et à Antigonish. Je n'en ferai donc qu'un résumé. Les employés de soutien du détachement d'Antigonish de la GRC comprennent trois commis civils, dont deux nommés en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et un autre qui est un employé de la municipalité d'Antigonish. Dans le détachement de Humboldt de la GRC, il y a deux commis civils dont un employé nommé en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et un employé municipal.

[20]Les fonctions qu'exercent les employés de soutien municipaux et fédéraux des détachements de la GRC dans les deux municipalités sont à peu près identiques: ils rédigent les comptes rendus d'événements et répondent aux demandes de renseignements (qui peuvent se rapporter à des tâches fédérales, provinciales ou municipales); ils s'occupent de l'enregistrement des armes à feu (ce qui comporte la vérification des requérants et des armes); ils s'occupent du matériel radio et assurent les fonctions de répar tition; ils maintiennent les systèmes d'archivage (tels que les dossiers relatifs aux vols et au matériel volé, le paiement des amendes, les dossiers de la cour et les dossiers administratifs en ce qui concerne les dépenses et le temps supplémentaire); ils préparent les dossiers à l'intention des membres et des officiers qui comparaissent devant la cour; ils communiquent avec les membres du public qui se portent volontaires et ils vérifient les antécédents de certaines personnes.

[21]La Couronne reconnaît que les employés municipaux de Humboldt et d'Antigonish fournissent les employés de soutien nécessaires à l'exercice des attributions de la GRC en conformité avec les ententes portant sur les services municipaux de police, y compris les servi ces de soutien nécessaires à l'application de toutes les lois fédérales, provinciales et municipales en vigueur. Selon la preuve, les employés civils de soutien et les employés municipaux partagent leurs tâches avec les employés du gouvernement fédéral.

[22]En bref, l'Alliance de la fonction publique du Canada prétend que le travail de la GRC, en vertu d'une entente sur les services municipaux de police fait partie des «attributions» de la GRC et qu'il s'ensuit que tous les employés de soutie n nécessaires à l'exercice de ces fonctions doivent être nommés en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[23]L'argument de la Couronne, retenu par le juge, est que pour les fins de l'article 10 de la Loi sur la GRC, les «attributions» de la GRC ne comprennent que les activités qui font partie du «mandat principal» de la GRC. Selon moi, l'avocat de la Couronne a utilisé l'expression «mandat principal» pour qualifier les attributions qu'exercerait la GRC même en l'absence d'une entente provinciale ou municipale sur les services de police (c.-à -d. les attributions décrites au paragraphe 10 ci-dessus). Selon cette terminologie, il devient axiomatique de dire que l'application du Code criminel dans les provinces, ainsi que l'app lication des lois provinciales et municipales en vertu d'une entente municipale ou provinciale sur les services de police, ne font pas partie du mandat principal de la GRC.

[24]Je ne suis pas d'accord avec le juge. Je rejette l'argument de la Couronne à cet égard. Selon moi, rien dans la Loi sur la GRC ni dans le Règlement de la GRC n'appuie la proposition de la Couronne selon laquelle le travail de la GRC en vertu d'une entente sur les services municipaux de police n'est pas une «attribution» de la GRC, tout simplement parce que cela ne fait pas partie du mandat principal de la GRC (au sens du terme décrit dans le paragraphe précédent). Au contraire, il me semble que le travail de la GRC en tant que force de police municipale est nécessairement un travail effectué en vertu de la Loi sur la GRC et, en particulier, en vertu de l'alinéa 17c ) du Règlement de la GRC. Le fait que la GRC soit la force de police «pour le Canada» au sens de l'article 3 de la Loi sur la GRC, n'est pas incom patible avec cette conclusion.

[25]Selon l'article 20 de la Loi sur la GRC, la GRC peut agir en tant que force de police municipale ou provinciale, une fois les approbations requises obtenues et les ententes conclues. Même si l'article 20 au torise la conclusion d'ententes entre une municipalité et le solliciteur général, avec l'approbation du gouverneur en conseil, aux fins de faciliter la prestation de services de police à la municipalité, par la GRC, la disposition ne donne aucunement à pen ser que le solliciteur général est autorisé à conclure une entente qui ne respecte pas les dispositions de la Loi sur la GRC ou de toute autre loi du Parlement.

[26]Je ne suis pas convaincue, comme le juge l'a été, que l'aspect constitutionn el des services de police entraîne une interprétation différente de l'article 10 de la Loi sur la GRC. Je conviens avec l'avocat de la Couronne que le paragraphe 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867 , 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], confère à la législature de chaque province le pouvoir de légiférer relativement à l'administration de la justice pénale dans la province, ce qui comprendrait nécessairement l'organisation et la gestion d'une force de police provinciale. Toutefois, il est bien établi que les questions de discipline, d'organisation et de gestion de la GRC, même en rapport avec ses activités en tant que force de police provinciale, relèvent de la seule autorité législative du Parlement: O'Hara c. Colombie- Britannique, [1987] 2 R.S.C. 591. Si les services d'un employé civil sont en fait nécessaires pour l'exercice des attributions de la GRC lorsqu'ell e agit en tant que force de police municipale, alors l'emploi de cette personne est nécessairement un aspect de l'organisation et de la gestion de la GRC. Je ne saurais conclure qu'il faudrait interpréter l'article 10 de la Loi sur la GRC «d'une manière re strictive» pour en assurer la constitutionnalité.

[27]Cette conclusion trouve un certain appui dans l'arrêt Alberta (Procureur général) c. Putnam, [1981] 2 R.S.C. 267. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'Alberta ne pouvait pas appliquer les dispositions de The Police Act, 1973, S.A. 1973, ch. 44, en matière d'enquête pour examiner la conduite d'officiers de la GRC dans la province parce qu'il s'agissait d'une question de discipline et de gestion interne de la GRC, et que par conséquent, cette question ne relevait que de l'autorité fédérale. Le juge en chef Laskin, au nom de la majorité, a ajouté que le résultat serait le même que la plainte déposée contre les officiers soit liée à une enquête en vertu d'une loi fédéra le ou à l'application d'une loi provinciale ou d'un règlement municipal. Il a écrit à la page 277:

Il me paraît ni possible ni utile de diviser les fonctions d'application de la loi du détachement de la G.R.C. afin d'établir si à certains ég ards ses membres sont assujettis aux procédures de The Police Act, 1973 et si à d'autres égards ils ne le sont pas.

[28]Dans le même ordre d'idées, lorsqu'on examine la question de l'emploi du personnel civil nécessaire, qui est un aspect de l'organisation et de la gestion de la GRC, je ne vois aucune raison valide de distinguer les services de soutien liés à l'exécution d'une entente portant sur les services municipaux de police des services de soutien liés à d'autres activités de maintien d e l'ordre de la GRC.

[29]Le dossier ne contient aucune preuve que les provinces de Saskatchewan ou de Nouvelle-Écosse auraient des préoccupations d'ordre constitutionnel si tout le personnel civil qui fourni des services de soutien à la GRC, agissant en tant que service de police de la municipalité, devait être engagé en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Aucune des deux provinces n'est partie au présent appel et aucune d'elle n'a été partie à l'instance devant la Cour fédérale. Toutefois, l'avocat de la Couronne a signalé à la Cour que les deux provinces en ont été avisées.

[30]L'avocat de la Couronne a mentionné 48 dispositions de lois fédérales qui contiennent des termes semblables à ceux de l'article 10 de la Loi sur la GRC. À titre d'exemple, l'article 68 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, qui prévoit:

68. Le personnel nécessaire à l'exécution des travaux de l'Agence est nommé conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[31]L'avocat de la Couronne prétend que ces dispositions ont tout simplement pour objet de préciser, entre la Commission de la fonction publique et l'institution fédérale à laquelle la disposition s'applique, qui a le pouvoir de nommer des personnes à des postes précis. L'avocat prétend que la flexibilité inhérente à ces dispositions ne devrait pas être refusée aux municipalités qui choisissent d'avoir recours à la GRC comme service de police municipal. Je ne saurais accepter cet argument. Selon moi, l'article 10 de la Loi sur la GRC, l'article 68 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et toutes les autres dispositions semblables présentées à la Cour sont très peu flexibles.

[32]À mon avis, le législateur, en adoptant l'article 10 de la Loi sur la GRC, voulait que les services «nécessaires à l'exercice des attributions» de la GRC, autres que les services fournis par les membres de la GRC, soient fournis par des personnes nommées en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Il pourrait y avoir des cas où un litige se produirait relativement au caractère «nécessaire» de certains services, mais les faits dont ont convenu les parties en l'espèce ne soulèvent pas un tel lit ige concernant les employés municipaux qui offrent des services de soutien au détachement de la GRC à Humboldt (Saskatchewan) et à Antigonish (Nouvelle-Écosse).

[33]Je conclus que l'Alliance de la fonction publique du Canada a droit à un jug ement déclarant que l'article 10 de la Loi sur la GRC est violé par les dispositions des ententes portant sur les services municipaux de police conclues avec Antigonish (Nouvelle-Écosse) et Humboldt (Saskatchewan) qui autorisent des personnes qui ne sont p as membres de la GRC et qui n'ont pas été nommées en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, à fournir des services à la GRC qui sont nécessaires à l'exercice des attributions de la GRC comme service municipal de police. J'accueille le prés ent appel avec dépens dans notre Cour et dans la Cour fédérale. J'annule le jugement sommaire et je renvoie la question devant la Cour fédérale pour nouvel examen de toute demande que l'Alliance de la fonction publique du Canada pourrait vouloir présenter relativement à d'autres réparations, ainsi que les dépens.

Le juge Malone, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

    * * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[34]Le juge Décary, J.C.A. (dissident): J'ai lu la version préliminaire des motifs préparée par ma collègue, la juge Sharlow. Je me fonde sur son exposé des faits, ainsi que sur les dispositions des lois et contrats pertinents. J'ai tiré une conclusion contraire en passant par un chemin plus court .

[35]En vertu du paragraphe 20(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (la Loi sur la GRC), le solliciteur général du Canada peut conclure, avec l'agrément du gouverneur en conseil et du lieutenant-gouverneur en cons eil d'une province, des arrangements avec une municipalité de la province «pour l'utilisation de la Gendarmerie [. . .] en vue de l'administration de la justice dans la municipalité». En vertu du paragraphe 20(3), le solliciteur général peut convenir avec la municipalité du montant à payer pour les services de la Gendarmerie. En vertu du paragraphe 20(4), les arrangements peuvent prévoir le passage sous l'autorité de la Gendarmerie des officiers et autres membres des forces de police provinciales ou munici pales.

[36]L'article 20 ne mentionne pas le personnel civil de la GRC (qui, en vertu de la Loi sur la GRC, ne fait pas partie de la «force») ni les employés de la municipalité. L'enjeu, ici, concerne des arrangements exécutifs, c'est-à -dire des arrangements entre le gouvernement fédéral (par opposition à la GRC) d'une part, et un gouvernement municipal dûment autorisé par son gouvernement provincial, d'autre part. La Loi ne prévoit aucune exigence relativement à l'emploi ou à l'utilisation d'un personnel civil dans le cadre d'arrangements exécutifs qui lient les gouvernements provinciaux ou municipaux ou qui lient le gouvernement fédéral à cet égard. Le gouvernement fédéral doit, bien entendu, en conformité avec l'article 10 de la Loi sur la G RC, veiller à ce que, selon ces ententes, la «nomination et l'emploi» du personnel civil de la GRC soient régis en conformité avec la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Toutefois, il n'est pas nécessaire, dans tels arrangements, que le personnel c ivil soit uniquement nommé ou employé par la GRC. Dans le domaine des forces municipales de police qui est strictement de compétence provinciale, je ne suis pas disposé à conclure, en l'absence d'un texte légal exprès, que la loi fédérale dicte les conditi ons en vertu desquelles les gouvernements provinciaux peuvent conclure ces ententes. L'article 20 ne précise ni la forme ni l'étendue du service visé au paragraphe 20(2)) que doit donner la GRC. Il prévoit, sans l'imposer, «le passage sous l'autorité de la Gendarmerie» des forces de police municipales. Elle n'empêche pas la coexistence de forces de police fédérales et municipales, chacune ayant sa propre entité distincte.

[37]Il n'est pas soutenu, en l'espèce, que le gouvernement fédéral a co nclu ces ententes afin d'éviter l'application de l'article 10 de la Loi sur la GRC. Bien au contraire, selon mon interprétation des ententes, le gouvernement fédéral a fait de son mieux pour veiller à ce que le personnel civil à l'emploi de la GRC ou les e mployés civils qui sont principalement assignés aux services de police nationaux soient traités comme des fonctionnaires fédéraux et assimilés à tels fonctionnaires.

[38]Comme le souligne ma collègue, les gouvernements fédéral et provinciaux ont conclu des ententes qui traitent le personnel civil d'une manière différente selon que ces employés oeuvrent au sein des forces provinciales ou au sein des forces municipales. Les parties n'ont produit aucune preuve qui explique pourquoi les parties co ntractantes en ont décidé ainsi, mais selon moi, elles avaient le droit de le faire. J'hésiterais beaucoup à m'ingérer dans des décisions gouvernementales qui, vraisemblablement, ont été prises pour des motifs d'ordre politique, économique ou social.

[39]Enfin, s'il faut retenir la position de l'Alliance de la fonction publique du Canada, il faudrait reformuler les modalités de toutes les ententes, effacer la notion d'employés municipaux, élaborer de nouvelles formules pour le calcul des coût s, etc., tout cela dans le contexte d'une procédure dans laquelle l'invalidité des ententes n'est pas sollicitée et qui, quoi qu'il en soit, ne met pas en cause les gouvernements provinciaux et municipaux qui sont parties aux ententes et qui, on nous l'a d it, appuient la décision contestée.

[40]Par conséquent, en fin de compte, j'en arrive à la conclusion que l'article 10 de la Loi sur la GRC s'applique au personnel civil nommé ou employé par le commissaire de la GRC et qu'il ne s'applique pa s au personnel civil nommé ou employé par une municipalité en vertu d'une entente conclue par le solliciteur général en conformité avec l'article 20 de la Loi sur la GRC.

[41]Je rejetterais l'appel avec dépens.

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