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T-1080-04

2004 CF 1754

Yves Bourbonnais (demandeur)

c.

Le procureur général du Canada (défendeur)

Répertorié: Bourbonnais c. Canada (Procureur général) (C.F.)

Cour fédérale, juge Noël--Montréal, 3 novembre; Ottawa, 17 décembre 2004.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Jugements déclaratoires -- Le demandeur est un ex-commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) qui est accusé de différentes infractions criminelles qui auraient eu lieu pendant qu'il était membre actif de ladite Commission -- La CISR a refusé d'assumer les frais judiciaires relatifs à la défense du demandeur en se basant sur la Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers -- Le demandeur sollicite des jugements déclarant qu'un commissaire de la CISR siégeant à la Section d'appel de l'immigration dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure sur toute question relative à sa compétence, qu'il n'est pas un fonctionnaire et que la Politique concernant les services juridiques ne s'applique pas -- L'applicabilité aux tribunaux administratifs du principe de l'indépendance judiciaire associé à un tribunal judiciaire est déterminée par la loi habilitante du tribunal administratif en question -- Examen des dispositions de l'ancienne et de la nouvelle lois sur l'immigration concernant l'inamovibilité, la sécurité financière d'un commissaire de la CISR et l'indépendance institutionnelle -- Un membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR ne dispose pas des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure détient en vertu de l'indépendance judiciaire -- Il n'est pas un fonctionnaire du gouvernement fédéral.

Juges et tribunaux -- Il s'agissait de savoir si un ex-membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR bénéficie de toutes les caractéristiques associées à l'indépendance judiciaire -- Dans le but d'articuler le principe de l'indépendance judiciaire, les tribunaux ont reconnu trois caractéristiques d'importance: l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle -- L'indépendance judiciaire est établie à un haut degré pour un juge de cour supérieure et à un moindre degré pour le membre de la CISR -- Examen des lois habilitantes (ancienne et nouvelle lois sur l'immigration) -- L'inamovibilité et la sécurité financière du commissaire de la CISR ne se comparent pas à celles d'un juge de cour supérieure -- Le commissaire de la CISR ne dispose pas des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure détient en vertu de l'indépendance judiciaire.

Droit constitutionnel -- Principes fondamentaux -- Séparation des pouvoirs -- Examen du principe et des caractéristiques de l'indépendance judiciaire--S'applique-t-elle aux tribunaux administratifs? -- Nécessité d'examiner la loi habilitante -- Analyse de l'ancienne et de la nouvelle lois sur l'immigration en ce qui a trait à l'inamovibilité, à la sécurité financière et à l'indépendance institutionnelle -- Un membre de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ne dispose pas des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure détient en vertu de l'indépendance judiciaire.

Couronne -- Pratique -- Le demandeur a demandé à la CISR d'assumer les frais judiciaires de sa défense après avoir été accusé de différentes infractions criminelles qui auraient eu lieu pendant qu'il était membre actif de la Commission -- La Commission a refusé de payer en se basant sur la Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation des services juridiques à ces derniers -- L'indépendance judiciaire associée aux commissaires de la CISR n'inclut pas un droit absolu au paiement par celle-ci des frais judiciaires d'un commissaire à la retraite qui est poursuivi pour des faits et gestes qui ont eu lieu pendant qu'il exerçait ses fonctions de commissaire.

Fonction publique -- La Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers s'applique à un ex-membre de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en tant que particulier nommé par le gouverneur en conseil et non en tant que fonctionnaire.

Il s'agissait d'une demande en vue d'obtenir un jugement déclarant qu'un commissaire de la CISR siégeant à la Section d'appel de l'immigration dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure sur toute question relative à sa compétence, qu'il n'est pas un fonctionnaire et que la Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers (la Politique concernant les services juridiques) ne s'applique pas. En octobre 1996, le demandeur a été nommé membre à temps plein de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) à titre inamovible par le gouverneur général en conseil pour une période de quatre ans. Son mandat à temps plein a été renouvelé pour une période de trois ans se terminant le 27 octobre 2003, mais comme membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR en vertu des articles 60 et 61 de l'ancienne Loi sur l'immigration. Le 1er novembre 2001, après une perquisition menée au bureau de la CISR à Montréal, le président a informé le demandeur qu'il était en congé avec solde pendant l'enquête. Ce n'est que le 18 mars 2004 que 97 chefs d'accusation ont été émis contre le demandeur en application du Code criminel. Les chefs portaient sur des faits et gestes qui se sont échelonnés entre le 26 mai 2000 et le 25 octobre 2001 et dont la très grande partie ont eu lieu pendant que le demandeur était membre de la Section d'appel de l'immigration. Le demandeur a demandé à la CISR d'assumer les frais judiciaires de sa défense. La CISR a refusé en se basant sur la Politique concernant les services juridiques. Après avoir été informé du refus de sa demande dans une lettre du 1er juin 2004, le demandeur a déposé une demande de jugement déclaratoire. Il a été convenu que l'ancienne Loi sur l'immigration devrait s'appliquer, étant donné que les gestes et actes ont eu lieu avant que la nouvelle Loi ait été promulguée et alors que le demandeur était assujetti aux dispositions de l'ancienne Loi. Cependant, les mêmes dispositions se retrouvent dans les deux lois et sont rédigées sensiblement de la même manière, à l'exception de l'article 156 de la nouvelle loi concernant l'immunité, qui n'existe pas dans l'ancienne loi. Deux grandes questions ont été soulevées: 1) est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure détient en vertu de l'indépendance judiciaire? 2) ce commissaire a-t-il le droit d'exiger que la CISR assume les coûts de sa défense lorsqu'il est accusé d'avoir commis des actes criminels alors qu'il était commissaire à la CISR, même si les accusations ont été portées alors qu'il était à la retraite?

Jugement: la demande doit être rejetée.

1) En général, la Constitution canadienne est à l'origine de l'existence des tribunaux judiciaires, tandis que le législateur est le créateur des tribunaux administratifs. Des trois pouvoirs issus de la Constitution, soit l'exécutif, le législatif et le judiciaire, le tribunal judiciaire fait partie de ce dernier, tandis qu'un tribunal administratif peut varier entre l'exécutif et le judiciaire selon la loi qui l'a créé et les attributs qui lui sont donnés. Le principe de l'indépendance judiciaire existe pour assurer une démarcation claire et précise entre l'exécutif et le judiciaire et pour garantir que, tant sur le plan personnel qu'institutionnel, il y a une indépendance réelle démontrant à la personne raisonnable et renseignée que l'exécutif ne peut avoir aucune influence directe ou indirecte tant sur le juge que sur le tribunal comme institution. Dans le but d'articuler ce principe d'indépendance judiciaire, les tribunaux ont reconnu trois caractéristiques d'importance: l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle. Dans la présente affaire, il fallait se demander si le principe d'indépendance judiciaire et ses caractéristiques associés à un tribunal judiciaire sont applicables aux tribunaux administratifs. L'applicabilité de ce principe aux tribunaux administratifs ne se fait pas par l'entremise d'un droit constitutionnel, mais plutôt en scrutant et en analysant la loi habilitante du tribunal administratif en question. Les deux lois sur l'immigration, l'ancienne et la nouvelle, avec leurs réglementations, couvrent en très grande partie la politique en immigration du gouvernement du Canada. Il s'agit en réalité d'un code de l'immigration qui vise l'exécutif et son administration ainsi que le judiciaire et le quasi-judiciaire par l'entremise de la Cour fédérale et de la CISR et ses sections. Une revue des caractéristiques de la Commission permet de constater que le législateur était conscient de l'importance de l'inamovibilité, de la sécurité financière et de l'indépendance institutionnelle de la CISR et de la Section d'appel de l'immigration. Certaines différences entre un juge de cour supérieure et un membre de la CISR ont été notées. Il existe un souci important d'établir l'indépendance de façon précise: à un haut degré pour un juge de cour supérieure et à un moindre degré pour un membre de la CISR. L'inamovibilité d'un membre de la CISR, d'un terme maximal de sept ans, n'est pas le même genre d'inamovibilité reconnu à un juge de cour supérieure. La sécurité financière d'un membre de la CISR ne se compare pas non plus à celle d'un juge de cour supérieure. Le législateur a voulu donner un certain degré d'indépendance à la CISR et à ses sections, mais cette indépendance judiciaire n'a pas la même envergure que celle reconnue aux tribunaux judiciaires et aux juges des cours supérieures. Le législateur a décidé d'imposer des limites à l'indépendance de la CISR et de ses commissaires. L'inclusion de la notion de «cour d'archives» au paragraphe 174(1) de la nouvelle Loi ne fait pas en soi de la Section d'appel de l'immigration une cour supérieure. Le but du législateur était, entre autres, de lui attribuer certains pouvoirs. Dans l'ancienne Loi et la nouvelle Loi, le législateur n'a pas écrit que la Section d'appel de l'immigration est une cour supérieure, mais plutôt qu'elle a les attributions d'une cour supérieure. Il ne faut pas aller plus loin que cela dans l'interprétation des intentions du législateur. Pour toutes ces raisons, un membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR ne dispose pas des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure détient en vertu de l'indépendance judiciaire.

2) Le président de la CISR a utilisé la Politique concernant les services juridiques pour refuser d'assumer les frais judiciaires du demandeur qu'il avait engagés pour se défendre contre les chefs d'accusation. La Politique s'applique aux fonctionnaires et aux particuliers nommés par le gouverneur en conseil, même si leur mandat est terminé. Elle donne à «l'employeur» (dans la présente affaire, la CISR et non l'exécutif) une discrétion pleine et entière pour accorder ou non les services juridiques. Cette discrétion donne à la CISR ou à son représentant la tâche d'établir si le particulier ou le fonctionnaire a agi honnêtement et sans malice. Ainsi, on demande à l'employeur de préjuger de la situation à venir. La Cour n'a pas été saisie d'une demande de contrôle judiciaire de cette décision de refuser la demande d'aide juridique ou d'une procédure contestant la légalité de la Politique concernant les services juridiques. La Cour ayant conclu qu'un membre de la Section d'appel de l'immigration n'avait pas les mêmes droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure, la Politique était applicable au demandeur non pas en tant que fonctionnaire, mais en tant que particulier nommé par le gouverneur en conseil. De plus, un commissaire de la CISR n'est pas un fonctionnaire du gouvernement fédéral. La définition de «fonctionnaire», à l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, exclut expressément les personnes nommées par le gouverneur en conseil en vertu d'une loi fédérale à un poste prévu par celle-ci. En conséquence, un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR n'a pas le droit d'exiger que la CISR assume les coûts de sa défense lorsqu'il est accusé d'avoir commis des actes criminels alors qu'il était membre de la Commission, même si les accusations ont été portées alors qu'il était à la retraite. Un commissaire n'est pas un fonctionnaire, mais la Politique concernant les services juridiques s'applique à lui.

lois et règlements cités

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 101.

Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, art. 2 (mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 50, ann. II(F); 1992, ch. 1, art. 69, 143, ann. VI(A); 1995 ch. 17, art. 57; 1999, ch. 31, art. 98(F); 2003, ch. 22, art. 224 (A); 2004, ch. 7, art. 8), 3 (mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 1; 1992, ch. 1, art. 70; 1999, ch. 31, art. 99), ann. I.1.

Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-36.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26), 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27), 57 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19; 2002, ch. 8, art. 54).

Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11.

Loi sur les juges, L.R.C. (1985), ch. J-1.

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 2 «fonctionnaire» (mod. par L.C. 1998, ch. 31, art. 58; 1999, ch. 17, art. 178; 2002, ch. 17, art. 26).

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 3 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 2), 4 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 2), 5, 6 (mod., idem, art. 3), 7 (mod., idem), 12 (mod. par L.C. 1990, ch. 44, art. 16; 1992, ch. 49, art. 7), 15 (mod., idem, art. 9), 20 (mod., idem, art. 12), 21, 22, 23 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 4; L.C. 1992, ch. 47, art. 78; ch. 49, art. 16; 1995, ch. 15, art. 5), 27 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 4; L.C. 1992, ch. 47, art. 78; ch. 49, art. 16; 1995, ch. 15 art. 5), 45 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 35; 1995, ch. 15, art. 8), 49 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 41; 1999, ch. 31, art. 133), 50, 51, 52 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 7; L.C. 1992, ch. 49, art. 42), 53 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 17; L.C. 1992, ch. 49, art. 43; 1995, ch. 15, art. 12), 54 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 44), 55 (mod., idem, art. 45), 56 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 33), 58 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 48), 59 (mod., idem, art. 49), 60 (mod., idem), 61 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 50), 62 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 51), 63.1 (édicté, idem, art. 53), 63.2 (édicté, idem), 63.3 (édicté, idem), 65(1) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 55), (2) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18), 67(2) (mod., idem), 69 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 59), 69.4 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 63), 70 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 65; 1995, ch. 15, art. 13), 71 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 14), 75, 80 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 70), 81 (mod., idem, art. 71; 1997, ch. 22, art. 7), 82 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 33; L.C. 1992, ch. 49, art. 72; 1997, ch. 22, art. 9), 82.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73), 82.2 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73), 83 (mod., idem), 102, 102.17 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 11), 103 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 27; L.C. 1992, ch. 49, art. 94; 1995, ch. 15, art. 19), 103.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 12; L.C. 1992, ch. 7, art. 144, ann. VII, no 34; ch. 49, art. 95), 104, 105 (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 20), 106 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 96), 107, 108, 108.1 (édicté, idem, art. 98), 109, 110 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 28; L.C. 1992, ch. 49, art. 99; 1995, ch. 15, art. 21), 111, 112 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 101), 113, 121 (mod., idem, art. 107; 1995, ch. 15, art. 22).

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3, 6, 7, 8, 9, 10, 15, 33, 44, 48, 54, 62, 63, 72 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194), 74(1)d), 76 (mod., idem), 100, 153(1)a),d),f),g),h),(4), 156, 159(1)b), 161(1), 165, 166, 167, 172(1), 174, 175, 176.

jurisprudence citée

décisions appliquées:

Valente c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 673; (1985), 52 O.R. (2d) 779; 24 D.L.R. (4th) 161; 23 C.C.C. (3d) 193; 49 C.R. (3d) 97; 19 C.R.R. 354; 37 M.V.R. 9; 64 N.R. 1; 14 O.A.C. 79; Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781; (2001), 204 D.L.R. (4th) 33; [2001] 10 W.W.R. 1; 93 B.C.L.R. (3d) 1; 34 Admin. L.R. (3d) 1; 274 N.R. 116; 2001 CSC 52.

décisions distinctes:

Hamann c. Québec (Ministre de la Justice), [2001] J.Q. no 2046 (C.A.); Fortin c. Procureur général du Québec, [2003] R.J.Q. 1323 (C.S.).

décisions examinées:

Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; (1995), 122 D.L.R. (4th) 129; 26 Admin. L.R. (2d) 1; [1995] 2 C.N.L.R. 92; 177 N.R. 325; Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S. 884; (2003), 227 D.L.R. (4th) 193; [2004] 1 W.W.R. 1; 3 Admin. L.R. (4th) 163; 109 C.R.R. (2d) 65; 306 N.R. 34; 2003 CSC 36.

décisions citées:

Procureur général du Manitoba c. Office national de l'énergie, [1974] 2 C.F. 502; (1974), 48 D.L.R. (3d) 73 (1re inst.); Alex Couture Inc. c. Canada (Procureur général), [1991] R.J.Q. 2534; (1991), 83 D.L.R. (4th) 577; 38 C.P.R. (3d) 293; 41 Q.A.C. 1 (C.A.); Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), [1997] 3 R.C.S. 3; (1997), 204 A.R. 1; 156 Nfld. & P.E.I.R. 1; 150 D.L.R. (4th) 577; [1997] 10 W.W.R. 417; 121 Man. R. (2d) 1; 49 Admin. L.R. (2d) 1; 118 C.C.C. (3d) 193; 11 C.P.C. (4th) 1; 217 N.R. 1; Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; (1976), 68 D.L.R. (3d) 716; 9 N.R. 115.

doctrine citée

Canada. Secrétariat du Conseil du Trésor. Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers, 1 juin 2001.

Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat. Ottawa: Bureau du conseiller en éthique, 1994.

Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Code de déontologie des Commissaires de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Green, Sir Guy. «The Rationale and Some Aspects of Judicial Independence» (1985), 59 A.L.J. 135.

DEMANDE de jugement déclaratoire portant qu'un commissaire de la CISR siégeant à la Section d'appel de l'immigration dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de cour supérieure sur toute question relative à sa compétence, que ce commissaire n'est pas un fonctionnaire et que la Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers ne s'appliquait pas. Demande rejetée.

ont comparu:

Jean Pomminville et Martin Nadon pour le demandeur.

François Joyal et Evan Liosis pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Dunton Rainville senc, Montréal, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada, pour le défendeur.

Voici les motifs de l'ordonnance et de l'ordonnance rendus en français par

Le juge Noël:

INTRODUCTION

[1]M. Bourbonnais (le demandeur) demande à la Cour d'émettre des conclusions déclaratoires, le tout selon les articles 18 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26] et 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27] de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod. idem, art. 14)], telle que modifiée (la LCF).

[2]Sommairement, le demandeur, ex-commissaire (Section d'appel de l'immigration) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) est accusé de différentes infractions criminelles qui auraient eu lieu pendant qu'il était membre actif de ladite Commission et, selon lui, en relation avec ses responsabilités de commissaire.

[3]Pour se défendre, il demande à la CISR d'assumer les frais et honoraires légaux. Celle-ci refuse en se basant sur la Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers, émise par le secrétariat du Conseil du Trésor en juin 2001 (la politique concernant les services juridiques).

[4]Les conclusions déclaratoires recherchées sont les suivantes:

- Déclarer qu'un commissaire de la CISR, siégeant à la Section d'appel de l'immigration, dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de la Cour supérieure sur toute question pertinente de sa compétence et que par conséquent, qu'il ait droit à ce que la CISR assume les frais et honoraires légaux de sa défense lorsqu'il est accusé d'avoir commis des actes ou des omissions criminels alors qu'il exerçait ses fonctions de commissaire à la CISR, même si de telles accusations sont portées alors qu'il est à la retraite;

- Déclarer qu'un commissaire de la CISR, siégeant à la Section d'appel de l'immigration, n'est pas un fonctionnaire et que la politique concernant les services juridiques ne s'applique pas.

[5]Le demandeur fit signifier un avis de question constitutionnelle selon l'article 57 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19; 2002, ch. 8, art. 54] de la LCF au procureur général du Canada et ceux des provinces informant ceux-ci que «le demandeur a l'intention de réclamer l'application de protections constitutionnelles garantissant l'indépendance judiciaire des tribunaux supérieures à un commissaire de la Section d'appel de la C.I.S.R.». À l'exception du procureur général du Canada (le défendeur), les procureurs généraux des provinces n'ont pas comparu. Tel que formulé, l'avis ne remet pas en question la validité d'une loi, d'un règlement ou encore d'une politique.

[6]Pour les raisons expliquées ci-après, la demande en jugement déclaratoire n'est pas accordée car:

- L'indépendance judiciaire associée au tribunal judiciaire n'est pas celle attribuée aux tribunaux administratifs, celle-ci étant déterminée par la loi habilitante les créant;

- L'indépendance judiciaire associée à la CISR et à ses commissaires, y incluant ceux de la Section d'appel de l'immigration, n'inclut pas un droit absolu à ce que les frais et honoraires soient assumés par la CISR lorsqu'un commissaire à la retraite est poursuivi pour des faits et gestes qui ont eu lieu pendant qu'il assumait ses fonctions de commissaire;

- Un commissaire de la CISR n'est pas un fonctionnaire du gouvernement fédéral;

- Selon les faits et les arguments présentés, la politique concernant les services juridiques s'applique aux commissaires en fonction et ceux à la retraite alors la décision de la CISR de ne pas assumer les frais et honoraires légaux est maintenue compte tenu des circonstances particulières de la présente procédure.

LE CONTEXTE FACTUEL

[7]Le 4 octobre 1996, le demandeur fut nommé membre à temps plein de la Section du statut de réfugié de la CISR à titre inamovible pour une période de quatre ans par le gouverneur général en conseil, le tout en vertu des articles 59 [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 49] et 61 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 50] de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, abrogée par L.C. 2001, ch. 27, art. 274 (l'ancienne Loi). Le 5 novembre 1996, il signa une attestation dans laquelle il s'engageait à observer le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat (Code de conduite des titulaires).

[8]Le 27 juillet 2000, son mandat à temps plein à titre inamovible fut renouvelé pour une période de trois ans se terminant le 27 octobre 2003 (mandat maximal de sept ans en totalisant les deux termes, conformément au paragraphe 61(1) de l'ancienne Loi), mais comme membre de la Section d'appel de l'immigration et du statut de réfugié de la CISR en vertu des articles 60 [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 49] et 61 de l'ancienne Loi. En date du 20 décembre 2000, il signa le serment professionnel de la CISR.

[9]Suite à une perquisition en date du 25 octobre 2001 au bureau de la CISR à Montréal, le président, le 1er novembre 2001, informa le demandeur qu'il était en congé avec solde pendant l'enquête.

[10]Avant que les sommations contenant les chefs d'accusation furent émises contre le demandeur, celui-ci vit le terme de son deuxième mandat expiré, et ce, en date du 27 octobre 2003.

[11]Ce n'est que le 18 mars 2004 que les sommations furent signées à la demande de sa Majesté, au nom de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) et que 97 chefs d'accusation furent émis contre le demandeur sous l'égide du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, telle que modifiée. Ceux-ci portent sur des faits et gestes s'échelonnant entre le 26 mai 2000 et le 25 octobre 2001, période pendant laquelle le demandeur était membre soit de la Section du statut de réfugié ou encore de la Section d'appel de l'immigration et du statut de réfugié de la CISR. Toutefois, la très grande partie des faits et gestes ont eu lieu pendant qu'il était à la Section d'appel de l'immigration.

[12]Sans présumer de l'ultime résultat de ces chefs d'accusation et ayant à l'esprit le principe de la présomption d'innocence, et tenant compte de l'importance du lien des faits à la base des chefs d'accusation et les fonctions de l'emploi, il est nécessaire pour les fins de la présente de donner une brève description des chefs d'accusation:

- 55 chefs d'accusation concernant des allégations de fraude envers le gouvernement fédéral et d'abus de confiance;

- 18 chefs d'accusation d'entrave à la justice;

- 18 chefs d'accusation de complot pour entrave à la justice;

- 1 chef d'accusation concernant une fausse déclaration relative à un passeport;

- 1 chef d'accusation concernant une allégation de fraude de moins de 5 000 $ à l'endroit d'une compagnie d'assurance;

- 4 chefs d'accusation concernant des allégations d'avoir entreposé de façon négligente des armes à feu.

[13]Le demandeur se dit «à la retraite» depuis le 22 octobre 2003 et qu'il a, à titre de revenu mensuel, 1 648,53 $ provenant du régime de pension du gouverne-ment fédéral et 650,75 $ de la Régie des rentes du Québec.

[14]Ses avoirs se limitent à un compte de régime enregistré d'épargne-retraite (REER) démontrant un capital d'environ 22 000 $ et un compte d'épargne ayant un actif de plus de 44 000 $.

[15]En date du 26 avril 2004, par l'entremise de ses avocats, le demandeur demandait à la CISR d'assumer les frais et honoraires légaux de ses avocats pour le défendre contre les chefs d'accusation dirigés contre lui, la raison étant que c'est «à titre de juge administratif que les responsabilités s'exerçaient» et que c'est «dans le cadre de l'exercice de ses responsabilités de juge administratif que le Procureur général, à la demande de la G.R.C., a choisi de porter des accusations contre M. Bourbonnais [. . .] C'est pourquoi selon la tradition juridique en vigueur, tous les honoraires et déboursés encourus pour la défense de M. Bourbonnais devraient être assumés par le Gouvernement du Canada».

[16]Après avoir informé le président de la CISR de la situation et des alternatives à envisager et ayant obtenu de celui-ci la décision de ne pas assumer les frais et honoraires légaux du demandeur, l'avocat général par intérim et directeur-général, Réforme et directions stratégiques de la CISR, Me Paul Aterman (l'avocat de la CISR) signait une lettre à cet effet en date du 30 avril 2004.

[17]Dans cette lettre, l'avocat de la CISR informait que la demande était refusée et que la CISR avait «la discrétion ultime» pour prendre une telle décision et ce, autant pour un fonctionnaire à l'emploi de la Commission que pour un commissaire nommé par le gouverneur en conseil. En se basant sur la politique concernant les services juridiques, il précise que «la nature même des actes ayant donné lieu aux chefs d'accusation en cause ne saurait établir que M. Bourbonnais ait agi honnêtement et sans malice et a raisonnablement satisfait aux attentes de la C.I.S.R.». Tout en reconnaissant le principe de la présomption d'innocence, l'avocat de la CISR note que «l'enquête menée par la GRC a conduit au dépôt par le Procureur général du Canada de nombreux chefs d'accusation reposant sur des preuves sérieuses. Cette enquête et le dépôt subséquent de ces chefs d'accusation constituent la raison justifiant le refus d'indemnisation prévu par la politique, soit la détermination par l'autorité approbatrice que le fonctionnaire n'a pas agi honnêtement et sans malice dans l'exercice de ses fonctions et n'a pas raisonnablement satisfait aux attentes du Ministère». Par la suite, l'avocat de la CISR se réfère au Code de déontologie des Commissaires de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié et au Code de conduite des titulaires, et précise que les actes reprochés vont à l'encontre de ces politiques. En dernier lieu, il commente le fait qu'aucun rapport concernant les incidents n'avait pas été remis et que le délai pour le faire était expiré. (La politique mentionne que la demande doit être faite «dès que possible» et doit inclure un rapport complet.)

[18]Suite à la réception de cette lettre en date du 1er juin 2004, le demandeur déposait la procédure à la base de la demande en jugement déclaratoire.

LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[19]Le demandeur prétend que la Section d'appel de l'immigration de la CISR est un tribunal administratif qui a presque tous les attributs d'un tribunal judiciaire et qu'en conséquence, le principe de l'indépendance judiciaire que l'on associe à ce dernier doit aussi l'être à la Section d'appel et à ses membres.

[20]Utilisant les conditions mises de l'avant dans l'arrêt Valente c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 673, soit l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle pour assurer le principe de l'indépendance judiciaire du tribunal judiciaire, le demandeur considère celles-ci comme étant applicable à la Section d'appel de l'immigration de la CISR et qu'un très haut niveau d'indépendance existe.

[21]Le demandeur soumet qu'un tribunal administratif doit être associé à un tribunal judiciaire concernant les principes d'indépendance judiciaire mis de l'avant dans Valente, et qu'à ce sujet, la Cour suprême, sous la plume du juge en chef Lamer, avait reconnu cette situation dans l'arret Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, aux paragraphes 78, 79, 80, 83 et 84:

[. . .] plusieurs arrêts de la Cour d'appel fédérale ont établi que les principes posés dans l'arrêt Valente étaient applicables aux tribunaux administratifs.

Notre Cour a examiné l'arrêt Valente, précité, dans au moins une affaire ou il s'agissait d'un tribunal administratif, soit SITBA c. Consolidated Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, à la p. 332.

[. . .]

De plus, les principes en matière d'indépendance judiciaire énoncés dans l'arrêt Valente s'appliquent dans le cas d'un tribunal administratif lorsque celui-ci agit à titre d'organisme juridictionnel qui tranche les différends et détermine les droits des parties.

[. . .]

Par conséquent, bien que les tribunaux administratifs soient assujettis aux principes énoncés dans l'arrêt Valente, le critère relatif à l'indépendance institutionnel doit être appliqué à la lumière des fonctions que remplit le tribunal particulier dont il s'agit.

Parfois un haut niveau d'indépendance s'imposera. Par exemple, lorsque les décisions du tribunal ont une incidence sur le droit d'une partie à la sécurité de sa personne (comme dans le cas des arbitres en matière d'immigration dans l'arrêt Mohammad, précité [Mohammad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 363 (C.A.)]), une application plus stricte des principes énoncés dans l'arrêt Valente peut se justifier.

[22]Pour le demandeur, la Section d'appel de l'immigration de la CISR a une juridiction touchant directement aux droits des parties pouvant comparaître devant elle en prenant des décisions concernant des demandes de parrainage au titre de regroupement familial et des demandes de renvoi (voir les paragraphes 63(1), (2), (3) et (5) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la nouvelle Loi); 69.4(2) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18] de l'ancienne Loi). Les membres sont nommés à titre inamovible et ce, pour une période maximale de sept ans (voir paragraphe 153(1)a) de la nouvelle Loi; 61(1) de l'ancienne Loi) et en vertu de l'article 156 de la nouvelle Loi, jouissent d'une immunité statutaire. Notez qu'il n'existe pas d'immunité statutaire sous l'ancienne Loi. Aussi, la Section d'appel est une Cour d'archives et a les attributions d'une Cour supérieure (selon les paragraphes 174(1) et (2) de la nouvelle Loi; article 69.4 [édicté idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 63] de l'ancienne Loi).

[23]En conséquence, les membres de la Section d'appel de l'immigration de la CISR occupant leur poste à titre inamovible ne peuvent être révoqués que pour motif valable après enquête judiciaire où ils ont l'occasion de se faire entendre personnellement ou par l'entremise d'un avocat et de pleinement participer au litige (voir les articles 176 et suivants de la nouvelle Loi; 63.1 [édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 53] et 63.2 [édicté, idem] de l'ancienne Loi).

[24]Les membres de la Section d'appel de l'immigration ont aussi une sécurité financière en recevant un revenu déterminé par le gouverneur en conseil et éventuellement une pension accordant ainsi à ceux-ci une indépendance financière (voir les alinéas 153(1)d) et f) de la nouvelle Loi; article 62 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 40, art. 51] de l'ancienne Loi).

[25]La CISR et la Section d'appel de l'immigration font partie d'une structure permettant une indépendance administrative et institutionnelle.

[26]Le demandeur soumet qu'une personne raisonnablement informée ne peut que conclure que la Section d'appel de l'immigration de la CISR possède tous les attributs d'un tribunal judiciaire et a, en conséquence, l'indépendance judiciaire.

[27]Le demandeur ajoute que la notion d'inamovibilité, élément déterminant de l'indépendance judiciaire, inclut le droit de se défendre et de se faire entendre si une révocation est demandée.

[28]Selon lui, le droit à une défense pleine et entière inclut le droit quasi-constitutionnel à ce que les frais et les honoraires légaux soient assumés par l'État car le principe d'inamovibilité est directement mis en cause. (Voir Hamann c. Québec (Ministre de la Justice), [2001] J.Q. no 2046 (C.A.); et Fortin c. Procureur général du Québec, [2003] R.J.Q. 1323 (C.S.).)

[29]Le demandeur précise que même s'il n'est plus membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR, les principes mentionnés doivent toujours s'appliquer car une dimension plus que personnelle est en jeu, soit celle de l'institution de la Section d'appel de l'immigration en tant que tribunal administratif, son indépendance et la perception qu'un observateur, raisonnablement informé, a de la situation.

[30]En dernier lieu, en plus des arguments mis de l'avant, le demandeur pose les questions suivantes en se basant sur l'hypothèse ci-après:

- Si le demandeur est obligé de plaider coupable à cause de sa situation financière, n'ayant pas les ressources financières pour retenir les services d'un avocat pour assurer sa défense:

- N'y a-t-il pas un risque sérieux que la perception d'une personne raisonnablement informée soit à l'effet que la Commission et ses commissaires sont corruptibles et que leur indépendance judiciaire est inexistante?

- N'y a-t-il pas un risque sérieux que la perception d'une personne raisonnablement informée soit à l'effet que la Commission et ses commissaires actuellement en fonction ne sont pas à l'abri de poursuites reliées à l'exercice de leurs fonctions judiciaires qui pourraient être intentées lorsqu'ils seront à la retraite, qu'ils devront eux-mêmes assumer les coûts de la défense de leurs droits, que de tels coûts risquent d'être plus élevés que le montant de la pension à laquelle ils auront droit et donc, en définitive, que leur indépendance judiciaire est sérieusement compromise?

LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[31]Dans ses arguments, le défendeur a d'abord soulevé des difficultés reliées à la procédure du demandeur. Le défendeur concède qu'aucun motif fut présenté par le demandeur demandant l'annulation de la décision de la CISR; néanmoins, le défendeur est d'avis que la demande du demandeur est en réalité une demande de contrôle judiciaire de la décision de la CISR refusant la demande d'assumer les frais et honoraires légaux plutôt qu'une demande en jugement déclaratoire. Le défendeur, après avoir pris connaissance de la réplique du demandeur, soumet que si la Cour se prononce au sujet des conclusions déclaratoires recherchées, elle devrait le faire en se prononçant aussi sur la validité de la décision de la CISR refusant la demande d'assumer les frais et honoraires légaux du demandeur. (Voir paragraphes 14 et 18 du mémoire du défendeur en réplique à l'avis de question constitutionnelle et au mémoire supplémentaire du demandeur.)

[32]Le défendeur plaide que le membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR n'est pas un magistrat et qu'il ne bénéficie pas du principe de l'indépendance judiciaire associé à un membre d'un tribunal judiciaire. En conséquence, le refus de la CISR d'assumer les frais et honoraires légaux du demandeur pour assurer sa défense à l'encontre des chefs d'accusation, intentés en mars 2004, sur des faits ayant eu lieu à l'époque où il était membre, est justifié.

[33]En commentant la jurisprudence utilisée par le demandeur pour démontrer que la Section d'appel de l'immigration de la CISR est un tribunal administratif bénéficiant du principe d'indépendance judiciaire associé à un tribunal judiciaire, le défendeur plaide que les arrêts Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie- Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781; et Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S. 884, concluent que la garantie constitutionnelle associée à l'indépendance des tribunaux judiciaires ne s'étend pas aux tribunaux administratifs.

[34]Selon le défendeur, la Cour suprême n'a pas, en date de ce jour, élargi le principe constitutionnel de l'indépendance judiciaire aux tribunaux administratifs. À titre de caution pour cet argument, il attire l'attention de la Cour à ce que la juge en chef McLachlin écrivait dans Ocean Port, au paragraphe 32:

La séparation classique entre le judiciaire et l'exécutif ne mène cependant pas à la même conclusion [qu'il existe une garantie constitutionnelle] pour les tribunaux administratifs. Nous avons vu que ces tribunaux chevauchent la ligne de démarcation entre le judiciaire et l'exécutif. Quoiqu'ils exercent une fonction décisionnelle, ils fonctionnent en fin de compte dans le cadre du pouvoir exécutif de l'État, conformément au mandat confié par la législature. Ce ne sont pas des tribunaux judiciaires et ils ne remplissent pas la même fonction constitutionnelle que ceux-ci. [Commentaires ajoutés en parenthèses pour fin de compréhension.]

[35]La CISR et la Section d'appel de l'immigration ont un degré élevé d'indépendance pour assumer leurs obligations décisionnelles. En se référant à Bell Canada, le défendeur note que la Cour suprême a analysé la loi habilitante et la nature juridictionnelle du Tribunal canadien des droits de la personne pour en arriver à conclure qu'il y avait «un degré élevé d'indépendance par rapport à l'exécutif» (paragraphe 24). En analysant l'ancienne Loi et la nouvelle Loi de la même façon, on ne peut qu'en arriver à une conclusion semblable pour la CISR et la Section d'appel de l'immigration, mais ceci ne donne pas pour autant l'indépendance judiciaire des tribunaux judiciaires.

[36]En réponse à l'argument que le droit de se faire entendre et de se défendre à l'encontre d'une demande de révocation pour le commissaire de la Section d'appel de l'immigration inclut le droit d'avoir les frais et honoraires légaux assumés par la CISR, le défendeur note qu'il ne s'agit pas d'une révocation étant donné que le mandat est terminé, mais plutôt d'une défense à des accusations criminelles. Les arrêts Hamann et Fortin, cités par le demandeur à l'appui de cet argument, se distinguent de la situation du demandeur puisque ce dernier n'est pas «juge» et qu'il n'est pas impliqué dans une demande de révocation à titre de juge.

[37]Au sujet des perceptions soulevées par les questions du demandeur mentionnées au paragraphe 30 de la présente:

- les commissaires pourraient apparaître corruptibles et en conséquence, il n'y a pas d'indépendance;

- les commissaires actuellement en fonction ne sont pas à l'abri de poursuites reliées à l'exercice de leurs fonctions judiciaires à la retraite créant ainsi une insécurité financière et en conséquence, compromettant l'indépendance judiciaire.

Le défendeur précise que dans le présent cas il s'agit strictement de l'application du droit criminel à un individu qui a été membre de la Section d'appel de l'immigration, pour ses actes personnels non reliés à ses obligations de commissaire, et qu'il s'agit en partie d'accusations d'avoir sollicité ou accepté des pots de vin et que ce genre d'accusation n'est pas relié à ses anciennes fonctions.

[38]Au sujet des commissaires actuellement en fonction mais qui seront un jour à la retraite, le défendeur plaide que ceux-ci savent qu'il y a à leur disposition un droit à l'immunité civile et pénale pour des faits et gestes découlant de l'exercice effectif ou censé de leurs fonctions (voir l'article 156 de la nouvelle Loi) et qu'ils ont une protection additionnelle qui prévoit le paiement des honoraires d'avocats ou les services d'un avocat du gouvernement (voir la politique concernant les services juridiques). Cette protection est offerte à ceux nommés par le gouverneur en conseil même s'ils sont à la retraite. Je note à nouveau que l'immunité offerte par la nouvelle Loi n'existe pas dans l'ancienne Loi.

[39]Pour le défendeur, une personne raisonnable, informée des dispositions législatives pertinentes, de leur historique et des traditions les entourant, après avoir envisagé la question de façon réaliste et pratique, conclurait que l'indépendance des membres de la CISR et de la Section d'appel de l'immigration n'est pas compromise lorsque l'un de ses anciens commissaires doit répondre à des accusations d'actes de nature frauduleuse envers le gouvernement, d'entrave à la justice, de complot, de fraude d'une compagnie d'assurance, et d'avoir négligemment entreposé des armes à feu, et que la CISR refuse d'assumer les frais et honoraires légaux.

[40]En dernier lieu, le défendeur soumet à la Cour que le fait que le législateur a prévu que la Section d'appel de l'immigration est une Cour d'archives et qu'elle a les attributions d'une Cour supérieure (voir les paragraphes 174(1) et (2) de la nouvelle Loi; article 69.4 de l'ancienne Loi) ne la transforme pas en Cour supérieure de justice. À l'appui de cet argument, lre défendeur réfère la Cour à deux arrêts: Procureur général du Manitoba c. Office national de l'énergie, [1974] 2 C.F. 502 (1re inst.); et Alex Couture Inc. c. Canada (Procureur général), [1991] R.J.Q. 2534 (C.A.).

L'ANALYSE

La grille d'évaluation et remarque préliminaire

[41]Étant donné que l'un des objectifs de la présente procédure est de savoir si un ancien membre de la Section d'appel de la CISR, en tant que membre de ce tribunal administratif, bénéficie de tous les éléments associés à l'indépendance judiciaire, on doit donc se placer dans la position d'une personne raisonnable et bien renseignée qui analyserait la situation à fond mais «de façon réaliste et pratique.» Ce fut l'approche suivie par la Cour suprême dans l'arrêt Bell Canada au paragraphe 17 (lors de l'étude de l'indépendance et de l'impartialité du Tribunal canadien des droits de la personne), en se référant à la dissidence du juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.

[42]Lors de leur plaidoirie, les parties ont, en très grande partie, fait uniquement référence à la nouvelle Loi de l'immigration plutôt que l'ancienne Loi. Les éléments à la base des chefs d'accusation ont eu lieu avant le 25 octobre 2001 et la nouvelle Loi est entrée en vigueur le 28 juin 2002. Toutefois, le mandat du demandeur à titre de membre de la Section d'appel de l'immigration a pris fin le 27 octobre 2003 et les sommations furent déposées le 18 mars 2004. Le défendeur, dans son mémoire en réplique, fait référence aux deux Lois et utilise pour les fins de son argumentation de nouveaux éléments de la nouvelle Loi (surtout l'idée de l'immunité--voir article 156 de la nouvelle Loi--qui n'existait pas sous l'ancienne Loi). Après avoir demandé aux procureurs de préciser leur pensée à ce sujet, la Cour est d'accord avec les procureurs que l'ancienne Loi de l'immigration devait s'appliquer étant donné que les gestes et actes ont eu lieu avant que la nouvelle Loi fut déclarée et alors que le demandeur était assujetti aux dispositions de l'ancienne Loi. Cependant, il est à noter que les mêmes dispositions se retrouvent dans les deux Lois et sont rédigées sensiblement de la même manière, à l'exception de l'article 156 de la nouvelle Loi concernant l'immunité, qui n'existe pas dans l'ancienne Loi.

[43]Pour bien répondre aux arguments soulevés par la présente procédure lors de l'analyse, la Cour entend répondre aux questions suivantes:

- Est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR, agissant dans le cadre de ses fonctions en tant que membre de ce tribunal administratif, dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de Cour supérieure, membre d'un tribunal judiciaire, détient en vertu de l'indépendance judiciaire?

- Est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR a le droit d'exiger que celle-ci assume les coûts de sa défense lorsqu'il est accusé d'avoir commis des actes criminels alors qu'il était commissaire à la CISR même si les accusations ont été portées alors qu'il est à la retraite?

- Si nécessaire, est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR est un fonctionnaire?

- Si nécessaire, est-ce que la politique concernant les services juridiques du Conseil du Trésor s'applique à un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR?

Est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR, agissant dans le cadre de ses fonctions en tant que membre de ce tribunal administratif, dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de Cour supérieure, membre d'un tribunal judiciaire, détient en vertu de l'indépendance judiciaire?

[44]En général, on peut dire que la Constitution canadienne est à l'origine de l'existence des tribunaux judiciaires (y incluant ceux créés par législation par l'entremise de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) [mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1] [L.R.C. (1985), appendice II, no 5] tandis que le législateur est le créateur des tribunaux administratifs. Il est de connaissance générale que des trois pouvoirs issus de la Constitution --soit l'exécutif, le législatif et le judiciaire--le tribunal judiciaire fait clairement partie de ce dernier tandis qu'un tribunal administratif peut varier entre l'exécutif et le judiciaire selon la loi qui l'a créé et les attributs qui lui sont donnés. (Voir Ocean Port, aux paragraphes 22, 23 et 24.)

[45]Le principe de l'indépendance judiciaire existe pour assurer une démarcation claire et précise entre l'exécutif et le judiciaire. On veut s'assurer que tant sur le plan personnel qu'institutionnel, il y a une indépendance réelle ainsi qu'une apparence nette d'indépendance démontrant à la personne raisonnable et renseignée que l'exécutif ne peut avoir aucune influence directe ou indirecte tant sur le juge que le tribunal comme institution.

[46]Dans l'arrêt Valente, à la page 687, le juge Le Dain cite avec approbation Sir Guy Green, juge en chef de l'État de Tasmanie en Australie, lorsqu'il définit l'indépendance judiciaire dans son article intitulé «The Rationale and Some Aspects of Judicial Independence» (1985), 59 A.L.J. 135, à la page 135:

[traduction] Je définis donc l'indépendance judiciaire comme la capacité des tribunaux d'exercer leurs fonctions constitutionnelles à l'abri de toute intervention réelle ou apparente de la part de toutes personnes ou institutions sur lesquelles ils n'exercent pas un contrôle direct, y compris, notamment, l'organe exécutif du gouvernement, et dans la mesure où cela est constitutionnellement possible en étant exempts de toute dépendance réelle ou apparente vis-à-vis de celles-ci.

[47]Dans le but d'articuler ce principe d'indépendance judiciaire, la jurisprudence a reconnu trois caractéristiques d'importance: l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle (voir Valente, en général). Dans l'arrêt Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), [1997] 3 R.C.S. 3, le juge en chef Lamer reprenait ces trois caractéristiques mais y ajouta des éléments de renforcements institutionnels et adminis-tratifs.

[48]Pour les fins du présent dossier, on doit se demander si le principe d'indépendance judiciaire et ses caractéristiques associés à un tribunal judiciaire sont applicables aux tribunaux administratifs. L'applicabilité de ce principe aux tribunaux administratifs ne se fait pas par l'entremise d'un droit constitutionnel mais plutôt en scrutant et en analysant la loi habilitante du tribunal administratif en question (Ocean Port, au paragraphe 20):

Il est de jurisprudence constante que, en l'absence de contraintes constitutionnelles, le degré d'indépendance requis d'un décideur ou d'un tribunal administratif est déterminé par sa loi habilitante. C'est la législature ou le Parlement qui détermine le degré d'indépendance requis des membres d'un tribunal administratif. Il faut interpréter la loi dans son ensemble pour déterminer le degré d'indépendance qu'a voulu assurer le législateur.

C'est ce que nous proposons de faire.

[49]Les deux Lois de l'immigration, l'ancienne et la nouvelle, avec leurs réglementations, couvrent en très grande partie la politique en immigration du gouvernement du Canada. Il s'agit en réalité d'un Code de l'immigration. On y retrouve des énoncés de politique concernant l'immigration au Canada et la protection des réfugiés (à titre d'exemple, les articles 3, 7 à 10 et 33 de la nouvelle Loi [articles 3 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 2], 4 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 2], 5, 6 (mod., idem, art. 3), 7 (mod., idem), 108 et 108.1 [édicté, idem, art. 98] de l'ancienne Loi), l'attribution des responsabilités ministérielles à des agents pour articuler ces politiques (voir les articles 6, 15, 48 et 100 de la nouvelle Loi; articles 12 [mod. par L.C. 1990, ch. 44, art. 16; 1992, ch. 49, art. 7], 15 [mod., idem, art. 9], 45 [mod., idem, art. 35; 1995, ch. 15, art. 8], 102 et suivants, articles 109 à 113 [art. 110 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 28; L.C. 1992, ch. 49, art. 99; 1995, ch. 15, art. 21), 112 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 101)] et 121 [mod., idem, art. 107; 1995, ch. 15, art. 22] de l'ancienne Loi), le pouvoir d'enquête de certains décideurs concernant certains sujets (en vertu des articles 44 et suivants ainsi que des articles 54 et suivants de la nouvelle Loi; articles 20 à 23 [art. 20 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 12), 23 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 4; L.C. 1992, ch. 47, art. 78; ch. 49, art. 16; 1995, ch. 15, art. 5)], 27 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 4; L.C. 1992, ch. 47, art. 78; ch. 49, art. 16; 1995, ch. 15, art. 5], 49 [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 41; 1999, ch. 31, art. 133], 50, 103 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 27; L.C. 1992, ch. 49, art. 94; 1995, ch. 15, art. 19] et 103.1 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 12; L.C. 1992, ch. 49, art. 95] de l'ancienne Loi), l'exécution des décisions (voir les articles 48 et suivants et la partie 3 de la nouvelle Loi; articles 49 à 56 [art. 52 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 7; L.C. 1992, ch. 49, art. 42), 53, (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 17; L.C. 1992, ch. 49, art. 43; 1995, ch. 15, art. 12), 54 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 44), 55 (mod., idem, art. 45), 56 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 33)], 110 à 113 et la partie IV de l'ancienne Loi), la procédure d'appel de certaines sections de la CISR et la création de celle-ci (voir la partie 4 de la nouvelle Loi; la partie 4 et les articles 103 à 107 [articles 105 (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 20), 106 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 96)] de l'ancienne Loi), ainsi que la demande de contrôle judiciaire des décisions prises par les agents et la CISR à la Cour fédérale (selon les articles 72 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194] et suivants de la nouvelle Loi; articles 82.1 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73] et suivants de l'ancienne Loi) et la procédure de certificat des décisions ministérielles révisables par la Cour fédérale (qui se retrouve aux articles 76 [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 194] et suivants de la nouvelle Loi; articles 81 [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 71; 1997, ch. 22, art. 7] et 82 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 33; L.C. 1992, ch. 49, art. 72; 1997, ch. 22, art. 9] de l'ancienne Loi). Bref, ce code de l'immigration contient l'implication de l'exécutif et de son administration ainsi que du judiciaire et du quasi-judiciaire par l'entremise de la Cour fédérale et de la CISR et ses sections.

[50]C'est en tenant compte de ce contexte global que l'on doit analyser les éléments législatifs constituant la CISR et ses sections y incluant de façon plus précise, la Section d'appel de l'immigration.

[51]Pour faciliter la compréhension de cette analyse, nous allons énumérer certaines caractéristiques de la Loi de l'immigration, l'ancienne ainsi que la nouvelle, concernant la CISR, ses sections et particulièrement la Section d'appel de l'immigration:

- Les commissaires de la CISR sont nommés de façon inamovible pour une période maximale de sept ans et ils ne peuvent pas être révoqués ou encore disciplinés sans qu'il y ait une enquête indépendante présidée par un juge de Cour supérieure (en vertu du paragraphe 153(1)a) et les articles 176 et suivants de la nouvelle Loi; articles 58 à 61 [art. 58 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 48)] et 63.1 à 63.3 [édicté par S.C. 1992, ch. 49, art. 53] de l'ancienne Loi);

- Leur rémunération est fixée par le gouverneur en conseil et ils sont réputés appartenir à l'administration publique fédérale pour la pension (alinéas 153(1)d) et f) de la nouvelle Loi; articles 61 et 62 de l'ancienne Loi);

- Pour les commissaires à temps plein, ils doivent se consacrer exclusivement à leurs fonctions et ne doivent pas occuper des charges pouvant les mettre en conflit (selon les alinéas 153(1)g) et h) de la nouvelle Loi; articles 58 à 61 de l'ancienne Loi);

- Les membres bénéficient de l'immunité civile et pénale et de l'incontraignabilité (une nouvelle disposition, à l'article 156 de la nouvelle Loi seulement; sous l'ancienne Loi, les commissaires ne jouissaient pas d'une immunité statutaire);

- Un membre peut être assigné à l'une des Sections (Section de protection des réfugiés, Section d'appel des réfugiés et Section d'appel de l'immigration) (aussi une nouvelle disposition, à l'alinéa 159(1)b) de la nouvelle Loi; sous l'ancienne Loi, les membres étaient assignés en vertu des articles 58 à 61);

- La CISR est formée de quatre sections (mentionnées précédemment) dont une section qui n'est toujours pas en vigueur, la Section d'appel des réfugiés (voir le paragraphe 172(1) de la nouvelle Loi). Elles ont chacune une juridiction exclusive à assumer. À titre d'exemple, la Section d'appel de l'immigration entend les appels de parrainage au titre de regroupement familial et les appels de résidents permanents suite à des décisions de renvoi (voir les articles 62 et 63 de la nouvelle Loi; articles 70 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 65; 1995, ch. 15, art. 13] et 71 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 14] de l'ancienne Loi);

- Chacune des sections a compétence exclusive pour décider des questions de droit et de fait y compris en matière de compétence ( selon le paragraphe 161(1) de la nouvelle Loi; les paragraphes 65(1) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1992, ch. 49, art. 55] et (2) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18] de l'ancienne Loi);

- À l'exception de la Section d'appel de l'immigration, les autres sections ont un pouvoir d'enquête dont les membres sont investis des pouvoirs d'un commissaire nommé aux termes de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), c. I-11 (voir l'article 165 de la nouvelle Loi; paragraphe 67(2) [mod., idem] (par exemple) de l'ancienne Loi). La Section d'appel de l'immigration est une Cour d'archives qui a les attributions d'une Cour supérieure (selon les paragraphes 174(1) et (2) de la nouvelle Loi; article 69.4 de l'ancienne Loi);

- Les auditions sont tenues en principe en publique et les parties peuvent se faire entendre (en vertu des articles 166 et 175 de la nouvelle Loi; paragraphes 69(2) à (3.2) [article 69 (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 59)] et article 80 [mod., idem, art. 70] de l'ancienne Loi) et peuvent être représentées par avocat (le paragraphe 167(1) de la nouvelle Loi; paragraphe 69(1) de l'ancienne Loi);

- Les décisions des sections sont révisables par contrôle judiciaire en autant qu'une demande d'autorisation a été accordée par un juge de la Cour fédérale. Les décisions des juges de la Cour fédérale sont finales à moins que le juge certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale (voir l'article 72 et l'alinéa 74(1)d) de la nouvelle Loi; articles 82.1, 82.2 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 19; L.C. 1992, ch. 49, art. 73], 83 [mod., idem] et 102.17 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 11] de l'ancienne Loi).

[52]Cette revue des caractéristiques permet de constater que le législateur était conscient de l'importance de l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle de la CISR et de la Section d'appel de l'immigration.

[53]Dans le but de bien cerner ce qu'est l'indépendance judiciaire applicable à ce genre de tribunal administratif, il est important de noter certaines des différences entre un juge de Cour supérieure et un membre de la CISR:

- Pour devenir juge de Cour supérieure, il faut être avocat et avoir été membre d'un Barreau depuis au moins 10 ans tandis que pour devenir membre de la CISR, il n'est même pas nécessaire d'être avocat. Toutefois, la législation prévoit qu'au moins 10 % des commissaires doivent être inscrits depuis au moins cinq ans au Barreau d'une province ou membre de la Chambre des notaires du Québec (en vertu du paragraphe 153(4) de la nouvelle Loi; paragraphe 58(1) et article 61 de l'ancienne Loi);

- Un juge de Cour supérieure est nommé pour une période d'au moins 15 ans et l'âge de la retraite est 75 ans, tandis que le mandat maximal d'un membre de la CISR est de sept ans;

- Un juge de Cour supérieure peut être révoqué suite à une enquête du Conseil canadien de la magistrature et sur recommandation de celui-ci par la Chambre des communes et le Sénat tandis qu'un membre de la CISR peut l'être suite à une enquête par un juge de Cour supérieure et la recommandation de ce dernier par le gouverneur en conseil;

- Le salaire et la pension d'un juge de Cour supérieure sont déterminés par un comité indépendant et suite à leur recommandation par législation du gouvernement, par l'entremise du ministre de la justice (voir Loi sur les juges, L.R.C. (1985), ch. J-1, telle que modifiée) tandis que ceux des membres de la CISR le sont par le gouverneur en conseil (pour le revenu) et la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-36, telle que modifiée (pour la pension).

Ces différences démontrent que les postes se distinguent de façon importante. On y perçoit un souci important d'établir l'indépendance de façon précise: à un haut degré pour le juge de Cour supérieure et à un moindre degré pour le membre de la CISR. On y constate pour le juge de Cour supérieure une séparation étanche avec l'exécutif tandis qu'on remarque un certain attachement avec le gouverneur en conseil pour le membre de la CISR. Dans le but de conclure quant à la notion d'indépendance associée à la Section d'appel de l'immigration et à la CISR reprenons chacune des caractéristiques faisant partie de l'indépendance judiciaire d'un tribunal judiciaire en l'appliquant à ce genre de tribunal administratif.

[54]En ce qui concerne l'inamovibilité, elle est reconnue expressément et un terme maximal de sept ans est prévu. La révocation d'un membre ou encore l'imposition des mesures disciplinaires ne peuvent se faire en autant qu'une enquête présidée par un juge de la Cour supérieure ait lieu. Le gouverneur en conseil ne peut agir à sa guise. Ayant dit ceci, l'inamovibilité du membre de la CISR n'est pas le même genre d'inamovibilité reconnu au juge de Cour supérieure tel que décrit ci-haut.

[55]La sécurité financière est prévue par les dispositions concernant la rémunération et le droit à une pension. Le gouverneur en conseil fixe le salaire des membres et ils sont réputés employés pour les fins de la pension découlant de l'emploi. Cette sécurité financière ne se compare pas à celle d'un juge de Cour supérieure.

[56]Quant à l'indépendance institutionnelle, le législateur a prévu la création distincte de la CISR et la nomination inamovible du président et de ses membres. Toutefois, la CISR est responsable sur le plan financier et budgétaire envers le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (voir Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, aux articles 2 [mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 50, ann. II(F); 1992, ch. 1, art. 69, 143, ann. VI(A); 1995, ch. 17, art. 57; 1999, ch. 31, art. 98(F); 2003; ch. 22, art. 224(A); 2002, ch. 7, art. 8] et 3 [mod. par L.C. 1991, ch. 24, art. 1; 1992, ch. 1, art. 70; 1999, ch. 31, art. 99] et l'annexe I.1). Il y a donc une dépendance certaine face à l'exécutif à ce sujet.

[57]En rendant les conclusions ci-haut, on ne peut que constater que le législateur a voulu donner un certain degré d'indépendance à la CISR et à ses sections mais que cette indépendance judiciaire n'a pas la même envergure que celle reconnue aux tribunaux judiciaires et aux juges des cours supérieures. Le législateur a décidé d'imposer des limites à l'indépendance de la CISR et ses commissaires. À ce sujet, la juge en chef McLachlin écrivait dans Ocean Port, au sujet des tribunaux administratifs, au paragraphe 32:

Nous avons vu que ces tribunaux chevauchent la ligne de démarcation entre le judiciaire et l'exécutif. Quoiqu'ils exercent une fonction décisionnelle, ils fonctionnent en fin de compte dans le cadre du pouvoir exécutif de l'État, conformément au mandat confié par la législature. Ce ne sont pas des tribunaux judiciaires et ils ne remplissent pas la même fonction constitutionnelle que ceux-ci.

[58]Le demandeur prétend que la Section d'appel de l'immigration en se voyant octroyer le titre de Cour d'archives ainsi que les attributions de juridiction supérieure devenait en pratique une Cour supérieure. Il est vrai que les principes associés à la justice naturelle sont reflétés dans la législation (à titre d'exemple, consulter les articles 166, 167, 174 et 175 de la nouvelle Loi; paragraphes 69(1)-(4), 69.4(1) et (3), et article 75 de l'ancienne Loi).

[59]Toutefois, l'inclusion de la notion Cour d'archives (en anglais, «court of record») au paragraphe 174(1) de la nouvelle Loi (paragraphe 69.4(1) de l'ancienne Loi) ne fait pas en soi de la Section d'appel de l'immigration une Cour supérieure. Le but du législateur était, entre autres, de lui attribuer certains pouvoirs. À titre d'exemple, le législateur a reconnu que la Section d'appel de l'immigration a l'obligation de consigner les procédures et les décisions pour fin de référence et que pour ce faire, elle a un sceau pour attester de l'original de ces procédures. Il ne faut pas donner une interprétation plus large que cela au libellé. (Voir Alex Couture Inc.)

[60]En ce qui concerne l'argument à propos des attributions d'une juridiction d'une Cour supérieure, il est à noter que dans l'ancienne Loi ainsi que la nouvelle Loi, le législateur n'a pas écrit que la Section d'appel de l'immigration est une Cour supérieure mais plutôt qu'elle a les attributions d'une Cour supérieure (au paragraphe 174(2) de la nouvelle Loi; paragraphe 69.4(3) de l'ancienne Loi). Le législateur a agi ainsi car il voulait accorder à la Section d'appel certains pouvoirs: notamment, pour la comparution et l'interrogatoire des témoins, la prestation de serment, la production et l'examen des pièces, ainsi que l'exécution des décisions. Il me semble que si le législateur avait voulu faire plus que cela, il l'aurait rédigé d'une autre façon. À nouveau, il ne faut pas aller plus loin que cela dans l'interprétation des intentions du législateur. (Voir Procureur général du Manitoba, à la page 524.)

[61]Pour toutes ces raisons, il n'est pas possible de conclure qu'un membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de Cour supérieure, membre d'un tribunal judiciaire, détient en vertu de l'indépendance judiciaire.

- Est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR a le droit d'exiger que celle-ci assume les coûts de sa défense lorsqu'il est accusé d'avoir commis des actes criminels alors qu'il était commissaire à la CISR même si les accusations ont été portées alors qu'il est à la retraite?

- Si nécessaire, est-ce qu'un membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR est un fonctionnaire?

- Si nécessaire, est-ce que la politique concernant les services juridiques du Conseil du Trésor s'applique à un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la CISR?

[62]Ayant déjà indiqué que la CISR a refusé d'assumer les frais et honoraires légaux du demandeur pour se défendre contre les chefs d'accusation et ayant déjà informé que le président de la CISR par l'entremise de l'avocat général par intérim avait utilisé la politique concernant les services juridiques pour prendre sa décision, il est important de porter une attention particulière à celle-ci.

[63]Brièvement, cette politique s'applique aux fonctionnaires et aux particuliers nommés par le gouverneur en conseil et ce, même si le mandat est terminé. Elle donne à «l'employeur» (dans notre cas, la CISR et non l'exécutif) une discrétion pleine et entière pour accorder ou non les services juridiques. Cette discrétion donne à la CISR ou son représentant la tâche d'établir si le particulier ou le fonctionnaire a agi honnêtement et sans malice. Cette détermination est essentielle à la démarche prévue dans la politique. Ainsi, on demande à l'employeur de pré-juger de la situation à venir.

[64]Pour les raisons mentionnées au début de la présente (voir le paragraphe 17), l'avocat-général par intérim informait en date du 30 avril 2004 que la demande était refusée.

[65]La Cour note qu'elle n'a pas été saisie d'une demande demandant le contrôle judiciaire de cette décision ou encore d'une procédure questionnant la légalité de la politique concernant les services juridiques. Le demandeur s'est limité à plaider qu'il n'était pas fonctionnaire mais membre de la Section d'appel de la CISR et qu'à ce titre, il bénéficiait d'une indépendance judiciaire qui neutralisait l'applicabilité de cette politique. Ayant déjà conclu que le membre de la Section d'appel de l'immigration n'avait pas les mêmes droits et privilèges qu'un juge de Cour supérieure, dans les circonstances, la politique a sa raison d'être.

[66]Le membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR est assujetti à cette politique car celle-ci prévoit expressément qu'à titre de particulier nommé (ou qui a été nommé anciennement par le gouverneur en conseil), elle s'applique (voir la définition de «fonctionnaire de l'État» à la partie 6 de la politique concernant les services juridiques). En plus, il est intéressant de constater que celle-ci ne lui est pas applicable en tant que fonctionnaire mais en tant que particulier nommé par le gouverneur en conseil.

[67]D'ailleurs, un commissaire de la CISR n'est pas un fonctionnaire du gouvernement fédéral. Dans la législation, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, à l'article 2 [mod. par L.C. 1998, ch. 31, art. 58; 1999, ch. 17, art. 178; 2002, ch. 17, art. 26], on définit la notion de fonctionnaire et on exclut expressément les personnes nommées par le gouverneur en conseil en vertu d'une loi fédérale à un poste prévu par celle-ci.

[68]Donc, les réponses aux deux questions se répondent par la négative, mais la troisième, par l'affirmative.

[69]Avant de terminer, il est important de constater qu'on a prétendu que les arrêts Hamann et Fortin, appuyaient l'argument à l'effet que les frais et honoraires légaux devaient être assumés par la CISR. Cependant, les faits à la base de ces arrêts impliquent des juges dans le cadre d'une révocation. Dans notre cas, le commissaire n'a pas le statut de juge et il n'est pas impliqué dans une procédure de révocation. En plus, tel que noté préalablement, les commissaires sont assujettis à une politique concernant les services juridiques. Ces deux arrêts ne peuvent donc pas être utile pour les fins de la présente.

AUTRES COMMENTAIRES

[70]Ayant décidé de la demande, la Cour considère qu'il est d'intérêt d'ajouter les commentaires suivants. Sans présumer d'aucune façon de la culpabilité du demandeur face aux chefs d'accusation et tenant compte de la présomption d'innocence, il est important de remarquer que les chefs d'accusation dirigés contre le demandeur touchent différents sujets: la fraude contre le gouvernement et l'abus de confiance, l'entrave à la justice et complot, la fausse déclaration relative à un passeport, la fraude de moins de 5 000 $ à l'égard d'une compagnie d'assurance, et l'entreposage négligent d'armes à feu.

[71]Il apparaît difficile d'associer ces chefs d'accusation à l'exercice effectif ou censé des fonctions d'un membre de la Section d'appel de l'immigration. Il semble évident que les chefs d'accusation d'entrave à la justice, de fausse déclaration relative à un passeport et la fraude de moins de 5 000 $ à l'égard d'une compagnie d'assurance et l'entreposage négligent d'armes à feu, ne font pas partie de l'exercice effectif ou censé des fonctions du membre de la Section d'appel de l'immigration de la CISR. Possiblement et ce à l'extrême limite, il se pourrait que les chefs d'accusation de fraude contre le gouvernement et l'abus de confiance puissent être reliés à l'exercice effectif ou censé des fonctions du membre de la Section d'appel de l'immigration. À ce sujet, aucun rapport ne fut remis à la CISR pouvant décrire le lien entre les fonctions et les chefs d'accusation.

[72]Il est même à se demander si un juge de Cour supérieure bénéficiant de tous les attributs découlant de l'indépendance judiciaire, verrait sa demande accordée dans une situation similaire. Il y a certainement matière à analyser pour en arriver à une conclusion. Aucune preuve ne fut présentée à ce sujet.

CONCLUSIONS

[73]En conclusion, le tribunal estime important de répondre aux questions soulevées par le demandeur (voir paragraphe 30 de la présente). On se rappellera que le demandeur avait émis l'hypothèse qu'il serait obligé de plaider coupable car il n'aurait pas les moyens financiers pour retenir les services d'un avocat. En conséquence, la personne raisonnable et renseignée aura la perception que la CISR et ses membres sont corruptibles et que leur indépendance judiciaire est inexistante et que les membres de la CISR actuellement en fonction ne sont pas à l'abri de poursuites reliées à leurs fonctions (lorsqu'ils seront à la retraite), et qu'alors ils devront assumer les coûts de telles poursuites avec les revenus découlant de leur pension. Le demandeur prétend que cette situation compromet l'indépendance judiciaire.

[74]En premier lieu, il faut savoir que la personne raisonnable et renseignée a une connaissance complète de la situation. Elle connaît l'état du droit, la distinction entre un tribunal judiciaire et un tribunal administratif, la notion d'indépendance judiciaire et ses caractéristiques, le niveau d'indépendance de la CISR et de la Section d'appel de l'immigration, le contenu des chefs d'accusation et leur lien avec les fonctions de commissaire de la Section, la politique concernant les services juridiques et la décision prise par la CISR suite à la demande d'assumer les frais et honoraires légaux. Bref, la personne raisonnable et renseignée possède tous les éléments pour comprendre la situation dans son ensemble et dans ses détails.

[75]Dans ce cas, elle aurait à se demander pourquoi la CISR aurait à assumer les frais et honoraires légaux tenant compte des circonstances particulières du dossier. Elle saurait que l'indépendance judiciaire n'est pas nécessairement applicable aux tribunaux administratifs et que l'indépendance de ces derniers dépend de la législation habilitante. Elle connaîtrait les attributs de la CISR et de ses sections ainsi que leurs juridictions respectives. Elle pourrait faire le lien entre les fonctions et les chefs d'accusation ainsi que la décision de la CISR.

[76]Il est difficile d'envisager la possibilité qu'elle considérerait corruptibles les commissaires et la CISR et que leur indépendance est inexistante, si le demandeur plaidait coupable n'étant pas capable de se permettre les services d'un avocat. Plutôt, elle pourrait se demander pourquoi plaider coupable à une situation où il n'est pas coupable. Elle se demanderait s'il n'y a pas d'autres façons de se défendre soit personnellement ou encore, autrement.

[77]Quant à la perception concernant la possibilité pour les membres de la CISR d'avoir à assumer les frais et honoraires légaux lors de poursuite prise lors de leur retraite et qu'en conséquence, leur indépendance judiciaire serait sérieusement compromise, la personne raisonnable et renseignée saurait qu'il y a une politique concernant les services juridiques qui prévoit que même à la retraite, de tels services sont disponibles en autant que la poursuite est reliée aux fonctions et que l'on y retrouve les éléments de bonne foi et d'honnêteté. En plus, elle connaîtrait la nouvelle clause législative 156 de la nouvelle Loi, accordant l'immunité civile et pénale et l'incontraignabilité à témoigner en autant que les faits à la base de la poursuite étaient reliés à l'exercice effectif ou censé des fonctions de membre de la Section d'appel de l'immigration. Une telle perception serait difficile à maintenir en tenant compte de l'information ci-haut mentionnée.

LES DÉPENS

[78]Les deux parties ont demandé les dépens. Le demandeur a même demandé le paiement des honoraires découlant du présent dossier. Étant donné les conclusions de la présente, les dépens iront au défendeur.

ORDONNANCE

C'est pourquoi la cour ordonne ce qui suit:

- La demande de jugement déclaratoire est rejetée, le tout avec dépens en faveur du défendeur.

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