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A-327-04

2004 CAF 438

Télé-Mobile Company/Société Télé-Mobile, TM Mobile Inc. et Rosella Tanja Liberati (demanderesses)

c.

Le Syndicat des travailleurs en télécommunications, le Syndicat des agents de maîtrise de TELUS, section locale 5144 du SCFP, le Syndicat québécois des employés de TELUS, section locale 5044 du SCFP et TELUS Communications Inc. (défendeurs)

Répertorié: Télé-Mobile Co. c. Syndicat des travailleurs en télécommunications (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juges Linden, Sexton et Evans, J.C.A. --Toronto, 4 octobre; Ottawa, 16 décembre 2004.

Relations du travail -- Lorsqu'une société prend le contrôle d'une autre, le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) peut-il, sans consulter les nouveaux employés, les inclure dans l'unité de négociation à laquelle appartiennent les employés de l'entreprise qui a pris le contrôle de l'autre? -- L'acquisition de Clearnet par TELUS a été la plus importante dans l'histoire de l'industrie canadienne des télécommunications -- L'opérateur régional de l'Ouest devenait ainsi un intervenant de taille au niveau national -- Le STT avait, avant l'acquisition, été accrédité pour représenter les employés de TELUS -- La portée géographique de l'unité de négociation n'était pas déterminée -- Après la prise de contrôle, le Conseil avait considéré l'expansion en cours des activités de TELUS et estimé que l'unité de négociation unique devrait s'étendre au-delà de l'Alberta et de la C.-B. -- Il souhaitait éviter la multiplicité de demandes d'accréditation et promouvoir une négociation paisible -- Après la prise de contrôle, TELUS a subi une réorganisation qui avait entraîné la séparation du secteur de la téléphonie mobile et du secteur de la téléphonie fixe, mais le STT voulait une déclaration d'employeur unique -- Les anciens employés de Clearnet n'étaient pas syndiqués -- Le Conseil a le pouvoir, selon l'art. 35 du Code canadien du travail, de déclarer que des entreprises liées constituent un «employeur unique» -- La demande a été accordée, le Conseil estimant qu'une déclaration d'employeur unique minimiserait les effets néfastes de la réorganisation sur les droits de négociation existants -- Les décisions des conseils de relations industrielles appellent un niveau élevé de retenue -- Le droit du travailleur de se joindre ou non à un syndicat peut être annulé par la volonté contraire de la majorité -- La déclaration d'employeur unique n'a pas renforcé les droits de négociation du STT -- La volonté des travailleurs de la société acquise est hors de propos si l'ajout des nouveaux employés ne modifie pas le caractère fondamental et la portée intentionnelle de l'unité de négociation -- Distinction faite d'avec les cas où le Conseil a pris en compte la volonté des nouveaux travailleurs -- La décision du Conseil n'outrepassait pas sa compétence et reposait sur une interprétation raisonnable d'une décision antérieure -- La décision du Conseil concluant à l'existence d'une communauté d'intérêts avait un fondement rationnel -- Comme les nouveaux travailleurs ne représentaient que 20 p. 100 de l'unité de négociation élargie, un vote n'était pas nécessaire pour connaître leur volonté -- La question de savoir si le STT était apte à représenter les travailleurs du Québec était théorique puisque leur syndicat, le SCFP, qui avait transigé avec le STT, n'était pas partie à la demande de contrôle judiciaire -- Vu l'importance des droits linguistiques dans les relations de travail, la Cour devrait s'abstenir de prononcer sur une question théorique sur la seule base d'arguments avancés au nom de l'employeur et du syndicat anglophone -- La simple inclusion dans une unité de négociation et le paiement obligatoire de cotisations ne déclenchent pas l'application de l'art. 2d) de la Charte, qui garantit la liberté d'association.

Télécommunications -- Relations du travail -- La prise de contrôle de Clearnet par TELUS a été la plus importante dans l'histoire de l'industrie des télécommunications au Canada -- La réorganisation de l'entreprise avait séparé les activités de la téléphonie fixe et celles de la téléphonie mobile, mais le syndicat voulait une déclaration d'employeur unique -- Le point principal était celui de savoir si le Conseil canadien des relations industrielles pouvait, sans consulter les employés de la société acquise, les ajouter à l'unité de négociation à laquelle appartenaient les employés de la société qui avait pris le contrôle de l'autre.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de deux décisions du Conseil canadien des relations industrielles. Le point à décider était le suivant: lorsque la société A prend le contrôle de la société B, le Conseil peut-il licitement inclure les employés de la société B dans l'unité de négociation à laquelle appartiennent les employés de la société A, sans d'abord s'assurer de la volonté des employés de la société B de faire partie de cette unité de négociation ou même d'une autre unité de négociation?

TELUS disait que, après l'absorption par TELUS de Clearnet et de deux sociétés comprises dans le groupe QuébecTel, le Conseil avait englobé quelque 2 000 anciens employés de ces sociétés dans l'unité de négociation regroupant les employés existants de TELUS. Selon TELUS, puisque le Conseil avait négligé au préalable de s'assurer de la volonté des nouveaux employés, il avait contrevenu au principe de la primauté du choix des employés dans les décisions se rapportant à la représentation syndicale, un principe inscrit dans le Code canadien du travail. Le défendeur, le Syndicat des travailleurs en télécommunications (le STT), qui représentait 10 000 employés de TELUS en C.-B. et en Alberta avant les acquisitions, s'est porté à la défense de la décision du Conseil, décision qui pour lui n'était pas manifestement déraisonnable. Le syndicat faisait aussi valoir que, puisque les nouveaux employés ne formaient qu'une petite minorité de l'unité de négociation élargie, il n'était pas nécessaire pour le Conseil d'ordonner un vote de tous les membres pour s'assurer que le syndicat avait encore le soutien de la majorité.

Les intérêts de quelque 100 anciens employés de QuébecTel avaient été représentés devant le Conseil par leur syndicat, le SCFP, qui s'était opposé à leur inclusion dans l'unité de négociation du STT, mais qui était arrivé à un accord avec le STT et avait décidé de ne pas se joindre à la demande de contrôle judiciaire. L'absence du SCFP dans cette demande risquait d'affaiblir la prétention de TELUS à représenter les intérêts des anciens employés de QuébecTel. On pouvait même affirmer que les inquiétudes de TELUS portaient principalement sur la position des anciens employés de Clearnet. Il était permis de se demander si TELUS avait l'intérêt requis pour invoquer les droits constitutionnels des anciens employés de Clearnet afin de s'opposer à leur inclusion dans l'unité de négociation.

En 2000, TELUS prenait le contrôle de Clearnet à la suite d'une entente d'une valeur de 6,6 milliards de dollars. Ce fut la plus importante acquisition de l'histoire de l'industrie des télécommunications au Canada, et une entreprise d'envergure régionale devenait du jour au lendemain un intervenant de taille sur la scène nationale. Au chapitre des relations de travail, TELUS avait auparavant fusionné avec BC Telecom, et les employés de la société issue de la fusion étaient représentés par quatre syndicats et régis par cinq conventions collectives. Afin de rationaliser ses relations de travail, TELUS avait demandé au Conseil, en 1999, en application de l'article 18.1 du Code, de redéfinir les unités de négociation. Les parties sont parvenues à une entente, qui a été ratifiée par le Conseil, lequel a alors ordonné la tenue d'un vote par lequel les employés éliraient le syndicat qui les représenterait. Le STT l'a emporté. Il a donc été accrédité comme unique agent de négociation pour les employés de TELUS. Les parties n'ont pu s'entendre sur la portée géographique de l'unité de négociation. Après l'acquisition de Clearnet, le Conseil a repris ses audiences, dont l'objet était de savoir si l'unité de négociation unique devait s'étendre au-delà de l'Alberta et de la C.-B. Dans sa décision de 2001--qui avait un rapport étroit avec la décision de 2004 ici contestée--le Conseil avait tenu compte de l'expansion en cours des activités de TELUS et il avait conclu que, s'il ne tenait pas compte de cette réalité en définissant l'unité de négociation unique, il en résulterait une multiplicité de demandes d'accréditation, avec le résultat qu'aucune des parties n'y trouverait son compte et que le Conseil aurait manqué à ses obligations selon le Code. Le Conseil était semble-t-il d'avis que le fait de restreindre l'unité de négociation unique à l'Alberta et à la C.-B. n'encouragerait pas une négociation paisible et harmonieuse. Partant, de conclure le Conseil, puisque les activités de TELUS se développaient vers l'Est, les employés additionnels devraient être inclus dans l'unité de négociation unique. Mais le Conseil a nuancé cette conclusion en affirmant que «l'acquisition d'entreprises et l'expansion d'une entreprise sont deux choses différentes qui doivent donc être traitées de manière différente. Pour répondre à la question de savoir comment les acquisitions seront intégrées dans l'unité de négociation, le cas échéant, il sera nécessaire de déterminer leur degré d'intégration aux activités de l'entreprise [. . .] Tant que le Conseil ne rendra pas une ordonnance contraire, ces acquisitions ne seront pas comprises d'office dans la description de l'unité de négociation unique [. . .]» TELUS avait présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision, mais la demande avait été rejetée.

Après ses acquisitions de 2000, TELUS s'était lancée dans une réorganisation qui avait conduit à la séparation de ses activités de téléphonie mobile et de ses activités de téléphonie fixe. Le segment de la téléphonie mobile était désormais appelé TELUS Mobilité; les employés de TELUS affectés à la téléphonie fixe en Alberta et en Colombie-Britannique travaillaient pour TELUS Communications Inc. (TCI). Cependant, s'agissant de la négociation collective, les relations antérieures n'étaient pas modifiées, tandis que les anciens employés de Clearnet demeuraient non syndiqués. En 2001, le STT, qui souhaitait représenter tous les employés de TELUS affectés à la téléphonie mobile, demandait que TELUS Mobilité et TCI soient déclarés un seul employeur et que les nouveaux employés soient inclus dans une unité de négociation unique.

Les parties reconnaissaient qu'une bonne compréhension de la décision de 2001 était essentielle pour la solution des questions traitées dans la décision de 2004 du Conseil, mais elles ne pouvaient s'entendre sur la nature de la décision de 2001. Dans sa décision de 2004, le Conseil a conclu que, si TELUS disposait maintenant d'un grand nombre d'employés non syndiqués affectés à la téléphonie mobile, cela ne constituait pas une raison pour le Conseil de s'écarter de l'unité de négociation unique établie. Selon lui, c'était à la partie souhaitant modifier cette situation qu'il incombait de prouver la nécessité d'une révision.

Selon l'article 35 du Code, le Conseil peut déclarer que des entreprises associées constituent «un employeur unique» si elles sont exploitées par plusieurs employeurs assurant ensemble le contrôle ou la direction de telles entreprises. C'était le cas ici. Le Conseil s'est alors demandé si le fait d'accorder la déclaration demandée servirait un objet intéressant les relations industrielles et il a conclu qu'une telle déclaration permettrait de minimiser les effets néfastes de réorganisations d'entreprises sur les droits de négociation existants. Le Conseil a estimé qu'il serait prématuré de reconfigurer l'unité de négociation avant que les arrangements approuvés dans la décision de 2001 aient eu le temps de fonctionner. Il a considéré que les nouveaux employés effectuaient le même travail que les employés de la téléphonie mobile déjà englobés dans l'accréditation initiale et que la tenue d'un vote serait inutile. Leur inclusion ne constituait pas un changement radical de l'unité envisagée par l'accréditation initiale.

Le Conseil a aussi étudié l'argument selon lequel le STT, un syndicat anglophone basé dans l'Ouest, n'était pas apte à représenter les anciens employés de Clearnet qui travaillaient en Ontario, ni les anciens employés francophones de QuébecTel. Si un syndicat a été choisi par la majorité des employés pour qu'il les représente, son «aptitude» n'intéressait ni les demandes de déclarations d'employeur unique ni les révisions de la structure d'unités de négociation.

Le Conseil a rejeté l'argument selon lequel il y aurait violation du droit des nouveaux employés à la liberté d'association qui est garantie par l'alinéa 2d) de la Charte s'il incluait les nouveaux employés dans les unités de négociation unique existantes.

Arrêt: la demande doit être rejetée.

Compte tenu de la clause privative qui figure dans l'article 22 du Code, il a été admis que la décision du Conseil ne pouvait être réformée qu'en application de l'alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales et ne pouvait être annulée que si elle outrepassait la compétence du Conseil. Les conseils de relations industrielles comptent parmi les plus élevés de nos tribunaux administratifs et ils sont vus comme dépositaires d'un large mandat et d'une spécialisation correspondante en matière de relations de travail. Leurs décisions appellent de la part des cours de justice un niveau élevé de retenue. Il est donc inutile de mener une analyse pragmatique et fonctionnelle complète chaque fois que la décision d'un conseil de relations industrielles est l'objet d'une procédure de contrôle judiciaire. Les décisions des conseils de relations industrielles qui sont fondées sur une interprétation de leurs lois constitutives ne sont en principe réformables que selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, quand bien même la disposition législative en cause renfermerait également une signification juridique plus générale.

La principale question d'interprétation législative était celle de savoir si le Conseil était implicitement tenu par le Code de s'assurer et de tenir compte de la volonté des anciens employés de Clearnet et de QuébecTel. La deuxième question était celle de savoir s'il devait tenir compte de l'aptitude du STT à représenter les nouveaux employés. Les objets des articles 18.1 et 35 servent à promouvoir les objets généraux du Code, et ils requièrent une mise en équilibre des intérêts et une sensibilité aux relations industrielles, deux choses qui intéressent éminemment la spécialisation du Conseil.

Les fusions et acquisitions d'entreprises ne sont pas des phénomènes rares, mais elles peuvent avoir des conséquences fâcheuses pour les travailleurs, notamment pertes d'emplois ou relocalisations. Ici, cela signifiait le passage d'un régime de contrats individuels de travail à l'obligation d'appartenir à un syndicat. Et, même si le Code attache de l'importance au choix des travailleurs d'appartenir ou de ne pas appartenir à un syndicat, la volonté d'un employé donné peut être annulée par la volonté contraire de la majorité. Pour le Conseil, la volonté des nouveaux employés avait rapport avec la déclaration d'employeur unique et avec sa révision de la structure de l'unité de négociation, mais uniquement dans la mesure où leur inclusion pouvait jeter le doute sur le soutien manifesté pour le STT par la majorité des membres de l'unité élargie.

Devant le Conseil, les demanderesses avaient fait valoir qu'une déclaration d'employeur unique renforcerait les droits de négociation du STT sans que le syndicat soit tenu d'organiser les nouveaux employés et d'obtenir leur appui. Ainsi, disaient-elles, l'effet de la déclaration dépassait la simple protection de droits existants. Cet argument a été rejeté, pour deux raisons: 1) l'inclusion des nouveaux employés ne renforçait pas les droits conférés au syndicat par la décision de 2001; 2) les objets que vise une déclaration au sens de l'article 35 étaient assez larges pour englober non seulement la protection de droits de négociation existants contre une menace d'érosion, mais également l'évitement de conflits entre groupes d'employés.

S'agissant de l'examen de la structure de l'unité de négociation, l'argument principal des demanderesses était que l'inclusion des nouveaux employés modifiait la nature de l'unité telle qu'elle était décrite dans le certificat de négociation. La jurisprudence du Conseil, selon elles, obligeait le Conseil, dans ces conditions, à tenir compte de la volonté des nouveaux employés avant de dire si une reconfiguration de l'unité de négociation s'imposait. Le principal précédent sur ce point était la décision Téléglobe Canada (Re). Dans cette affaire, le Conseil avait dit que la non-inclusion d'un grand nombre d'employés additionnels dans une unité de négociation existante pouvait miner les droits de négociation en permettant à l'employeur de favoriser les employés non accrédités, et finalement en réduisant l'efficacité d'une menace de grève de la part du syndicat. L'espèce Téléglobe permettait d'affirmer que la volonté des nouveaux employés était hors de propos si leur ajout ne modifiait pas «le caractère fondamental et la portée intentionnelle» de l'unité de négociation.

Le troisième point était celui de savoir si la décision de 2004 était le résultat d'un excès de pouvoir parce qu'elle était fondée sur une interprétation manifestement déraisonnable de la décision de 2001. On ne pouvait pas dire que le Conseil avait interprété déraisonnablement sa décision antérieure en la considérant comme une décision qui établissait les critères à appliquer dans l'avenir pour savoir si des groupes donnés d'employés «acquis» devraient devenir membres de l'unité de négociation. Le Conseil n'a pas non plus commis d'erreur en faisant reposer sur les épaules des nouveaux employés la charge de démontrer pourquoi ils devraient être exclus. La décision de 2004 ne dépendait pas de la charge de la preuve: les faits n'étaient pas contestés. Le Conseil n'était tout simplement pas disposé à revisiter sa décision antérieure, selon laquelle il y avait communauté d'intérêts entre les employés de TELUS affectés à la téléphonie fixe et ceux affectés à la téléphonie mobile.

Un autre argument avancé par les demanderesses était que le Conseil n'avait pas agi d'une manière conforme à la directive contenue dans la décision de 2001, directive selon laquelle les «critères habituels» devaient être appliqués avant que des employés «acquis» soient ajoutés à l'unité de négociation. Mais des facteurs tels que la similitude des tâches accomplies, l'étroitesse des rapports entre les employés et la nature géographiquement illimitée de l'unité de négociation constituaient de bonnes raisons pour le Conseil de dire qu'il y avait une communauté d'intérêts entre les nouveaux employés et les employés de la téléphonie mobile qui étaient déjà compris dans l'unité de négociation. Quant à la volonté des employés, puisque les nouveaux employés ne représentaient qu'environ 20 p. 100 de l'unité de négociation élargie, leur volonté ne pouvait pas éroder le soutien de la majorité de l'unité à une représentation par le STT. Il était donc inutile d'organiser un vote pour voir ce qu'était la volonté des nouveaux employés. Le Conseil n'a pas non plus commis d'erreur lorsqu'il a dit que l'octroi de la déclaration servirait des fins réparatrices: protection des droits de négociation contre l'érosion et promotion de relations industrielles saines. La décision de 2004 n'était pas fondée sur une interprétation manifestement déraisonnable de la décision antérieure.

Quant à l'aptitude du STT à représenter les anciens employés de QuébecTel, la question était théorique, puisque leur ancien syndicat, le SCFP, était arrivé à une entente avec le STT et qu'il ne s'était pas joint à la demande de contrôle judiciaire. Vu l'importance des droits linguistiques dans le contexte canadien des relations de travail, la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire de trancher la question de l'«aptitude» quand elle est théorique et que la Cour n'a entendu que les arguments avancés au nom de l'employeur et du syndicat anglophone. S'agissant des anciens employés de Clearnet, l'«aptitude» de l'agent négociateur à représenter des employés «ajoutés» n'est nulle part mentionnée dans la jurisprudence comme l'un des «critères habituels» dont le Conseil doit tenir compte lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire selon l'article 18.1. Il n'était pas manifestement déraisonnable pour le Conseil de dire que la capacité du STT de représenter l'unité de négociation était une question que devait décider non pas le Conseil, mais la majorité des membres de l'unité élargie.

Finalement, l'argument des demanderesses fondé sur la liberté d'association, laquelle est garantie par l'alinéa 2d) de la Charte, a été rejeté. Les circonstances de l'affaire Advance Cutting & Coring, un précédent qu'elles avaient invoqué, se distinguaient aisément des circonstances de la présente affaire. Ici, les nouveaux employés ne sont pas, en raison de la formule Rand, tenus de se joindre au STT; dans l'espèce Advance Cutting & Coring, les employés étaient légalement tenus d'appartenir à l'un des syndicats désignés. La simple inclusion dans une unité de négociation et le paiement obligatoire de cotisations ne déclenche pas l'application de l'alinéa 2d) de la Charte, même si les membres de l'unité de négociation qui décident de ne pas appartenir au syndicat se privent par le fait même de toute intervention dans la manière dont il les représente.

lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 2b), d).

Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, préambule, art. 8, 18, 18.1 (édicté par L.C. 1998, ch. 26, art. 7), 22 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 56; 1998, ch. 26, art. 9; 2002, ch. 8, art. 182(1)e)), 35 (mod. par L.C. 1998, ch. 26, art. 17), 37.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1(4) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

jurisprudence citée

décisions appliquées:

Ivanhoe Inc. c. TUAC, section locale 500, [2001] 2 R.C.S. 565; (2001), 201 D.L.R. (4th) 577; 35 Admin. L.R. (3d) 149; 272 N.R. 201; 2001 CSC 47; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; (2003), 223 D.L.R. (4th) 599; [2003] 5 W.W.R. 1; 11 B.C.L.R. (4th) 1; 48 Admin. L.R. (3d) 1; 179 B.C.A.C. 170; 302 N.R. 34; 2003 CSC 18; Air Canada (Re), [2000] CCRI no 78; [2000] D.C.C.R.I. no 32 (QL).

décisions distinctes:

R. c. Advance Cutting & Coring Ltd., [2001] 3 R.C.S. 209; (2001), 205 D.L.R. (4th) 385; 87 C.R.R. (2d) 189; 276 N.R. 1; 2001 CSC 70; Autocar Royal (9011-4216 Québec Inc.) (Re), [1999] CCRI no 42.

décisions examinées:

TELUS Advanced Communications et autres, [2001] CCRI no 108; [2001] D.C.C.R.I. no 5 (QL); Téléglobe Canada (Re) (1979), 32 di 270; 80 CLLC 16,025; [1979] 3 C.L.R.B.R. 86 (C.C.R.T.); British Columbia Telephone Company (1978), 28 di 909; 78 CLLC 16,146; [1978] 2 C.L.R.B.R. 387 (C.C.R.T.); AirBC Limited (1990), 81 di 1; 90 CLLC 16,035 (C.C.R.T.); BCT.Telus et autres (2000), 69 C.L.R.B.R. (2d) 184; [2000] CCRI no 73.

décisions citées:

Telus Advanced Communications, division de Telus Communications Inc. c. Syndicat des travailleurs en télécommunications (2002), 293 N.R. 364; 2002 CAF 310; Certen Inc. (Re), [2003] CCRI no 233; [2003] D.C.C.R.I. no 26 (QL); Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario, [1991] 2 R.C.S. 211; (1991), 3 O.R. (3d) 511; 81 D.L.R. (4th) 545; 91 CLLC 14,029; 4 C.R.R. (2d) 193; 126 N.R. 161; 48 O.A.C. 241; Conseil canadien des relations de travail c. Transair Ltd., [1977] 1 R.C.S. 722; (1976), 67 D.L.R. (3d) 421; 76 CLLC 14,024; 9 N.R. 181; General Aviation Services Ltd. (1979), 34 di 791; [1979] 2 C.L.R.B.R. 98 (C.C.R.T.).; Metroland Printing, Publishing and Distributing Ltd., [2003] O.L.R.D. no 514 (C.R.T.O.) (QL).

DEMANDE de contrôle judiciaire de décisions du Conseil canadien des relations industrielles (TELUS Corp. (Re), [2004] CCRI no 278; [2004] D.C.C.R.I. no 19 (QL)), qui soulevait le point de savoir si, lorsqu'une société prend le contrôle d'une autre, le Conseil peut inclure les employés de la société acquise dans l'unité de négociation à laquelle appartiennent les employés de la société acquéreuse, sans d'abord s'assurer de la volonté des employés de la société acquise. Demande rejetée.

ont comparu:

Roy C. Filion, c.r. et Sharon L. Chilcott pour les demanderesses.

David Stratas, Brian W. Burkett et Brad Allen Elberg pour la défenderesse, TELUS Communi-cations Inc.

M. D. Shortt, c.r. et Patty Dumaresq pour le défendeur Syndicat des travailleurs en télécommunications.

avocats inscrits au dossier:

Filion Wakely Thorup Angeletti LLP, Toronto, pour les demanderesses.

Heenan Blaikie LLP, Toronto, pour la défenderesse TELUS Communications Inc.

Shortt, Moore & Arsenault, Vancouver, pour le défendeur Syndicat des travailleurs en télécommunications.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Evans, J.C.A.:

A. INTRODUCTION

[1]Les demanderesses sollicitent le contrôle judiciaire de deux décisions du Conseil canadien des relations industrielles. Leur demande soulève une question importante qui, malgré la complexité des faits et le nombre de points soulevés, peut être énoncée très simplement.

[2]Lorsque la société A prend le contrôle de la société B, le Conseil peut-il licitement inclure les employés de la société B dans l'unité de négociation à laquelle appartiennent les employés de la société A, sans d'abord s'assurer et tenir compte de la volonté des employés de la société B de faire partie de cette unité de négociation ou même d'une autre unité de négociation?

[3]Les demanderesses (ci-après TELUS) disent que, après l'absorption par TELUS de Clearnet Communications Inc. (Clearnet) et de deux sociétés comprises dans le groupe QuébecTel Inc. (QuébecTel), le Conseil a englobé quelque 2 000 anciens employés de ces sociétés (les nouveaux employés) dans l'unité de négociation regroupant les employés existants de TELUS. Selon les demanderesses, puisque le Conseil a négligé au préalable de s'assurer et de tenir compte de la volonté des nouveaux employés, ses décisions contreviennent au principe de la primauté du choix des employés dans les décisions se rapportant à la représentation syndicale, un principe fondamental des relations industrielles énoncé dans le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, et elles contreviennent à une convention internationale à laquelle le Canada est partie, ainsi qu'à la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]].

[4]La partie défenderesse qui s'oppose à la demande est le Syndicat des travailleurs en télécommunications (le STT), qui, immédiatement avant les acquisitions, représentait 10 000 employés de TELUS en Colombie- Britannique et en Alberta. Le STT dit que, si la gamme complète des considérations liées aux relations industrielles est prise en compte, l'inclusion des nouveaux employés dans l'unité de négociation n'est pas manifestement déraisonnable. Par ailleurs, puisque leur inclusion n'entraîne pas un changement radical de l'unité de négociation ou de l'accréditation, la décision du Conseil s'accorde avec sa jurisprudence bien établie. Et, puisque les nouveaux employés forment une petite minorité de l'unité de négociation élargie, il n'était pas nécessaire pour le Conseil d'ordonner un vote de tous les membres pour s'assurer que le STT avait encore le soutien de la majorité. Finalement, l'inclusion des nouveaux employés dans l'unité, et leur représentation par le STT, même si elles sont contraires à leur volonté, ne vont pas à l'encontre des droits qui leur sont reconnus par la Charte.

[5]Dans les présents motifs, j'emploierai l'appel-lation «TELUS» pour désigner collectivement les demanderesses. Cependant, l'une des demanderesses, Rosella Tanja Liberati, est une employée travaillant dans le segment sans fil de TELUS, qui a commencé son emploi après la clôture des audiences du Conseil, mais avant que le Conseil ne rende sa décision. Elle n'est pas représentée par un syndicat et ne souhaite pas l'être. Aucun des anciens employés de Clearnet n'a comparu ni n'était représenté aux audiences du Conseil pour s'opposer à leur inclusion dans l'unité de négociation.

[6]Les intérêts des quelque 100 anciens employés de QuébecTel étaient représentés devant le Conseil par leur syndicat, le SCFP (Syndicat canadien de la fonction publique], qui s'opposait à leur inclusion dans l'unité de négociation du STT. Cependant, après être arrivé à un accord avec le STT, le SCFP a décidé de ne pas intervenir dans cette demande de contrôle judiciaire de la décision du Conseil.

[7]L'absence du SCFP dans cette demande risque d'affaiblir la prétention de TELUS à représenter les intérêts des anciens employés de QuébecTel. On peut même affirmer que, aux fins de cette demande de contrôle judiciaire, les inquiétudes de TELUS portaient principalement sur la position des anciens employés de Clearnet. Cependant, leur absence de l'instance introduite devant le Conseil peut conduire à se demander si TELUS avait l'intérêt requis pour invoquer les droits constitutionnels des anciens employés de Clearnet afin de s'opposer à leur inclusion dans l'unité de négociation.

[8]Néanmoins, après examen de la plupart des arguments avancés par TELUS, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

[9]D'abord, je ne suis pas persuadé que les décisions contestées devraient être annulées au motif que le Conseil aurait outrepassé sa compétence en rendant des décisions qui sont manifestement déraisonnables parce qu'il n'a pas d'abord vérifié et pris en compte la volonté des nouveaux employés et la capacité du STT de les représenter.

[10]Deuxièmement, à mon avis, l'inclusion des nouveaux employés dans l'unité de négociation pour laquelle le STT est l'unique agent de négociation ne les prive pas du droit fondamental d'association qui leur est garanti par l'alinéa 2d) de la Charte.

[11]La présente instance regroupe les demandes de contrôle judiciaire de deux décisions du Conseil. La première, décision-lettre du CCRI, qui porte le numéro 1088, est un sommaire de la décision rendue publique ultérieurement par le Conseil le 24 juin 2004 en tant que [2004] CCRI no 278 [TELUS Corp. (Re)]. À toutes fins utiles, la décision contestée est la décision no 278, que j'appellerai dans les présents motifs la décision de 2004, afin de la distinguer d'une décision de 2001 du Conseil, qui revêt une grande importance dans la présente affaire.

B. LES FAITS

[12]L'événement déterminant à l'origine de cette demande de contrôle judiciaire est la prise de contrôle de Clearnet par TELUS en 2000. Les négociations avaient débuté en juillet de cette même année; l'entente, d'une valeur de 6,6 milliards de dollars, fut annoncée en août, et l'acquisition de la quasi-totalité des actions de Clearnet s'est achevée en octobre 2000. Ce fut la plus importante acquisition de l'histoire de l'industrie des télécommunications au Canada, et une entreprise qui n'était auparavant active qu'en Colombie-Britannique et en Alberta, et surtout dans la téléphonie fixe, devenait donc du jour au lendemain un intervenant de taille sur la scène nationale des télécommunications mobiles ou sans fil. L'acquisition de Clearnet avait été précédée de l'achat, par TELUS, de deux filiales de QuébecTel, l'une opérant dans la téléphonie fixe et l'autre dans le sans fil.

[13]Pour bien comprendre ces événements, ainsi que leurs conséquences au chapitre des relations de travail, il est utile de faire un bref historique des entreprises concernées et de leurs relations industrielles. À ses débuts, TELUS était une société de l'Alberta s'occupant de téléphonie fixe, mais entretenant des aspirations nationales. Au début de 1999, TELUS a fusionné avec BC Telecom Inc.; la société issue de la fusion était connue sous le nom de BCT.TELUS. Antérieurement, chaque société avait, par l'entremise de ses filiales d'exploitation, fourni des services régionaux de téléphonie fixe et de téléphonie sans fil.

[14]Après la fusion, le contexte des relations industrielles s'est compliqué: les employés étaient représentés par quatre syndicats, ils formaient cinq unités de négociation et ils étaient régis par cinq conventions collectives. En Colombie-Britannique, le STT représentait dans une seule unité de négociation les employés du sans fil et ceux de la téléphonie fixe; en Alberta, les employés du sans fil et ceux de la téléphonie fixe appartenaient à des unités de négociation distinctes et étaient représentés par différents agents de négociation. Afin de rationaliser ses relations de travail, BCT.TELUS demandait au Conseil en février 1999, en application de l'article 18.1 [édicté par L.C. 1998, ch. 26, art. 7] du Code, notamment un examen et une redéfinition des unités de négociation présentes au sein de BCT.TELUS et de ses filiales.

[15]La procédure introduite devant le Conseil fut ajournée pour permettre aux parties d'arriver à une entente, ce qu'elles ont fait sur la plupart des points. L'entente prévoyait une unité de négociation unique regroupant les employés de la téléphonie fixe et ceux de la téléphonie mobile en Alberta et en Colombie- Britannique. Le Conseil a rendu une ordonnance donnant effet à l'entente et a ordonné la tenue d'un vote par lequel les employés éliraient le syndicat qui les représenterait. Le STT l'a emporté et a été dûment accrédité par le Conseil comme unique agent de négociation pour les employés de TELUS, dénomination que BCT.TELUS avait adoptée entre-temps. Le Conseil s'est réservé de réexaminer la description de l'unité.

[16]Aux fins qui nous intéressent ici, le point le plus important sur lequel les parties n'ont pu s'entendre était la portée géographique de l'unité de négociation. C'était sans aucun doute parce qu'elles savaient que les activités de TELUS allaient bientôt s'élargir, d'une manière ou d'une autre. Le Conseil a repris ses audiences en septembre, le mois suivant l'annonce de l'acquisition de Clearnet par TELUS; l'objet des audiences était de savoir, entre autres, si la nouvelle unité de négociation unique qui avait été convenue s'étendait au-delà de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Le Conseil a rendu sa décision le 9 février 2001. Il s'agit de la décision [2001] CCRI no 108 [TELUS Advanced Comunications et autres], que j'appellerais dans les présents motifs la décision de 2001.

[17]La décision de 2001 a un rapport étroit avec la décision de 2004 qui est contestée dans la présente demande. Dans ses motifs à l'appui de la décision de 2001, le Conseil écrivait (au paragraphe 28):

L'employeur s'est empressé de soumettre sa demande pour que le Conseil soit au courant du caractère changeant de ses activités. Compte tenu de l'expansion, projetée et en cours, des activités actuelles (p. ex. Telus Mobilité) à l'est de l'Alberta, le fait pour le Conseil de ne pas tenir compte de cette réalité en définissant l'unité de négociation unique mènerait à une multiplicité de demandes d'accréditation et (ou) de révision. Aucune des parties n'y trouverait son compte, et le Conseil aurait manqué à ses obligations en vertu du Code.

[18]Les «obligations du Conseil» semblent être une référence à l'observation du Conseil, dans le paragraphe antérieur, selon laquelle «une ordonnance confinant l'unité de négociation unique aux régions géographiques de l'Alberta et de la Colombie-Britannique» n'atteindrait pas l'objectif du Code, c'est-à-dire des «négociations utiles, pacifiques et harmonieuse».

[19]Partant, de conclure le Conseil, puisque les activités de TELUS se développaient vers l'Est, les employés additionnels seraient inclus dans l'unité de négociation unique. À ce stade cependant, le Conseil apportait (au paragraphe 30) une nuance de taille. Puisque cette nuance est au coeur des arguments des demanderesses, je la reproduis ici intégralement:

L'acquisition d'entreprises et l'expansion d'une entreprise sont deux choses différentes qui doivent donc être traitées de manière différente. Pour répondre à la question de savoir comment les acquisitions seront intégrées dans l'unité de négociation, le cas échéant, il sera nécessaire de déterminer leur degré d'intégration aux activités de l'entreprise. Dans la mesure où elles demeureront des activités distinctes, il n'y aura peut-être pas lieu de les inclure dans l'unité de négociation unique. Le Conseil appliquera les critères habituels (p. ex. la communauté d'intérêts) pour déterminer si les groupes d'employés en cause devraient être compris dans la nouvelle unité de négociation unique. Le Conseil ne dispose pas de suffisamment d'éléments de preuve pour se prononcer sur les acquisitions récentes ou projetées. Tant que le Conseil ne rendra pas une ordonnance contraire, ces acquisitions ne seront pas comprises d'office dans la description de l'unité de négociation unique adoptée et approuvée par le Conseil. [Non souligné dans l'original.]

[20]TELUS a présenté une demande de contrôle judiciaire pour faire annuler la décision de 2001, mais la demande a été rejetée: Telus Advanced Communications, division de Telus Communications Inc. c. Syndicat des travailleurs en télécommunications (2002), 293 N.R. 364 (C.A.F.).

[21]Finalement, je voudrais exposer à grands traits les réorganisations qui ont eu lieu au sein du groupe d'entreprises TELUS après l'acquisition par TELUS, en 2000, de QuébecTel et de Clearnet et qui ont une incidence sur les aspects liés aux relations industrielles auxquels se rapporte la présente instance.

[22]TELUS a séparé ses activités sans fil de ses activités de téléphonie fixe. Toutes les activités sans fil de TELUS, menées à la fois par les entreprises existantes de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, et par les sociétés acquises, ont été confiées à un partenariat, TELE-MOBILE COMPANY/SOCIÉTÉ TÉLÉ- MOBILE, qui exerçait ses activités sous le nom de TELUS Mobilité. J'utilise cette dernière dénomination dans les présents motifs pour désigner l'employeur des employés de TELUS affectés aux activités sans fil. Les employés de TELUS affectés à la téléphonie fixe en Alberta et en Colombie-Britannique ont été cédés à TELUS Communications Inc. (TCI).

[23]Cependant, la cession des employés à de nouveaux employeurs ne modifiait pas leurs anciens rapports de travail. Plus précisément, s'agissant de la négociation collective, les relations antérieures des anciens employés de TELUS affectés à la téléphonie fixe ou au segment sans fil en Alberta et en Colombie-Britannique n'étaient pas modifiées, et les employés qui avaient été représentés par le STT continuaient de l'être. De même, les anciens employés de QuébecTel qui avaient été représentés par le SCFP l'étaient encore, tandis que les anciens employés de Clearnet demeuraient non syndiqués.

[24]En mars 2001, le STT demandait que soit revue et modifiée cette structure des relations industrielles, compte tenu des modifications qui avaient regroupé en tant qu'employés de TELUS Mobilité les employés de TELUS affectés au sans fil, et en tant qu'employés de TCI les employés de TELUS affectés à la téléphonie fixe. Le STT voulait représenter tous les employés de TELUS affectés au sans fil, y compris les nouveaux employés. À cette fin, le STT a demandé que TELUS Mobilité et TCI soient déclarés un seul employeur et que les nouveaux employés soient inclus dans une unité de négociation unique.

[25]La demande s'est heurtée à l'opposition des sociétés et du SCFP, qui ont fait valoir que la structure des relations industrielles de TELUS devrait rester essentiellement inchangée. Les sociétés considéraient que la question véritable à laquelle devait répondre le Conseil était l'effet du regroupement des activités de TELUS dans le sans fil en une seule société nationale, TELUS Mobilité.

[26]C'est la manière dont le Conseil a disposé de cette demande, c'est-à-dire la décision de 2004, qui est l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

C. LA DÉCISION No 278 DU CONSEIL (la décision de 2004)

[27]À partir du 28 août 2001 et jusqu'au 23 mai 2003, le Conseil a durant 33 jours tenu des audiences sur la demande du STT. Les motifs du Conseil, qui ont été rendus publics le 24 juin 2004, comportent 378 paragraphes. Les motifs du membre dissident sont presque aussi longs, puisqu'ils s'étalent sur 275 paragraphes. Si je dis cela, c'est pour faire ressortir l'ampleur et la complexité de la tâche du Conseil, ampleur et complexité qui sont pleinement reflétées dans deux ensembles de motifs réfléchis et détaillés.

[28]Heureusement, les points examinés dans la décision de 2004 n'ont pas tous un rapport direct avec la demande de contrôle judiciaire, et les demanderesses n'ont pas contesté toutes les conclusions défavorables du Conseil, même si elles ne les acceptent pas nécessairement. C'est pourquoi, même si j'entends me concentrer sur les quatre aspects des motifs du Conseil qui sont en cause dans la présente instance, un compte rendu relativement complet des motifs en question permettra de comprendre les points dont dépend l'issue de cette affaire.

(i) La décision no 108 (la décision de 2001)

[29]Les parties reconnaissent qu'une bonne compréhension de la décision de 2001 est essentielle pour la solution des questions soumises au Conseil dans la décision de 2004. Cependant, elles ne s'entendent pas sur la nature de la décision de 2001, ou sur le point de savoir si cette décision a été bien comprise par le Conseil dans la décision de 2004. Le Conseil disait dans sa décision de 2004 que sa décision de 2001 reposait sur l'admission de TELUS selon laquelle une unité de négociation unique pour les employés affectés au sans fil et ceux affectés à la téléphonie fixe était opportune à des fins de négociation collective, et selon laquelle, dans la décision de 2001, le Conseil avait approuvé une unité de négociation unique. Dans la décision de 2004, le Conseil concluait ainsi (au paragraphe 189):

Le fait qu'une partie de l'expansion de TELUS est actuellement attribuable à l'ajout par le biais d'acquisitions de nombreux employés du volet sans fil qui n'étaient pas syndiqués auparavant ne devrait pas inciter le Conseil à s'écarter de l'unité de négociation unique établie. Il existe actuellement une seule unité de négociation incluant les employés des deux volets, filaire et sans fil, de sorte que c'est à la partie désireuse de changer cette situation qu'il incombe de prouver la nécessité d'une révision.

[30]Dans sa décision de 2004, le Conseil faisait aussi observer (au paragraphe 185) qu'il avait jugé, dans la décision de 2001, que, eu égard à l'expansion prévue de TELUS, l'unité de négociation ne devrait pas être circonscrite géographiquement de telle sorte qu'elle devait englober «les projets d'expansion de TELUS Mobility à l'est de l'Alberta». Ainsi, on peut lire dans la décision de 2001 (au paragraphe 29):

En conséquence, la description de l'unité de négociation ne doit pas être limitée sur le plan géographique; elle doit plutôt englober, implicitement, toutes les activités possibles de Telus au Canada.

[31]Cependant, dans la décision de 2004, le Conseil faisait observer (au paragraphe 186) que, selon la décision de 2001, les employés des sociétés acquises, par opposition aux employés additionnels recrutés par TELUS à mesure que ses activités s'élargissaient,

[. . .] ne seraient pas automatiquement inclus dans l'unité de négociation unique, mais allaient plutôt grossir ses rangs en fonction de leur degré d'intégration aux activités de l'entreprise. Le Conseil a aussi précisé qu'il appliquerait ses critères habituels pour déterminer si ces groupes d'employés devraient être inclus dans l'unité de négociation unique ou pas. [Non souligné dans l'original.]

(ii) déclaration d'employeur unique

[32]L'article 35 [mod. par L.C. 1998, ch. 26, art. 17] du Code prévoit que le Conseil peut déclarer que les entreprises associées ou connexes qui, selon lui, «sont exploitées par plusieurs employeurs en assurant en commun le contrôle ou la direction» constituent «une entreprise unique». Le Conseil a estimé que TCI et TELUS Mobilité étaient des entreprises associées ou connexes et qu'elles étaient exploitées par plusieurs employeurs qui en assuraient en commun le contrôle ou la direction. TELUS ne conteste pas cette conclusion.

[33]Le Conseil s'est alors demandé si le fait d'accorder la déclaration demandée servirait un objet intéressant les relations industrielles. Se référant aux principes établis dans sa jurisprudence, il a répondu (au paragraphe 276) par l'affirmative, parce qu'une déclaration d'employeur unique préserverait la structure existante de l'unité de négociation unique et minimiserait

[. . .] les effets néfastes de réorganisations ou de créations d'entreprises sur les droits de négociation existants. Ils comprennent en outre le fait d'éviter de transférer des employés d'une entreprise à une autre, même si celles-ci sont liées par leur direction et leurs activités, lorsqu'elles n'en sont pas moins distinctes en droit.

Le Conseil a conclu que, en raison du risque d'effets préjudiciables sur les droits de négociation existants, le fait qu'une déclaration d'employeur unique puisse faciliter l'inclusion de nouveaux employés dans l'unité de négociation «qui n'ont pas eu la possibilité d'opter pour ce régime» (au paragraphe 280) ne fait pas de la déclaration «simplement une tentative pour faire renforcer les droits de négociation»: (au paragraphe 281). La déclaration demandée avait donc un objectif valide lié aux relations du travail.

(iii) révision de la structure de l'unité de négociation

[34]Le Conseil écrivait (au paragraphe 292) que le point de savoir s'il était opportun d'avoir une unité de négociation autonome pour les employés du sans fil était «intimement lié» à la déclaration selon laquelle l'employeur des travailleurs affectés à la téléphonie sans fil et l'employeur des travailleurs affectés à la téléphonie fixe (c'est-à-dire TELUS Mobilité et TCI respectivement) constituaient un employeur unique.

[35]Le Conseil a effectué une révision selon l'article 18.1 pour juger de l'à-propos de l'unité de négociation unique existante, en particulier compte tenu de l'ajout des nouveaux employés au segment «sans fil» des activités de TELUS. Le Conseil a conclu (au paragraphe 304), qu'il serait prématuré de reconfigurer l'unité de négociation avant que les arrangements approuvés et établis dans la décision de 2001 aient eu le temps de fonctionner.

[36]Même si les détails de l'expansion de TELUS grâce à l'acquisition de Clearnet et de QuébecTel n'étaient pas devant le Conseil lorsqu'il a rendu la décision de 2001, le Conseil savait dès le début de l'audience que l'évolution notable de la croissance de TELUS conférait, aux yeux des parties, une grande importance à la question des limites géographiques. Partant, le Conseil pressentait que, à mesure que les activités de TELUS progressaient vers l'Est, l'unité de négociation unique engloberait de nouveaux employés.

[37]Cependant, dans la décision de 2004, le Conseil a aussi pris en compte le fait que la décision de 2001 ne prévoyait pas l'inclusion automatique, dans l'unité de négociation, des employés de sociétés acquises par TELUS. Après examen des descriptions de postes et des possibilités de mutation des nouveaux employés, le Conseil a conclu dans sa décision de 2004 qu'ils effectuaient le même travail que les employés du sans fil déjà englobés dans l'accréditation initiale.

[38]Le Conseil a rejeté l'argument selon lequel un vote devrait avoir lieu afin de savoir quelle était la volonté des anciens employés de Clearnet et de QuébecTel, de telle sorte qu'ils ne soient pas englobés dans l'unité de négociation sans le soutien d'une majorité des nouveaux employés. Se fondant sur sa jurisprudence existante, le Conseil a estimé qu'une modification de l'accréditation en vue d'inclure les nouveaux employés dans l'unité de négociation ne constituait pas un changement radical de l'unité envisagée par l'accréditation initiale, et cela en raison par exemple de la similitude des tâches exécutées et de l'absence d'une quelconque limite géographique de l'unité de négociation.

[39]De plus, le Conseil expliquait (au paragraphe 339) pourquoi il n'était pas nécessaire d'organiser un vote des membres de l'unité élargie:

Dans les cas de révision d'unités de négociation, si les employés à ajouter à une unité sont très peu nombreux et que l'appui des membres de l'unité pour l'agent négociateur est clair, il n'est pas nécessaire d'ordonner un scrutin. Si les employés qui doivent être ajoutés dans l'unité en constituent une si forte proportion qu'on peut douter que la majorité des membres--eux compris--de l'unité de négociation appuient l'agent négociateur, on peut en ordonner un (voir décision no 94).

Les anciens employés de Clearnet et de QuébecTel constitueraient une minorité relativement faible s'ils étaient ajoutés à l'unité de négociation existante du STT.

(iv) aptitude du STT à représenter les nouveaux employés

[40]Le Conseil a étudié l'argument selon lequel les nouveaux employés ne devraient pas être inclus dans l'unité de négociation parce que, en tant que syndicat anglophone basé dans l'Ouest, le STT n'était apte à représenter ni les anciens employés de Clearnet, dont la plupart se trouvaient en Ontario, ni les anciens employés francophones de QuébecTel, au Québec.

[41]Là encore, se fondant sur sa jurisprudence, le Conseil écrivait dans sa décision de 2004 que, une fois qu'un agent de négociation répond à la définition législative de «syndicat» (comme le faisait le STT, ainsi que l'ont admis les parties) et qu'il a été choisi par une majorité des employés pour les représenter, son «aptitude» n'intéressait ni les demandes de déclarations d'employeur unique ni les révisions de structure d'unités de négociation: (au paragraphe 321). L'insatisfaction des employés à l'égard d'un syndicat peut être corrigée par la décision de la majorité des membres de demander la révocation de l'accréditation et le remplacement de l'agent négociateur par un autre (au paragraphe 328).

(v) alinéa 2d) de la Charte

[42]Le Conseil a rejeté l'argument selon lequel il y aurait violation du droit des nouveaux employés à la liberté d'association qui est garanti par l'alinéa 2d) de la Charte si, exerçant le pouvoir que lui confère l'article 18.1 de revoir la structure de l'unité de négociation, le Conseil incluait les nouveaux employés dans l'unité de négociation unique existante sans tenir compte de leur volonté.

[43]Le Conseil a relevé que, par une majorité de cinq contre quatre, la Cour suprême du Canada avait jugé, dans l'arrêt R. c. Advance Cutting & Coring Ltd., [2001] 3 R.C.S. 209, que la Charte n'invalidait pas les lois provinciales en cause dans cette affaire, lois qui obligeaient les employés à adhérer à l'un de cinq groupes syndicaux désignés. Le Conseil n'était pas prié de dire, à titre subsidiaire, si l'inclusion des nouveaux employés dans l'unité de négociation unique transgresserait leur droit à la liberté d'expression selon l'alinéa 2b). Ce point a été soulevé dans la demande de contrôle judiciaire, mais je refuserais de le décider en l'absence d'un dossier établi par le Conseil (en particulier sur l'article premier) et sans avoir l'avantage de motifs exposés par le Conseil.

D. LE CADRE LÉGISLATIF

Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.1(4) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27)]

18.1 [. . .]

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

Code canadien du travail

Attendu:

[. . .]

que les travailleurs, syndicats et employeurs du Canada reconnaissent et soutiennent que la liberté syndicale et la pratique des libres négociations collectives sont les fondements de relations du travail fructueuses permettant d'établir de bonnes conditions de travail et de saines relations entre travailleurs et employeurs;

que le gouvernement du Canada a ratifié la Convention no 87 de l'Organisation internationale du travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical et qu'il s'est engagé à cet égard à présenter des rapports à cette organisation;

[. . .]

8. (1) L'employé est libre d'adhérer au syndicat de son choix et de participer à ses activités licites.

(2) L'employeur est libre d'adhérer à l'organisation patronale de son choix et de participer à ses activités licites.

[. . . ]

18.1 (1) Sur demande de l'employeur ou d'un agent négociateur, le Conseil peut réviser la structure des unités de négociation s'il est convaincu que les unités ne sont plus habiles à négocier collectivement.

[. . .]

35. (1) Sur demande d'un syndicat ou d'un employeur concernés, le Conseil peut, par ordonnance, déclarer que, pour l'application de la présente partie, les entreprises fédérales associées ou connexes qui, selon lui, sont exploitées par plusieurs employeurs en assurant en commun le contrôle ou la direction constituent une entreprise unique et que ces employeurs constituent eux-mêmes un employeur unique. Il est tenu, avant de rendre l'ordonnance, de donner aux employeurs et aux syndicats concernés la possibilité de présenter des arguments.

(2) Lorsqu'il rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1), le Conseil peut décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement.

Charte canadienne des droits et libertés

2. Chacun à les libertés fondamentales suivantes:

[. . .]

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

[. . .]

d) liberté d'association.

E. POINTS LITIGIEUX ET ANALYSE

Point no 1: Norme de contrôle

[44]Il est entendu entre les parties que, en raison de la solide clause privative qui figure dans l'article 22 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 56; 1998, ch. 26, art. 9; 2002, ch. 8, art. 182(1)e)] du Code, la décision de 2004 ne peut être réformée selon l'alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales, et ne peut être annulée que si elle outrepassait la compétence du Conseil.

[45]La première étape à franchir pour savoir si le Conseil a outrepassé sa compétence est de préciser la norme de contrôle que le législateur voulait implicitement que les cours de justice appliquent à la décision contestée. L'intention du législateur est établie à l'aide d'une analyse pragmatique et fonctionnelle dont l'objet est de définir la répartition optimale des responsabilités respectives de l'organisme administratif et de la juridiction de contrôle en ce qui concerne la solution du point litigieux qui sépare les parties.

[46]Les conseils de relations industrielles au Canada comptent parmi les plus élevés de nos tribunaux administratifs et ils sont vus comme dépositaires d'un large mandat et d'une spécialisation correspondante en ce qui a trait à la réglementation des relations de travail. Les solides clauses privatives que l'on trouve en général dans leurs lois habilitantes sont un autre signe de la volonté du législateur de voir les cours de justice, dans les procédures de contrôle judiciaire, acquiescer en général aux décisions des conseils de relations industrielles. Ces observations valent tout à fait pour le Conseil canadien des relations industrielles.

[47]Il est inutile de mener une analyse pragmatique et fonctionnelle complète chaque fois que la décision d'un conseil de relations industrielles est l'objet d'une procédure de contrôle judiciaire: il existe un large consensus sur le statut des offices de ce genre, sur le champ de leur mandat et de leur spécialisation et sur les objets généraux du Code. De plus, de solides clauses privatives sont généralement insérées dans leurs lois habilitantes. Le travail d'enquête peut donc se concentrer sur la nature de la question en litige et sur le point de savoir si cette question entre dans le champ de la spécialisation du Conseil. Ici également, la jurisprudence dispense les juridictions de contrôle de chercher constamment à réinventer la roue: les décisions des conseils de relations industrielles qui se fondent sur une interprétation de leurs lois constitutives et des lois qui s'y rattachent étroitement ne sont en principe réformables que selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, quand bien même la disposition législative en cause renfermerait également une signification juridique plus générale: Ivanhoe Inc. c. TUAC, section locale 500, [2001] 2 R.C.S. 565.

[48]Les demanderesses affirment que le Conseil a commis une erreur lorsqu'il a décidé quatre points de droit distincts. Deux d'entre eux intéressent l'interprétation, par le Conseil, des articles 18.1 et 35 du Code canadien du travail et ne sont donc présumés réformables que selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[49]La première question d'interprétation législative, et la plus importante, est celle de savoir si, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire selon les articles 18.1 et 35, c'est-à-dire le pouvoir de réexaminer l'à-propos d'unités de négociation et le pouvoir de rendre une ordonnance portant déclaration d'employeur unique, le Conseil était implicitement tenu par le Code de vérifier et de prendre en compte la volonté des anciens employés de Clearnet et de QuébecTel avant de les inclure dans l'unité de négociation unique. La deuxième question est celle de savoir si, dans la révision de la structure des unités de négociation, le Conseil devait considérer l'aptitude du STT à représenter les nouveaux employés.

[50]Je ne vois aucune raison de refuser aux conclusions du Conseil relatives à ces questions la retenue judiciaire maximale dont bénéficie généralement la position adoptée par une instance de cette nature dans l'interprétation de sa loi habilitante. À ce sujet, il convient de noter aussi que le Conseil a élaboré sur ces questions une jurisprudence qui rend compte de la somme de ses expériences acquises au fil des ans dans la mise en place de solutions établissant un équilibre entre divers objectifs: des relations industrielles harmonieuses et stables, la protection des droits de négociation existants et la volonté des employés. Naturellement, si les demanderesses établissent que, à la lumière des objectifs du Code, la décision de 2004 du Conseil va manifestement à l'encontre de la raison, alors la Cour sera tenue d'intervenir, et cela malgré la jurisprudence contraire du Conseil.

[51]Finalement, je relèverais, dans le contexte de l'analyse pragmatique et fonctionnelle, que les objets qui sous-tendent les articles 18.1 et 35, de même que les objets généraux du Code, militent eux aussi en faveur d'un devoir d'acquiescement de la part des cours de justice. Les objets généraux du Code ont été succinctement exposés par la juge Arbour dans l'arrêt Ivanhoe (au paragraphe 26):

[. . .] «promouvoir la négociation collective comme moyen de mieux garantir la paix industrielle et d'établir des relations équitables entre employeur et salariés» [. . .]. Le législateur a jugé que l'existence d'un tribunal spécialisé permettant un règlement rapide et final des différends était nécessaire pour atteindre cet objectif.

[52]Les objets de l'article 18.1 consistent à revoir la structure des unités de négociation pour garantir qu'elles demeurent efficaces aux fins de la négociation collective, tandis que les objets de l'article 35 consistent à traiter deux entités comme une seule lorsque cela est nécessaire pour la protection de droits existants de négociation, et à s'assurer de la rationalisation des unités de négociation dans l'intérêt de bonnes relations industrielles. Les objets particuliers de ces dispositions servent donc à promouvoir les objets généraux du Code, et ils requièrent une mise en équilibre des intérêts et une sensibilité aux relations industrielles, deux choses qui intéressent éminemment la spécialisation du Conseil.

[53]L'avocat des demanderesses a semblé inciter la Cour à s'écarter du droit chemin qu'est l'analyse pragmatique et fonctionnelle devant s'appliquer à la définition de la norme de contrôle, quand il a qualifié d'erreur de compétence le fait que le Conseil n'a pas tenu compte de facteurs pertinents, à savoir la volonté des nouveaux employés et l'aptitude du STT à les représenter. À mon avis cependant, lorsque, comme c'est le cas ici, le point en litige est la manière dont un organisme administratif interprète sa loi habilitante, cet ancien mode d'analyse a pour effet d'obscurcir plutôt que d'éclairer la nature véritable du problème à résoudre. C'est la raison pour laquelle il a été éclipsé par l'analyse pragmatique et fonctionnelle.

[54]Ainsi, dans l'arrêt Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 22, la juge en chef McLachlin, rédigeant l'arrêt de la Cour, écrivait que, pour savoir quelle norme de contrôle il convient d'appliquer, il ne suffit pas à la juridiction de contrôle

[. . .] d'identifier simplement une erreur catégorisée ou désignée telle que la mauvaise foi, l'erreur sur des conditions accessoires ou préalables, le motif inavoué ou illégitime, l'absence de preuve ou la prise en compte d'un facteur sans pertinence. [Non souligné dans l'original.]

Il n'est pas nécessaire de faire preuve d'une grande originalité juridique pour supposer que la juge en chef engloberait dans ce catalogue non limitatif d'erreurs «catégorisées» l'affirmation selon laquelle un tribunal administratif a outrepassé sa compétence parce qu'il a ignoré un facteur pertinent.

[55]Troisièmement, outre ces questions d'inter-prétation des textes législatifs, les demanderesses font valoir aussi que la décision de 2004 excède la compétence du Conseil parce qu'elle s'appuie à l'excès sur la décision de 2001 et qu'elle ne s'accorde pas avec la jurisprudence du Conseil. Elles admettent que, pour réussir sur ce moyen, elles doivent établir que la manière dont le Conseil interprète la décision de 2001 ainsi que d'autres décisions de même nature qu'il a rendues était manifestement déraisonnable.

[56]Quatrièmement, les demanderesses disent que la décision de 2004 du Conseil dénie aux nouveaux employés la liberté d'association qui leur est garantie par la Charte. Il est entendu que c'est là une question de droit constitutionnel, pour laquelle la norme de contrôle à appliquer est celle de la décision correcte. Si le Conseil s'est fourvoyé en disant que les droits fondamentaux des nouveaux employés n'ont pas été déniés, alors sa décision de 2004 constitue un excès de pouvoir.

Point no 2:     Le Conseil aurait-il dû s'assurer de la volonté des nouveaux employés?

(a) l'argument général

[57]Le point principal avancé au nom de TELUS était que le Conseil était tenu de s'assurer de la volonté des anciens employés de Clearnet et de QuébecTel et de prendre cette volonté en considération avant de rendre la décision de 2004. Je ne crois pas que l'avocat de TELUS ait voulu dire que la volonté des nouveaux employés devait nécessairement disposer de la question. Cependant, a-t-il dit, si le Conseil ajoutait les nouveaux employés à l'unité de négociation après avoir constaté que ce n'était pas la volonté de la majorité d'entre eux, il lui faudrait expliquer clairement dans ses motifs qu'il avait accordé un juste poids à la volonté des nouveaux employés, puis expliquer pourquoi leur choix de ne pas être inclus dans l'unité de négociation le cédait en importance à des facteurs compensateurs tels que la nécessité de protéger les droits de négociation existants et de garantir des relations industrielles stables et harmonieuses.

[58]Par ailleurs, d'affirmer l'avocat des demanderesses, puisque le Code attache une grande importance au droit des employés à la liberté d'association, le Conseil était juridiquement tenu d'accorder un poids considérable à la volonté des nouveaux employés avant de décider les points qui lui étaient soumis. Il a fait observer que les nouveaux employés n'étaient pas ici dans la même position que les employés qui se joignent à TELUS par suite d'une expansion des activités de l'entreprise.

[59]La raison de cela, c'est que, quand les anciens employés de Clearnet avaient commencé de travailler pour Clearnet, ils l'avaient fait en sachant qu'il n'y avait pas de syndicat et qu'ils ne deviendraient membres d'une unité de négociation que si une majorité d'entre eux le souhaitaient. En revanche, quand des employés sont embauchés par TELUS pour occuper de nouveaux postes résultant d'une expansion des activités, ils savent qu'ils seront membres d'une unité de négociation existante.

[60]J'ajouterais seulement que les fusions et acquisitions d'entreprises ne sont pas des phénomènes inconnus dans le monde des affaires; un changement unilatéral d'employeur peut avoir pour les employés de nombreuses conséquences fâcheuses, notamment pertes d'emplois, restructuration des effectifs et relocalisation. En l'espèce, les anciens employés des sociétés acquises par TELUS sont eux aussi exposés à un possible changement unilatéral, qu'il s'agisse du passage d'un régime de contrats individuels de travail à un régime de négociation collective, ou du retrait de la représentation des employés par une unité de négociation, en faveur de leur représentation par une autre. Ces conséquences de la prise de contrôle opérée par TELUS ne sont pas négligeables pour les employés concernés, mais il faut également les voir dans leur contexte.

[61]Quant à l'argument selon lequel le Code attache une grande importance à la liberté de choix des employés en ce qui concerne leur représentation, j'admets que le Code protège autant le choix d'employés de ne pas être représentés par un syndicat que le choix d'employés d'appartenir à un syndicat. Cependant, il est clair aussi que la volonté d'un employé donné peut être annulée par la volonté contraire de la majorité des autres employés.

[62]D'ailleurs, lorsqu'il rend ses décisions, le Conseil est également tenu de prendre en compte les divers objectifs énumérés dans le préambule du Code, notamment l'établissement de bonnes relations de travail et le recours à des pratiques constructives de négociation collective. La décision qui en résulte devrait être le produit d'une mise en équilibre de ces intérêts, valeurs et objectifs, compte tenu du contexte.

[63]Sans doute conscient de ces considérations, l'avocat des demanderesses n'a pas prétendu que les nouveaux employés de TELUS avaient le même droit de faire respecter leurs volontés que si le STT était en quête d'une première accréditation. Assimiler la présente affaire à une première accréditation, ce serait ignorer l'effet potentiellement préjudiciable sur les droits de négociation existants, et ouvrir la porte à de difficiles relations de travail, si les nouveaux employés étaient exclus de l'unité de négociation parce qu'une majorité d'entre eux ne souhaitaient pas être représentés par le STT.

[64]L'attaque menée par l'avocat des demanderesses contre la décision de 2004 semble donc être dirigée davantage vers le processus décisionnel du Conseil que vers le résultat de fond. Plus exactement, l'erreur fatale du Conseil selon lui, c'est qu'il n'a pas recueilli, et par conséquent n'a pu apprécier à leur juste valeur, toutes les données utiles dont il avait besoin pour exercer licitement son pouvoir discrétionnaire. C'est pourquoi l'avocat des demanderesses ne s'est pas évertué à soutenir l'argument accessoire selon lequel le Conseil ne pouvait pas licitement inclure contre leur volonté les nouveaux employés dans l'unité de négociation unique.

[65]À mon avis, il ressort clairement des motifs du Conseil que, pour le Conseil, la volonté des nouveaux employés avait rapport avec la déclaration d'employeur unique et avec sa révision de la structure de l'unité de négociation, mais uniquement dans la mesure où l'inclusion des nouveaux employés dans l'unité de négociation unique pouvait jeter le doute sur le soutien manifesté pour le STT par la majorité des membres de l'unité élargie. Dans toute organisation où l'emporte la volonté de la majorité, celle de la minorité est en quelque sorte ignorée. Autrement dit, le Conseil a tenu compte de la volonté des nouveaux employés, mais uniquement en tant que partie intégrante de l'ensemble des employés formant l'unité de négociation élargie.

(b) La jurisprudence du Conseil

[66]Passant du général au particulier, l'avocat des demanderesses a fait valoir que, parce qu'il n'a pas consulté les nouveaux employés, le Conseil a rendu une décision qui va à l'encontre de sa propre jurisprudence et qui est donc manifestement déraisonnable. Ainsi, d'affirmer l'avocat des demanderesses, lorsqu'il décide s'il convient ou non de délivrer un certificat d'employeur unique selon l'article 35, le Conseil doit notamment se demander si une déclaration en ce sens servirait un objet lié aux relations de travail, ce qui comprend une prise en compte de la volonté des employés.

[67]Quant à la révision de la structure des unités de négociation selon l'article 18.1, l'avocat des demanderesses a prétendu que la décision de 2001 obligeait le Conseil, dans la décision de 2004, à considérer «les critères habituels», c'est-à-dire non seulement la mesure dans laquelle les nouveaux employés étaient intégrés dans les activités de TELUS, et la ressemblance de leurs tâches avec celles des membres de l'unité de négociation existante, mais également le point de savoir si les nouveaux employés souhaitaient faire partie de l'unité de négociation.

[68]Le membre dissident du Conseil a indiqué (aux paragraphes 548 à 550) que, puisque la Charte garantissait la liberté d'association, il était sans doute opportun de revisiter la jurisprudence du Conseil afin d'accorder plus de poids à la volonté de chaque employé. Quelle que puisse être la valeur de cette proposition, c'est au Conseil, non à la Cour, qu'il appartient de modifier ou d'infirmer la jurisprudence du Conseil, pour autant naturellement qu'il n'en résulte pas des décisions qui sont manifestement déraisonnables.

(i) article 35: «un objet lié aux relations de travail»

[69]Dans la décision de 2004, le Conseil prend note de l'argument des demanderesses selon lequel une déclaration d'employeur unique renforcerait les droits de négociation du STT sans que le syndicat soit tenu d'organiser les nouveaux employés et d'obtenir leur appui. Ainsi, disaient-elles, l'effet de la déclaration dépassait la simple protection de droits existants. Le Conseil faisait aussi observer (au paragraphe 280) que, selon les demanderesses, une déclaration d'employeur unique «pourrait avoir comme résultat l'imposition d'un régime de négociation collective à des employés qui n'ont pas eu la possibilité d'opter pour ce régime».

[70]Le Conseil a rejeté ces arguments, pour deux raisons. D'abord, l'inclusion des nouveaux employés ne renforcerait pas les droits de négociation du STT: dans sa décision de 2001, le Conseil avait approuvé l'admission des parties selon laquelle il devrait y avoir une unité de négociation unique pour les employés de la téléphonie fixe et ceux de la téléphonie sans fil, il avait décidé que l'unité ne devrait pas être restreinte géographiquement, et il avait aménagé l'inclusion d'employés additionnels.

[71]Deuxièmement, il était établi qu'il y avait des échanges et une collaboration entre les employés de la téléphonie fixe et ceux de la téléphonie sans fil, et que certaines tâches de la téléphonie sans fil se déplaçaient d'ouest en est. Le Conseil a relevé que les objets que vise une déclaration au sens de l'article 35 sont aujourd'hui considérés comme assez larges pour englober non seulement la protection de droits de négociation existants contre une menace démontrable d'érosion, mais également l'évitement de conflits entre groupes d'employés: voir la décision Certen Inc. (Re), [2003] CCRI no 223; Air Canada (Re), [2000] CCRI no 78.

[72]Les demanderesses n'ont signalé aucun précédent permettant d'affirmer que les désirs des employés devaient être pris en compte par le Conseil lorsqu'il s'est demandé si une déclaration d'employeur unique était justifiée par un objet valide lié aux relations de travail. Je ne vois rien de manifestement déraisonnable dans le raisonnement du Conseil, d'autant que l'effet de la déclaration sur les nouveaux employés est simplement d'ouvrir la porte à leur éventuelle inclusion dans l'unité de négociation. La révision, par le Conseil, de la structure de l'unité de négociation, en application de l'article 18.1, revêt plus d'importance.

(ii) l'article 18.1 et la révision de la structure de l'unité de négociation

[73]En bref, l'argument principal des demanderesses est que l'inclusion des nouveaux employés dans l'unité de négociation modifie la nature de l'unité telle qu'elle est décrite dans le certificat de négociation. Dans ces conditions, la jurisprudence du Conseil oblige le Conseil à tenir compte de la volonté des nouveaux employés avant de décider si une reconfiguration de l'unité de négociation s'impose. Les demanderesses disent aussi que la volonté des nouveaux employés compte parmi les «critères habituels» que la décision de 2001 obligeait un futur comité du Conseil à prendre en compte au moment de décider si les nouveaux employés devraient être inclus dans l'unité de négociation unique.

[74]La jurisprudence du Conseil sur ce point est abondante. Le principal précédent est généralement considéré comme la décision Téléglobe Canada (1979), 32 di 270 (C.C.R.T.), une affaire qui portait sur la révision de la structure d'une unité de négociation. Dans cette affaire, le Conseil avait dit que la non-inclusion d'un grand nombre d'employés additionnels dans une unité de négociation existante pouvait miner les droits de négociation en permettant à l'employeur de «pêcher en eaux troubles» et de favoriser les employés «non accrédités», et finalement en réduisant l'efficacité d'une menace de grève de la part du syndicat. Quant à la volonté des employés, le Conseil écrivait dans la décision Téléglobe (à la page 332):

[. . .] ce Conseil tiendra compte du caractère majoritaire strictement global du syndicat requérant lors d'une requête en révision n'affectant pas la nature d'une unité de négociation existante alors qu'il exigera la preuve du caractère représentatif parmi les ajoutés lorsqu'il s'agira d'une requête en révision changeant radicalement l'unité de négociation.

[75]Il s'agit donc de savoir si l'inclusion de nouveaux employés de TELUS «affecterait la nature d'une unité de négociation existante» ou «la changerait radicalement». Le fait que l'inclusion des anciens employés de Clearnet et de QuébecTel dans l'unité de négociation n'était pas automatique signifie qu'il faudra modifier l'accréditation. Cependant, cette modification n'obligera pas le Conseil à tenir compte des vues des nouveaux employés si l'ajout des nouveaux employés à l'unité de négociation ne modifie pas «son caractère fondamental et la portée intentionnelle» (décision Téléglobe, à la page 332).

[76]À mon avis, il n'était pas manifestement déraisonnable pour le Conseil de conclure, compte tenu de sa jurisprudence et des faits qu'il avait devant lui, que l'inclusion des nouveaux employés n'entraînerait pas une telle modification. Les précédents auxquels nous avons été renvoyés, et qui se rapportaient à des cas où le Conseil avait pris en compte la volonté de nouveaux employés, concernaient une modification des descriptions d'emploi comprises dans le certificat de négociation. Par conséquent, la décision Téléglobe ne vient pas en aide aux demanderesses.

[77]Les demanderesses ont considérablement fait fond sur la décision British Columbia Telephone Company (1978), 28 di 909 (C.C.R.T.), un cas de révision de la structure d'une unité de négociation, antérieur à la décision Téléglobe. Dans cette affaire, le syndicat voulait élargir la portée de l'unité de négociation en réintégrant certains employés qui avaient été exclus à la suite d'une entente conclue entre le syndicat et l'employeur. Le certificat s'était à l'origine appliqué à «tous les employés» de l'entreprise, mais les parties s'étaient ensuite entendues pour limiter la portée de la convention collective aux classifications professionnelles énumérées. S'appuyant sur l'ordonnance d'accréditation, le syndicat avait demandé au Conseil de déclarer qu'une convention collective s'appliquait aux employés qui avaient été exclus du champ de l'unité de négociation initiale par l'accord ultérieur des parties.

[78]Le Conseil avait refusé, affirmant (aux pages 917 et 918) que l'inclusion, sans égard à leur volonté, d'employés antérieurement exclus était susceptible de provoquer des tensions dans les relations de travail, et des conflits entre les employés ajoutés et les autres membres de l'unité de négociation, ainsi qu'une baisse de la perception du public à propos de l'équité du système de négociation collective. De plus, avait déclaré le Conseil (à la page 919), faire droit à la demande du syndicat,

[. . .] ne tiendrait pas compte des intérêts d'employés qui sont arrivés à accepter et à s'attendre à ce que leurs conditions d'emploi soient réglées autrement que par la représentation du syndicat requérant.

[79]À mon avis, l'espèce British Columbia Telephone peut raisonnablement être distinguée, en raison de ses propres faits. D'abord, les employés que le syndicat voulait ajouter se trouvaient dans des classifications que l'accord des parties avait exclues du certificat englobant «tous les employés». En revanche, les descriptions d'emploi des anciens employés de Clearnet et de QuébecTel sont semblables à celles des employés affectés à la téléphonie sans fil qui sont déjà dans l'unité de négociation unique.

[80]Deuxièmement, il est douteux que l'on puisse dire de la décision de 2001 qu'elle excluait du certificat de négociation les anciens employés des sociétés acquises par TELUS. À mon avis, il est à tout le moins aussi vraisemblable de dire que, puisque le certificat n'était pas limité géographiquement, les nouveaux employés n'étaient ni exclus ni inclus. Je déduis de la décision de 2001 que leur inclusion dans l'unité de négociation et dans le certificat était envisagée, si les «critères habituels» étaient remplis. En revanche, l'accord conclu par les parties, dans l'affaire British Columbia Telephone, accord selon lequel la convention collective ne s'appliquait qu'à certaines descriptions d'emploi, semble avoir eu pour objet d'exclure les autres employés visés par les termes du certificat.

[81]Les demanderesses ont également invoqué la décision AirBC Limited (1990), 81 di 1 (C.C.R.T.), un précédent qui selon elles permet d'affirmer que le Conseil aurait dû tenir compte de la volonté des nouveaux employés lorsqu'il a exercé en application de l'article 18.1 son pouvoir de réviser la structure de l'unité de négociation. Cette affaire concernait des demandes de représentation distincte faites au nom de certains groupes d'employés compris dans l'effectif de la compagnie aérienne. Ces demandes allaient entraîner, si elles étaient admises, la fragmentation de l'effectif, mais le Conseil avait consenti à la création d'unités de négociation distinctes pour les pilotes, les agents de bord et les agents techniques d'exploitation. Le cas est intéressant parce que les voeux de ces employés avaient été pris en compte par le Conseil lorsqu'il s'était demandé s'il convenait d'accéder aux demandes des syndicats, qui voulaient être les seuls agents de négociation pour ces groupes d'employés.

[82]Cependant, à mon avis, la décision AirBC ne permet pas d'affirmer que la décision de 2004 est manifestement déraisonnable. L'affaire AirBC se présentait dans un contexte de relations industrielles qui était très différent: il s'agissait d'une incursion de syndicats désireux de représenter, dans des unités de négociation distinctes, certains groupes d'employés qui avaient appartenu durant un certain temps à une unité plus grande dont les membres accomplissaient une diversité de tâches différentes. Contrairement à la présente affaire TELUS, il n'existait aucune réelle possibilité de transferts d'emplois entre d'une part les membres des trois groupes d'employés et d'autre part les employés qui demeuraient dans l'unité de négociation initiale.

[83]Vu ces différences, on ne saurait dire que la décision de 2004 est manifestement déraisonnable dans l'application qu'elle fait de la jurisprudence plus pertinente du Conseil relative aux accroissements d'une unité de négociation. Cependant, l'affaire AirBC pourrait bien intéresser la réponse du Conseil à une demande selon les articles 18 ou 18.1 si, quand les arrangements actuels auront été en vigueur depuis quelque temps, une majorité des employés de TELUS affectés à la téléphonie sans fil estiment qu'il n'est pas dans leur intérêt de rester dans l'unité de négociation du STT parce que la grande majorité des membres sont affectés à la téléphonie fixe chez TELUS.

[84]Pour ces motifs, je ne suis pas persuadé que la décision de 2004 ait mal interprété la jurisprudence du Conseil au point qu'il ait été manifestement déraisonnable pour le Conseil d'exercer le pouvoir que lui confère l'article 18.1 sans d'abord s'assurer de la volonté des nouveaux employés. L'inclusion des nouveaux employés ne comportait pas une modification radicale de l'unité de négociation géographiquement non restreinte, ni de l'accréditation.

Point no 3:     La décision de 2004 est-elle le résultat d'un excès de pouvoir du Conseil parce qu'elle était fondée sur une interprétation manifestement déraisonnable de sa décision de 2001?

[85]On se rappellera que, par sa décision de 2001, le Conseil avait conclu que, malgré l'absence de limites géographiques à l'unité de négociation unique, les employés des entreprises acquises par TELUS n'étaient pas automatiquement membres de l'unité de négociation, contrairement aux employés embauchés par TELUS au fur et à mesure de l'expansion de ses activités. Ainsi que le Conseil le disait dans la décision de 2001 (au paragraphe 30), le point de savoir si les employés «acquis» devenaient membres de l'unité dépendrait de leur «intégration aux activités de l'entreprise», et de l'application par le Conseil des «critères habituels (p. ex. la communauté d'intérêts) pour déterminer si les groupes d'employés en cause devraient être compris dans la nouvelle unité de négociation unique».

[86]En l'absence de renseignements détaillés sur les acquisitions récentes ou prévues de TELUS (y compris sans doute la prise de contrôle de Clearnet), le Conseil n'était pas en état, quand il a rendu sa décision de 2001, de juger du statut de groupes particuliers d'employés «acquis». Le Conseil a donc conclu ainsi:

Tant que le Conseil ne rendra pas une ordonnance contraire, ces acquisitions ne seront pas comprises d'office dans la description de l'unité de négociation unique adoptée et approuvée par le Conseil.

[87]Les demanderesses disent que, dans la décision de 2004, le Conseil a commis trois erreurs à propos de la décision de 2001. D'abord, le Conseil a commis une erreur sujette à révision lorsqu'il a considéré que la décision de 2001 disposait des points qu'il devait trancher dans la décision de 2004. La plainte n'est pas fondée dans la mesure où elle prétend que la décision de 2004 a simplement oublié le fait que la décision de 2001 faisait une distinction entre d'une part les employés embauchés par suite de l'expansion des opérations existantes de TELUS et d'autre part les employés des sociétés acquises. Comme je l'ai indiqué plus haut dans les présents motifs (au paragraphe 19), le Conseil était très au fait de cette distinction lorsqu'il a rendu sa décision de 2004: voir par exemple les paragraphes 186 à 188 et 313 des motifs de la décision de 2004.

[88]Il est vrai que la décision de 2001 ne prétendait pas dire si les anciens employés de Clearnet et de QuébecTel devraient être compris dans l'unité de négociation unique. Cependant, on ne saurait dire à mon avis que, lorsqu'il a rendu la décision de 2004, le Conseil a interprété déraisonnablement la décision de 2001 en la considérant comme une décision qui établissait les critères à appliquer dans l'avenir pour savoir si des groupes donnés d'employés «acquis» devraient devenir membres de l'unité de négociation.

[89]Deuxièmement, les demanderesses disent que la décision de 2004 est erronée parce que le Conseil faisait reposer sur les épaules de ceux qui s'opposaient à l'inclusion des nouveaux employés la charge de démontrer pourquoi ils devraient être exclus de l'unité de négociation unique. Je ne partage pas cet avis.

[90]Après lecture de l'ensemble des motifs, je ne suis pas convaincu que c'est là ce qu'a fait le Conseil. À mon avis, la décision de 2004 ne dépendait pas de la charge de la preuve: les faits principaux et les déductions factuelles n'étaient pas contestés. Il est vrai cependant que le Conseil a abordé la question de l'inclusion des nouveaux employés d'après la toile de fond de la décision de 2001, dans laquelle le Conseil avait approuvé pour TELUS une structure de relations industrielles formée d'une unité de négociation unique, non limitée géographiquement et comprenant à la fois les employés de la téléphonie fixe et ceux de la téléphonie sans fil.

[91]Ainsi, dans sa décision de 2004 (aux paragraphes 304 et 305), le Conseil n'était pas prêt à revisiter la conclusion de la décision de 2001 selon laquelle il y avait communauté d'intérêts entre les employés de TELUS affectés à la téléphonie fixe et ses employés affectés à la téléphonie sans fil. S'agissant des nouveaux employés, la communauté d'intérêts avec les employés existants travaillant dans la téléphonie sans fil a été établie d'après notamment la similitude des descriptions d'emploi et la transférabilité des tâches. De plus, le Conseil a accepté la base servant à définir les critères de l'inclusion des nouveaux employés, critères qu'il avait établis dans sa décision de 2001. Sous ni l'un ni l'autre de ces rapports, on ne saurait dire que le Conseil a commis une erreur sujette à révision.

[92]Troisièmement, les demanderesses disent que, en ne cherchant pas à savoir ce qu'était la volonté des nouveaux employés, la décision de 2004 a ignoré la directive contenue dans la décision de 2001, directive selon laquelle les «critères habituels (par exemple la communauté d'intérêts)» doivent être appliqués avant que des employés «acquis» soient ajoutés à l'unité de négociation. Dans ce contexte, de dire leur avocat, les «critères habituels» englobent la volonté des nouveaux employés.

[93]Afin de savoir ce que le Conseil voulait dire dans sa décision de 2001 par l'expression «critères habituels», l'avocat des demanderesses s'est fondé sur l'extrait suivant de la décision rendue par le Conseil dans l'affaire BCT.Telus et autres (2000), 69 C.L.R.B.R. (2d) 184, au paragraphe 17:

Le Conseil a élaboré des critères et des principes bien établis dont il tient compte lorsqu'il doit déterminer si une unité est habile à négocier collectivement ou lorsqu'il doit réviser et restructurer des unités de négociation existantes. A cet égard, il tient compte d'un certain nombre de facteurs et évalue le poids à leur accorder, notamment la communauté d'intérêts, la viabilité de l'unité, les désirs des employés, la pratique ou le modèle du secteur; les antécédents de la négociation collective avec l'employeur, la structure organisationnelle de l'employeur et la préférence générale du Conseil pour des unités de négociation plus larges pour des raisons telles que l'efficacité administrative et la commodité des négociations, la mobilité latérale des employés, la similitude des conditions d'emploi et la stabilité industrielle [. . .] [Non souligné dans l'original.]    

(i) communauté d'intérêts

[94]Les «critères habituels» que doit appliquer le Conseil lorsqu'il se demande si des employés «acquis» devraient être englobés dans l'unité de négociation unique comprennent la question de savoir s'ils partagent une «communauté d'intérêts» avec les membres existants de l'unité actuelle. Dans ce contexte, il importe de se rappeler que l'unité de négociation unique, qui a été approuvée par le Conseil suite à l'entente conclue entre TELUS et le STT avant la procédure qui a conduit à la décision de 2001, comprenait les employés de TELUS affectés à la téléphonie fixe et à la téléphonie sans fil.

[95]On ne saurait donc dire que la décision de 2004 a englobé les nouveaux employés dans une unité de négociation dont aucun des membres ne travaillait dans le segment «sans fil» des opérations de TELUS. Le fait que, même après les prises de contrôle, les employés de TELUS affectés à la téléphonie sans fil représenteraient moins d'un tiers de toute l'unité de négociation pourrait constituer en partie le fondement d'une future demande au Conseil en application de l'article 18.1. Cependant, le Conseil pouvait parfaitement dire dans la décision de 2004 qu'une reconfiguration de ce genre était prématurée.

[96]Des facteurs tels que la similitude des tâches accomplies, l'étroitesse des rapports entre les employés et la nature géographiquement illimitée de l'unité de négociation constituent de bonnes raisons pour le Conseil de dire qu'il y avait une communauté d'intérêts entre les nouveaux employés et les employés du volet sans fil déjà compris dans l'unité de négociation.

(ii) la volonté des employés

[97]Compte tenu à la fois des circonstances de la présente affaire et de la décision antérieure du Conseil dans l'affaire Téléglobe, la mention, dans la décision BCT.Telus, de la «volonté des employés» signifie que le Conseil devait tenir compte de la volonté des nouveaux employés, non en tant que membres d'un groupe distinct, mais en tant que membres du groupe d'employés tout entier. Dans la décision de 2004, le Conseil a fait précisément cela et a conclu que, parce que les nouveaux employés ne représenteraient qu'environ 20 p. 100 de l'unité de négociation élargie, leur volonté ne pouvait pas éroder le soutien de la majorité de l'unité à une représentation par le STT. Partant, il était inutile de chercher à savoir ce qu'était la volonté des nouveaux employés, que ce soit en organisant un vote de tous les membres de l'unité de négociation élargie, ou d'une autre manière.

[98]La volonté de nouveaux employés sera également sondée, et une double majorité sera requise, quand leur inclusion entraînerait un changement radical de l'unité de négociation ou de l'accréditation. Pour les raisons déjà débattues, il n'était pas manifestement déraisonnable pour le Conseil de dire, dans la décision de 2004, que les faits qu'il avait devant lui ne constituaient pas un tel changement.

[99]Les demanderesses se sont également fondées sur des précédents portant non pas sur la pertinence de la volonté des employés, mais sur des demandes de déclaration d'employeur unique qui ne faisaient état d'aucun objet réparateur justifiant une telle déclaration: voir par exemple Air Canada et autres (1989), 79 di 98 (C.C.R.T.); Autocar Royal (9011-4216 Québec Inc.) (Re), [1999] CCRI no 42. En l'espèce cependant, le Conseil a jugé qu'il y avait des fins réparatrices: une déclaration selon l'article 35 protégerait les droits de négociation existants contre une érosion probable et favoriserait des relations industrielles saines. En arrivant à cette conclusion, le Conseil s'est fondé sur la similitude des descriptions d'emploi et sur l'existence de possibilités de transfert d'employés. La conclusion de fait du Conseil n'était pas manifestement déraisonnable, eu égard à la preuve qu'il avait devant lui.

[100]En bref, je suis d'avis que le Conseil a bien pris en compte la volonté des employés en tant que l'un des «critères habituels» à considérer dans une révision entreprise en vertu de l'article 18.1. Eu égard à la jurisprudence du Conseil, il n'était pas manifestement déraisonnable pour le Conseil, dans sa décision de 2004, de dire que ce critère était rempli parce que l'inclusion des nouveaux employés n'éroderait pas l'appui donné par une majorité du groupe tout entier d'employés de l'unité de négociation unique à une représentation par le STT. Partant, la décision de 2004 n'est pas fondée sur une interprétation manifestement déraisonnable de la décision de 2001.

Point no 4:     Le Conseil a-t-il excédé le pouvoir que lui confère l'article 18.1 en ignorant, d'une manière manifeste-ment déraisonnable, l'aptitude du STT à représenter les nouveaux employés?

[101]Cette question a une apparence d'irréalité pour autant que soient concernés les anciens employés de QuébecTel. Étant parvenu à une entente avec le STT, le SCFP, le syndicat qui les avait représentés à QuébecTel, ne s'est pas joint à cette demande de contrôle judiciaire. En fait, la question est théorique.

[102]Je ne crois pas non plus qu'il soit opportun que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire de trancher la question de l'«aptitude» dans la mesure où elle concerne les anciens employés de QuébecTel. Les droits linguistiques sont d'une grande importance au Canada, y compris dans les relations de travail. À mon avis, il serait peu sage de prononcer sur une telle question, quand elle est théorique (à savoir la pertinence de l'«aptitude» d'un syndicat anglophone à représenter des employés francophones), sur la seule base d'arguments avancés au nom de l'employeur et du syndicat anglophone.

[103]Par conséquent, je limiterai mon analyse à la question de savoir si l'aptitude du STT à représenter les anciens employés de Clearnet était un facteur dont le Conseil devait tenir compte dans la décision de 2004 pour donner suite aux demandes présentées en vertu des articles 18.1 et 35.

[104]Les demanderesses ont fait valoir que les anciens employés de Clearnet ne devraient pas être englobés dans l'unité de négociation unique parce que le seul agent négociateur de l'unité ne pouvait pas adéquatement représenter leurs intérêts. Le STT est un syndicat de l'Ouest, qui n'a pas d'expérience en dehors de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, où, pour l'essentiel, il représente les employés de la téléphonie fixe, non ceux du volet sans fil. Dans la décision de 2004, le Conseil disait (au paragraphe 320) que, puisque le STT est un «syndicat» aux fins du Code, son aptitude à représenter les anciens employés de Clearnet n'était pas un facteur qu'il devait prendre en compte pour statuer sur les demandes qu'il avait devant lui.

[105]Les demanderesses n'ont fait état d'aucun précédent au soutien de leur position sur cette question particulière. Elles se sont plutôt fondées sur l'idée selon laquelle des employés «ajoutés» ne devraient pas être compris dans une unité de négociation dont l'agent négociateur n'est pas en état de représenter adéquatement leurs intérêts. Les demanderesses ont également invoqué au soutien de leur position l'affirmation générale, dans la décision AirBC (à la page 4), selon laquelle, lorsque le Conseil aborde une question qui intéresse l'à-propos d'une unité de négociation, il «doit respecter le droit des employés de se joindre librement au syndicat de leur choix».

[106]À mon avis, ces prétentions n'ont aucune valeur. L'«aptitude» de l'agent négociateur à représenter les employés «ajoutés» n'est pas mentionnée dans la jurisprudence comme l'un des «critères habituels» dont le Conseil doit tenir compte lorsqu'il exerce, en application de l'article 18.1, son pouvoir de réviser la structure d'unités de négociation.

[107]Eu égard à la jurisprudence invoquée par le Conseil dans sa décision de 2004 (aux paragraphes 323 à 325), il n'était pas manifestement déraisonnable pour lui de dire que la capacité du STT de représenter l'unité de négociation est une question que doit décider non pas le Conseil, mais la majorité des membres de l'unité élargie: sur la prééminence du choix syndical fait par la majorité, voir aussi l'arrêt Conseil canadien des relations de travail c. Transair Ltd., [1977] 1 R.C.S. 722, aux pages 744 et 745; General Aviation Services Ltd. (1979), 34 di 791 (C.C.R.T.), aux pages 797 et 798.

[108]Finalement, je dirais que, même si la majorité des membres d'une unité de négociation demeure satisfaite de son agent négociateur, le Code prévoit une mesure de protection contre la représentation manifestement inadéquate des intérêts des membres par un syndicat. L'article 37 prévoit en effet ce qui suit:

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l'égard des employés de l'unité de négociation dans l'exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective..

De plus, comme je l'ai dit précédemment, si la majorité des employés de TELUS affectés à la téléphonie sans fil (la majorité d'entre eux sont de nouveaux employés) est insatisfaite des dispositions actuelles, une demande peut être présentée au Conseil en leur nom en vertu des articles 18 ou 18.1.

Point no 5:     Alinéa 2d) de la Charte

[109]Les demanderesses disent que la décision de 2004 excède les pouvoirs du Conseil parce que l'inclusion des nouveaux employés dans l'unité de négociation sans que leur volonté soit prise en compte contrevient à la liberté d'association qui leur est garantie par l'alinéa 2d). Selon elles, l'arrêt Advance Cutting & Coring, permet d'affirmer que l'alinéa 2d) protège la volonté des employés de ne pas appartenir à un syndicat.

[110]À mon avis, on peut disposer brièvement de cet argument. Dans l'arrêt Advance Cutting & Coring, les juges majoritaires estimaient que l'alinéa 2d) comprend la liberté de non-association, mais les circonstances de ce précédent se distinguent aisément des circonstances de la présente affaire. Plus précisément, en raison de la formule Rand, les nouveaux employés ne sont pas tenus de se joindre au STT; dans l'espèce Advance Cutting & Coring, la formule Rand ne s'appliquait pas, et les employés étaient légalement tenus d'appartenir à l'un des syndicats désignés: voir paragraphe 32, le juge Bastarache.

[111]La simple inclusion dans une unité de négociation et le paiement obligatoire de cotisations ne déclenchent pas l'application de l'alinéa 2d), même si les membres de l'unité de négociation qui décident de ne pas appartenir au syndicat se privent par le fait même de toute intervention dans la manière dont il les représente: Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario, [1991] 2 R.C.S. 211. Par conséquent, je souscris à la conclusion en ce sens qui est énoncée dans la décision Metroland Printing, Publishing and Distributing Ltd., [2003] O.L.R.D. no 514 (C.R.T.O.) (QL).

F. DISPOSITIF

[112]Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

Le juge Linden, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

Le juge Sexton, J.C.A.: Je souscris aux présents motifs.

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